Dans cette affaire, l’appelante a argumenté que la demande de rendre opposable à l’AGS les sommes allouées par la cour était nécessaire en lien avec les demandes initiales soumises au premier juge concernant la liquidation judiciaire de la société Elteo. La cour a jugé que les demandes de l’appelante à l’encontre de l’AGS étaient recevables et opposables, dans le respect des dispositions du code du travail. Le jugement a été infirmé sur ce point.
La cour a également ordonné à la SELARL MMJ, en tant que mandataire liquidateur de la société Elteo, de remettre à l’appelante les documents nécessaires dans un délai d’un mois. Aucune astreinte n’a été jugée nécessaire.
Concernant les intérêts, la demande d’assortir les intérêts au taux légal a été rejetée en raison de l’ouverture de la procédure collective. Les demandes relatives aux intérêts ont donc été rejetées.
Enfin, la SELARL MMJ a été condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi que les frais irrépétibles de l’appelante.
Les problématiques de cette affaire
Les Avocats de référence dans cette affaire
Bravo aux avocats ayant plaidé cette affaire :
– Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D’AVOCATS
– Me Corinne ROUX de l’ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY
– Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
Les Parties impliquées dans cette affaire
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
12 janvier 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n° 21/00387
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 JANVIER 2023
N° RG 21/00387
N° Portalis DBV3-V-B7F-UJOP
AFFAIRE :
[E] [D] épouse [T]
C/
S.E.L.A.R.L. MMJ prise en la personne de Maître [L] [N], liquidateur judiciaire de la société ELTEO
L’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDFE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 janvier 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY-PONTOISE
N° Section : E
N° RG : 18/00081
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jonathan BELLAICHE
Me Corinne ROUX
Me Sophie CORMARY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [E], [B] [D] épouse [T]
née le 17 février 1959 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D’AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0103, substitué par Me Elodie JEGOUIC, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.E.L.A.R.L. MMJ prise en la personne de Maître [L] [N], liquidateur judiciaire de la société ELTEO
N° SIRET : 841 400 468
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Corinne ROUX de l’ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 419, substituée par Me Coralie LEMAITRE, avocat au barreau de VERSAILLES
L’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDFE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK
Madame [E] [T] a été engagée par la société Transports 3R à compter du 12 avril 1999 par contrat à durée indéterminée en qualité d’agent administratif.
En 2007, la société Alteo a fait l’acquisition de la société Transports 3R et par la suite le contrat de travail de la salariée a été transféré de la société Transports 3R à la société Elteo.
En 2010, elle était promue cadre administratif de la société Elteo.
La convention collective applicable au sein de la société est celle des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (syntec).
La moyenne des trois derniers mois de salaire de la salariée s’élevait à la somme de 3 689,58 euros.
Par courrier du 2 novembre 2016, la société a notifié à la salariée un avertissement et une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours. La salariée a contesté auprès de la société ces deux sanctions en soutenant qu’elle ne pouvait être sanctionnée deux fois pour les mêmes faits.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande en annulation des deux sanctions disciplinaires prononcées à son encontre.
Par jugement du 18 octobre 2017, la juridiction prud’homale a retenu qu’il n’y avait pas lieu d’annuler la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre de la salariée. Celle-ci a interjeté appel de cette décision.
Par courrier du 19 juillet 2017, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 27 juillet 2017. Le 1er août 2017, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 4 septembre 2017, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de liquidation à l’encontre de la société et désigné Maître [L] [N] en qualité de mandataire liquidateur.
Par requête reçue au greffe le 16 février 2018, Madame [E] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise afin de contester la légitimité de son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 19 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise s’est déclaré compétent pour statuer sur l’affaire mais a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Versailles.
Par arrêt du 8 juillet 2020, la cour d’appel de Versailles a annulé la double sanction notifiée à la salariée le 2 novembre 2016 et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi par la salariée du fait de la sanction nulle.
Par jugement du 21 janvier 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, section encadrement, a :
– Dit Madame [E] [T] irrecevable en ses demandes à l’encontre de l’AGS CGEA,
– Débouté Madame [E] [T] de l’ensemble de ses demandes, son licenciement étant justifié par une faute grave,
– Débouté la SELARL MMJ, es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Elteo, de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné Madame [E] [T] aux dépens de l’instance.
