MOTIFS DE LA DECISION
Au visa de l’article L 132-8 du Code de commerce, la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Le transporteur doit apporter la preuve de la qualité d’expéditeur ou de destinataire de celui qu’il a assigné en garantie de paiement du prix du transport.
ANALYSE DES LETTRES DE VOITURE ET DES BONS DE LIVRAISON
En l’espèce, le transport des marchandises a été effectué par la société Charol Trans à la demande de la société Vosges Lam, aujourd’hui en liquidation judiciaire.
Pour prétendre à la condamnation de la société Socamil ou de la société Quartus Logistique, avec lesquelles elle n’a aucun lien contractuel, la société Charol Trans doit établir leur qualité de destinataire des marchandises.
L’examen des lettres de voiture et des bons de livraison ne permet pas d’établir que les sociétés Socamil et Quartus Logistique étaient les destinataires des marchandises.
ABSENCE DE LIEN CONTRACTUEL ET DE SOUS-TRAITANCE
Aucune des pièces ne démontre que les sociétés intimées ont réceptionné tout ou partie des marchandises livrées. De plus, il n’existe pas de lien contractuel entre la société Charol Trans et les sociétés Socamil et Quartus Logistique.
La société Charol Trans n’était pas non plus sous-traitante des sociétés intimées dans le cadre des travaux réalisés. Aucune pièce n’établit cette sous-traitance, ce qui aurait été nécessaire pour prétendre à une action directe.
DECISION DE LA COUR
En l’absence de lien contractuel avec les sociétés intimées et de démonstration d’une réception des marchandises par celles-ci, la Cour confirme la décision du tribunal de débouter la Sarl Charol Trans de l’ensemble de ses demandes.
Les sociétés Quartus Logistique et Socamil se verront allouer la somme de 1000 € au titre de leurs frais irrépétibles d’appel. La Sarl Charol Trans supportera les dépens d’appel en tant que partie perdante.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
03/11/2022
ARRÊT N°382
N° RG 20/02991 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NZNE
PB – AC
Décision déférée du 16 Septembre 2020 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE –
M [L]
S.A.R.L. CHAROL TRANS
C/
Société SOCAMIL
S.A.S. QUARTUS LOGISTIQUE
Confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.R.L. CHAROL TRANS PRISE EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL DOMICILIE EN CETTE QUALITE AUDIT SIEGE
[Adresse 5]
[Adresse 5]/FRANCE
Représentée par Me Martine CANTALOUP, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
SOCAMIL société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié
ès qualités au dit siège social
[Adresse 2]
et [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphane RUFF de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. QUARTUS LOGISTIQUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée par Me Alexis LE LIEPVRE de la SCP SCP LACOURTE RAQUIN TATAR, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller chargé du rapport et V.SALMERON, Présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
La société Quartus Logistique, promoteur immobilier, a conclu le 18 avril 2018 avec la société Vosges Lam un marché de travaux sur un lot de charpentes bois, dans le cadre de la construction d’une nouvelle base logistique pour la société Socamil à [Localité 3].
La société Vosges Lam a confié en juillet 2018 à la société de transport Charol Trans l’acheminement de la charpente depuis ses locaux jusqu’au lieu du chantier.
Suite à cette prestation, la société Charol Trans a adressé en juillet 2018 trois factures à la société Vosges Lam pour un montant de 18240 €.
Par jugement du tribunal de commerce d’Epinal du 20 novembre 2018, la société Vosges Lam a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 17 mars 2020.
Le 14 décembre 2018, la société Charol Trans a déclaré sa créance auprès de Maître [U] en sa qualité de mandataire judiciaire.
Le 22 novembre 2018, la société Charol Trans a adressé à la société Socamil, maître d’ouvrage délégué du contrat de promotion immobilière, une mise en demeure d’avoir à régler les factures en sa qualité de destinataire des marchandises.
Par ordonnance du 29 mars 2019 rendue sur requête de la société Charol Trans, le président du tribunal de commerce de Toulouse a enjoint à la société Socamil de payer à la société Charol Trans les sommes de 18240 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2019, 5 € au titre des frais accessoires et 35,21 € au titre des dépens.
Par courrier du 11 avril 2019, la société Socamil a formé opposition à l’ordonnance.
Par acte extrajudiciaire en date du 28 juin 2019, la société Socamil a fait assigner en intervention forcée la société Quartus Logistique.
