Litige pour licenciement suite à un accident du travail et manquement à l’obligation de sécurité

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La cour a jugé que le licenciement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail est nul en l’absence de faute grave ou de motif étranger à l’accident du travail, conformément au code du travail. Dans cette affaire, le salarié a été licencié pour faute grave après un accident survenu dans l’entreprise. Cependant, la cour a estimé que les circonstances de l’accident n’étaient pas clairement établies et que le salarié n’avait pas intentionnellement violé les consignes de sécurité. Par conséquent, le licenciement a été annulé et le salarié a obtenu les indemnités de rupture. La demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité a été rejetée faute de preuves suffisantes.

Les problématiques de cette affaire

1. Licenciement pour faute grave et demande d’indemnités pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse
2. Obligation de sécurité de l’employeur suite à l’accident du travail et demande de dommages-intérêts pour non-respect de cette obligation
3. Contestation des demandes d’indemnités de M. [W] par la société SKMA et demande de condamnation de M. [W] au paiement d’une indemnité de procédure

Les notions clefs de cette affaire

1. SARL SKMA
2. Accident du travail
3. Licenciement pour faute grave
4. Obligation de sécurité

Définitions juridiques

1. SARL SKMA

2. Accident du travail: Un accident du travail est un événement soudain survenant à un travailleur par le fait ou à l’occasion de son travail, entraînant une lésion corporelle.

3. Licenciement pour faute grave: Le licenciement pour faute grave est une mesure de rupture du contrat de travail prise par l’employeur en raison d’un comportement fautif du salarié considéré comme suffisamment grave pour justifier une telle sanction.

4. Obligation de sécurité: L’obligation de sécurité de l’employeur consiste à assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail. Cela inclut la prévention des risques professionnels, la formation des salariés, la mise en place de mesures de protection, etc.

Les Avocats de référence dans cette affaire

Bravo à Me Marie GRANGE, avocat au barreau de LILLE, pour sa représentation de M. [E] [W] dans cette affaire devant la Cour d’Appel de Douai.

Les Parties impliquées dans cette affaire

– M. [E] [W] représenté par Me Marie GRANGE, avocat au barreau de LILLE
– S.A.R.L. S.K.M.A représentée par Me Pierre NOEL, avocat au barreau de DOUAI

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 janvier 2024
Cour d’appel de Douai
RG n° 22/01094

ARRÊT DU

26 Janvier 2024

N° 77/24

N° RG 22/01094 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UM7C

PS/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Valenciennes

en date du

20 Juin 2022

(RG 21/00029)

GROSSE :

aux avocats

le 26 Janvier 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [E] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Marie GRANGE, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/007696 du 23/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.R.L. S.K.M.A

[Adresse 1]

[Localité 2]/france

représentée par Me Pierre NOEL, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l’audience publique du 05 Décembre 2023

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 28 novembre 2023

FAITS ET PROCEDURE

La SARL SKMA, employant une demi-douzaine de salariés et exerçant à [Localité 2] une activité de réparation de véhicules automobiles sous franchise Midas, a recruté M. [W] le 03 juillet 2019 en qualité d’ouvrier spécialiste du service rapide. Le 24 août 2020 le véhicule sur lequel celui-ci était affairé a percuté un meuble table d’atelier après l’avoir blessé à la jambe. L’intéressé a été déclaré en accident du travail le même jour et placé en arrêt-maladie jusqu’à son licenciement pour faute grave notifié le 10 novembre 2020. Il a saisi le conseil de prud’hommes le 26 janvier 2021 pour obtenir des indemnités au titre de l’annulation de son licenciement et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Ayant été débouté de ses demandes et condamné au paiement d’une indemnité de procédure il a formé appel et déposé des conclusions le 31/8/2022 demandant à la cour de l’infirmer et de condamner la société SKMA au paiement des sommes suivantes :

’40 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement 3491 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

‘567,39 euros d’indemnité de licenciement

‘1745,82 euros au titre du préavis outre l’indemnité de congés payés

’20 000 euros de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité

‘3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 25/11/2022 la société SKMA prie la cour de débouter M.[W] de toutes ses demandes et de le condamner au paiement d’une indemnité de procédure.

MOTIFS

En application des articles L 1226-9 et L 1226-13 du code du travail le licenciement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail est nul en l’absence de faute grave ou de motif étranger à l’accident du travail. Il est par ailleurs de règle que le doute doit profiter au salarié et que lorsqu’il invoque une faute grave l’employeur doit la démontrer.