Par déclaration au greffe du 4 février 2021, Madame [E] [T] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Madame [E] [T], appelante, demande à la cour de’:
– La déclarer recevable et bien fondée en son appel et en ses prétentions ;
– Infirmer le jugement rendu le 21 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (RG F 18/00081) en ce qu’il :
– L’a dit irrecevable en ses demandes à l’encontre de l’AGS-CGEA ;
– L’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, son licenciement étant justifié par une faute grave ;
– L’a condamnée aux dépens de l’instance ;
Et, en conséquence, statuant à nouveau :
– Déclarer l’ensemble des demandes formulées par celle-ci recevables ;
– Fixer son salaire de référence à la somme de 3 689,58 euros ;
– Prononcer l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave ;
– Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Elteo aux sommes suivantes :
‘ 55 343,70 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 11 068,74 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 106,87 euros au titre des congés-payés afférents ;
‘ 22 445 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
‘ 1 123,06 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la législation en matière de portabilité de l’assurance complémentaire ;
– Ordonner la remise des documents de fin de contrat (reçu pour solde de tout compte,
certificat de travail et attestation pôle emploi) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Elteo les intérêts légaux sur toutes les sommes auxquelles elle sera condamnée à payer et prononcer la capitalisation des intérêts ;
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Elteo les entiers dépens ;
– Déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’unédic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est;
– Dire et juger que l’unédic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est garantira les sommes précitées ;
– Condamner l’Unédic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est à garantir les sommes précitées ;
– Condamner la SELARL MMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès qualité de
mandataire liquidateur de la société Elteo, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouter la SELARL MMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Elteo, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Débouter l’Unédic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SELARL MMJ prise en la personne de Maître [L] [N], mandataire liquidateur de la société Elteo, intimée, demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par la section encadrement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 21 janvier 2021,
– Débouter Madame [E] [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
– Dire et juger que les indemnités sollicitées par Madame [E] [T] ne sauraient excéder les sommes suivantes :
‘ 22 137,48 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ 11 683,58 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
En tout état de cause :
– Débouter Madame [E] [T] de sa demande au titre de l’application des intérêts au taux légal sur les éventuelles condamnations prononcées à l’encontre de celle-ci, ès qualité de mandataire judiciaire de la société Elteo,
– Condamner Madame [E] [T] à verser à Maître [N], ès qualité de mandataire judiciaire des sociétés Elteo et M2S Transport, la somme d’un euro symbolique sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, l’association unédic AGS CGEA d’Ile-de-France Est, intimée, demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions,
– Juger Madame [T] irrecevable dans sa demande à l’encontre de l’AGS CGEA,
– La débouter de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement :
– Ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause à 22 137,48 euros.
En tout état de cause :
– Mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure.
– Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L. 622-28 du code du commerce.
– Fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société.
– Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail.
– Juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.
SUR CE,
Sur le licenciement
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis ; la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque ;
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, indique d’abord que :
« Le 02 novembre 2016, nous vous avons notifié une mise à pied disciplinaire de trois jours sanctionnant l’exécution défectueuse de votre travail concernant les demandes de récupération de la TICPE à effectuer auprès du service des impôts des douanes.
Votre carence avait, en effet, occasionnée à la société une perte sèche de 35.491 euros.
Cette sanction a eu l’effet escompté durant quelques mois puisqu’en six semaines, vous êtes parvenue à résorber le retard que vous aviez accumulé, ce qui nous amène à conclure que vos manquements résultent d’une simple mauvaise volonté délibérée.
Il ne peut s’agir d’un surcroît de travail comme vous l’avez évoqué lors de l’entretien préalable dans la mesure où vous avons mis en place toutes les mesures d’assistance utiles pour vous permettre de vous consacrer davantage à cette tâche spécifique sur laquelle nous avons attiré votre attention à de nombreuses reprises.
(‘). »
et ajoute que :
« En dépit de ces mesures, depuis le mois de juin 2017, nous déplorons :
– De nouveaux retards importants dans les demandes de remboursement de la TICPE, domaine crucial pour la santé financière de l’entreprise tant les montants récupérables sont colossaux et nécessaires pour nous permettre de nouveaux investissements ;
– Des retards dans la souscription des assurances des conducteurs et matériels ;
– La non-remise des cartes carburant à l’ensemble des conducteurs ;
– L’absence de mise en place des nouveaux On Board Unit (OBU) sur certains camions ;
– L’absence de vérification des documents de conduite des chauffeurs.
(‘).