La société Charol Trans a demandé au tribunal de condamner la société Socamil au paiement de la somme de 18240 € et à titre subsidiaire de condamner la société Quartus Logistique au paiement de cette somme.
Par jugement du 16 septembre 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a :
-prononcé la jonction des instances,
-débouté la société Charol Trans de l’intégralité de ses demandes, ‘ns et conclusions,
-dit n’avoir lieu à condamner la société Quartus à relever et garantir la société Socamil,
-ordonné l’exécution provisoire,
-condamné la société Charol Trans à payer à la société Socamil la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Charol Trans à payer à la société Quartus la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Charol Trans au paiement des entiers dépens, en ce compris ceux afférents à la requête en injonction de payer.
Par déclaration en date du 5 novembre 2020, la société Charol Trans a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est l’infirmation de l’ensemble des chefs du jugement, excepté le chef relatif à la jonction des instances.
Le 7 décembre 2020, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation que la société Socamil a refusée.
Par conclusions n°4 notifiées le 28 juin 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé de l’argumentation, la Sarl Charol Trans a demandé à la cour, au visa de l’article L132-8 du code de commerce, de :
-déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société Charol Trans,
-y faisant droit, infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
-dire et juger mal fondée l’opposition diligentée par la société Socamil à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer en date du 29 mars 2019,
-débouter la société Socamil et la société Quartus de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
-condamner la société Socamil à payer à la société Charol Trans la somme de 18240 € outre intérêts au taux légal à compter du 20 février 2019,
-condamner la société Socamil à payer à la société Charol Trans la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel en ceux compris les dépens exposés dans le cadre de la procédure d’injonction de payer,
-condamner la société Socamil et la société Quartus au remboursement des sommes qui ont été versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,
-subsidiairement,
-débouter la société Quartus de l’intégralité de ses demandes fins et prétentions,
-condamner la société Quartus à payer à la société Charol Trans la somme de 18240 € outre intérêts au taux légal,
-condamner la société Quartus à payer à la société Charol Trans la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel en ceux compris les dépens exposés dans le cadre de la procédure d’injonction de payer,
-condamner la société Socamil et la société Quartus au remboursement des sommes qui ont été versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,
-encore plus subsidiairement, si la cour ne faisait pas droit à la demande principale de la société Charol Trans,
-débouter la société Socamil et la société Quartus de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions et notamment de leurs demandes de condamnation de la société concluante au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens tant de première instance que d’appel,
-dire et juger qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles par elle exposés, réformer sur ce point le jugement du tribunal de commerce et condamner les sociétés Socamil et Quartus à restituer à la société concluante les sommes perçues à ce titre et aux entiers dépens.
Par conclusions n°2 notifiées le 19 juillet 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé de l’argumentation, la société Socamil a demandé à la cour, au visa des articles 1199 du code civil et L132-8 du code de commerce, de :
-à titre principal,
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 16 septembre 2020 en ce qu’il a: débouté la société Charol Trans de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions; ordonné l’exécution provisoire; condamné la société Charol Trans à verser à la société Socamil et la société Quartus la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris ceux afférents à la requête en injonction de payer; en conséquence, débouté la société Charol Trans de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
-subsidiairement, juger que seule la société Quartus pourrait éventuellement être recherchée en qualité de « destinataire »,
-encore plus subsidiairement,
-réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 16 septembre 2020 en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à condamner la société Quartus à relever et garantir la société Socamil de toute condamnation prononcée à son encontre,
-condamner la société Quartus à relever et garantir la société Socamil de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
-en tout état de cause,
-condamner la société Charol Trans à payer à la société Socamil la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la société Charol Trans au paiement des entiers dépens, en ce compris ceux afférents à la requête en injonction de payer.
Par conclusions notifiées le 7 juin 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé de l’argumentation, la société Quartus Logistique a demandé à la cour, au visa des articles 1353 et 1363 du code civil et L132-8 du code de commerce, de :
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Toulouse,
-débouter la société Charol Trans de tous ses chefs de demandes, moyens, fins et conclusions,
-débouter la société Socamil de toutes ses demandes dirigées contre la société Quartus,
-en toute hypothèse, condamner la société Charol Trans à verser à la société Quartus une somme de 15000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
La clôture est intervenue le 11 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Au visa de l’article L 132-8 du Code de commerce, la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Le transporteur doit apporter la preuve de la qualité d’expéditeur ou de destinataire de celui qu’il a assigné en garantie de paiement du prix du transport.
