Contrat de transport de machine industrielle

Notez ce point juridique

Sur l’action de la société Euragglo à l’encontre de M. [Y]

La société Euragglo a confié le transport de sa presse industrielle à M. [Y] pour une exposition au salon Powtech. La marchandise a été endommagée à deux reprises, et la responsabilité de M. [Y] est contestée.

Sur les frais de remise en état

La société Euragglo réclame 27.719 euros de dommages et intérêts pour les frais de remise en état de la machine. M. [Y] conteste le montant réclamé, mais le document produit par la société Euragglo est retenu comme preuve.

Sur la demande d’indemnisation au titre des frais d’expédition en Pologne

La société Euragglo demande le remboursement de 201,60 euros pour les frais d’expédition en Pologne. M. [Y] conteste cette demande, et le préjudice ne sera pas indemnisé deux fois.

Sur la demande d’indemnisation du préjudice de perte de chance

La société Euragglo demande une indemnisation pour une perte de chance de conclure des ventes ou de louer la presse endommagée. Cependant, aucune perte de chance n’est caractérisée, et la demande est rejetée.

Sur l’action en garantie de M. [Y] à l’encontre de la société Kuehne + Nagel

La compétence des juridictions françaises est confirmée, et la loi applicable est déterminée. La prescription de l’action est discutée, mais la responsabilité de la société Kuehne + Nagel est retenue.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [Y] et la société Kuehne + Nagel supportent les dépens, et des frais irrépétibles sont alloués. La société Kuehne + Nagel est condamnée à garantir M. [Y] des condamnations prononcées à son encontre.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 11 JANVIER 2024

(n° 1 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/15228 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRFF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2020 – Tribunal de Commerce d’AUXERRE – n° J2019000005 – RG n°2018001030 + 2019000837

APPELANT

Monsieur [S] [Y]

Monsieur [Y] exerce sous la dénomination BK Transports Expos [Adresse 1] à [Localité 3]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître Bérengère VAILLAU de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AUXERRE

INTIMEES

S.A.S.U. EURAGGLO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Valenciennes sous le numéro 589 572 421

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Maître Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, avocat postulant

Assistée de Maître JARLOT Xavier de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque P240, avocat plaidant

Société KUEHNE & NAGEL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société de droit allemand

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5] – ALLEMAGNE

Représentée par Maître Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Assistée de Maître Monique STENGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B895, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5

Madame Christine Soudry, conseillère

Madame Sylvie Castermans, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Christine Soudry, conseillère, le président empêché, et par Monsieur Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Euragglo est spécialisée dans le secteur d’activités de l’ingénierie et des études techniques.

M. [S] [Y], exerçant sous l’enseigne Bk-Transports-Expos, a pour activité principale l’affrètement et l’organisation des transports.

Le 11 septembre 2017, M. [Y] a adressé à la société Euragglo une offre de service concernant le transport d’une presse industrielle destinée à être exposée au salon Powtech à [Localité 5] (Allemagne) se tenant du 26 au 28 septembre 2017.

Le même jour, la société Euragglo a accepté l’offre forfaitaire de M. [Y] d’un montant de 1.480 euros.

La société Kuehne + Nagel est intervenue en qualité de sous-traitant de M. [Y] pour la réalisation de certaines prestations.

Se plaignant de dommages subis par la machine à l’occasion des prestations confiées à M. [Y], la société Euragglo l’a, par acte du 14 août 2018, assigné devant le tribunal de commerce d’Auxerre aux fins de le voir condamner à réparer les préjudices subis.

Par acte du 11 mai 2019, M. [Y] a assigné en intervention forcée la société Kuehne + Nagel aux fins de la voir condamner, en sa qualité de sous-traitant, à le garantir de toutes condamnations principales, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par jugement du 14 septembre 2020, le tribunal de commerce d’Auxerre a :

– Ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros de RG 2018001030 et 2019000837 ;

– Débouté la société Kuehne + Nagel de son exception d’incompétence ;

– Dit que la loi applicable est la loi française ;

– Condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 27.719 euros au titre des réparations à exécuter sur la machine transportée ;

– Condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 201,60 euros au titre de l’expédition de la machine en Pologne pour inventaire des réparations ;

– Débouté l’ensemble des parties de leurs demandes d’expertises à titre subsidiaire ;

– Dit que l’action de M. [S] [Y] contre la société Kuehne + Nagel n’est pas prescrite ;

– Débouté la société Euragglo de sa demande de dommages et intérêts ;

– Débouté M. [S] [Y] de sa demande de voir la responsabilité de la société Kuehne + Nagel reconnue ;

– Condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné M. [S] [Y] aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût de l’assignation ;

– Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire ;

– Rejeté toutes les autres demandes ;

– Liquidés les frais de greffe à la somme de 146,48 euros en ce compris le coût de l’assignation.

