Licenciement pour faute grave chez Renk France : contestation et réclamations de l’ex-responsable informatique

Notez ce point juridique

L’affaire jugée concerne un litige entre la société Renk France et M. [C] concernant le paiement des heures supplémentaires et la licéité de son forfait en jours. La société Renk France conteste la demande de M. [C] en affirmant que la convention de forfait jours est valide et qu’il n’a pas justifié la réalisation des heures supplémentaires. Cependant, la cour a jugé que les conditions nécessaires pour la validité du forfait en jours n’ont pas été remplies, notamment en raison de l’absence d’entretiens annuels. En ce qui concerne les heures supplémentaires, M. [C] a fourni des éléments précis pour les justifier, contrairement à ce que prétend la société. La cour a donc ordonné le paiement de certaines heures supplémentaires.

Par ailleurs, la société Renk France a licencié M. [C] pour faute grave, invoquant plusieurs griefs liés à des manquements dans l’exercice de ses responsabilités en tant que responsable informatique. Après examen des différents griefs, la cour a conclu que certains étaient fondés, notamment en ce qui concerne les retards dans le traitement des incidents informatiques et les problèmes de sauvegarde. Le licenciement pour faute grave a été confirmé.

Enfin, la cour a ordonné le paiement des intérêts moratoires sur les créances salariales au taux légal, ainsi que le versement d’une somme de 500 euros à M. [C] au titre des frais de procédure. La société Renk France a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Les problématiques de cette affaire

Les trois problématiques juridiques soulevées par cette situation sont :

1. Le licenciement pour faute grave de M. [C] par la société Renk France et la contestation de ce licenciement devant le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise.
2. Les demandes d’indemnités et de dommages et intérêts formulées par M. [C] suite à son licenciement, notamment concernant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, les heures supplémentaires, l’indemnité compensatrice de préavis, etc.
3. L’appel interjeté par M. [C] contre le jugement du conseil de prud’hommes et les arguments avancés par la société Renk France pour contester cet appel.

Les notions clefs de cette affaire

Les 4 mots clés les plus importants dans ce cas sont :

1. Licenciement pour faute grave
2. Conseil de prud’hommes
3. Appel
4. Salaire de référence

Définitions juridiques

Définitions:

1. Licenciement pour faute grave: Un licenciement pour faute grave est une rupture du contrat de travail motivée par un comportement du salarié considéré comme une faute grave, c’est-à-dire une violation importante des obligations contractuelles.

2. Conseil de prud’hommes: Le Conseil de prud’hommes est une juridiction compétente pour régler les litiges individuels qui surviennent entre employeurs et salariés. Il est chargé de trancher les conflits relatifs au contrat de travail.

3. Appel: L’appel est une voie de recours permettant à une partie mécontente d’un jugement de faire réexaminer l’affaire par une juridiction supérieure. L’appel vise à contester la décision rendue en première instance.

4. Salaire de référence: Le salaire de référence est le montant pris en compte pour calculer certaines indemnités ou prestations liées à l’emploi, telles que les indemnités de licenciement ou les allocations chômage. Il peut varier en fonction des dispositions légales ou conventionnelles.

Les Avocats de référence dans cette affaire

Bravo à Me Rachel SAADA de la SELARL L’ATELIER DES DROITS, avocate au barreau de PARIS, et à Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, pour avoir plaidé cette affaire devant la Cour d’Appel de Versailles.

Les Parties impliquées dans cette affaire

– Me Rachel SAADA de la SELARL L’ATELIER DES DROITS, avocat au barreau de PARIS, représentant Monsieur [I] [C]
– Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, représentant la S.A.S.U. RENK FRANCE
– Me Daniel ROGALINSKI de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant pour la S.A.S.U. RENK FRANCE

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 février 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n° 22/00012

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-2

(Anciennement 6e chambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 FEVRIER 2024

N° RG 22/00012 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-U5SO

AFFAIRE :

[I] [C]

C/

S.A.S.U. RENK FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : 19/00392

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Rachel SAADA

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Rachel SAADA de la SELARL L’ATELIER DES DROITS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W04 substitué par Me David Van Der Vlist, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

***************

S.A.S.U. RENK FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Daniel ROGALINSKI de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 174

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Décembre 2023, Madame Isabelle CHABAL, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN en présence de Madame Mélaine THOMASSIN, greffier stagiaire.

La société Renk France, dont le siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 5], dans le département du Val d’Oise, a pour activité la fabrication, l’achat, la vente, l’importation, l’exportation, de toutes pièces, constructions mécaniques, outillages et machines de précision, les recherches et études. Elle est spécialisée dans la maintenance des transmissions de chars et la fabrication de transmissions automatiques et de systèmes de freinage de véhicules à chenilles.

Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954.

M. [I] ([Z]) [C], né le 6 juin 1969, a été engagé par la société Renk France selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 2014 en qualité de responsable informatique, moyennant une rémunération brute annuelle forfaitaire de 60 000 euros sur 12 mois, soit 5 000 euros par mois.

