Dans cette affaire, la société a licencié M. [V] pour motif personnel, invoquant des manquements professionnels et des résultats insuffisants. Cependant, le tribunal a jugé que les motifs de licenciement n’étaient pas suffisamment étayés et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, la société a été condamnée à verser à M. [V] une indemnité de 6’000 euros pour licenciement abusif.
Par ailleurs, le tribunal a également statué sur la question des heures supplémentaires non payées et a accordé à M. [V] un rappel de salaire de 52’938.37 euros pour les heures supplémentaires effectuées en 2018 et 2019. En revanche, la demande d’indemnité pour travail dissimulé a été rejetée faute de preuves suffisantes.
En ce qui concerne le forfait en jours et les jours de RTT indûment accordés, le tribunal a déclaré la convention de forfait en jours inopposable à M. [V] et l’a condamné à restituer à la société la somme de 1’851.32 euros correspondant aux jours de RTT indûment accordés.
Enfin, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail a été rejetée, le tribunal estimant que l’employeur avait respecté ses obligations envers M. [V]. La compensation des créances réciproques entre les parties a également été ordonnée.
La société a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement de 2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel.
Les problématiques de cette affaire
1. Validité du licenciement pour motif personnel de M. [V]
2. Nullité et effet du forfait jours imposé à M. [V]
3. Rappel de salaire pour heures supplémentaires non payées et non prescrites
Les notions clefs de cette affaire
Les 4 mots clés les plus importants dans cet exposé des faits sont:
1. Contrat de travail
2. Licenciement
3. Forfait jours
4. Heures supplémentaires
Définitions juridiques
Les 4 mots clés les plus importants dans cet exposé des faits sont:
1. Contrat de travail
2. Licenciement
3. Forfait jours
4. Heures supplémentaires
Les Avocats de référence dans cette affaire
Bravo à Me Agnès BIVER-PATE, avocat postulant, et à Me Etienne GUIDON, avocat plaidant, pour leur plaidoirie dans cette affaire.
Les Parties impliquées dans cette affaire
– M. [K] [V] représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ et Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY
– SA QUADIENT FRANCE représentée par Me Jean-Christophe DUCHET, avocat au barreau de METZ et Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
13 mars 2024
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/02747
Arrêt n°24/00081
13 mars 2024
————————
N° RG 21/02747 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FT2J
—————————-
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
15 octobre 2021
F19/00866
—————————-
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Treize mars deux mille vingt quatre
APPELANT :
M. [K] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant
INTIMÉE :
SA QUADIENT FRANCE venant aux droits de la SA NEOPOST FRANCE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Christophe DUCHET, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 septembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE assistée de Mme Kely SOARES DE CARVALHO, greffière stagiaire
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Suivant contrat à durée indéterminée signé le 15 janvier 2018 et prenant effet le même jour, M. [K] [V] a été embauché par la SA Neopost France en qualité de directeur d’agence, statut cadre autonome, avec un forfait jours de 213 jours travaillés par an.
Un avenant au contrat de travail a été signé entre les parties début 2019, prenant effet au 1er février 2019, pour fixer les conditions de rémunération variable.
La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie s’applique à la relation de travail litigieuse.
Le 3 juin 2019, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 juin 2019.
Par lettre recommandée du 2 juillet 2019, M. [V] a été licencié pour motif personnel, mais dispensé d’effectuer son préavis de trois mois dont il a reçu le règlement intégral.
Par requête enregistrée au greffe du conseil de prud’hommes de Thionville le 18 novembre 2019, M. [V] a fait citer son ancien employeur la SA Neopost France aux fins de voir, aux termes de ses dernières conclusions’:
Dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
Déclarer nul et de nul effet le forfait jours qui lui a été imposé et fixer son horaire contractuel sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires’;
Condamner la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, à lui payer les sommes suivantes’:
. 10’184 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif’;
. 5’000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail’;
. 37’011,25 euros à titre de rappel de salaire du fait des heures supplémentaires non payées en 2018, outre 3’701,12 euros brut au titre des congés payés’afférents ;
. 15’927,12 euros brut à titre de rappel de salaire du fait des heures supplémentaires non payées et non prescrites en 2019, outre 1592,71 euros brut au titre des congés payés’afférents ;
. 29’106 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé’;
. 2’500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, concluait à la validité du licenciement prononcé contre M. [V] et à celle de la convention de forfait jours, et s’opposait aux demandes formées contre elle. Subsidiairement, elle demandait la condamnation de M. [V] à lui payer 1’851.32 euros correspondant aux jours de RTT dont il a bénéficié entre le 9 octobre 2016 et le 9 octobre 2019. Elle sollicitait enfin la condamnation de M. [V] à lui payer 2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les éventuels dépens de la première instance.
Par ordonnance du 13 novembre 2019, le premier président de la cour d’appel de Metz a constaté que la section encadrement du conseil de prud’hommes de Thionville ne pouvait se constituer et a désigné la section encadrement du conseil de prud’hommes de Metz pour connaître des affaires inscrites au rôle de la section encadrement du conseil de prud’hommes de Thionville, de sorte que la procédure litigieuse a été transmise au conseil de prud’hommes de Metz.