Par exemple, sans être le seul facteur des difficultés de trésorerie rencontrées par notre groupe :
– Le fait que les fichiers TICPE ne soient pas à jour, nous prive depuis 4 à 5 mois du remboursement acquis au titre du 2ème semestre 2016 et va nous priver, dans les mois à venir, d’une tranche de 150.000 euros de remboursement qui aurait pu être obtenue au titre du 1er semestre 2017,
– Le retard dans le traitement d’une vingtaine de dossiers d’assurance prive le groupe de remboursements dont le montant avoisine 15.000 à 20.000 euros,
– L’absence de fourniture de terminaux OBU a exposé la société ELTEO au risque d’une condamnation au paiement de deux amendes de 7.500 euros et d’immobilisation des deux véhicules concernés.
(…) »
« le refus de vous consacrer aux tâches essentielles relevant de vos fonctions, » avec « de multiples erreurs ou négligences, s’agissant du suivi des absences des salariés sédentaires, informations destinées au service des ressources humaines, des dossiers d’inscription à la mutuelle pour les salariés reclassés, du paramétrage des cartes gasoil pour les véhicules Volvo neufs » et finalement une « insubordination dont vous faites preuve » ;
Il est rappelé que par arrêt du 8 juillet 2020, la cour d’appel de Versailles a annulé la double sanction notifiée à la salariée le 2 novembre 2016 et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi par la Madame [T] du fait de la sanction nulle ;
Si cette annulation a été prononcée au motif de l’absence de convocation de la salariée à un entretien préalable à la double sanction disciplinaire alors prononcée et que le jugement a été confirmé pour le surplus, notamment en rejetant une demande formée au titre d’un prêt de main d’oeuvre illicite, le fait d’avoir annulé cette double sanction en se fondant sur ce motif d’irrégularité ne signifie pas que les autres moyens de contestation y compris de fond soulevés par la salariée étaient écartés, étant d’ailleurs observé que cela ne ressort nullement des motifs de l’arrêt ; l’autorité de la chose jugée s’attache en tout état de cause au dispositif de la décision ayant annulé la double sanction notifiée le 2 novembre 2016, sans la cantonner au seul fondement de son irrégularité, étant observé que les autres chefs de jugement confirmés sont sans rapport avec la double sanction disciplinaire ;
Par suite, les sanctions disciplinaires du 2 novembre 2016 ne peuvent être prises en compte à l’appui du licenciement et constituer le premier terme d’une « réitération » de faits de même nature ;
En outre, les éléments et pièces invoqués par Maître [N] es-qualité sont ceux déjà invoqués au soutien des sanctions disciplinaires du 2 novembre 2016 et leur sont préalables ;
L’employeur ne peut valablement invoquer dans ses écritures d’intimé « l’accumulation d’un nouveau retard conséquent sur les demandes de récupération de la TICPE » par Madame [T] en se référant à des pertes de 35 491 euros qui se rapportent au 2ème semestre 2012 ou à un manque à gagner de 316 612 euros en se référant à un « arrêté des comptes » au 30 septembre 2016, étant au surplus observé que la pièce n°8 intitulée « arrêté du 30 septembre 2016 » dans le bordereau de pièces de Maître [N] ne comporte aucune date ni référence à la TICPE ou à des données précises exploitables, étant rappelé qu’à la date du 2 novembre 2016, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire concernant les faits se rapportant à cette période et que les sanctions du 2 novembre 2016 ont été annulées ;
Si dans la lettre de licenciement l’employeur indique déplorer « depuis le mois de juin 2017 », de nouveaux retards importants dans les demandes de remboursement de la TICPE et invoque en exemple le fait que les fichiers TICPE ne soient pas à jour en indiquant à ce titre être privé depuis 4 à 5 mois du remboursement acquis au titre du 2ème semestre 2016 et qu’il va être privé dans les mois postérieurs d’une tranche de 150.000 euros de remboursement qui aurait pu être obtenue au titre du 1er semestre 2017, outre que ces périodes sont antérieures au second semestre 2017, il n’est fait en tout état de cause aucune démonstration par des pièces nouvelles, comptables ou autres, de manquements imputables à la salariée qui concerneraient la période ayant couru depuis le mois de juin 2017, l’employeur se contentant uniquement, comme déjà souligné, de se référer à des pièces relatives à une période antérieure à cette date ;
Les premiers juges se sont ainsi fondés à tort sur les seules affirmations de l’employeur énoncées dans la lettre de licenciement, qui ne peuvent suffire à rapporter la preuve des manquements reprochés à Madame [T] ;
Il en est de même s’agissant des autres manquements invoqués par l’employeur, tels que des retards dans la souscription des assurances des conducteurs et matériels, la non-remise des cartes carburant à l’ensemble des conducteurs, l’absence de mise en place des nouveaux On Board Unit (OBU) sur certains camions ou de vérification des documents de conduite des chauffeurs, le refus de se consacrer aux tâches essentielles relevant de vos fonctions, ou encore une insubordination, qui sont formulés de manière peu précise, en particulier sans viser de dates, et ne sont pas non plus démontrés ;
