Manquement à l’obligation de sécurité: licenciement sans cause réelle et sérieuse

Notez ce point juridique

Sur le respect de l’obligation de santé et sécurité et la demande de dommages et intérêts

L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. En l’espèce, des manquements en matière d’hygiène et de sécurité ont été relevés, prouvant ainsi le non-respect de cette obligation par l’employeur. Cependant, en l’absence de préjudice démontré par le salarié, sa demande de dommages et intérêts est rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement

Le licenciement pour motif économique doit être justifié par des difficultés économiques réelles et sérieuses. Dans ce cas, l’employeur n’a pas démontré l’existence d’une menace sur la compétitivité de son secteur d’activité, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

En l’absence de motif économique valable, l’employeur doit verser une indemnité compensatrice de préavis au salarié. Compte tenu de son ancienneté, le salarié a droit à une indemnité correspondant à deux mois de préavis, ainsi qu’aux congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des dommages et intérêts correspondant à six mois de salaire. En l’absence de preuves liant le licenciement aux signalements faits à l’employeur, la demande de dommages et intérêts pour ce motif est rejetée.

Sur la garantie de l’Ags

L’Ags garantira les créances dues au salarié au titre du licenciement, dans la limite prévue par la loi. La saisine du conseil de prud’hommes étant antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, l’Ags interviendra pour garantir ces créances.

Sur les autres demandes

En raison de la situation économique de la société en cessation des paiements, il n’y a pas lieu de la condamner au remboursement des indemnités chômage versées au salarié, ni à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 27 OCTOBRE 2023

N°2023/292

Rôle N° RG 21/08081 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRSS

[T] [D]

C/

S.C.P. BR ASSOCIES

Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée

le : 27 octobre 2023

à :

SELARL SC AVOCATS ASSOCIES

Me Frédéric LACROIX

et par LRAR à SCP BR ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX EN PROVENCE en date du 03 Mai 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00973.

APPELANT

Monsieur [T] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Silvia SAPPA de la SELARL SC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SCP BR ASSOCIES, prise en la personne de Maître [I] [X] ou de Maître [O] [U], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS TRANSVRAC tel que désigné par jugement du Tribunal de Commerce d’Aix-En-Provence en date du 23.05.2019, domicilié es qualité [Adresse 3]., assigné le 22 juillet 2021 à personne habilitée , demeurant [Adresse 3]

Défaillante

Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 4] Représentée par sa directrice nationale Mme [J] [S] ;

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Président de chambre, et Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Présidente de Chambre

Madame Caroline CHICLET, Président de chambre

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2023..

ARRÊT

Réputé Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2023.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, moyens et procédure

M. [T] [D] a été engagé par contrat à durée indéterminée à temps complet par la société Transvrac ayant pour activité le transport de marchandises, à compter du 1er septembre 2010, en qualité de mécanicien poids lourds, relation salariale soumise à la convention collective nationale des transports routiers.

Par lettre du 30 mai 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 8juin 2016 et licencié le 17 juin 2016 pour motif économique. Le 18 juin 2016, il a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle.

Le 4 novembre 2016, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de diverses indemnisations subséquentes et créances salariales.

Par jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 23 mai 2019, la société a été déclarée en liquidation judiciaire et la SCP BR associés prise en la personne de Mme [I] [X] ou M. [O] [U], désignée ès qualités de liquidateur judiciaire.

Par décision du 3 mai 2021, le juge départiteur a:

– dit que le licenciement pour motif économique du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– dit que la société a satisfait à son obligation de reclassement ;

– débouté le salarié du reste de ses demandes et rejeté toute autre demande;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– déclaré le jugement opposable à l’Ags et au CGEA de [Localité 4] dans les conditions, limites et plafonds légaux et réglementaires ;

– dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective de la société.

Le 1er juin 2021, le salarié a interjeté appel de tous les chefs du jugement l’ayant débouté de ses prétentions.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 février 2022, le salarié demande à la cour de :

– dire que la société a manqué à son obligation de sécurité,

– condamner cette dernière au paiement de la somme de 17 819,58 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité (6 mois de salaires),

– prononcer le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société au paiement de la somme de 5 939.86 euros brut au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– condamner la société au paiement de la somme de 593.99 euros brut au titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

– condamner la société au paiement de la somme de 35 640.00 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois de salaire),

– prononcer l’opposabilité de l’arrêt à l’association Cgea-Ags,

– prononcer l’inscription de la créance du salarié au passif de la Sasu Transvrac,

– ordonner le remboursement par la société aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié dans la limite de 6 mois en application des dispositions

de l’article L 1235-4 du code du travail,

– prononcer que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent jugement sera adressée par le greffe au pôle emploi du lieu ou demeure le salarié.