Par jugement du 15 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Metz, section encadrement, a statué de la façon suivante’:
Confirme le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [V]’;
Dit que la convention de forfait jours de M. [V] est nulle et sans effet’;
En conséquence,
Condamne la SA Quadient France venant aux droits de la SA Neopost France, prise en la personne de son président directeur général, à payer à M. [V] la somme de 1’200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne M. [V] à payer à la SA Quadient France venant aux droits de la SA Neopost France la somme de 1’851,32 euros au titre du remboursement des JRTT perçus à tort’;
Ordonne la compensation entre les sommes dues’;
Déboute M. [V] de toutes ses autres demandes’;
Déboute la SA Neopost France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Par acte enregistré par voie électronique le 17 novembre 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 octobre 2021, l’accusé de réception n’ayant pas été retourné au greffe.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, M. [V] demande à la cour de’:
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Metz en date du 15 octobre 2021 en ce qu’il a dit que la convention de forfait jours de M. [V] est nulle et sans effet’;
L’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau’:
. Tirer les conséquences de l’annulation du forfait jours et condamner l’intimée à payer à M. [V] les heures supplémentaires réalisées pour les sommes suivantes’:
– 37’011,25 euros de rappel de salaire du fait des heures supplémentaires non payées en 2018, outre 3’701,12 euros brut de congés payés afférents’;
– 15’927,12 euros brut à titre de rappel de salaire du fait des heures supplémentaires non payées et non prescrites en 2019, outre 1’592,71 euros brut au titre des congés payés’afférents ;
. Juger le licenciement de M. [V] sans cause réelle et sérieuse et en conséquence’condamner la SA Quadient France venant aux droits de la SA Neopost France à payer à M. [V] les sommes de 10’184 euros net de dommages et intérêts pour licenciement abusif, outre 5’000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail’;
. Juger la SA Quadient France mal fondée en son appel incident et sa demande de remboursement des jours JRTT, et l’en débouter’;
. Condamner la SA Quadient France venant aux droits de la SA Neopost France à verser à M. [V] la somme de 29’106 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé’;
Et y ajoutant, condamner la SA Quadient France venant aux droits de la SA Neopost France à verser à M. [V] la somme de 3’000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, outre les dépens d’appel.
A l’appui de ses prétentions, M. [V] explique’:
Que les cinq manquements qui lui sont reprochés dans le cadre de son licenciement sont inventés, purement théoriques et ne lui sont pas imputables’;
Que la charge de la preuve du bien-fondé du licenciement repose sur la société employeur et n’est pas rapportée en l’espèce’;
Qu’aucun document n’a été présenté par l’employeur lors de l’entretien préalable, de sorte que les pièces communiquées postérieurement sont irrecevables’;
Que les griefs qui lui sont reprochés ne reposent sur aucune mesure de contrôle et relèvent du seul ressenti’;
Que les causes justifiant cette procédure de licenciement ne sont pas une cause réelle et sérieuse de rupture’et ne sont pas démontrées par l’employeur ;
Qu’il avait de bons résultats et a su remonter une agence à l’abandon depuis 2 ans’;
Que M. [V] n’a bénéficié que d’un management défaillant’;
Que l’employeur a manqué à son obligation d’exécuter loyalement son contrat de travail en ce qu’aucun entretien de fin d’exercice ou d’évaluation n’a été organisé le concernant, et en ce qu’il ne s’est pas non plus vu proposer de formation au management, ni d’entretien dans le cadre du forfait jours’;
Que l’article 7 de son contrat de travail relatif au forfait jours ne respecte pas les obligations jurisprudentielles auxquelles doit se soumettre l’employeur, et qu’aucun suivi effectif de son temps de travail n’a été mis en place’;
Que la SA Neopost France n’a jamais pris en compte les dispositions en matière de droit à la déconnexion et d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle énoncées par l’article L 2242-8 7° du code du travail dans sa version issue de la loi du 8 août 2016, et n’a surtout jamais respecté les dispositions de l’accord de branche énonçant l’obligation de tenir chaque année un entretien exclusivement réservé au forfait en jours’;
Que l’unique entretien dont il a bénéficié le 10 mai 2019 ne portait pas sur sa charge de travail ni sur le forfait en jours’;
Qu’il a accompli de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées, les pièces qu’il produit étayant suffisamment sa demande’;
Que la société employeur ne l’a pas rémunéré de façon intentionnée des heures de travail effectuées, dont elle avait connaissance au travers des plannings et des comptes-rendus établis chaque jour par M. [V].
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2022, la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, demande à la cour de’:
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:
. Dit le licenciement de M. [V] reposant sur une cause réelle et sérieuse’;
. Condamné M. [V] à payer à la SA Quadient France la somme de 1’851,32 euros brut au titre du remboursement des JRTT perçus à tort’;
. Débouté M. [V] de toutes ses autres demandes’;
Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et en conséquence’:
A titre principal,
. débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions’;
A titre subsidiaire,
. condamner M. [V] à payer à la SA Quadient France une somme de 1’851,32 euros brut correspondant à 9,33 JRTT dont il a bénéficié entre le 9 octobre 2016 et le 9 octobre 2019′;
A titre additionnel,
. condamner M. [V] à verser à la SA Quadient France la somme de 3’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’;
. condamner M. [V] aux éventuels dépens de première instance.