Par déclaration du 26 octobre 2020, M. [Y] a interjeté appel des chefs du jugement du tribunal de commerce d’Auxerre en ce qu’il a :

– Condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 27.719 euros au titre des réparations à exécuter sur la machine transportée ;

– Condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 201,60 euros au titre de l’expédition de la machine en Pologne pour inventaire de réparations ;

– Débouté l’ensemble des parties de leurs demandes d’expertises à titre subsidiaire ;

– Débouté M. [S] [Y] de sa demande de voir la responsabilité de la société Kuehne + Nagel reconnue ;

– Condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné M. [S] [Y] aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût de l’assignation ;

– Rejeté toutes les autres demandes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 15 septembre 2021, M. [Y] demande à la cour, au visa de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) du 19 mai 1956 et ratifiée par la France le 20 mai 1959, du règlement CE du 22 décembre 2000 n°44/2001 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, du règlement du 20 décembre 2012 dit Bruxelles I, du règlement CE n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I, des articles 16 et 42, alinéa 1 du code de procédure civile, des articles 331 et suivants du code de procédure civile, de l’article 2224 du code civil, de l’article L 110-4 du code de commerce, de :

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Auxerre en date du 14 septembre 2020 en ce qu’il a :

– Débouté la société Kuehne + Nagel de son exception d’incompétence,

– Dit que la loi applicable est la loi Française,

– Dit que l’action de M. [S] [Y] contre la société Kuehne + Nagel n’est pas prescrite,

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Auxerre en date du 14 septembre 2020 en ce qu’il a :

– Condamné M. [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 27.719 euros au titre des réparations à exécuter sur la machine transportée ;

– Condamné M. [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 201,60 euros au titre de l’expédition en Pologne pour inventaire des réparations ;

– Débouté l’ensemble des parties de leurs demandes d’expertises à titre subsidiaire ;

– Débouté M. [Y] de sa demande de voir la responsabilité de la société Kuehne + Nagel reconnue ;

– Condamné M. [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné M. [Y] aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût de la présente assignation.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– Dire et juger que la société Euragglo ne rapporte pas la preuve de ses prétentions,

En conséquence,

– Débouter la société Euragglo de l’intégralité de ses demandes,

– Débouter la société Kuehne + Nagel de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– Dire et juger la Société Kuehne + Nagel responsable des dommages survenus sur la machine au cours de la manutention,

En conséquence,

– Condamner la Société Kuehne + Nagel, en sa qualité de sous-traitant de M. [Y], à le garantir de toutes condamnations, principales, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre,

– Débouter la société Kuehne + Nagel de l’intégralité de ses demandes,

Sur la demande d’expertise judiciaire,

– Donner acte à M. [Y] de ses protestations et réserves d’usage s’agissant de la demande d’expertise judiciaire formulées à titre subsidiaire avant dire droit,

En tout état de cause,

– Condamner les sociétés Euragglo et Kuehne + Nagel à verser à M. [Y] une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le tribunal de commerce et la présente procédure,

– Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 28 septembre 2021, la société Euragglo, demande à la cour, au visa des articles 68 et 551 du code de procédure civile, des articles L. 110-1, L. 121-1 et L. 721-3 du code de commerce, de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) conclue à Genève le 19 mai 1956, des articles 1103, 1199 et 1231-1 du code civil, de l’article 564 du code de procédure civile, des articles 232 et suivants du code de procédure civile, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :

– Dire partiellement bien jugé et mal appelé.

A titre liminaire :

– Dire et juger la société Euragglo recevable et bien fondée en son appel incident aux fins de voir infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Auxerre le 14 septembre 2020 en ce qu’il a :

– Débouté la société Euragglo de sa demande de dommages et intérêts ;

Et, en tant que de besoin,

– Débouté l’ensemble des parties de leurs demandes d’expertises à titre subsidiaire.