Par courrier en date du 5 mars 2018, la société Renk France a convoqué M. [C] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 16 mars 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 21 mars 2018, la société Renk France a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s’est tenu le 16 mars 2018 à partir de 15 h au siège social.

Les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien sur les agissements graves qui vous étaient reprochés et qui nous avaient conduit à vous mettre à pied à titre conservatoire sur-le-champ à compter du 5 mars 2018 au soir, n’ont pas permis de modifier notre appréciation sur le caractère fautif de vos agissements.

C’est pourquoi nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute(s) grave(s).

Il convient de rappeler que vous occupez le poste de « Responsable Informatique », statut cadre, niveau II, coefficient 100 au sein de notre entreprise.

Ce poste est basé sur la confiance et la compétence s’agissant d’un poste clé.

Les qualités indispensables sont être force de proposition, avoir le sens de l’organisation et des responsabilités, la rigueur et parfaite gestion du temps, la capacité d’adaptation, d’analyse et de synthèse, l’aisance et la psychologie dans les relations, la disponibilité.

Vous êtes directement rattaché au Président.

Votre mission au sein de la société est importante. Vous êtes en situation de responsabilité pour maintenir en production, assurer le suivi de l’optimisation de l’outil informatique et du système d’information en général, la sécurité, la confidentialité, l’intégrité et la fiabilité du système informatique, s’agissant encore une fois d’un poste clé.

La position II de la Convention collective est celle de l’ingénieur ou cadre confirmé qui est affecté à un poste de commandement en vue d’aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique.

Il vous appartient à ce titre de mettre en ‘uvre notamment la « Politique Générale IT » [technologie de l’information] en vigueur au sein de la société (version 2017) en conformité avec l’ICS (« Internal Control System ») du Groupe Renk. A ce titre, vous êtes Administrateur Système et possédez de tous les droits sur le système dont vous êtes directement responsable.

Un des points essentiels de la Politique Générale IT consiste à assurer la sécurité des informations et la fiabilisation du système par la mise en place des droits d’accès sur ce dernier (point 4.3).

A ce titre, il est prévu que les Administrateurs du Système soient dépositaires du mot de passe d’accès au système. La sécurité du système est assurée par un accès à une partie du mot de passe placé dans le coffre-fort respectif du Président et de la responsable RH sous forme d’une enveloppe cachetée contenant chacune une partie du code. La réunion des deux mots de passe permet alors d’accéder au système.

La mise en ‘uvre et la maintenance de ce système de sécurité vous incombait directement.

Or, nous avons récemment été amenés à constater au cours d’un exercice de routine et en tous les cas depuis un temps non prescrit, qu’aucune enveloppe cachetée ne figurait dans le coffre-fort de la Responsable RH empêchant ainsi le Président et la Responsable RH d’avoir accès au système en cas d’urgence.

Ce manquement grave met en danger la sécurité des salariés et le patrimoine de la société Renk France. Il peut provoquer une perte potentielle en compromettant la sécurité des données.

Vous avez admis au cours de notre entretien qu’une de ces enveloppes était manquante et peut être en votre possession et vous vous êtes contenté d’en rejeter la responsabilité sur un état de fait existant à votre arrivée dans l’entreprise. Une telle explication n’est évidemment pas recevable puisque cette tâche vous incombait et qu’elle est essentielle pour la sécurité de la société qui exercice une activité sensible liée à la Défense Nationale.

Il s’agit d’un manquement grave identifié comme tel au point 4.5.3.1 de la Politique Générale IT.

Nous avons également été conduits à devoir constater des manquements graves dans le traitement des tickets IT. L’historique « Ticket center » sur plusieurs années, mais particulièrement au cours des deux derniers mois, montre, malgré la présence de deux personnes (contrainte Groupe) dans le service et des abonnements de maintenance souscrits auprès de sociétés tierces, qu’aucune amélioration dans le traitement des problèmes des utilisateurs n’est décelable, bien au contraire. (plus de 50 demandes ouvertes en permanence – temps de traitement longs en général, jusqu’à plusieurs années !).

Nous avons également constaté l’intervention d’un prestataire extérieur (Dell) laissé sans surveillance ayant provoqué le dysfonctionnement (allumage du poste, absence clavier …) sur plusieurs jours d’un poste de travail stratégique (M. [S]) du BE.

L’intervention de Dell concernait la mise en place de nouveaux clients légers «WYSE» sur d’autres postes, autres que celui de M. [S]. Vu les problèmes, récurrents en général sur notre CAO, il fallait faire preuve d’inconscience et d’incompétence pour laisser intervenir une personne extérieure sur le poste fonctionnel le plus critique du service (aucun paramètre aurait été touché, toujours est-il que le poste était hors service le lendemain de l’intervention !).

