Affaire de liquidation judiciaire de la société Transports [R] [M]
La société Transports [R] [M] a demandé à la cour de réformer le jugement prononçant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de l’entreprise. Elle conteste l’état de cessation des paiements et affirme être en capacité de poursuivre son activité.
Conclusions de M. [B]
M. [B] a demandé à la cour de rejeter les conclusions contraires et de condamner la société Transports [R] [M] aux entiers dépens. Il s’en remet à la justice pour l’appréciation de l’état de cessation des paiements de l’entreprise.
Observations du ministère public et non constitution de la SELARL [I] [L]
Le ministère public n’a pas formulé d’observations sur l’affaire. La SELARL [I] [L], à qui la déclaration d’appel a été signifiée, n’a pas constitué avocat dans cette affaire.
Irrecevabilité des conclusions de la SELARL Cabinet Fabienne Chatel-Louroz
Une ordonnance a prononcé l’irrecevabilité des conclusions déposées par la SELARL Cabinet Fabienne Chatel-Louroz, conseil de M. [B], pour non-respect du délai légal prévu par le code de procédure civile.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/01614
N° Portalis DBVX-V-B7G-OEZT
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 22 février 2022
RG : 2022f320
S.A.S. TRANSPORTS [R] [M]
C/
[B]
S.E.L.A.R.L. [I] [L]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
S.A.S. TRANSPORTS [R] [M] ayant pour nom commercial ‘JCT TRANSPORTS’
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Wendkouni Lydie SOALLA, avocat au barreau de LYON, toque : 2198
INTIMÉS :
M. [Y] [B]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Fabienne CHATEL-LOUROZ de la SELARL CABINET FABIENNE CHATEL-LOUROZ, avocat au barreau de LYON, toque : 2377
Assisté de Me Alessandro PEROTTO de la SCP INTER-BARREAUX DEDIEU PEROTTO, avocat au barreau de l’ARIÈGE
S.E.L.A.R.L. [I] [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la société TRANSPORTS [R] [M].
[Adresse 6]
[Localité 8]
défaillante
En la présence du Ministère Public, représenté par M. Romain DUCROCQ, substitut général,
******
Date de clôture de l’instruction : 08 Septembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2022
Date de mise à disposition : 20 Octobre 2022
Audience tenue par Patricia GONZALEZ, président, et Raphaële FAIVRE, vice-président placé, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé.
A l’audience, un des magistrats a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, président
– Raphaële FAIVRE, vice-président placé
– Marianne LA-MESTA, conseiller
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Transports [R] [M], spécialisée dans le transport de marchandises par camionnette de moins de 3,5 tonnes, de montage de meubles et de déménagement, a été créée en septembre 2014 et est dirigée depuis cette date par M. [R] [M].
M. [Y] [B] détient une créance à l’encontre de la société Transports [R] [M] résultant d’un jugement du conseil des prud’hommes de Lyon en date du 20 janvier 2020. En exécution de ce jugement, M. [B] a fait pratiquer, le 4 août 2020, une saisie attribution sur le compte bancaire de la société Transports [R] [M] pour la somme de 4.896,12’euros, laissant une créance à régler de 12.411,35’euros.
Par acte d’huissier de justice du 4 février 2022, M. [B] a fait délivrer assignation à la société Transports [R] [M] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir prononcer un redressement ou une liquidation judiciaire en raison de l’état de cessation des paiements de la société.
Par jugement du 22 février 2022, ce tribunal a :
constaté l’état de cessation des paiements, l’impossibilité d’un redressement et prononcé l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de : La société Transports [R] [M], [Adresse 2], Société par actions simplifiée, Transport, montage de meubles, déménagements, lnscrit au RCS sous le numéro 805 355 419 RCS LYON
fixé provisoirement au 23 novembre 2021 la date de cessation des paiements,
désigné en qualité de juge-commissaire Monsieur [W] [G],
nommé en qualité de liquidateur judiciaire la SELARL [I] [L] représentée par Me [I] [L], [Adresse 6],
nommé en qualité de commissaire priseur judiciaire la SELAS 2C Partenaires, Commissaire Priseur, [Adresse 3] aux fins de réaliser l’inventaire et la prisée prévus a l’article L.622-6 du code de commerce,
invité les salariés de l’entreprise a élire leur représentant dans les 10 jours du présent jugement,
fixé au 22 août 2022 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,
fixé à cinq mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l’article L.624-1 du code de commerce,
dit applicable la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l’article L.641-2 et D.641-10 du code de commerce,
dit que dans l’hypothèse ou les critères d’application de cette procédure ne seraient pas réunis, le liquidateur fera rapport au tribunal afin qu’il soit statué dans les conditions visées a l’article R.644-4 du code de commerce,
dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.