La SA Quadient France soutient à l’appui de ses prétentions’:
Que s’agissant d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, il appartient au salarié de démontrer que les griefs, qui lui sont reprochés par l’employeur et qui sont justifiés par des éléments objectifs et probants versés aux débats par celui-ci, ne reposent pas sur des éléments objectifs précis et vérifiables, et qu’il a satisfait à ses obligations professionnelles’;
Que l’employeur n’est pas tenu de justifier lors de l’entretien préalable des documents sur lesquels il s’appuie pour justifier la mesure envisagée’;
Que M. [V] ne peut pas légitimement se constituer des preuves à lui-même’;
Que le compte rendu d’entretien préalable n’a pas été établi contradictoirement ni signé par l’employeur’;
Que M. [V] s’est vu attribuer de larges responsabilités et avait dès lors un devoir d’exemplarité, ayant bénéficié en outre de formations qui lui donnaient la possibilité d’assurer ses fonctions’;
Que cependant M. [V] a commis des manquements à ses obligations professionnelles’:
. en accompagnant de façon insuffisante ses commerciaux en clientèle,
. en effectuant un mauvais pilotage de l’activité et de son portefeuille,
. en s’abstenant de construire une stratégie commerciale,
. en gérant mal les prévisions,
Que ces manquements ont été rappelés à M. [V] lors d’un entretien du 14 décembre 2018 à l’issue duquel il a été demandé à M. [V] de mettre en place un plan d’action, qui n’a été élaboré qu’après relance et de façon insatisfaisante’;
Que les résultats de M. [V] pour son agence se sont avérés très insuffisants au regard des objectifs fixés’;
Que la convention de forfait en jours prévue à l’article 7 du contrat de travail de M. [V] s’inscrit dans le cadre de l’accord collectif d’entreprise et dans la lignée des dispositions conventionnelles de la Métallurgie en matière de convention de forfait en jours qui ont été pleinement validées par la Cour de cassation dans un arrêt du 29 juin 2011′;
Que cette convention de forfait en jours est parfaitement valable et opposable à M. [V] qui a bénéficié d’un suivi de son temps effectif de travail, de son temps de repos, d’un véritable droit effectif à la déconnexion, et d’un entretien avec son supérieur hiérarchique destiné à apprécier sa charge de travail et l’équilibre vie professionnelle/ vie privée’;
Que subsidiairement, si la convention forfait jours est privée d’effet, l’employeur est en droit de réclamer le remboursement du montant des jours de RTT accordés en application du forfait en jours, et ce au titre de la répétition de l’indu ;
Qu’en tout état de cause M. [V] n’étaye nullement ses demandes au titre des heures supplémentaires, tant dans leur principe que dans leur quantum’;
Que seules les heures accomplies à la demande ou pour le compte de l’employeur, ou tout le moins avec son accord implicite, ouvrent droit à rémunération’;
Que les tableaux et extraits d’agenda électronique sont insuffisants et ne permettent pas de déterminer le temps effectif de travail de M. [V]’;
Que le quantum des prétendues heures supplémentaires est erroné et que les extraits de l’agenda électronique ne corroborent pas les décomptes’;
Que s’agissant du montant des demandes, M. [V] ne justifie pas de son préjudice au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
Que l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur n’est pas caractérisée, M. [V] ayant bénéficié de plus de 10 formations sur l’année de travail qu’il a effectuée ainsi que d’un entretien annuel d’évaluation le 10 mai 2019′;
Que subsidiairement, si la cour estimait que des heures supplémentaires ont été accomplies, il conviendra de s’assurer que M. [V] n’a pas été déjà rémunéré pour ces heures dans le cadre de sa rémunération forfaitaire contractuelle qui était très nettement supérieure à la rémunération annuelle garantie telle que prévue par la convention collective’;
Que s’agissant du travail dissimulé, celui-ci n’est pas caractérisé lorsqu’une convention de forfait est annulée.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2023.
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
Sur la validité du licenciement
Il résulte des dispositions de l’article L1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La cour rappelle que l’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement et que le juge doit rechercher, d’abord si les objectifs assignés au salarié étaient raisonnables et compatibles avec le marché ou la conjoncture, ensuite si les mauvais résultats résultent d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute imputables au salarié.
Elle rappelle aussi que l’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits objectifs matériellement vérifiables et qu’il n’appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle de l’employeur dans son pouvoir de direction concernant l’exécution défectueuse de son travail par le salarié licencié.
Suivant courrier du 2 juillet 2019, la société a en l’espèce notifié à M. [V] son licenciement pour motif personnel dans les termes suivants :
«'(‘) Or, nous avons à déplorer, malgré les moyens qui vous ont été octroyés et le soutien de votre hiérarchie, à ce jour d’importants manquements professionnels à vos obligations professionnelles, plus particulièrement s’agissant de l’accompagnement managérial des collaborateurs de l’équipe placée sous votre responsabilité.
Accompagnement des commerciaux en clientèle.
Nous avions le 18 décembre 2018 formalisé le manque d’accompagnement terrain constaté auprès des collaborateurs de votre équipe (5 en octobre 2018 et 2 en novembre 2018)
Nous vous avions demandé de réaliser 3 journées d’accompagnement minimum par semaine avec vos Ingénieurs Commerciaux avec un focus particulier sur [W] [I] nouvelle entrante (4 journées’/ mois).
Ces accompagnements devaient être cadrés dans leur objectif et débriefés avec la matrice d’accompagnement sur l’utilisation de laquelle vous avez été formé.
Rappel vous avait été fait de l’impératif de donner des analyses et d’expliquer vos demandes qui concernent la gestion de l’activité (ciblage, plage de prospection, génération portefeuille).