Vous avez été relancés à plusieurs reprises, sans effet, par M. [R] sur l’importance et l’urgence de la remise en service de la routine Myreport permettant de calculer l’indicateur mensuel de la performance du service achat. Cet indicateur fait partie des indicateurs que nous suivons dans le cadre de notre politique qualité. Cette dernière fait l’objet d’audits annuels (société SGS). L’absence de traitement par vos soins de cette demande, notamment à l’issue d’une énième relance par courriel en date du 12 décembre 2017, a conduit M. [R] à nous en informer directement et à s’émouvoir de cette carence grave de votre part à mettre en place un nouveau cahier des charges de l’indicateur Achats.

Une société tierce (Jalix) a commencé à intervenir seulement le 17 janvier 2018, la veille de l’audit qualité. Le sujet n’est toujours pas clos à ce jour. Nous avons eu une chance inouïe de ne pas avoir une non-conformité sur ce point lors de l’audit SGS.

Par ailleurs, notre Directeur Projets Export est toujours en attente d’un outil pour scanner les multiples cartes de visite reçues lors des salons et autres contacts.

Nous venons de découvrir qu’un logiciel a été acquis depuis de longue date (>1 an) est qu’il n’est toujours pas implémenté !

Enfin, nous faisons face à des problèmes récurrents de sauvegarde.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l’entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien ne nous ont pas permis de réviser notre jugement.

Ces fautes perturbent la bonne organisation de l’entreprise.

C’est pourquoi devant ce constat affligeant, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute(s) grave(s), sans indemnité ni préavis, qui prendra effet à la date de notification du présent courrier.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent la période non travaillée du 6 mars 2018 au 21 mars 2018 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.»

Par requête reçue au greffe le 18 mars 2019, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise.

La décision du conseil de prud’hommes mentionne qu’il formait les demandes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (10 mois) : 75 000 euros,

– indemnité de licenciement conventionnelle : 15 147 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 45 440 euros,

– dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat (à parfaire) : 30 000 euros,

– heures supplémentaires mars 2015 – mars 2018 : 45 903 euros,

– incidence sur congés payés : 4 590 euros,

article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

– exécution provisoire de la décision à intervenir,

– intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts,

– remise d’une attestation Pôle emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie conformes,

– astreinte de 50 euros par document et par jour, dont le conseil se réservera la liquidation,

Demande modifiée le 5 novembre 2019 :

– fixer son salaire de référence à 7 573,28 euros,

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 75 000 euros,

– indemnité de licenciement : 15 065 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 45 439 euros,

– incidence sur congés payés : 4 544 euros,

– article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

– dépens,

– intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction avec capitalisation annuelle,

– dire que les condamnations s’entendent nettes de CSG, de CRDS et de toute cotisation sociale,

– exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Renk France avait, quant à elle, demandé que M. [C] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui verser une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 25 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, section encadrement, a :

– dit que le licenciement de M. [C] repose sur une faute grave,

– débouté M. [C] de l’ensemble de ses demandes,

– fixé le salaire moyen brut des trois derniers mois de M. [C] à 5 276,54 euros,

– débouté la société Renk France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de M. [C].

Par déclaration du 31 décembre 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2022, M. [C] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté M. [C] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens,

– fixer le salaire de référence de M. [C] à 7 573,28 euros,

– condamner la société Renk France à verser à M. [C] (les) sommes suivantes :

– 75 000 euros à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 15 065 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 44 455 euros au titre des heures supplémentaires,

– 4 446 euros au titre des congés y afférents,

– 45 903 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 4 590 euros au titre des congés payés y afférents,

– 5 000 euros à titre d’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Renk France aux entiers dépens,

– dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes avec capitalisation annuelle,

– dire que les condamnations s’entendent nettes de CSG, de CRDS et de toute cotisation sociale.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2022, la société Renk France demande à la cour de :

A titre liminaire, déclarer l’appel irrecevable comme tardif après examen de la date de notification du jugement entrepris, sous l’office du juge d’appel,

Subsidiairement,

– déclarer l’appel mal fondé, en débouter M. [C],

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pontoise,

En conséquence,

– débouter M. [C] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire, si par impossible, le licenciement n’était pas causé :

– faire application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail (4 ans d’ancienneté),

– fixer le salaire de référence à 5 197,03 euros,

– condamner M. [C] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

Par ordonnance rendue le 8 novembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 5 décembre 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la recevabilité de l’appel

La société Renk France relève que M. [C] n’a formé appel de la décision que le 31 décembre 2021 alors qu’elle-même a été destinataire du jugement le 26 novembre 2021, lendemain de son prononcé. Estimant qu’il existe une possibilité que l’appel soit irrecevable car tardif, elle demande à la cour de procéder à une vérification d’office de ce point.

En application de l’article R. 1461-1 du code du travail, le délai d’appel d’une décision rendue par le conseil de prud’hommes est d’un mois.

Il court à compter de la notification de la décision à laquelle procède le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en application de l’article R. 1454-26 du même code.

En l’espèce le greffe a notifié le jugement rendu le 25 novembre 2021 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception retirée le 26 novembre 2021 par la société Renk France et le 3 décembre 2021 par M. [C].