La société Transports [R] [M] a interjeté appel de ce jugement par acte du 28 février 2022.
Par ordonnance du 15 avril 2022, le premier Président de la cour d’appel a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire attachée de plein droit au jugement de liquidation judiciaire.
Par conclusions du 31 août 2022, fondées sur les articles L.661-1, L.631-1 et L.640-1 du code du commerce, la société Transports [R] [M] demande à la cour de :
réformer le jugement déféré en ce qu’il a statué comme suit :
constaté l’état de cessation des paiements, l’impossibilité d’un redressement et prononce l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de : La société Transports [R] [M], [Adresse 2], Société par actions simplifiée, Transport, montage de meubles, déménagements, lnscrit au RCS sous le numéro 805 355 419 RCS Lyon,
fixé provisoirement au 23 novembre 2021 la date de cessation des paiements,
désigner en qualité de juge-commissaire Monsieur [W] [G],
nommé en qualité de liquidateur judiciaire : la SELARL [I] [L] représentée par Me [I] [L], [Adresse 6],
nommé en qualité de commissaire priseur judiciaire : la SELAS 2C Partenaires, Commissaire Priseur, [Adresse 3] aux fins de réaliser l’inventaire et la prisée prévus a l’article L.622-6 du code de commerce,
invité les salariés de l’entreprise a élire leur représentant dans les 10 jours du présent jugement,
fixé au 22 août 2022 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,
fixé à cinq mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l’article L.624-1 du code de commerce,
dit applicable la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue a l’article L.641-2 et D.641-10 du code de commerce,
dit que dans l’hypothèse où les critères d’application de cette procédure ne seraient pas réunis, le liquidateur fera rapport au Tribunal afin qu’il soit statué dans les conditions visées à l’article R.644-4 du code de commerce,
dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure,
et statuant à nouveau :
à titre principal :
juger qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements, et est in bonis,
en conséquence
juger qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’ouverture d’une procédure collective,
à titre subsidiaire :
juger que sa situation n’est pas irrémédiablement compromise,
juger que son activité est rentable et qu’elle est en capacité de générer des résultats positifs et de la trésorerie lui permettant de poursuivre son activité dans le cadre d’une période d’observation consécutive à l’ouverture d’un redressement judiciaire,
en tout état de cause :
statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions du 3 août 2022, fondées sur les articles L.631-1 à L.631-22, R.631-1 à R.631-43, L.640-1 à L.643-13 et R.641-1 à R.643-24 du code de commerce, M. [B] demande à la cour de’:
rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
constater qu’il s’en remet à justice sur l’appréciation de l’état de cessation des paiements de la SAS Transports [R] [M],
condamner la SAS Transports [R] [M] aux entiers dépens.
Le ministère public, par observations du 23 mai 2022, communiquées contradictoirement aux parties, a dit ne pas avoir d’observations.
La SELARL [I] [L] à qui la déclaration d’appel a été signifiée à personne habilitée par acte du 16 mars 2022, n’a pas constitué avocat.
La société transports [R] [M] a signifié ses conclusions à l’intimé non constitué par acte d’huissier de justice remis à personne habilitée en date du 2 septembre 2022.
Par ordonnance du 8 septembre 2022, la présidente de la chambre commerciale a prononcé d’office l’irrecevabilité des conclusions déposées le 3 août 2022 par la SELARL Cabinet Fabienne Chatel-Louroz, conseil de M. [B], lesquelles n’ont pas été déposées dans le délai légal prévu par l’article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l’état de cessation des paiements
L’état de cessation des paiements résulte de l’impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. Cet état de cessation des paiements s’apprécie au jour où la cour statue.
En l’espèce, si la société Transports [R] [M] justifie d’un compte courant créditeur de 32.791,28 euros au 11 août 2022, elle échoue à démontrer être en attente du recouvrement de la somme de 23.473,40 euros au titre d’un solde de créances clients d’un montant total de 51.363,68 euros, alors que la réalité des commandes alléguées ne peut résulter d’un tableau intitulé «’factures en attente de paiement’» établit par ses soins, qui n’est accompagné d’aucune des factures correspondantes de nature à corroborer les éléments y figurant. Au surplus, contrairement à ce qui est soutenu, aucune des commandes dont il est allégué qu’elles ont fait l’objet d’un paiement pour un total de 17.243,99 euros ne figurent au crédit du compte courant de la société au 8 mars 2022, à l’exclusion de deux commandes pour les sommes de 3.074,32 euros et 1.034,02 euros.
Par ailleurs, la photocopie d’un tableau comportant les coordonnées de plusieurs sociétés qui n’est pas daté et dont la provenance est inconnue, n’est pas davantage de nature à établir la réalité des partenariats commerciaux avec les sociétés Mobilier de France [Localité 9], Story, [Localité 9], Château d’Ax [Localité 9], Ephemere [Localité 9] et Rochebobois [Localité 9], dont l’appelante se prévaut.