– dire et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier et le montant des sommes de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À l’appui de ses demandes, le salarié soutient la violation par l’employeur de son obligation de sécurité constituée par une exposition personnelle à plusieurs risques physiques (hydrocarbures et gaz entreposés de manière non-réglementaire, système électrique délabré, toit en amiante…) liés à une absence d’entretien et de rénovation de l’atelier mécanique dans lequel il travaillait seul et ce malgré plusieurs signalements restés selon lui sans réels effets et un contrôle de l’inspection du travail. Il conteste l’interprétation de la loi faite dans le jugement de départage en précisant qu’il démontre avoir été personnellement exposé à des risques tout en indiquant qu’il ne lui appartient pas de justifier de l’existence d’un préjudice lié à cette exposition pour être fondé à solliciter des dommages et intérêts de ce chef.

Il conteste le motif économique de son licenciement et indique que seuls les signalements précités en seraient la cause. Il chiffre en conséquence son préjudice et ses indemnités.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 octobre 2021, l’Ags sollicite de:

– débouter le salarié de toutes ses demandes;

– confirmer le jugement entrepris ;

Subsidiairement, de:

– débouter le salarié de sa demande d’indemnité de préavis dès lors qu’il a bénéficié d’un revenu de remplacement pendant la durée du délai de préavis;

– réduire le montant des dommages intérêts sollicités ;

– débouter le salarié de toute demande contre l’Unedic-Ags dès lors que cette créance n’entre pas dans le périmètre de la garantie définie à l’article L. 3253-6 du code du travail ;

– débouter le salarié de toute demande de paiement directement formulée contre l’Ags dès lors que l’obligation de l’Unedic-Cgea-Ags de [Localité 4] de faire l’avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-19 du Code du travail ;

– débouter le salarié de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances, dès lors qu’en application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie Ags est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l’article D. 3253-5 du code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi ;

– débouter le salarié de toutes demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile , des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité, dès lors qu’elles n’entrent pas dans le cadre de la garantie de l’Unedic-Cgea-Ags deMarseille ;

– débouter le salarié de toute demande accessoire au titre des intérêts dès lors que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.com) ;

– débouter le salarié de toute demande contraire ;

L’Ags sollicite la confirmation du jugement entrepris indiquant que l’employeur a respecté son obligation de sécurité et que le salarié ne démontre pas le fait qu’il ait été mis en danger à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail. Elle précise que les signalements de l’appelant en matière d’hygiène et de sécurité n’auraient débuté qu’après avoir été informé de ce que le nouveau dirigeant de la société, arrivé en février 2015, envisageait la fermeture de l’atelier où il était le seul à travailler, et par conséquent la suppression de son poste, et ce afin de garantir la compétitivité de l’entreprise. À ce titre, l’Ags rappelle les difficultés économiques rencontrées depuis plusieurs années par la société, difficultés relevées dans la motivation du jugement entrepris et justifiant du bien fondé du licenciement économique dont elle demande la confirmation.

Le salarié a fait signifier à la SCP BR associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Transvrac, la déclaration de saisine et ses conclusions, par acte du 22 juillet 2021 délivré à personne se disant habilitée à recevoir l’acte.

En application de l’article 474 du code de procédure civile le présent arrêt est réputé contradictoire.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées.

Motifs:

Sur le respect de l’obligation de santé et sécurité et la demande de dommages et intérêts

L’article L.4121-1 du code du travail, en vigueur à la date des faits de la cause, précise que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Dès lors que le salarié recherche la responsabilité de son employeur pour manquement à l’obligation de sécurité, il lui incombe de rapporter la preuve des faits qu’il impute à la société et du préjudice dont il réclame l’indemnisation, l’employeur devant justifier alors avoir pris toutes les mesures nécessaires.

En l’espèce, l’appelant produit notamment deux courriers d’alerte envoyés à la société les 22 avril 2013 et 26 février 2016, l’employeur contestant avoir eu connaissance de la première alerte ainsi qu’une lettre d’observation adressée à la société le 20 juin 2016 par l’inspection du travail suite à un contrôle réalisé le 9 mai 2016.