En conséquence, l’appel interjeté par ce dernier le 31 décembre 2021, moins d’un mois après la notification de la décision de première instance, est recevable.

Sur les heures supplémentaires

M. [C] conteste la licéité de son forfait en jours, soutient qu’il lui est inopposable et réclame paiement des heures supplémentaires qu’il a réalisées.

La société réplique à titre principal que la convention de forfait jours est valide et à titre subsidiaire qu’il n’existe pas de justification que M. [C] a réalisé des heures supplémentaires.

Il est rappelé que, selon les textes applicables au contrat de travail conclu en l’espèce le 1er septembre 2014, la conclusion d’une convention de forfait jours requiert que :

– le salarié dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps,

– un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche autorise et réglemente la conclusion de conventions de forfait jours en application de l’article L. 3121-39 du code du travail,

– un accord soit mis en place sur le forfait jours prévoyant des règles de suivi de la charge du travail du salarié. L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail,

– une convention individuelle de forfait soit rédigée et acceptée par le salarié en application de l’article L. 3121-40 du code du travail,

– un entretien annuel soit organisé en application de l’article L. 3121-46 du code du travail, qui disposait : « Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié » ; l’entretien d’évaluation annuelle ne peut suffire à respecter ces prescriptions légales.

Ces conditions sont cumulatives. Par conséquent, si l’une d’entre elles fait défaut, le forfait annuel en jours encourt la nullité ou n’est pas opposable au salarié qui peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires.

Sur la licéité du forfait en jours

M. [C] expose que sa convention individuelle de forfait en jours a été signée sous l’empire de l’accord national concernant l’organisation du travail dans le bâtiment et les travaux publics du 6 novembre 1998 ; que l’accord d’entreprise, qui se borne à affirmer qu’un contrôle régulier de la charge de travail doit être réalisé, sans en préciser les modalités de sorte que l’existence même d’un tableau détaillant les journées ou demi-journées travaillées n’est pas mentionné, ne satisfait pas les exigences jurisprudentielles qu’il rappelle, notamment celle de la Cour de justice de l’Union Européenne dont il ressort que l’employeur doit tenir de manière journalière la durée du travail.

La société répond qu’est applicable l’accord de branche de la métallurgie du 28 juillet 1998 dont le contenu a été validé par la Cour de cassation, qui est très précis quant au contrôle et au suivi de la charge de temps de travail des salariés ; que par l’accord d’entreprise du 17 décembre 2007, elle observe le dispositif mis en place par cet accord collectif.

Le contrat de travail de M. [C] mentionne que la convention collective de la métallurgie (accords nationaux et région parisienne) est applicable.

La convention de forfait en jours contenue dans son contrat de travail a ainsi été signée sous l’empire de l’accord de branche de la métallurgie du 28 juillet 1998 et non de l’accord national concernant l’organisation du travail dans le bâtiment et les travaux publics du 6 novembre 1998.

L’accord de branche du 28 juillet 1998 doit assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et respecter les dispositions de l’article L. 3121-45 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, et ainsi prévoir :

– les catégories de cadres intéressés au regard de leur autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps,

– les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos,

– les conditions de contrôle de son application,

– des modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte.

Par arrêt du 29 juin 2011 (n°09-71.107), la chambre sociale de la Cour de cassation a, au visa notamment de l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l’article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, jugé que le respect des stipulations de l’accord collectif du 28 juillet 1998 est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.

Aux termes de cette décision, l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, prévoit que le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises ; que l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; que ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail ; qu’en outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité ; que cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

En l’espèce, l’accord d’entreprise du 17 décembre 2007 (pièce 9 de la société) prévoit que :

– le supérieur hiérarchique assure, en liaison avec chaque salarié concerné, le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et sa charge de travail,

– chaque salarié bénéficie chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation, la charge de travail et l’amplitude de ses journées d’activité. Cette amplitude et cette charge doivent rester raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps de son travail,

– le suivi des jours travaillés est effectué par l’employeur qui est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels, jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, ainsi que les éventuelles autres absences.

L’accord d’entreprise satisfaisant ainsi aux dispositions de l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, la convention de forfait en jours de M. [C] ne peut être déclarée illicite à raison du moyen invoqué.

Sur l’opposabilité du forfait en jours

M. [C] fait valoir qu’il n’a jamais bénéficié du moindre suivi de sa charge de travail ni d’un entretien annuel portant sur sa charge de travail, de sorte que sa convention de forfait en jours lui est inopposable.

La société répond que M. [C] a bénéficié d’entretiens annuels et n’a jamais fait état de difficultés relatives à ses heures de travail.

L’employeur ne produit pas l’entretien d’évaluation du 1er avril 2015 qu’il invoque et la fiche d’évaluation annuelle de M. [C] relative à l’année 2016 ne comporte aucune mention relative à la charge de travail du salarié et à l’amplitude de ses journées d’activité (pièce 11 de la société).