– Se déclarer compétente à connaître du litige, à tout le moins entre la société Euragglo et M. [S] [Y].

– Dire et juger la loi française applicable au présent litige, à tout le moins entre la société Euragglo et M. [S] [Y].

A titre principal :

– Dire et juger M. [S] [Y] intégralement responsable des préjudices subis par la Société Euragglo.

– Déclarer irrecevable la prétention nouvelle formulée par M. [Y], consistant à voir « dire et juger que la société Euragglo ne rapporte pas la preuve de ses prétentions », conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

En conséquence,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 27.719 euros au titre des réparations à exécuter sur la machine transportée.

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 201,60 euros au titre de l’expédition de la machine en Pologne pour inventaire des réparations.

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Euragglo de sa demande de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau,

– Condamner M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’impossibilité d’exposer la machine sur le stand Euragglo du salon Powtech en Allemagne, et par conséquent la perte de chance de conclure des ventes relatives à cette machine.

Subsidiairement et avant dire droit :

– Infirmer en tant que de besoin le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’ensemble des parties de leurs demandes d’expertises à titre subsidiaire.

Statuant à nouveau,

– Désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission de :

– Convoquer la société Euragglo et M. [S] [Y] ;

– Convoquer la société Kuehne + Nagel pour le cas où M. [S] [Y] en formulerait la demande ;

– Se faire remettre les documents contractuels et toutes pièces utiles du dossier ;

– Se rendre sur le site de la société Euragglo [Adresse 7], pour examiner contradictoirement la presse industrielle de la société Euragglo, Modèle B050A, N° de série 5546 ; étant précisé qu’il incombera au préalable à la société Euragglo de faire revenir sa machine, actuellement stockée en Pologne.

– Recueillir les observations des parties, éventuellement assistées de leurs conseils ;

– Lister les dégradations, désordres, dysfonctionnements, anomalies et problème affectant ladite machine ;

– D’une façon générale, donner à la juridiction les éléments permettant de déterminer les préjudices subis par la société Euragglo ;

– Donner à la juridiction les éléments permettant de faire le compte entre les parties ;

– Déterminer les causes des dégradations, désordres, dysfonctionnements, anomalies et problèmes affectant la presse industrielle de la société Euragglo ;

– Préconiser les solutions réparatoires et en chiffrer le coût.

En tout état de cause :

– Donner acte à la société Euragglo de ce qu’elle s’en rapporte à Justice sur la mise en cause par M. [S] [Y] de la Société de droit allemand Kuehne + Nagel et sur les moyens de défense opposés par cette dernière.

– Donner acte à la société Euragglo de ce qu’elle adresse Sommation à M. [Y] d’avoir à communiquer aux débats le N° de police d’assurance RC transporteur reprise dans l’offre forfaitaire du 11 septembre 2017.

– Débouter M. [S] [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société Euragglo.

– Débouter M. [S] [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires formulées à l’encontre de la société Euragglo.

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

– Condamner M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo une somme de 5.000 euros à titre d’indemnité procédurale sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engendrés pour la présente procédure en appel.

– Condamner M. [S] [Y] aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Scp Brodu-Cicurel-Meynard- Gauthier-Marie, avocats aux offres de droit par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 15 juin 2021, la société Kuehne + Nagel, demande à la cour, au visa de l’article 7 b) du règlement européen Bruxelles I Bis Nr. 1215/2012, de l’article 4 b) du règlement européen Rome I Nr. 593/2008, de l’article 439 § 1 al. 1 HGB (code de commerce allemand), de l’article 9 de la Convention CMR, de :

– Recevoir la société Kuehne+Nagel en son appel incident,

Infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau :

– Dire et juger que la juridiction française est incompétente en faveur des juridictions allemandes ;

– Subsidiairement, dire et juger que la loi allemande est applicable au présent litige ;

– Constater que l’action à l’encontre de la société Kuehne+Nagel est prescrite en vertu du droit allemand ;

En conséquence,

– Rejeter toutes les demandes formées à l’encontre de la société Kuehne+Nagel ;

– A titre encore plus subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de voir la responsabilité de la société Kuehne+Nagel reconnue ;

– A titre infiniment subsidiaire, donner acte à la société Kuehne+Nagel de son offre d’indemnisation à hauteur de 4.732,27 euros ;

– Condamner la société Bk Transports Expos à payer à la société Kuehne+Nagel la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mars 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’action de la société Euragglo à l’encontre de M. [Y]