Il ressort de l’examen de cette dernière pièce que l’inspection du travail a relevé au sein de la société de nombreux manquements en matière d’hygiène et de sécurité ayant appelé les constats et demandes de mise en conformité suivants:

– mise en place d’un plan d’action et d’un échéancier à l’évaluation des risques professionnels suite à la réalisation du document unique d’évaluation de risques (DUER) réalisé par la société via l’organisme AMF date du 31 mars 2016, et ne contenant pas ces documents essentiels;

– procéder à une évaluation périodique des matériaux suite à la réalisation du diagnostic technique amiante réalisé le 21 avril 2016 par la société Active Diag, et tenir l’inspection du travail informée des projets concernant la démolition prévue du bâtiment de l’atelier mécanique;

– au regard de la présence de plusieurs produits chimiques classés irritants, inflammables, nocifs et toxiques dans l’atelier mécanique, procéder à une évaluation du risque chimique, supprimer ou réduire au maximum le risque d’exposition et informer les salariés et représentants du personnel des risques existants et organiser la formation à la sécurité des salariés concernés;

– lister les substances ou préparations dangereuses et se procurer les fiches de données sécurité des produits;

– se mettre en conformité s’agissant du stockage des produits dangereux plusieurs manquements à la réglementation ayant été relevés;

– intégration de la mise en place d’un système de ventilation et de captation à la source des gaz d’échappement dans le cadre du document unique d’évaluation des risques professionnels;

– établir une notice pour chaque poste de travail exposant les salariés à des substances ou des préparations dangereuses et organiser en liaison avec le médecin du travail, la formation à la sécurité et l’information des travailleurs susceptibles d’être exposés à l’action d’agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction;

– prise de note de l’engagement de la société de condamner dans les plus brefs délais la fosse de visite en raison notamment de l’absence d’un dispositif de protection tel que des garde-corps ainsi que de l’absence de balisage du pourtour de la fosse de visite afin de prévenir le risque de chute de hauteur, de la présence d’une échelle trop courte et non fixée dans la structure de la fosse pour y accéder exposant également à un risque de chute et de l’absence de dispositif d’aspiration à la source ou d’une ventilation mécanique contrôlée pour l’assainissement au fond de la fosse s’agissant de travaux dans un espace confiné;

-procéder au remplacement d’un extincteur défectueux se trouvant au sein du local de restauration, la détérioration de ce matériel ayant été relevée lors de la vérification effectuée par l’entreprise Altaix dans un rapport du 22 janvier 2016;

– mettre à la disposition des salariés un local de restauration et des cabinets d’aisance suffisants et propres ;

– mettre à la disposition des salariés des armoires individuelles munies d’un serrure ou d’un cadenas ainsi que des toilettes séparés entre les femmes et les hommes;

– veillez à matérialiser visiblement des allées de circulation en séparant celles réservées aux piétons de celles prévues pour les véhicules ainsi qu’à maintenir le sol en bon état;

– communiquer les documents et registres légaux suivants n’ayant pas pu être communiqués au cours du contrôle : rapport de vérification des installations électriques et le cas échéant les interventions correctives, protocole de sécurité lors des opérations de chargement et de déchargement des marchandises établi avec au moins quatre entreprises, justificatif de vérification des moyens de lutte contre l’incendie, le document relatif à la protection contre les expositions prévu à l’article R.4227-52 du code du travail, les fiches médicales d’aptitude du personnel de parc et la fiche d’entreprise du médecin du travail, l’information et la formation à la sécurité dispensées au personnel du parc.

Ces constats corroborant certains points d’alerte faits par le salarié antérieurement au contrôle de l’inspection du travail, suffisent à établir, tel que relevé par le jugement entrepris, que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, et ce quand bien même il n’est pas contesté que plusieurs actions visant à l’évaluation et la prévention de certains risques avaient été engagées au début de l’année 2016.

Les pièces produites au dossier justifient de l’exposition personnelle de l’appelant, au regard des fonctions qu’il exerçait au sein de l’atelier mécanique, à des risques liés au manquement susvisé dont notamment celui de chute ou encore d’exposition à certaines substances chimiques dont l’usage est réglementé. Toutefois, en l’absence de toute démonstration d’un quelconque préjudice lié à cette exposition, l’appelant sera débouté de sa demande de dommages et intérêts et par conséquent la décision de première instance confirmée de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement

L’article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause précise que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Les dispositions en matière de licenciement pour motif économique sont d’ordre public.