Or la convention de forfait en jours mentionnée dans le contrat de travail de M. [C] précise que ‘le salarié bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé, l’amplitude de ses journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération.’, conformément à l’accord d’entreprise de 2007.

A défaut d’entretien annuel évoquant ces points, la convention de forfait en jours de M. [C] doit lui être déclarée inopposable.

Sur les heures supplémentaires réalisées

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire, M. [C] produit en pièce 4 bis un tableau récapitulatif des heures supplémentaires réalisées du mois de mars 2015 au mois de mars 2018, lesquelles, majorées de 25 %, correspondent à une somme due de 44 454,93 euros.

Il fournit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Renk France réplique en premier lieu qu’elle n’a jamais demandé à M. [C] d’effectuer des heures supplémentaires.

Or le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.

La société réplique en deuxième lieu que le calcul effectué par M. [C] est purement théorique en ce qu’il applique forfaitairement 42 heures de travail par semaine, y compris pendant des périodes où il était en congés ou RTT. Elle produit le planning individuel de travail de M. [C] pour les années 2017 et 2018 et les relevés de pointage du salarié sur toute la période d’exécution du contrat de travail (pièce 10).

M. [C] a rectifié le tableau qu’il avait initialement établi (sa pièce 4) afin de modifier les heures de travail hebdomadaires prises en compte alors qu’il était pour partie en congé.

Le tableau qu’il produit en pièce 4 bis comporte pour chaque semaine une durée de travail qui est le plus souvent de 42 heures, pouvant atteindre 45 heures ou être inférieure notamment en période de congés. Ni ce tableau ni aucune pièce ne mentionne les horaires de travail effectifs du salarié, ce qui aurait permis de vérifier la réalité des heures supplémentaires accomplies.

Le ‘pointage forfait jours’ produit par l’employeur ne permet pas de mesurer les horaires de travail en ce que, à de rares exceptions près, il ne comporte que les heures d’entrée dans l’entreprise de M. [C] mais non ses horaires de sortie. Durant ses 4 premiers jours de travail en septembre 2014, M. [C] est arrivé entre 8h44 et 8h57 le matin et il a quitté son travail entre 18h04 et 18h32. Par la suite, il a débuté son travail, sauf exception, entre 8h30 et 9h30 et le plus souvent aux alentours de 9 heures.

La comparaison des pièces produites par les parties permet de constater que M. [C] prend en compte un horaire hebdomadaire de base de 42 heures lorsqu’il travaille 5 jours, réduit à 35 heures lorsque la semaine comporte un jour férié ou de RTT.

Néanmoins 35 heures de travail sont comptées pour 3 jours de travail du 15 au 17 juillet 2016 et 23,5 heures pour 3 jours de travail du 12 au 14 août 2016, sans aucune possibilité de vérifier la véracité de l’accomplissement de ces heures.

Il apparaît que le calcul des heures supplémentaires accomplies par M. [C] est purement forfaitaire et ne peut être retenu. Au regard des pièces produites, la cour fixera à la somme de 1 734 euros brut la somme due pour les heures supplémentaires accomplies, outre 173,40 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation de la décision entreprise.

Si M. [C] demande en pages 15 et 16 de ses conclusions l’infirmation de la décision en ce qu’elle l’a débouté de sa demande d’indemnité formée sur le fondement du travail dissimulé, force est de constater, d’une part qu’il ne chiffre pas cette demande et d’autre part qu’aucune demande à ce titre ne figure dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile. La cour n’est dès lors pas saisie d’une demande à ce titre.

Il en va de même pour la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, dont M. [C] a été débouté en première instance et qui n’est plus demandée en cause d’appel.

Sur le licenciement

M. [C] soutient qu’aucune faute disciplinaire ne peut lui être reprochée et que l’intégralité des reproches qui lui sont fait ont trait à de l’insuffisance professionnelle, laquelle n’est fautive qu’en cas d’agissements volontaires ou intentionnels.

La société estime quant à elle que le licenciement pour faute grave est bien-fondé.

Il résulte de l’article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi. Elle ne constitue un motif de licenciement disciplinaire que si elle résulte d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée du salarié.

L’article L. 1232-6 du code du travail prévoit que la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Elle fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement et c’est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement.

En l’espèce, le licenciement de M. [C] n’est pas fondé sur une insuffisance professionnelle mais sur une faute grave dont l’employeur doit démontrer l’existence.

Il convient d’examiner les six griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Il est précisé qu’en sa qualité de responsable informatique, conformément aux dispositions de l’article 4 de son contrat de travail, M. [C] exerçait principalement les attributions et responsabilités suivantes :

– le maintien en production, le suivi et l’optimisation de l’outil informatique et du système d’information en général,

– la sécurité, la confidentialité, l’intégrité et la fiabilité du système d’information.

Il devait notamment définir, mettre en ‘uvre, suivre et optimiser la politique de gestion des risques des systèmes d’information et participer activement à l’ICS (Internal Control System).