Au surplus, ces reproches se rapportent davantage à une insuffisance professionnelle, alors que l’employeur a fait le choix de se placer sur le terrain disciplinaire, étant en effet essentiellement en lien avec un manque d’efficacité ou avec des « erreurs ou négligences » invoquées par l’employeur lui même, lequel se échoue en tout état de cause à démontrer la « mauvaise volonté délibérée » qu’il allègue par ailleurs vis-à-vis de la salariée;
Madame [T] rappelle à juste titre que la relation de travail n’avait fait l’objet d’aucun rappel à l’ordre ou contestation de son travail pendant 17 ans qu’elle gérait en sa qualité de cadre administratif au sein de la société holding près de 6 sociétés ;
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence le jugement est infirmé de ce chef et en ce qu’il a débouté Madame [T] de ces demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;
Sur les conséquences financières
A la date de son licenciement Madame [T] avait une ancienneté de 18 ans et 7 mois au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle plus de 11 salariés ;
Il est justifié ; compte tenu de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Elteo les sommes suivantes :
– 11 068,74 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 106,87 euros bruts au titre des congés-payés afférents,
– 22 445 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
En application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, Madame [T] peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant brut des salaires qu’elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;
Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l’âge, de l’ancienneté de la salariée et des circonstances de son éviction, étant observé que Madame [T] justifie avoir perçu de septembre 2017 à février 2019 l’allocation de retour à l’emploi (ARE) et précise avoir liquidé sa pension de retraite à cette dernière date, il convient de lui allouer une indemnité totale de 25 828 euros à ce titre ;
Sur la portabilité de la mutuelle
La société Elteo a conclu avec la société Axelliance, un contrat d’assurance complémentaire couvrant certains frais de santé au bénéfice de l’ensemble de ses salariés ;
Conformément aux obligations résultant de l’article L.911-8 du code du travail, la société Elteo a porté mention, sur le certificat de travail de Madame [T] de son droit à bénéficier de la portabilité de son assurance complémentaire pendant la durée d’un an ;
La société Elteo justifie aussi avoir rempli une déclaration de portabilité « ANI » le 1er août 2017, date du licenciement ;
Il ressort aussi des pièces versées aux débats qu’un échéancier de la société Axelliance en date du 3 janvier 2018 indiquait à Madame [T] le montant de ses échéances à venir ;
En l’état de ces éléments il n’est pas rapporté la preuve d’un manquement de l’employeur à l’origine d’un préjudice de la salariée à ce titre ;
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée au titre d’une violation des dispositions relatives à la portabilité de la mutuelle complémentaire ;
Sur l’opposabilité de la décision à l’AGS
L’AGS, sans contester avoir été partie à l’instance devant le conseil de prud’hommes, fait valoir que la demande incidente et tardive de Madame [T] devait suivre les formes prévues pour l’introduction de l’instance ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à la portabilité de la mutuelle complémentaire,
Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit la présente décision opposable à l’AGS CGEA Île de France Est dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail et des articles D. 3253-5 et suivants du code du travail lesquelles n’incluent pas la condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Dit le licenciement de Madame [E] [D] épouse [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Fixe la créance de Madame [E] [D] épouse [T] au passif de la liquidation judiciaire de la société Elteo aux sommes suivantes :
– 25 828 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 11 068,74 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 106,87 euros bruts au titre des congés-payés afférents,
– 22 445 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
Ordonne à la SELARL MMJ prise en la personne de Maître [L] [N], mandataire liquidateur de la société Elteo de remettre à Madame [E] [T], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l’attestation pôle emploi, des bulletins de salaire et le certificat de travail rectifiés,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SELARL MMJ prise en la personne de Maître [L] [N], mandataire liquidateur de la société Elteo à payer à Madame [E] [T] la somme de 3’000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SELARL MMJ prise en la personne de Maître [L] [N], mandataire liquidateur de la société Elteo, aux dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,