Le salarié ayant accepté d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle reste libre de contester la rupture de son contrat de travail et ses motifs.

En l’espèce, l’appelant s’est vu notifier le 17 juin 2016 son licenciement pour motif économique, la lettre de licenciement étant ainsi formulée ;

‘A la suite de l’entretien préalable que nous avons eu le 8 juin 2016, nous vous confirmons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant :

-Fermeture définitive de l’atelier mécanique.

Après notre reprise de la société au début de l’année 2015, nous avons été amenés, dès le dernier trimestre 2015, à changer la majeure partie du parc de camions, ceux-ci étant arrivés en fin de course, tombant fréquemment en panne et nécessitant des travaux d’entretien trop onéreux.

En conséquence, nous avons pris la décision stratégique d’avoir désormais recours à des véhicules en location longue durée, avec entretien externalisé, plutôt qu’à des achats de véhicules, avec entretien sur place.

De ce fait, nous n’avons que très peu de travail à vous fournir depuis la fin d’année 2015, l’entretien des citernes et des 3 camions restant ne suffisant pas à vous en fournir un volume suffisant.

De plus, vous avait fait état à plusieurs reprises de la vétusté des installations récemment reprises.

Nous avons donc rapidement effectué différents travaux de vérification, de maintenance ou de première rénovation, dans la mesure où nous avions dans un premier temps privilégié la rénovation de ces installations.

Toutefois, au regard:

– du coût important de la réfection d’installations, qui ne correspondent de toute façon plus aux besoins ni à la stratégie de l’entreprise,

– de la vente de la plupart des véhicules anciens du parc, donc vous assuriez la maintenance,

– de la décroissance corrélative très importante de votre activité, au point que nous n’avons plus guère moyen, à brève échéance, de vous donner suffisamment de travail, pour répondre à nos obligations contractuelles, nous avons finalement pris la décision de fermer purement et simplement cet atelier, qui n’est qu’un accessoire à notre activité.

Ces impératifs de modernisation de la flotte et de recentrage sur notre coeur de métier, le transport, indispensables pour assurer la compétitivité et la pérennité de notre entreprise, nous ont donc finalement conduits à prendre la décision de supprimer l’atelier mécanique dès le mois de juillet 2016.

Nous espérons ainsi, en modernisant notre parc de véhicules et en externalisant les services qui ne font pas partie de notre coeur de métier, gagner en compétitivité, dans un contexte concurrentiel extrêmement difficile.

– Suppression de votre poste de mécanicien poids-lourds.

En conséquence de cette fermeture, nous supprimons votre poste de mécanicien poids-lourds, seul poste de ce service.

Par ailleurs, comme précédemment notifié, après avoir étudié les possibilités de reclassement au sein de notre entreprise et de notre groupe DISTRI, votre reclassement ne s’avère malheureusement pas possible, eu égard à l’absence de poste disponible compatible avec votre qualification, ou équivalent à celui que vous occupiez, voire de catégorie inférieure.

En effet, la structure, le volume de nos effectifs ne sont pas compatibles avec vos qualifications et expériences et aucun poste n’est actuellement disponible dans notre entreprise ni les différentes entités du groupe.

Nos recherches externes n’ont pas plus abouti, étant précisé que l’entreprise Renault, qui recherchait un mécanicien vous a reçu, mais nous a fait part de sa volonté de ne pas donner suite à votre candidature (…).’

La réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité s’apprécie au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Il incombe à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En l’espèce, l’employeur indique dans la lettre de licenciement avoir fait le choix de moderniser sa flotte, de se recentrer sur son coeur de métier le transport et donc de prendre la décision de supprimer l’atelier mécanique dans lequel travaillait le salarié pour ‘assurer la compétitivité et la pérennité de notre entreprise’ et ‘en modernisant notre parc de véhicules et en externalisant les services qui ne font pas partie de notre coeur de métier, gagner en compétitivité, dans un contexte concurrentiel extrêmement difficile’.

Or, si l’analyse des pièces versées au dossier établit que la société rencontrait depuis plusieurs années des difficultés économiques, l’employeur, en l’absence de toute explication et élément de preuve concernant le secteur d’activité du groupe auquel il dit appartenir, succombe à démontrer l’existence d’une menace sur la compétitivité de ce secteur.