En l’espèce, le transport des marchandises a été effectué par la société Charol Trans à la demande de la société Vosges Lam, aujourd’hui en liquidation judiciaire.
Pour prétendre à la condamnation de la société Socamil ou de la société Quartus Logistique, avec lesquelles elle n’a aucun lien contractuel, la société Charol Trans doit établir leur qualité de destinataire des marchandises.
L’examen des lettres de voiture fait apparaître :
-que sur la première, pour un déchargement de la marchandise ayant eu lieu le 6 juillet 2018, il est noté : «lieu de déchargement Plateforme [Adresse 4] », avec une mention du nom du destinataire laissée vierge et une signature de ce destinataire précédée de la mention « CELIK »,
-que sur la seconde, pour un déchargement de la marchandise ayant eu lieu le 12 juillet 2018, il est noté : «lieu de déchargement Plateforme Logistique Socamil [Adresse 4] » avec une mention du nom du destinataire laissée vierge et une signature de ce destinataire suivie de la mention «AP»,
-que, sur la troisième, pour un déchargement de la marchandise ayant eu lieu le 19 juillet 2018, il est noté : «lieu de déchargement Plateforme Logistique Socamil [Adresse 4] » avec une mention du nom du destinataire laissée vierge et une signature de ce destinataire précédée de la mention « [Z] »,
-que, sur la quatrième et dernière, pour un déchargement de la marchandise ayant eu lieu le 01 août 2018, il est noté : « Plateforme Logistique Socamil ZAC [Localité 3] » avec une mention du nom du destinataire laissée vierge et une signature de ce destinataire précédée de la mention « PA ».
Aucune des lettres de voiture ne porte le tampon de la société Socamil ou de la société Quartus Logistique, les signatures des destinataires étant différentes d’une lettre de voiture à l’autre.
Les bons de livraison, s’ils comportent des signatures suivies ou précédées parfois de la mention « CELIK » ou « [Z] », ne comportent pas davantage les tampons des sociétés Socamil et Quartus Logistique.
Rien n’établit donc que les sociétés Socamil et Quartus Logistique étaient les destinataires des marchandises.
Aucune des pièces ne démontre que ces sociétés ont réceptionné tout ou partie des marchandises livrées.
Le seul fait qu’il soit, dans certaines lettres de voiture ou bons de livraison, fait mention d’une plateforme Socamil ne peut engager la société Socamil au paiement d’un transport de marchandises dont elle n’était pas destinataire.
Les pièces produites établissent par ailleurs que certains chargements ont été réceptionnés par M. [Z] lequel était salarié de la société Vosges Lam et non des sociétés intimées.
Aux termes du contrat d’entreprise conclu entre la société Quartus Logistique et la société Vosges Lam, pour la réalisation des charpentes, Monsieur [R] [Z] était « responsable des travaux » pour la société Vosges Lam et « correspondant du promoteur ».
Contrairement à ce que soutient l’appelante, M. [Z] n’était pas mandaté par le promoteur, Quartus Logistique, pour le représenter mais pour correspondre avec lui, dans le cadre des travaux confiés à la société Vosges Lam.
Le fait que M. [Z] ait réceptionné certaines des marchandises ne peut engager la société Quartus Logistique en vertu de travaux dont la conduite incombait au seul entrepreneur, la société Vosges Lam.
Comme relevé par le premier juge, la société Charol Trans, entreprise de transports, n’était pas non plus sous traitante des sociétés intimées dans le cadre des travaux réalisés.
Aucune pièce n’établit cette sous traitance laquelle suppose, pour prétendre à une action directe, un accord du maître de l’ouvrage que rien ne démontre.
Dès lors, en l’absence de lien contractuel avec les sociétés intimées, en l’absence de démonstration d’une quelconque réception de marchandises par Socamil et Quartus Logistique, c’est à bon droit que le tribunal a débouté la Sarl Charol Trans de l’ensemble de ses demandes.
La décision sera confirmée en toutes ses dispositions.
L’équité commande d’allouer aux sociétés Quartus Logistique et Socamil la somme de 1000 € au titre de leurs frais irrépétibles d’appel.
Partie perdante, la Sarl Charol Trans supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
– Confirme le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 16 septembre 2020.
Y ajoutant,
– Condamne la Sarl Charol Trans à payer à la Sas Quartus Logistique la somme de 1000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
– Condamne la Sarl Charol Trans à payer à la société Socamil la somme de 1000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
– Condamne la Sarl Charol Trans aux dépens d’appel.
Le greffier, La présidente,
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