La société Euragglo expose que la presse industrielle, dont elle a confié le transport à M. [Y] en vue de son exposition sur un stand au salon Powtech, a été endommagée une première fois avant son arrivée sur le stand du salon et une seconde fois à l’occasion de son transport de retour en France. Elle considère que M. [Y] est responsable contractuellement des dommages causés à la marchandise transportée. Elle invoque à cet égard l’article 3 de la convention de Genève dite CMR au titre de laquelle le transporteur doit répondre de son propre fait mais également des personnes aux services desquelles il recourt pour l’exécution du transport. Elle fait valoir que M. [Y] ne saurait ainsi se retrancher derrière la défaillance du transporteur auquel il a eu recours, la société Kuehne + Nagel. Elle soutient que M. [Y] avait une obligation de résultat concernant la marchandise transportée.

M. [Y] soutient qu’aucune faute ne peut lui être reprochée. Il conteste encore l’existence de dommages sur la machine dès lors qu’aucun constat contradictoire n’a été effectué. En tout état de cause, il fait valoir que la société Kuehne + Nagel a reconnu être responsable des dommages occasionnés à la machine.

Il sera relevé que par offre du 11 septembre 2017, M. [Y] a proposé à la société Euragglo de réaliser, au prix forfaitaire de 1.480 euros HT, le transport d’une caisse 107 x 107 x 188 – 500 kg contenant du matériel d’exposition avec les prestations suivantes :

« – Enlèvement à votre domicile [Localité 2] (59).

– Transport jusque [Localité 5], Parc des Expositions.

– Déchargement et livraison pied de stand,

– Reprise sur stand à la fermeture et mise en magasin.

– Transport retour et livraison à votre domicile [Localité 2] (59).

Assistance sur site de notre correspondant lors des périodes de montage-démontage.

– Assurance RC transporteur.

Seuls frais éventuellement en sus :

– 1 manutentionnaire pour aider au dépotage empotage de la machine sur stand. prévoir 150 euros HT (à nous confirmer)

– Enlèvement, stockage et livraison de vos emballages vides. 55 euros/m3.

– Assurance tous risques sans franchise aller-retour au taux de 0.65%, min. de perception : 100 euros HT. »

La société Euragglo a accepté le même jour la commande suivante :

« -Enlèvement à [Localité 6],

-Transport jusque [Localité 5] Parc des Expositions, STAND 1-544

-Déchargement et livraison pied de stand, le lundi 25/9 – matinée

– Reprise sur stand à la fermeture et mise en magasin, le 28/9/2017 soir

– Transport retour et livraison à notre domicile [Localité 2] (59).

-Assistance sur site de votre correspondant lors des périodes de montage-démontage.

-L’assurance RC transporteur.

Avec les frais en sus suivants :

– Enlèvement, stockage et livraison de vos emballages vides . 55 euros/m3.

– Assurance tous risques sans franchise aller-relour au taux de 0.65%, min. de perception :100 euros HT pour une valeur de marchandise de 50.000 USD. »

Le transport litigieux est un transport routier international de marchandise soumis à la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) conclue à Genève le 19 mai 1956 qui dispose en son article 1er que :

« La présente Convention s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l’un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que soient le domicile et la nationalité des parties. »

En vertu de l’article 3 de cette convention, « le transporteur répond, comme de ses propres actes et omissions, des actes et omissions de ses préposés et de toutes autres personnes aux services desquelles il recourt pour l’exécution du transport lorsque ces préposés ou ces personnes agissent dans l’exercice de leurs fonctions. »

L’article 17.1 prévoit que : « Le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison. »

En l’espèce, il ressort de la commande acceptée par M. [Y] que le transport qui lui a été confié par la société Euragglo consistait à la prise en charge de la presse industrielle à [Localité 6] jusqu’à sa livraison « pied de stand » au salon Powtech à [Localité 5] dans la matinée du lundi 25 septembre.

M. [Y] produit un document (pièce 19) au terme duquel il a confié à la société Kuehne + Nagel la réception de la caisse le 22 septembre 2017, son stockage, sa livraison sur le stand le 25 septembre ainsi que sa reprise à la fin de l’exposition en vue de son stockage dans son entrepôt puis son transport de retour jusqu’en France.