La société produit le document ‘Politique générale IT’ établi en 2017 par M. [C] (pièce 4) qui prévoit en son article 4.5.3.1 que sont considérés comme des manquements les négligences graves ou actes intentionnels qui :

‘- représentent une atteinte à la réputation de Renk France,

– mettent en danger la sécurité des salariés, partenaires contractuels, conseillers ou le patrimoine de Renk France,

– provoquent une perte réelle ou potentielle pour Renk France – en compromettant la sécurité des données ou des informations commerciales,

– permettent l’accès non autorisé à des informations, leur divulgation et/ou modification,

– permettent l’utilisation d’informations de l’entreprise ou d’informations secondaires à des fins illégales et/ou provoquent l’atteinte des droits de la personnalité humaine des salariés par l’utilisation abusive de données ou de mots de passe.

La tentative de manquement est également sanctionnée.’

1 – sur l’absence d’enveloppe cachetée contenant le mot de passe système

La lettre de licenciement reproche à M. [C] de ne pas avoir mis dans le coffre-fort de la responsable des ressources humaines une enveloppe cachetée contenant une partie du code permettant d’accéder au système en cas d’urgence.

La société indique que les droits d’accès au système d’information étaient réservés à M. [C] en sa qualité d’administrateur, qu’il lui appartenait de veiller à ce que les deux parties du mot de passe soient régulièrement mises à jour et effectivement déposées dans les deux coffres fort, du président d’une part et de la responsable RH d’autre part, que lors d’un contrôle de routine le 27 février 2018, il a été constaté l’absence de la partie du mot de passe devant se trouver dans le coffre de la RH.

Elle produit en pièce 5 la fiche d’incident informatique rapportant qu’au cours d’une vérification opérée le 27 février 2018, M. [P] [Y], président directeur général de la société et Mme [D] [X], responsable des ressources humaines, ont constaté que l’enveloppe cachetée figurant dans le coffre de la RH était vide.

M. [C] soutient que l’affirmation, faite en son absence, est sujette à caution, relève que le coffre contenait bien une enveloppe cachetée et qu’il est hautement improbable que son prédécesseur et la précédente RH n’aient pas vérifié le contenu de l’enveloppe.

Or, d’une part une fiche d’incident a été établie le jour de la découverte de l’anomalie et d’autre part il appartenait à M. [C], lorsqu’il a pris ses fonctions en 2014, de s’assurer que l’enveloppe cachetée figurant au coffre de la RH contenait une partie du mot de passe et de veiller à sa mise à jour, l’anomalie ayant été détectée plus de 3 ans après son entrée en fonctions.

Le grief, qui constitue une abstention volontaire de vérification de la présence du mot de passe, est ainsi établi.

2 – sur le traitement des tickets d’incident

La lettre de licenciement fait état de la constatation de manquements graves dans le traitement des tickets IT dès lors que malgré la présence de deux personnes dans le service et des abonnements de maintenance souscrits auprès de sociétés tierces, aucune amélioration n’a été décelée dans le traitement des problèmes des utilisateurs, le nombre de demandes ouvertes en permanence et leur délai de traitement dénotant au contraire une absence d’amélioration.

La société produit en pièce 6 l’historique du ‘ticket center’ qui montre que le retard de traitement des tickets IT n’a fait qu’augmenter depuis le 1er septembre 2014.

M. [C] estime que les graphiques produits sont hautement contestables. Il relève qu’à compter de son licenciement, l’encourt est resté constant, ce qui signifie qu’aucun problème informatique nouveau n’est survenu ; que lors de son embauche de nombreux tickets étaient ouverts avec un important retard, ce qui correspond le plus souvent à des problèmes traités mais non clôturés informatiquement ou résolus sans intervention du service informatique. Il explique que lorsque le service informatique était submergé, il pouvait arriver qu’un même problème fasse l’objet de plusieurs signalements et tickets dont seuls certains étaient clôturés. Il remarque que si les tickets n’avaient pas été traités depuis des années, il y aurait eu des blocages, relances et récriminations de son employeur. Il ajoute que les délais de traitement étaient tributaires de la disponibilité de l’autre salarié et qu’il s’agirait d’un manquement non disciplinaire mais tenant à une mauvaise exécution du travail dont le caractère volontaire n’est pas démontré.

Le graphique produit par la société montre que si du retard dans le traitement des incidents préexistait à l’embauche de M. [C], il s’est nettement aggravé au fil du temps.

Si cette pièce ne suffit pas à démontrer, faute pour l’employeur de justifier que des relances ont été faites par les utilisateurs, que les tickets en cause n’ont pas été traités durant des mois, il appartenait à M. [C], en sa qualité de responsable du service informatique, de veiller à ce que les tickets d’incident ouverts soient fermés informatiquement.

En outre, il ressort de l’évaluation 2016 de M. [C] que sa rapidité de traitement des projets, sa rigueur dans l’organisation et la programmation et le respect des plannings étaient jugés insuffisants. Ses points faibles à améliorer étaient : ‘organisation, une lenteur certaine, management, pro activité’.

Le grief est donc partiellement fondé.