Nous constatons que vous n’avez depuis cette date pas modifié votre manière de fonctionner. Si vous faites effectivement davantage d’accompagnements terrain (5,75 en moyenne mensuelle sur la période du 1er février au 31 mai 2019) ces derniers restent quantitativement insuffisants et se font sous forme d’observation du travail des commerciaux. Vous ne prenez pas la main pour montrer les bonnes pratiques aux commerciaux.
Pilotage de l’activité et du portefeuille
Nous avions le 18 décembre 2018 formalisé la nécessité que vous entriez davantage dans l’analyse des affaires en cours, de l’activité et de tous autres indicateurs permettant de mesurer la performance des commerciaux placés sous votre responsabilité et de formaliser les analyses dans la matrice one to one dédié en focalisant sur des actions concrètes.
Or force est de constater que vos one to one font ressortir des analyses et des observations qui ne sont pas orientées vers les actions concrètes attendues ne permettant pas la validation de la montée en compétence attendues.
Construction d’une stratégie de développement commercial sur le secteur
Nous vous avions, le 18 décembre 2018, demandé d’élaborer un plan d’actions visant à piloter l’activité de vos vendeurs.
Vous ne nous avez jamais fait de retour sur ce plan d’actions. Lorsque, le 21 mai 2019, nous vous avons demandé ce dernier vous vous êtes contenté de transmettre une fusion des actions déjà en place sur l’agence et la feuille de route de la Direction Régionale à laquelle vous appartenez.
Sans surprise cette absence de cadrage ne vous permet pas de piloter votre activité de manière efficace et d’atteindre les objectifs fixés.
Gestion des prévisions
Vos prévisions sont systématiquement très en dessous du niveau d’objectif attendu. Il relève de la responsabilité de chaque commercial d’établir des prévisions sur son activité mensuelle. Ces prévisions matérialisent l’anticipation des effets de votre travail managériale sur le Chiffre d’Affaires généré par les vendeurs de votre équipe.
Vous n’avez mené aucune action corrective.
Vos résultats
Pour mémoire, nous vous rappelons que dans le cadre de votre contrat de travail nous vous avons demandé de piloter auprès d’une équipe confiée la réalisation d’objectifs de réalisation de Chiffre d’Affaires Ventes Solutions Saas et de Ventes Produits.
Chiffre d’Affaires Ventes Produits
Vous avez sur l’objectif «’Ventes Produits’» de la période du 1er février 2019 au 31 mai 2019, réalisé un Chiffre d’Affaires pour les collaborateurs présents de seulement 66’276 euros HT pour un objectif fixé à 193’071 euros HT soit un déficit de 126’795 euros HT et une réalisation de seulement 34,3% de votre objectif.
Ce constat est réalisé alors que’:
La région IDF / Nord à laquelle vous appartenez réalise collectivement (y compris vous) 65,8% de l’objectif fixé sur cette même période et les équipes France 70,6%.
Les moyens mis à la disposition de l’ensemble des commerciaux sont identiques et que l’environnement économique est comparable à celui de votre affectation.
Vous n’aviez sur la période la responsabilité du management que de trois vendeurs sur les 5 habituels compte tenu des absences, vous permettant de focaliser votre accompagnement.
Aucun de ces 3 vendeurs n’a jamais dépassé 53% de ses objectifs mensuels sur la période citée.
Ces résultats pénalisent grandement la région à laquelle vous êtes rattaché et par ricochet les résultats de l’entreprise.
Chiffre d’Affaires Ventes Solutions Saas
Vous avez sur l’objectif «’Ventes Solutions Saas’» de la période du 1er février 2019 au 31 mai 2019, réalisé un Chiffre d’Affaires pour les collaborateurs présents de seulement 11’728 euros HT pour un objectif fixé à 92’242 euros HT, soit un déficit de 80’514 euros HT et une réalisation de seulement 12,7% de votre objectif.
Ce constat est réalisé alors que’:
La région IDF / Nord à laquelle vous appartenez réalise collectivement (y compris vous) 32% de l’objectif fixé sur cette même période et les équipes France 51,2%.
Les moyens mis à la disposition de l’ensemble des commerciaux sont identiques et que l’environnement économique est comparable à celui de votre affectation.
Vous n’aviez sur la période la responsabilité du management que de trois vendeurs sur les 5 habituels compte tenu des absences, vous permettant de focaliser votre accompagnement.
Aucun de ces 3 vendeurs n’a jamais dépassé 54,9% de ses objectifs mensuels sur la période citée.
Ces résultats pénalisent grandement la région à laquelle vous êtes rattaché et par ricochet les résultats de l’entreprise.
Ce constat est d’autant plus inadmissible compte tenu du fait que l’objectif de ventes de Solution Saas constitue le relai de croissance déterminant de Neopost France, dans le contexte du marché postal déclinant.
Ces manquements à vos obligations professionnelles sont constatés en termes de suivi et de pilotage de l’activité commerciale de votre équipe’; les outils de suivi mis à votre disposition n’étant pas ou mal utilisés par vos soins.
Nous n’avons pu observer, malgré les nombreuses alertes, demandes ou préconisations de plans d’actions, aucun progrès lors de ces derniers mois avec des Chiffres d’Affaires signés en constants décroissance.
En dépit d’un accompagnement managérial renforcé, des outils et moyens mis à votre disposition, force est d’observer de graves manquements de votre part dans l’accomplissement d’obligations professionnelles inhérentes à vos fonctions de Directeur d’Agence.’»