La société Euragglo produit un rapport d’avarie à l’en-tête de la société Kuehne + Nagel daté du 25 septembre 2017 signé par un représentant de la société Kuehne + Nagel et un représentant de la société Euragglo indiquant que :

« La caisse endommagée se situait déjà sur le stand à l’arrivée de l’exposant.

Deux trous étaient déjà visibles sur la caisse. A l’ouverture de la caisse, il a été constaté qu’un écran de la machine était cassé et que des pièces situées derrière étaient cassées également. Il n’est pas possible de vérifier ce qui est également défectueux.

*la machine ne peut pas être exposée et sera stockée entre-temps chez Kuehne + Nagel. »

Elle verse encore aux débats des photographies prises par ses employés lors de la livraison de la machine sur le stand qui concordent avec le rapport d’avarie.

Il ressort en outre d’échanges de courriels entre M. [Y] et la société Kuehne + Nagel aux mois de mars et octobre 2018 que la presse industrielle est tombée alors qu’elle était manipulée par les employés de cette dernière.

Il est donc établi, par ces éléments dont un document signé par la société Kuehne + Nagel à laquelle M. [Y] avait sous-traité une partie de ses prestations de transport, que la marchandise a subi des dommages avant sa livraison le 25 septembre 2017 à la société Euragglo sur le stand d’exposition au salon Powtech à [Localité 5].

Par ailleurs, il ressort d’échanges de courriels entre M. [Y] et la société Kuehne + Nagel aux mois de mars et octobre 2018 que la presse industrielle a subi de nouveaux dommages lors d’une seconde chute au cours de sa manipulation au sein des entrepôts de la société Kuehne + Nagel.

La société Euragglo verse encore aux débats des photographies prises par ses employés lors de la livraison de la machine à [Localité 2] et qui montrent que la machine a subi de nouveaux dommages.

Il est ainsi démontré que la marchandise a subi une nouvelle avarie alors qu’elle était confiée à M. [Y] en vue de son transport de retour en France et que cette avarie s’est produite au sein des entrepôts de la société Kuehne + Nagel, son sous-traitant pour l’entreposage et le transport de retour. C’est dans ces conditions qu’il a été mentionné, le 6 octobre 2017, sur la lettre de voiture concernant le transport de retour de la caisse, que l’équipement à l’intérieur de la caisse était cassé et avait subi de nombreux dommages et qu’une inspection complète de la machine devait être effectuée pour évaluer le montant des réparations.

La responsabilité de M. [Y], transporteur, du fait de son substitué doit donc être retenue en vertu des dispositions susvisées de la convention CMR. Il importe peu à cet égard que M. [Y] n’ait commis aucune faute dès lors qu’il est établi que les avaries se sont produites au cours des transports qui lui étaient confiés.

Sur la réparation des préjudices

Sur les frais de remise en état

La société Euragglo réclame le paiement d’une somme de 27.719 euros de dommages et intérêts au titre des frais de remise en état de la machine. Elle produit à cet égard une estimation réalisée par le constructeur polonais de la machine. Elle explique qu’il ne lui est pas possible de produire un devis comparatif des réparations à entreprendre dans la mesure où seul le constructeur est à même de réparer cette machine construite sur plans. Elle revendique à titre subsidiaire l’instauration d’une mesure d’expertise.

M. [Y] conteste la somme réclamée. Il relève que les dégradations n’ont pas été constatées de manière contradictoire et qu’aucun constat d’huissier n’est produit. Il ajoute qu’aucun devis comparatif n’est versé aux débats. Il dénie la valeur probante du document produit par la société Euragglo et qui émanerait du constructeur de la machine alors qu’il comporte l’en-tête de la société Euragglo. Il ne s’oppose pas à la demande d’expertise.

Contrairement à ce que soutient M. [Y], le document produit par la société Euragglo intitulé  » Rapport de dommage et chiffrage de remise en état  » établi le 3 janvier 2018 qui évalue les frais de remise en état de la machine à 27.719 euros sera retenu à titre de preuve dès lors qu’il est étayé par de nombreuses photographies et que les réparations qui y sont préconisées concordent avec les dégradations constatées et attribuées aux deux chocs subis lors du transport. Il sera en outre noté que le coût de la remise en état tel qu’évalué par le constructeur est conforme à la valeur déclarée de la machine de 50.000 USD.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 27.719 euros au titre des réparations à exécuter sur la machine transportée sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une mesure d’expertise pour évaluer le montant des réparations.