Enfin, l’affirmation de la conclusion de marchés avec les sociétés EC Cuisine à [Localité 10] et Limonest pour un montant de 5.000 euros HT par mois, qui n’est assortie d’aucune offre de preuve, n’est pas davantage démontrée.
S’agissant du passif, il ressort des déclarations de l’appelante et des éléments émanant Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société appelante figurant en procédure, que le montant des créances déclarées à la procédure collective, s’élevait à 44.972,28 euros, outre la créance salariale de M. [B] de 12.411,35 euros.
Or, si la société Transports [R] [M] affirme avoir soldé ses dettes d’un montant de 1.700 euros et 916 euros auprès de la société MMA, elle ne justifie s’être acquittée que de la somme de 113,10 euros. De même, contrairement à ce qu’elle soutient, seul le paiement de la créance de la commune de [Localité 1] d’un montant de 240,56 euros à l’exclusion de celle due à la société Klesia pour un montant de 362,69 euros est démontré. L’affirmation de la réduction de la dette locative de 7.093,05 euros à 4.000 euros ainsi que sa compensation avec un dépôt de garantie de 12.000 euros, tout comme le paiement partiel de la créance de l’Urssaf d’un montant de 20.938 euros et la régularisation d’un échéancier de paiement pour le solde, n’est pas davantage assortie d’une offre de preuve. S’il est par ailleurs constant que la somme de 12.411,45 euros due à M. [B] a été réglée par l’AGS, il demeure que la société Transports [R] [M] lui en doit le remboursement et ne justifie pas de l’octroi par cette dernière de délais de paiement. Enfin, aucun justificatif de paiement de la dette d’un montant de 1.891,59 euros contractée auprès de la société AS24, dont il est allégué qu’il a eu lieu au mois de septembre 2022 n’est produit aux débats, et il est constant que la créance de la société Opco d’un montant de 1.736,87 euros n’est pas éteinte, l’appelante faisant état d’un paiement envisagé en octobre et novembre 2022.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments, que la société Transports [R] [M], qui se prévaut d’un actif disponible de 32.791,28 euros au titre d’un compte courant et dont le passif s’élève à la somme de 44.618,62 euros, se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, de sorte que l’état de cessation des paiements est caractérisé.
Sur les perspectives de redressement de la société Transports [R] [M]
En application de l’article L640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En application de l’article L. 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
En l’espèce, l’appelante justifie d’un chiffre d’affaire de 22.629,91 euros en mai 2022, de 24.749,21 euros en juin 2022 et de 25.786,15 euros en juillet 2022 et d’un compte courant créditeur à hauteur de 32.791,28 euros au 11 août 2022.
En revanche, de même que la cour a précédemment relevé l’absence de toute justification de l’existence de nouveaux partenariats, elle observe également que les affirmations de l’existence de contrats signés, devant être exécutés au cours du mois de septembre 2022, générateurs d’un chiffre d’affaire de 13.606 euros et de l’existence à court terme d’une trésorerie de 89.951,13 euros, purement hypothétiques, ne sont corroborées par aucun élément versé au dossier, tels notamment des lettres de mission ou des convention d’honoraires, permettant d’apprécier ses perspectives d’activité et de revenus futurs. Enfin, bien que l’appelante se prévale d’une diminution de ses charges fixes de 24.416,71 euros à 13.606 euros par mois, par suite d’une réduction de la masse salariale et de la diminution d’une charge locative consécutive à la résiliation du bail d’un entrepôt, aucune pièce ne vient corroborer la réalité de ces affirmations, le contrat de travail d’un salarié versé aux débats n’étant pas de nature à justifier de la suppression des autres postes au sein de la société.
Il s’en suit que le chiffre d’affaire moyen mensuel de 24.388,42 euros réalisé par la société Transports [R] [M] sur trois mois ne permet pas de couvrir les charges fixes mensuelles. De même, après compensation entre l’actif disponible de 32.791,28 euros et le passif exigible d’un montant de 44.618,62 euros, la société reste encore débitrice de la somme de 11.827,34 euros.
Compte tenu ce ces éléments et alors que les perspectives d’évolutions favorables de l’activité ne résultent que des seules affirmations de l’appelante, laquelle ne justifie par ailleurs d’aucun moratoire accordé par ses créanciers de nature à apurer un passif que la trésorerie ne permet pas de combler, et qui, plus généralement ne produit aucun prévisionnel de trésorerie et d’exploitation réalisé par un cabinet d’expertise comptable laissant apparaître une capacité de redressement et d’apurement du passif, il convient de relever qu’aucune possibilité de redressement n’est caractérisée. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.
Sur les dépens
Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.