Il est constant que lors d’un entretien organisé le 14 décembre 2018, ayant donné lieu à la communication d’un plan d’action dès le 18 décembre suivant, M. [V] s’est vu fixé un certain nombre d’objectifs par son supérieur hiérarchique direct, dont il n’a contesté ni la pertinence, ni la faisabilité.
En revanche, le compte tendu de l’entretien d’évaluation annuelle du 10 mai 2019 ne peut être considéré comme probant, dans la mesure où il présente des indications incohérentes (parle d’un deuxième semestre 2019 difficile alors que celui-ci n’est pas censé avoir commencé).
S’agissant de l’accompagnement par M. [V] des commerciaux en clientèle, il résulte du plan d’actions établi le 18 décembre 2018 entre M. [V] et son directeur régional qu’il est demandé à M. [V], en sa qualité de directeur de l’agence de [Localité 5], d’effectuer davantage d’accompagnements de ses ingénieurs commerciaux en clientèle, en passant de 5 accompagnements terrain en octobre et 2 en novembre 2018 à une moyenne de 3 accompagnements par semaine.
Cet objectif, précis, vérifiable, est estimé comme étant non rempli par l’employeur dans la lettre de licenciement quand il indique que M. [V] n’a réalisé que 5.75 accompagnements en moyenne mensuelle sur la période comprise entre le 1er février et le 31 mai 2019.
Le détail des accompagnements réalisés par M. [V], présenté par celui-ci dans un tableau couvrant la période allant du 14 décembre 2018 au 28 juin 2019 (page 18 de la pièce n°5 de l’appelant), montre que l’appelant a accompagné les ingénieurs de son équipe à 58 reprises sur cette période, soit en moyenne 2.4 accompagnements par semaine travaillée, ce qui est supérieur au chiffre retenu par l’employeur et légèrement inférieur à l’objectif fixé. La société employeur ne produit aucune pièce permettant de fonder le chiffre qu’elle retient à l’appui de son grief.
La SA Quadient France reproche également à M. [V] un manque de pilotage de son activité et du portefeuille de son agence, caractérisé par un défaut d’analyse des affaires en cours, un manque de proposition d’actions concrètes aux ingénieurs commerciaux placés sous sa responsabilité.
Ce point a été soulevé par l’employeur dans le plan d’action du 18 décembre 2018 qui demandait à M. [V] de faire suivre son analyse d’une «’orientation concrète avec des cibles ou des actions que tu choisiras en fonction de l’axe de travail identifié. Tant les forces que les faiblesses du collaborateur doivent être mises en avant. Le constat d’une faiblesse chez un de tes collaborateurs nécessite systématiquement une orientation précise, concrète et mesurable qu’il lui faut lui transmettre (‘). Ces points doivent être formalisés dans la matrice de One to One dédiée’».
Dans la lettre de licenciement, la SA Quadient France reproche à M. [V] que les «’One to One font ressortir des analyses et des observations qui ne sont pas orientées vers les actions concrètes attendues ne permettant pas la validation de la montée en compétence attendue’».
Cependant, aucun exemple précis n’est versé aux débats par l’employeur pour illustrer cette constatation, et les deux tableaux produits par M. [V] dans ses réponses à l’employeur (pièce n°5), dont le contenu est illisible, ne permettent pas de constater la carence de M. [V].
Ce grief ne peut donc être légitimement retenu contre M. [V].
La lettre de licenciement fait également état d’un défaut de construction par M. [V] d’une stratégie de développement commercial sur le secteur. L’employeur précise qu’il avait été demandé à l’appelant, le 18 février 2018, d’élaborer un plan d’actions visant à piloter l’activité de ses vendeurs, que M. [V] devait le communiquer à la direction régionale, mais que quand ce document a été réclamé à M. [V] par la direction le 21 mai 2019, celui-ci s’est contenté de transmettre une fusion des actions déjà en place sur l’agence et la feuille de route de la Direction Régionale à laquelle l’agence de [Localité 5] appartient.
Le contenu de cette information est confirmé par M. [V] lui-même, dans son courriel de transmission du 21 mai 2019.
Par l’intermédiaire du plan d’actions du 18 décembre 2018, l’employeur demandait à M. [V] de donner des directives à ses ingénieurs commerciaux (IC), et d’être le garant de l’organisation commerciale entre les différents supports pour ce qui concerne son équipe.
Dans le courriel de transmission de ce plan, le directeur régional, M. [J], sollicitait M. [V] pour qu’il mette en ‘uvre immédiatement le plan d’actions. Il précisait qu’ils feraient un point chaque fin de semaine pour évaluer l’état d’avancement de celui-ci.
S’il n’est pas contesté que M. [V] n’a produit aucun plan d’actions élaboré pour son équipe contenant les directives destinées à ses commerciaux et les règles d’organisation commerciale mises en place entre les différents supports de la société et son équipe, il convient de constater que le supérieur hiérarchique n’a formulé aucune demande de bilan d’étape avant le 14 mai 2019.
Par ailleurs, M. [V] justifie avoir sollicité de pouvoir tourner avec un autre directeur d’agence sans qu’une réponse ne lui ait été apportée.
L’employeur ne démontre pas que M. [V] s’est vu offrir les moyens de réaliser ce plan d’actions et notamment de construire progressivement avec son appui les règles d’organisation de son secteur et les directives destinées à ses commerciaux.