Sur la demande d’indemnisation au titre des frais d’expédition en Pologne pour inventaire des réparations

La société Euragglo demande le remboursement d’une somme de 201,60 euros au titre des frais de transport de la machine en Pologne pour que le constructeur puisse recenser les réparations à effectuer et les évaluer.

M. [Y] reproche à la société Euragglo d’avoir pris l’initiative de cette expédition sans l’en aviser.

Il apparaît que des frais de transport aller/retour ont déjà été intégrés dans le devis estimatif des réparations de sorte que ce préjudice ne saurait être indemnisé deux fois. La demande de réparation de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

Sur la demande d’indemnisation du préjudice résultant d’une perte de chance de conclure des ventes de presse ou de louer la presse endommagée

La société Euragglo demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation du préjudice subi résultant d’une perte de chance de conclure des ventes de presse ou de louer la presse endommagée. Elle explique que l’exposition de la presse sur le stand d’exposition du salon Powtech à [Localité 5] avait pour finalité de conclure des ventes de presse ou des contrats de location. Elle estime son préjudice à 20.000 euros.

Il sera rappelé que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

Or en l’espèce, la société Euragglo ne produit aucun élément de nature à démontrer la disparition certaine d’une chance de vendre ou de louer des machines en raison de l’impossibilité d’exposer la machine endommagée au salon Powtech. Elle ne justifie notamment pas des ventes et locations de presse déjà réalisées lors de salons précédents à la suite de l’exposition d’une de ses machines.

Dès lors, aucune perte de chance n’est caractérisée et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de ce chef.

Sur l’action en garantie de M. [Y] à l’encontre de la société Kuehne + Nagel

Sur la compétence des juridictions françaises

La société Kuehne + Nagel soulève l’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions allemandes. Elle invoque l’article 7 du règlement (UE) n° 1215/2012 du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, qui prévoit, en matière contractuelle, la compétence des juridictions dans le ressort desquelles se trouve le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. Elle précise n’être intervenue qu’à l’arrivée du transport pour le déchargement du camion et le transport de la machine sur le site du Salon Powtech à [Localité 5]. Par conséquent, elle affirme que l’obligation servant de base à la demande a été exclusivement exécutée en Allemagne par une société dont le siège est à [Localité 5], en Allemagne.

M. [Y] invoque les dispositions de l’article 6 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 et de l’article 8 du règlement Bruxelles I bis du 20 décembre 2012 qui donnent compétence au tribunal saisi de la demande originaire pour connaître d’une demande en intervention ou d’une action en garantie. En tout état de cause, il fait valoir la connexité entre le litige l’opposant à la société Euragglo et le litige l’opposant à la société Kuehne + Nagel.

Il convient de déterminer les juridictions compétentes en faisant application du règlement UE n° 1215/2012 du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale qui, selon son article 66, est applicable aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015. En l’espèce, l’assignation en garantie de la société Kuehne + Nagel ayant été délivrée le 11 mai 2019, le règlement n°1215/2012 est applicable au litige à l’exclusion du règlement n°44/2001.

L’article 4.1 du règlement n°1215/2012 indique que :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

En vertu de l’article 8 du même règlement, « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite :

(‘)

2) s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ;

(‘) ».

En l’espèce, il est constant que l’action engagée par M. [Y] à l’encontre de la société Kuehne + Nagel le 11 mai 2019 devant le tribunal de commerce d’Auxerre tendait à obtenir la garantie de cette dernière de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle dans le cadre de l’instance principale l’opposant à la société Euragglo.

Le tribunal de commerce d’Auxerre, compétent pour connaître de l’action principale dirigée contre M. [Y], est donc compétent pour connaître de l’action en garantie diligentée contre ce dernier. Il importe donc peu que le lieu d’exécution de l’obligation mise à la charge de la société Kuehne + Nagel soit situé en Allemagne.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal de commerce d’Auxerre a retenu sa compétence. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la loi applicable

La société Kuehne + Nagel se prévaut de l’article 4 b) du règlement Européen n°593/2008 du 17 juin 2008, dit  » Rome I « , pour soutenir que la loi applicable est la loi allemande. Elle explique n’être intervenue que comme prestataire de service pour la manutention de la machine sur le site du Salon Powtech à [Localité 5]. Ainsi, ayant sa résidence habituelle en Allemagne, les juridictions allemandes seraient, selon elle, compétentes.