3 – sur l’intervention sans surveillance d’un prestataire extérieur

La lettre de licenciement indique qu’un prestataire extérieur, de la société Dell, a été laissé sans surveillance, ce qui a provoqué un dysfonctionnement de plusieurs jours sur le poste de M. [S] (allumage du poste, absence de clavier, etc.), qui était le poste fonctionnel le plus critique du service.

La société se réfère aux documents qu’elle produit en pièce 15 pour justifier la carence de M. [C] dans l’exercice de ses responsabilités.

Le salarié répond qu’il s’agissait de l’installation de logiciels sous sa surveillance et celle de M. [L], le technicien de Dell n’ayant pas été laissé sans surveillance ; que pour des raisons indéterminées, à la fin de l’intervention du technicien, le poste de M. [S] ne fonctionnait plus qu’en accès distant, sans possibilité de le faire fonctionner en utilisant son clavier et son écran ; que dans l’attente de la résolution du problème, qui a pris une semaine, il a mis un nouvel ordinateur à disposition de M. [S].

Il ressort des pièces produites par la société que par courriel du 20 février 2018 M. [C] a fait part d’une intervention d’un technicien Dell prévue les 21 et 22 février pour ‘la configuration des Wyse et la mise en route des nouvelles CAO’, en précisant que le technicien occuperait un bureau disponible pour faire ses configurations. Un problème d’absence de reconnaissance du clavier et de la souris est survenu à la suite de cette intervention sur certains postes et M. [C] a sollicité une intervention de la société Dell le 23 février. Le technicien, qui devait intervenir le 1er mars, n’avait pas réglé le problème le 6 mars. Après relance de M. [L], administrateur systèmes réseaux, de nouvelles cartes ont été installées sur les postes le 19 mars 2018.

Ces documents ne permettent pas d’établir que c’est en raison d’une faute de M. [C] et du fait qu’un technicien serait intervenu sans surveillance que le poste de M. [S] a dysfonctionné. Le grief n’est donc pas fondé.

4 – sur l’absence de traitement de la demande de remise en service de la routine MyReport

La lettre de licenciement reproche à M. [C] l’absence de remise en service de la routine MyReport permettant de calculer l’indicateur mensuel de performance du service achat, malgré plusieurs relances demeurées sans effet.

La société précise que sur ce sujet, signalé en octobre 2015, le devis date du 24 avril 2017 et l’intervention du sous-traitant de 2018.

M. [C] relate que l’indicateur d’achat a dû faire l’objet d’une migration de serveur, que certaines alertes résultaient d’une mauvaise utilisation de l’outil par M. [R], que la modification de l’indicateur souhaitée par M. [R] nécessitait des disponibilités communes de la société Jalix et de M. [R], qui ont été particulièrement difficiles à trouver, que les factures invoquées par l’employeur ne correspondent pas au devis invoqué, que le travail de M. [R] n’était pas bloqué par l’absence de création d’un nouvel indicateur, les dysfonctionnements étant résolus chaque année avant les audits.

Il ressort des courriels produits en pièce 13 par la société que :

– par courriel du 9 octobre 2015, M. [R], responsable du service achats, a indiqué à M. [C] que l’indicateur Achats ne fonctionne plus et qu’il en a besoin pour l’audit SGS qui intervient bientôt,

– M. [R] a effectué une relance le 16 octobre 2015, soulignant que l’audit de renouvellement SGS allait se tenir les 29 et 30 octobre,

– par courriel du 25 octobre 2016, M. [R] a indiqué à M. [C] que l’indicateur Achats ne fonctionnait pas, la mise à jour ne se faisant pas. Il écrivait ‘Alors de ce fait, c’est pas réglé notre affaire’,

– par courriel du 12 décembre 2017, M. [R] a signalé à M. [C] qu’après vérification, l’indicateur Achats ne fonctionne pas. Il a réitéré sa demande de réunion avec une personne qui devait déjà le rencontrer il y a plusieurs semaines pour lui présenter le cahier des charges ‘indicateurs achats’. Il concluait par : ‘je pense qu’il faut définitivement oublier l’indicateur actuel qui ne fonctionne plus’,

– le 6 mars 2018 M. [R] indiquait à Mme [X] qu’une première réunion avait eu lieu le 17 janvier, une deuxième le 20 février et que la troisième (et normalement dernière) était prévue le 10 avril.

La société produit par ailleurs un devis n°DV01178 établi le 24 avril 2017 par la société Jalix pour une assistance à la migration de l’outil MyReport, d’une durée de 4 jours d’un coût unitaire de 900 euros HT, soit un montant total de 3 600 euros HT ainsi que deux factures de la société Jalix datées du 18 janvier 2018 et du 23 février 2018, correspondant chacune à une journée d’intervention à 900 euros HT.

Les factures suivent les deux premières réunions évoquées par M. [R]. Elles ne mentionnent pas le numéro du devis de 2017 mais un numéro de commande (CV 01080) qui est logiquement différent du numéro de devis et en tout état de cause, elles ont bien pour objet l’assistance migration MyReport.