En ce qui concerne la mauvaise gestion des prévisions qui lui est reprochée dans la lettre de licenciement, l’employeur précise que «'(ses)’prévisions sont systématiquement très en dessous du niveau d’objectif attendu. Il relève de la responsabilité de chaque commercial d’établir des prévisions sur son activité mensuelle. Ces prévisions matérialisent l’anticipation des effets de votre travail managériale sur le Chiffre d’affaires généré par les vendeurs de (son) équipe’».
Le plan d’actions du 18 décembre 2018 ne donne aucune indication s’agissant des objectifs chiffrés et des prévisions à élaborer en fonction de ces objectifs tels qu’attendus par la société.
La lettre de licenciement donne des exemples d’autres agences ou d’autres régions présentant des résultats exprimés en pourcentage des objectifs fixés qui seraient meilleurs que ceux réalisés par l’agence de [Localité 5], sans toutefois que le pourcentage attendu de l’agence dirigée par M. [V] ne soit précisé à celui-ci préalablement.
Enfin il ressort des données communiquées par M. [V] dans sa réponse à son employeur (pièce n°5 de M. [V]), mais également des propos de l’employeur tenus dans la lettre de licenciement, que l’effectif de l’équipe d’ingénieurs commerciaux de l’agence dirigée par M. [V] était incomplet (3 postes occupés sur 5). Il n’est pas contesté non plus par la SA Quadient France que le meilleur vendeur de l’agence de [Localité 5] a quitté celle-ci quelques mois après l’arrivée de M. [V] à sa direction, alors que le poste de directeur d’agence était resté vacant pendant près de deux ans.
En conséquence, il n’est pas démontré que les mauvais résultats reprochés à M. [V] sont imputables à une faute ou une insuffisance professionnelle de celui-ci, compte tenu de la conjoncture et de la situation dégradée de l’agence.
Dès lors, l’insuffisance de résultats et l’insuffisance professionnelle de M. [V] ne sont pas démontrés en l’espèce, et le licenciement prononcé contre M. [V] par la SA Neopost France, aux droits de laquelle vient la SA Quadient France, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Aux termes des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour de la rupture du contrat de travail, si le licenciement d’un salarié d’une entreprise de plus de 11 salariés survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si la réintégration n’est pas demandée, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 1 mois de salaire brut au minimum et 2 mois de salaire brut au maximum, pour un salarié ayant au moins un an d’ancienneté.
L’alinéa 4 du même article prévoit que pour déterminer le montant de cette indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement.
M. [V] sollicite une indemnité de 10’184 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à deux mois de salaire.
La SA Quadient France s’oppose à cette demande, précisant que M. [V] ne justifie pas de son préjudice, celui-ci ayant retrouvé un travail dès le mois de novembre 2019.
Compte tenu du salaire moyen perçu par M. [V] (5’092 euros brut), des circonstances de la rupture, de l’âge de M. [V] au moment de son licenciement (41 ans), et de son ancienneté, il convient de fixer à 6’000 euros le montant de l’indemnité que devra verser la SA Quadient France à M. [V].
Conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, il sera ordonné d’office à la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, de rembourser à Pôle emploi, devenu France Travail depuis le 1er janvier 2024, les indemnités de chômage payées au salarié du jour de la rupture du contrat de travail au jour du jugement à concurrence de 6 mois de ces indemnités.
Sur le forfait en jours et les heures supplémentaires
Selon l’article L 3121-63 du code du travail, anciennement L 3121-39, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
L’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jour sur l’année détermine notamment, en application de l’article L 3121-64 du code du travail, les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise, et les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
En outre, aux termes des articles L 3121-55 et L 3121-60 du même code, la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit, et l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
En l’espèce, l’accord collectif d’entreprise sur l’organisation et la durée du travail chez Neopost France conclu le 18 décembre 2012 prévoit dans son article 3.2.1 relatif aux cadres et commerciaux (à l’exception des cadres dirigeants) que’:
«’Les cadres disposent d’une large autonomie d’organisation et entrent à ce titre dans le cadre légal de la convention de forfait annuel en jours (‘). Cela se traduit par un forfait annuel de 213 jours. Ce forfait sera diminué du nombre de jours de congés supplémentaires pour ancienneté des salariés pouvant en bénéficier.
La durée du repos quotidien pour ces populations est portée à 12 heures de repos consécutives. Il ne pourra y être dérogé. Le salarié doit bénéficier d’un temps de repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.
Le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés.
Le manager évoquera la charge de travail de son collaborateur lors des entretiens individuels qu’il a avec ce dernier a minima une fois par trimestre.’»
Par ailleurs, l’article 7 du contrat de travail signé par M. [V] le 15 janvier 2018, rappelle que M. [V] est soumis à un forfait annuel en jours de 213 jours par année civile, tel que prévu par des dispositions de l’accord national sur l’organisation du travail dans la métallurgie du 28 juillet 1998 ainsi que par l’accord d’entreprise du 18 décembre 2012.
S’il n’est pas contesté par M. [V] qu’il entre dans la catégorie des salariés pouvant bénéficier d’une convention individuelle de forfait en jours, il résulte des dispositions qui précèdent que l’employeur avait comme obligation, pour la mise en ‘uvre de ce forfait, d’organiser une fois par an avec M. [V] un entretien individuel pour évoquer l’organisation et sa charge de travail et l’amplitude de ses journées d’activité sa charge de travail.
La SA Quadient France invoque la validité de cette convention de forfait et explique qu’elle a mis en place un contrôle des journées et demi-journées de travail, des temps de repos et congés, ainsi qu’un suivi régulier de l’organisation de la charge de travail du salarié.