En l’espèce, la lettre de licenciement est ainsi motivée :

«Monsieur, faisant suite à l’entretien que nous avons eu ensemble ce 2 novembre 2020, nous sommes au regret de vous faire part de notre décision de mettre fin sans délai à votre contrat de travail. En effet à la suite de l’accident survenu dans notre entreprise le 24 août 2020 et qui aurait pu entraîner des conséquences bien plus graves tant pour vous que pour les autres salariés, nous avons dû examiner les circonstances de cet accident dans lequel vous êtes impliqué. il s’avère ce que nous vous nous avez d’ailleurs confirmé lors de votre entretien, que vous étiez seul au niveau du poste de conduite du véhicule qui nous avait été confié par un client, dans l’atelier de notre garage. Vous avez alors la décision d’enclencher une vitesse en procédant au démarrage du véhicule sans vous être préalablement installé au poste de conduite vous plaçant alors dans une situation ne vous permettant pas d’avoir la maîtrise ou le contrôle du véhicule. Cette décision en violation totale des règles de sécurité que nous déployons avec rigueur dans notre entreprise a provoqué une man’uvre telle que le véhicule a avancé jusqu’à percuter une servante d’atelier contre le mur du garage. Elle a manqué de peu de grièvement blesser votre collègue, Monsieur [F] [G] situé sur la trajectoire de la voiture. Lors de ces événements vous vous êtes blessé à la cheville et au genou, nécessitant que nous vous emmenions au service des urgences… il est incontestable que cette blessure n’aurait pu se produire si vous vous étiez installé au poste de conduite conformément aux règles de sécurité applicable… au surplus, votre contrat de travail

stipule expressément que vous êtes tenu de respecter l’ensemble des règles de sécurité de la Société et du Code de la route. Vous avez d’ailleurs reconnu lors de votre entretien avoir commis une erreur en procédant au démarrage du véhicule dans de telles conditions en supposant l’existence d’un hypothétique système de sécurité installé par les constructeurs sur certaines voitures. Malgré vos bonnes performances en terme de chiffre d’affaires votre comportement vis-a-vis de vos obligations professionnelles n’est pas admissible et constitue une faute grave. Notre entreprise place la sécurité de ses salariés au plus haut de ses priorités. C’est pourquoi nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave, à effet immédiat…’»

En cause d’appel la société SKMA fait valoir que :

-alors qu’il intervenait sur une BMW pour une réinitialisation du système de freinage M.[W] a décidé’d’enclencher une vitesse et l’a démarrée sans s’installer au poste de pilotage

-des photographies de la reconstitution lui ont été montrées et il a reconnu son erreur lors de l’entretien préalable

-l’opération, effectuée avec la valise électronique, ne nécessitait pas de démarrage du véhicule

-les faits ont été commis alors qu’il était informé des strictes consignes de sécurité en vigueur dans l’entreprise et ils justifiaient son congédiement immédiat.

M.[W] rétorque que :

-il a suivi toutes les procédures, comme il était habitué à le faire

-il lui était impossible de s’installer au poste de conduite lors de l’opération avec la valise

-la lettre de licenciement est imprécise sur les circonstances de l’accident

-il a été discriminé en raison de son état de santé de sorte que son licenciement est nul.

Sur ce,

En l’état des éléments fournis la cour ne peut déterminer dans quelle position exacte se trouvait le salarié pour effectuer sa mission et à quelle distance il se trouvait de la pédale d’embrayage (si le véhicule en était doté), du démarreur et du levier de vitesse manuel ou automatique. Il n’est pas précisé si le démarrage du véhicule pouvait s’effectuer directement depuis la valise ou si depuis sa position le salarié pouvait à la fois débrayer et démarrer. L’employeur invoque une reconstitution sans avoir appelé M.[W] à y participer, ce qui n’est d’aucune utilité. Alors qu’il invoque une faute d’une particulière gravité et qu’il doit la démontrer il invoque une erreur du salarié tout en lui reprochant sa décision délibérée d’enclencher une vitesse, ce qui est équivoque. Le témoignage de l’autre salarié présent le jour de faits n’apporte aucun élément quant à l’enchaînement des causes, étant observé que sur la photographie prise lors de la reconstitution il tourne le dos à la scène et que le gérant était positionné à l’opposé du poste de conduite. Du reste, les débats ne permettent pas de déterminer dans quelle position se trouvaient le levier de vitesses, la valise et la clé de démarrage et comment le moteur a été coupé. Il n’est du reste donné aucune indication sur l’attitude de M.[W] et aucune pièce matérielle, de type constat d’assurance, ne permet d’évaluer les dégâts causés au véhicule et au matériel.

Il s’en déduit que le salarié, à qui le doute doit profiter, n’a pas eu l’intention de causer des dommages ou de violer délibérément les consignes et que son erreur relève tout au plus d’une insuffisance professionnelle ponctuelle et non d’une faute rendant impossible son maintien dans les effectifs pendant le préavis.

Le licenciement, prononcé pendant une période de suspension de son contrat de travail, sera donc annulé en application des textes précités.

Leur chiffrage, exact, n’étant pas contesté, il sera alloué à M.[W] les sommes réclamées au titre des indemnités de rupture. Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de la prétendue violation par l’employeur de son obligation de sécurité dès lors qu’il ne précise pas avec la précision requise quels manquements celui-ci aurait commis et que les débats ne mettent au jour aucune violation par ce dernier de ses obligations en matière de sécurité.

Il serait inéquitable de condamner la société SKMA au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté M.[W] de ses demandes au titre de l’annulation du licenciement et l’a condamné au paiement d’une indemnité de procédure;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant;

ANNULE le licenciement de M.[W];

CONDAMNE la société SKMA à lui payer les sommes suivantes ;

– 567 euros d’indemnité de licenciement,

– 1745,82 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 174,58 d’indemnité de congés payés,

– 10 600 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul;

REJETTE le surplus de ses demandes ;

DIT n’y avoir lieu de condamner la société SKMA au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS

 

 

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