Il est ainsi démontré que la résolution du problème récurrent de dysfonctionnement de l’indicateur Achat n’a été traitée qu’avec retard par M. [C], ce dernier ne produisant aucune pièce de nature à démontrer que le problème provenait en réalité d’une mauvaise utilisation de l’outil par M. [R]. Le grief est donc matériellement établi.

5 – sur l’outil permettant de scanner des cartes de visite

La lettre de licenciement indique que le directeur projets export demeure dans l’attente d’un logiciel pour scanner les cartes de visite qu’il reçoit et qu’il vient d’être découvert que le logiciel acquis depuis plus d’un an n’a toujours pas été implémenté.

M. [C] indique que le président de la société ne pouvait prétendre découvrir le logiciel en 2018 alors qu’il avait signé le bon d’achat du logiciel, sollicité en 2016. Il explique que pour l’installation du logiciel il a contacté le directeur export, qui n’est jamais revenu vers lui, de sorte qu’il a considéré que le logiciel n’était plus utile à ce dernier.

Si les explications du salarié sont étonnantes s’agissant du défaut d’installation d’un logiciel acquis par la société, force est de constater que la société ne produit aucune pièce témoignant de la réalité du grief, de sorte qu’elle n’en établit ni la matérialité ni l’imputabilité au salarié.

6 – sur les sauvegardes

La lettre de licenciement énonce que la société fait face à des problèmes récurrents de sauvegarde qui mettent en cause la bonne marche de l’entreprise.

M. [C] fait valoir que les problèmes ne sont pas détaillés, que le matériel était vieillissant, l’espace de stockage de plus en plus plein, ce qui le contraignait à réduire manuellement la taille des données stockées ; que pour autant, toutes les sauvegardes étaient faites ; que conscient de la difficulté il a acheté du nouveau matériel avant son licenciement mais souhaitait que les problèmes liés à l’intervention de Dell soient résolus avant de procéder à son installation.

Il ressort des courriels produits en pièce 16 par la société qu’un devis pour un serveur a été communiqué à M. [C] et M. [L] le 11 décembre 2017 par la société Doriacom. Le mercredi 20 décembre 2017 M. [C] a demandé un ajustement de l’offre en indiquant qu’il souhaitait passer commande avant la fin de la semaine. Le devis a été modifié le jour même.

Par courriel du 9 mars 2018, M. [C] étant absent, M. [L] a demandé une intervention en urgence à la société Doriacom pour augmenter la capacité du disque et établir un plan d’action. M. [Y] a souligné qu’il s’agissait de mettre en place une solution de sauvegarde même provisoire compte tenu de la criticité du sujet et des ‘acrobaties techniques nécessaires à ce jour’, alors que la situation était connue depuis de nombreux mois.

Ces documents démontrent que M. [C], avisé du sujet depuis plusieurs mois, n’avait pas passé commande auprès de la société. Le grief est donc fondé.

M. [C] fait valoir qu’il a été augmenté en janvier 2018 et qu’aucun courrier d’alerte ne lui a été adressé au sujet d’éventuelles insuffisances.

Or la cour observe que l’augmentation de salaire invoquée n’est pas significative dès lors que M. [C] bénéficiait d’une augmentation de son salaire de base mensuel brut chaque année en janvier. Il est ainsi passé de 5 000 euros par mois lors de son embauche en 2014, à 5 025 euros à compter de janvier 2015, 5 076 euros en janvier 2016, 5 150 euros en janvier 2017 et 5 202 euros en janvier 2018.

En outre, des points d’amélioration étaient mentionnés sur l’évaluation annuelle 2016 du salarié.

Est ainsi établi un ensemble de faits imputables à M. [C], qui traduisent une négligence fautive de sa part à traiter dans les temps les demandes qui lui étaient soumises ou à assurer le respect des règles de sécurité informatique dont il avait la charge.

Il s’agit de fautes qui dépassent une simple insuffisance professionnelle et c’est vainement que M. [C] invoque l’absence d’évaluation de l’adéquation des effectifs et de sa charge de travail, de plan d’action ou de formation.

Les faits constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifiaient son départ immédiat.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a jugé que le licenciement de M. [C] repose sur une faute grave et qu’elle a débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

Sur les intérêts moratoires

Les créances, de nature salariale, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a mis les éventuels dépens à la charge de M. [C] et confirmée en ce qu’elle a débouté la société Renk France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Renk France sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [C] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sa demande du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel de M. [I] [C],

Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [C] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et des congés payés afférents et en ce qu’il a mis les dépens à la charge de M. [I] [C],

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Renk France à payer à M. [I] [C] les sommes de :

– 1 734 euros brut au titre des heures supplémentaires,

– 173,40 euros au titre des congés payés afférents,

Déboute M. [I] [C] du surplus de sa demande à ce titre,

Dit que les créances, de nature salariale, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Renk France aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Renk France à payer à M. [I] [C] une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Renk France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top