M. [Y] soutient que le siège social de la société Euragglo, prestataire de service auquel a été confiée l’exécution de la prestation de service originaire, étant situé en France, la loi applicable est la loi française.

Le règlement (CE) n°593/2008 du Parlement et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelle, dit  » Rome I « , dispose, en son article 4, que :

« 1. À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit:

(‘)

b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;

(‘)

4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. »

L’article 5 du règlement Rome I relatif aux contrats de transport précise que :

« 1. À défaut de choix exercé conformément à l’article 3, la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique.

(‘)

3. S’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. »

En l’espèce, M. [Y] produit un document qu’il a adressé à la société Kuehne + Nagel afin de lui sous-traiter certaines prestations :

« Dear [X],

Thanks to find here after our pre alert for the a.m. show

o Arrival messe Nurnberg friday september 22nd,

o Thanks for reception – short term storage :

– EURAGGLO – HALL 1-544 1 crate 107x 107x 188 / 480 kg (‘)

o Monday september 25th, 8 am, THANKS FOR THE DELIVERY ON BOOTH

o Pick-up, storage and delivery of the empties asap end of the show.

o End of the show, thanks for the collection back to your warehouse + transport back to FRANCE

Additional infos will be provide for the return.

ALL YOUR CHARGES FOR US  »

Il ressort de ce document que M. [Y] a demandé à la société Kuehne + Nagel de :

– réceptionner le 22 septembre 2017 la caisse contenant la machine appartenant à la société Euragglo après son transport depuis la France,

– de l’entreposer dans ses locaux jusqu’au 25 septembre matin,

– de la transporter sur le stand le 25 septembre à 8h,

– d’enlever, stocker et livrer les emballages vides,

– à la fin du salon, récupérer la machine pour la stocker dans ses locaux,

-d’organiser le transport de la machine jusqu’en France.

Dès lors, ce contrat de prestations de services relève de l’article 4 susvisé et non de l’article 5 relatif au contrat de transport. Il sera à cet égard observé que la société Kuehne + Nagel ne s’est pas chargée du transport retour de la caisse en France mais a confié ce transport à la société UFC Logistic ainsi qu’en atteste la lettre de voiture produite aux débats dans laquelle la société Kuehne + Nagel a la qualité d’expéditeur.

La société Kuehne + Nagel, prestataire de services, ayant sa résidence habituelle en Allemagne, la loi allemande est applicable dans ses rapports avec M. [Y]. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la prescription

La société Kuehne + Nagel invoque la prescription de l’action engagée à son encontre par M. [Y] en vertu de l’article 439 du code de commerce allemand.

M. [Y] soutient que son action relève du droit français et de la prescription quinquennale et qu’elle n’est pas prescrite.

L’article 439 du code de commerce allemand, qui est inséré dans une section 4 réservée à l’activité de fret, dispose que :

« Les réclamations résultant du transport auxquelles s’appliquent les dispositions de la présente sous-section se prescrivent après un délai d’un an. »

En l’espèce, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, les prestations confiées à la société Kuehne + Nagel consistaient essentiellement en des opérations de manutention entre le stand du salon de [Localité 5] et ses entrepôts et accessoirement, à organiser le transport de retour de la presse jusqu’en France.

Dès lors, la prescription annale applicable aux actions dérivées du contrat de transport ne peut être opposée à M. [Y]. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action en garantie de M. [Y] à l’encontre de la société Kuehne + Nagel.

Sur la responsabilité de la société Kuehne + Nagel

M. [Y] prétend que la société Kuehne + Nagel est responsable des dommages survenus à la machine à l’occasion des opérations de manutention réalisées dans ses locaux. Il fait valoir que la société Kuehne + Nagel a reconnu être responsable des dégradations occasionnées à la presse lors d’opérations de manutention réalisées par ses employés.

La société Kuehne + Nagel réfute toute responsabilité. Elle prétend que les premiers dommages ont été occasionnés par le transport aller dont elle n’était pas chargée. Elle ajoute qu’elle n’avait pas davantage la qualité de transporteur pour le transport retour. Elle affirme qu’en l’absence de réserves mentionnées sur la lettre de la voiture au départ, la marchandise est présumée avoir été réceptionnée en bon état.