Elle précise que les moyens de contrôle qu’elle a instaurés sont effectifs (outil de gestion du temps Horoquartz’; droit à la déconnexion), et que M. [V] a bénéficié régulièrement d’entretiens avec son supérieur hiérarchique afin d’apprécier sa charge de travail et l’équilibre de sa vie professionnelle/vie privée.
Si la Charte E-mail de la société Neopost rappelle effectivement le droit à la déconnexion de ses salariés, et que l’outil Horoquartz permet à l’employeur de contrôler jour par jour les heures de travail effectuées par M. [V], il ne ressort pas du seul compte rendu d’évaluation versé aux débats, daté du 10 mai 2019, que M. [V] s’est entretenu avec son supérieur hiérarchique de l’organisation et de sa charge de travail, ni de l’amplitude de ses journées d’activité, seuls ses objectifs ayant été abordés.
Aucun entretien trimestriel relatif à la charge de travail de M. [V] n’est en outre invoqué par les parties.
Dès lors, cet entretien du 10 mai 2019 ne répond pas aux exigences prévues à l’accord d’entreprise.
En conséquence, la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, ne démontre pas avoir respecté les dispositions lui imposant un suivi effectif de la charge de travail de M. [V] et de l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et privée du salarié, de sorte que la convention de forfait en jours prévue dans le contrat de travail de M. [V] doit être déclarée inopposable à celui-ci.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce sens.
Les dispositions légales relatives à la durée du travail s’appliquent dès lors à la situation de M. [V] qui est en droit de demander le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures par semaine et restées impayées
En application de l’article L 3171-4 du code du travail applicable en l’espèce, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties et, si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient néanmoins à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme alors sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaire applicables.
M. [V] invoque les dispositions de l’article L 3121-22 du code du travail prévoyant que les heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires donnent lieu à une majoration de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires et à une majoration de 50% pour les suivantes, et sollicite la somme de 37’011.25 euros pour les heures supplémentaires impayées de 2018, et la somme de 15’927.12 euros pour les heures supplémentaires impayées de 2019, outre les congés payés afférents.
A l’appui de sa prétention, il verse aux débats deux tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires qu’il indique avoir effectuées sur 2018 et 2019 précisant le nombre d’heures travaillées par semaine et le montant des sommes dues à ce titre après majoration du taux horaire, un document mentionnant les temps de trajet entre son domicile et les différentes villes dans lesquelles il s’est déplacé pour son travail, son planning annuel pour 2018 et 2019 faisant apparaître jour par jour ses heures d’arrivée, de départ, ses temps de trajet, et le cas échéant des temps de pause, ainsi que des extraits de son agenda professionnel électronique faisant apparaître ses différents rendez-vous pour chaque jour travaillé, leurs horaires, leur localisation et leur nature.
Au vu de ces pièces, la cour estime que M. [V] présente des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, qui permettent à l’employeur d’y répondre.
La SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, s’oppose à cette demande, invoquant le caractère infondé des prétentions de M. [V] au vu de l’imprécision et des contradictions des éléments fournis par le salarié relativement aux horaires effectivement réalisés qui ne sont corroborés par aucun élément extérieur. Elle précise que seules les heures accomplies à la demande ou pour le compte de l’employeur, ou tout le moins avec son accord implicite, ouvrent droit à rémunération, que les tableaux et extraits d’agenda électronique sont insuffisants et ne permettent pas de déterminer le temps effectif de travail de M. [V] et que le quantum des prétendues heures supplémentaires est erroné, les extraits de l’agenda électronique ne corroborent pas les décomptes.
La cour relève que la société ne verse aux débats aucun élément permettant d’établir les heures de travail effectivement réalisées par le salarié et qu’elle se contente de contester les pièces adverses en ce qu’elles seraient imprécises ou présenteraient des contradictions.
Par ailleurs, l’employeur avait une connaissance instantanée du quantum des heures de travail effectuées par M. [V], par l’intermédiaire de l’application Horoquartz qu’il avait mis en place, et ne s’est jamais opposé à leur accomplissement.
L’examen des pièces produites par M. [V] montrent que ces documents sont complémentaires et non contradictoires, qu’ils tiennent compte des trajets et des temps de pause. L’absence sur les agendas d’indication des temps de travail administratif ne permet pas de réduire aux seuls temps de rendez-vous le temps de travail effectif de M. [V] et la SA Quadient France ne produit aucun élément permettant de conclure que les heures de travail présentées par M. [V] sont fictives.
Compte tenu de ces éléments, la cour a acquis la conviction que M. [V] a effectué des heures supplémentaires de janvier 2018 à juillet 2019 qui n’ont pas été rémunérées, de sorte que M. [V] est en droit d’obtenir un rappel de salaire à ce titre, soit la somme de 37’011.25 euros brut pour les heures supplémentaires impayées de 2018, et la somme de 15’927.12 euros brut pour les heures supplémentaires impayées de 2019, outre les congés payés afférents.
Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle en paiement des jours de RTT indûment accordés
Selon l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
La SA Quadient France sollicite le paiement de la somme de 1’851.32 euros brut correspondant aux 9.33 jours de RTT (réduction du temps de travail) accordés au cours des trois dernières années précédant la rupture au titre du forfait en jours, estimant cette somme indue lorsque la convention de forfait en jours est privée d’effet.
M. [V] ne prend pas position sur cette demande qui lui a été régulièrement notifiée par RPVA et ne conteste pas avoir bénéficié de ces jours de RTT.