Le motif économique du licenciement n’étant pas fondé, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Il n’est pas contesté par les parties que le salaire moyen du salarié était de 2 969,63 euros par mois.

Il ressort des articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code de travail, le premier, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 et le second, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 qu’en l’absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l’employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées aux salariés, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur est tenu de verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis sans que celle-ci ne puisse se compenser avec les sommes versées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle devenu sans cause.

Compte tenu de son ancienneté, le salarié doit bénéficier d’un préavis de deux mois. En conséquence, il lui est dû la somme de 5 939,86 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 593,99 euros brut de congés payés afférents, montants fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société .

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, précise que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, la réintégration en l’espèce étant impossible, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Le salarié sollicite des dommages et intérêts correspondant à 12 mois de salaire soutenant que le licenciement en sus d’être dépourvu de cause réelle et sérieuse, et consécutif aux signalements faits à l’employeur s’agissant du respect des règles d’hygiène et de sécurité. La cour relève toutefois que conformément à ses dires, la société a souscrit le 27 avril 2015, un contrat de location longue durée de véhicule sans conducteur avec la société Clovis location portant sur la location de 14 véhicules (annexe 1 du contrat) et corrélativement à une reprise de parc constituée de 16 véhicules. Il a par ailleurs évoqué dès le début d’année 2016, dans le cadre d’une réunion de délégués du personnel tenue le 4 février le point rédigé comme suit : ‘Dans le cadre de l’externalisation de l’entretien des véhicules contrat de full service avec la Ste Clovis Sauviloc Renault. Nous réfléchissons devant le fait du manque de travail d’entretien des véhicules la suppression de l’atelier mécanique’. Or, la première lettre de signalement envoyée à l’employeur, dont le salarié rapporte la preuve de la bonne réception, date du 26 février 2016 soit postérieurement aux faits susmentionnés. L’envoi d’un courrier le 22 avril 2013, contesté par la société, n’est quant à lui nullement justifié. Il ressort de ces éléments que le choix fait par la société d’externaliser l’entretien de son parc de véhicules notamment en les louant, cette réorganisation ayant de fait diminué l’activité du salarié, est sans lien avec sa personne, peu important que les autres salariés aient continué à faire usage de l’atelier mécanique où celui-ci travaillait comme il le précise, la réalisation de petits travaux de maintenance sur les véhicules étant inhérente à cette activité. Enfin, rien ne démontre à l’exception des attestations susvisées produites seulement en cause d’appel et postérieurement au placement en liquidation judiciaire de la société, que celle-ci était propriétaire au moment du licenciement de l’appelant d’une trentaine de véhicules et non de trois, la stratégie d’externalisation de l’entretien du parc ayant en tout état de cause été exposée sans équivoque au délégué du personnel au début de l’année 2016, ce moyen étant par conséquent inopérant.Le salarié succombe en conséquence à démontrer que le licenciement soit lié aux signalements effectués.

En considération de ces éléments, de l’ancienneté du salarié au sein de l’entreprise (6 ans) et du fait qu’aucune pièce ne justifie que ce dernier ait rencontré des difficultés à retrouver un travail ou aurait dû faire face à des difficultés financières suite au licenciement, le préjudice subi sera justement indemnisé par une somme de 17 819,58 euros correspondant à 6 mois de salaire, montant fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société .

Sur la garantie de l’Ags

Aux termes de l’article L.3253-8 du code du travail, l’Ags garantit les sommes dues par l’employeur au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective, ainsi que celles dues au cours de la période d’observation, et ce dans la limite d’un mois et de demi de travail pour cette dernière catégorie si la société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

La saisine du conseil de prud’hommes par le salarié étant antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, l’Ags garantira les créances dues au titre du licenciement.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la situation économique de la société en cessation des paiements il n’y a lieu à la condamner au remboursement des indemnités chômage versées au salarié, ni à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs:

La cour

Infirme le jugement déféré à l’exception du débouté de M. [T] [D] s’agissant de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [T] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixe la créance de M. [T] [D] au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SAS Transvrac aux sommes suivantes :

– 5 939,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 593,99 euros de congés payés afférents,

– 17 819,58 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Déclare le présent arrêt opposable à l’Unédic délégation Ags C.g.e.a de [Localité 4];

Dit que le versement par l’Ags ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-19 du code du travail;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires;

Fixe au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SAS Transvrac les dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 

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