Ainsi qu’il a été énoncé ci-dessus, la société Kuehne + Nagel a reconnu, dans un rapport de dommages ainsi que dans des courriels du mois de mars 2018, être responsable des dommages causés à deux reprises à la machine qui a subi deux chutes au cours d’opérations de manutention dans ses entrepôts.

Dans un courriel du 28 mars 2018, la société Kuehne + Nagel indique ainsi à M. [Y] :

« The crate tipped over (due to top-heaviness) and the customer detected the damages before the show. He decided to leave the crate in the warehouse because he would not show it on the booth. After show has ended, the crate tipped over again when displaced inside our warehouse. The customer was no longer present, so no one could open the crate to determine, what could have been damaged additionally.

You placed the order for return transport, knowing about damages (see att.). The full amount of all damages, occurred under our custody, has been reported by Euragglo after return. Again: there is no doubt about our liability. But please understand, that we can only compensate what is regulated by law. For any additional compensation Euragglo should have covered transportation insurance. »

« La caisse s’est renversée (en raison de la lourdeur du dessus) et le client a constaté les dégâts avant le salon. Il a décidé de laisser la caisse dans l’entrepôt parce qu’il ne voulait pas la montrer sur le stand. Après la fin de l’exposition, la caisse s’est à nouveau renversée lorsqu’elle a été déplacée à l’intérieur de notre entrepôt. Le client n’étant plus présent, personne n’a pu ouvrir la caisse pour déterminer ce qui aurait pu être endommagé en plus.

Vous avez passé la commande pour le transport de retour en connaissant les dommages (voir annexe). La totalité des dommages, survenus sous notre garde, a été signalée à Euragglo après le retour. Encore une fois, notre responsabilité ne fait aucun doute. Mais comprenez bien que nous ne pouvons indemniser que ce qui est prévu par la loi. Pour toute indemnisation supplémentaire, Euragglo devrait avoir souscrit une assurance transport. »

Il en ressort que les dommages à la presse ont été occasionnés non pas au cours d’opérations de transport mais au cours d’opérations de manutention au sein des entrepôts de la société Kuehne + Nagel où la presse industrielle était stockée. La responsabilité de la société Kuehne + Nagel n’est donc pas engagée en qualité de transporteur mais en qualité de manutentionnaire et de dépositaire. La société Kuehne + Nagel ne peut donc invoquer les limitations de responsabilité prévues par le code de commerce allemand en matière de contrat de transport.

La responsabilité de la société Kuehne + Nagel doit être retenue. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. La société Kuehne + Nagel sera condamnée à garantir M. [Y] des condamnations prononcées à son encontre au titre de frais de remise en état.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [Y] et la société Kuehne + Nagel succombent au litige. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées en ce qu’elles ont rejeté les demandes de garantie de M. [Y] à l’encontre de la société Kuehne + Nagel. M. [Y] et la société Kuehne + Nagel supporteront les dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile. M. [Y] sera condamné à payer à la société Euragglo une somme supplémentaire de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. La société Kuehne + Nagel sera condamnée à garantir M. [Y] des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et des frais irrépétibles de première instance et d’appel. La société Kuehne + Nagel sera condamnée à payer à M. [Y] une somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo la somme de 201,60 euros au titre de l’expédition de la machine en Pologne pour inventaire des réparations, dit que la loi française était applicable dans les rapports de M. [S] [Y] et de la société Kuehne + Nagel, débouté M. [S] [Y] de sa demande de voir la responsabilité de la société Kuehne + Nagel reconnue et en ce qu’il a rejeté les demandes de garantie de M. [Y] à l’encontre de la société Kuehne + Nagel au titre des dépens et des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Rejette la demande d’indemnisation de la société Euraglo au titre des frais d’expédition de la machine en Pologne pour inventaire des réparations ;

Dit que la loi allemande est applicable dans les rapports de M. [S] [Y] et de la société Kuehne + Nagel ;

Condamne la société Kuehne + Nagel à garantir M. [S] [Y] des condamnations prononcées à son encontre au titre de frais de remise en état de la presse industrielle ;

Condamne M. [S] [Y] à payer à la société Euragglo une somme supplémentaire de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la société Kuehne + Nagel à payer à M. [S] [Y] une somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel ;

Condamne M. [S] [Y] et la société Kuehne + Nagel aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Kuehne + Nagel à garantir M. [S] [Y] des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel.

LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ

 

 

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