Il résulte des développements qui précèdent que la convention de forfait en jours prévue au contrat de travail de M. [V] signé le 15 janvier 2018 est privée d’effet, de sorte que le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.
Le calcul de la somme correspondant aux 9.3 jours de RTT accordés entre 2018 et 2019 n’étant pas contesté, M. [V] doit être condamné à restituer à la SA Quadient France la somme de 1’851.32 euros brut versée indûment par l’employeur à ce titre.
Sur le travail dissimulé
L’article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L 8221-5 du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
M. [V] estime que le caractère intentionnel de l’omission par l’employeur d’indiquer le nombre d’heures de travail réellement accomplies sur ses bulletins de salaire résulte de la connaissance par l’employeur de l’ensemble des heures de travail effectuées.
La SA Quadient France conteste le caractère intentionnel de la dissimulation qui lui est reprochée, invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation qui précise que l’infraction de travail dissimulé n’est pas de fait constituée lorsqu’une convention de forfait est annulée.
Le caractère intentionnel du travail dissimulé est caractérisé lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
L’intention ne peut être déduite du seul recours à un contrat inapproprié ou à une convention de forfait en jours que l’employeur croyait applicable et déclarée par la suite inopposable du fait du manque de diligence de l’employeur dans le contrôle de l’amplitude et de la charge de travail.
A défaut de tout autre élément permettant de caractériser le caractère intentionnel du recours à la dissimulation d’heures travaillées, il convient de constater que le travail dissimulé invoqué par M. [V] n’est pas établi.
La demande d’indemnité formée à ce titre par M. [V] doit donc être rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Selon’l’article L 1222-1 du code du travail’le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il appartient en principe au salarié qui se prévaut d’un manquement de l’employeur à cette obligation d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, M. [V] conteste les conditions d’exécution par l’employeur de son contrat de travail, expliquant qu’elles sont déloyales en ce qu’il n’a jamais bénéficié d’entretiens de fin d’exercice ou d’évaluation, ni de formation au management d’équipe ou encore d’entretien de forfait en jours.
La SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, s’oppose à cette demande, estimant que le forfait en jours était valable, que M. [V] a pu effectuer des formations suffisantes et qu’il a bénéficié d’un entretien d’évaluation le 10 mai 2019.
Si la convention de forfait en jours est inopposable à M. [V] au vu des développements qui précèdent, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que M. [V] s’est plaint auprès de son employeur d’une surcharge de travail avant l’engagement de la procédure de licenciement.
Par ailleurs, la SA Quadient France justifie de ce que M. [V] a bénéficié d’une évaluation le 10 mai 2019, faisant suite à un entretien intervenu avec son directeur régional le 14 décembre 2018 au terme duquel un plan d’actions lui a été communiqué aux fins de mise en place au sein de son agence.
Enfin, M. [V] a bénéficié de 10 formations sur la durée de près de 18 mois pendant laquelle la relation de travail s’est exécutée, recouvrant un total de 177 heures, et portant aussi bien sur les techniques de vente que sur le management de la transformation ou encore les rôles d’«’entraineur’» et de «’sélectionneur’» du manager.
Compte tenu de ces démarches engagées par l’employeur, et en l’absence de tout autre élément produit par M. [V], il convient de constater que l’appelant n’établit pas l’existence d’une exécution déloyale du contrat de travail de la part de la SA Quadient France.
La décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu’elle a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts formée sur ce fondement.
Sur la compensation
L’article 1347 du code civil, prévoit que la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions sont réunies.
M. [V] et la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, détenant des créances réciproques aux termes de cette décision, il convient d’ordonner la compensation entre celles-ci à hauteur de la plus faible d’entre elles.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, étant la partie perdante à l’instance, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de la condamner aux dépens de première instance.
La SA Quadient France doit être également condamnée aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 2’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a’:
Rejeté la demande formée par M. [K] [V] au titre du travail dissimulé’;
Rejeté la demande formée par M. [K] [V] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail’;
Condamné M. [K] [V] à payer à la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, la somme de 1’851,32 euros brut correspondant aux jours de RTT perçus à tort’;
Statuant à nouveau sur les points infirmés’:
Requalifie le licenciement prononcé le 2 juillet 2019 contre M. [K] [V] en licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
Condamne la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, à payer à M. [K] [V] la somme de 6’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
Déclare inopposable à M. [K] [V] la convention individuelle de forfait en jours signée le 15 janvier 2018′;
Condamne la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, à verser à M. [K] [V] la somme de 37’011,25 euros brut à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires impayées de 2018, outre celle de 3’701,12 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Condamne la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, à verser à M. [K] [V] la somme de 15’927,12 euros brut à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires impayées de 2019, outre celle de 1’592,71 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Ordonne la compensation entre les créances réciproquement dues par les parties à hauteur de la plus faible d’entre ces sommes’;
Condamne la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, aux dépens de première instance’;
Y ajoutant,
Condamne la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, à payer à M. [K] [V] la somme de 2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure à hauteur d’appel’;
Ordonne le remboursement par la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, à Pôle emploi, devenu France Travail depuis le 1er janvier 2024, des indemnités de chômage versées à M. [K] [V] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt prononcé à concurrence de 6 mois de ces indemnités dans les conditions prévues à l’article L 1235-4 du code du travail’;
Condamne la SA Quadient France, venant aux droits de la SA Neopost France, aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente