Dans cette affaire, la cour d’appel a rendu un arrêt favorable à Mme [T] [F] contre son ancien employeur, l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5]. La cour a infirmé le jugement précédent qui avait rejeté les demandes de Mme [T] [F], notamment concernant l’annulation d’un avertissement daté du 23 mars 2016, la réclamation d’un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. De plus, la cour a jugé que le licenciement de Mme [T] [F] pour insuffisance professionnelle, notifié le 26 septembre 2017, était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, l’association La Chrysalide a été condamnée à verser à Mme [T] [F] diverses sommes, incluant un rappel de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés afférents, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi qu’une indemnité significative pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a également confirmé le rejet de certaines demandes de Mme [T] [F], telles que l’indemnité pour travail dissimulé et les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, tout en rejetant la demande de l’association concernant le paiement d’une indemnité pour ses frais irrépétibles.
En outre, la cour a ordonné à l’association de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [T] [F] depuis son licenciement, jusqu’à concurrence de six mois, et de payer à Mme [T] [F] une somme supplémentaire au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel. Finalement, l’association a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Les problématiques de cette affaire
1. La régularité et la justification d’un avertissement disciplinaire à l’égard d’un salarié, y compris l’appréciation de la proportionnalité de la sanction par rapport à la faute commise.
2. La reconnaissance et la rémunération des heures supplémentaires, incluant la charge de la preuve en cas de litige sur l’existence ou le nombre d’heures travaillées.
3. Les conditions et la légitimité d’un licenciement, notamment l’exigence d’une cause réelle et sérieuse, l’évaluation de l’insuffisance professionnelle et la distinction entre licenciement pour motif personnel et licenciement économique.
Les notions clefs de cette affaire
Les 4 mots clés les plus importants dans ce texte sont :
1. Avertissement
2. Heures supplémentaires
3. Travail dissimulé
4. Licenciement
Définitions juridiques
Les 4 mots clés les plus importants dans ce texte sont :
1. Avertissement
2. Heures supplémentaires
3. Travail dissimulé
4. Licenciement
Les Avocats de référence dans cette affaire
Les avocats ayant plaidé cette affaire avec un Bravo sont :
– Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
– Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Anne-Charlotte VILLATIER, avocat au barreau de MARSEILLE (substitué par Me Yves TALLENDIER)
Les Parties impliquées dans cette affaire
L’Association CHRYSALIDE [Localité 7] GOLFE [Localité 5] est représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Anne-Charlotte VILLATIER, avocat au barreau de MARSEILLE.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
15 mars 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n° 19/19079
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 15 MARS 2024
N° 2024/048
Rôle N° RG 19/19079 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJTG
[T] [F]
C/
Association CHRYSALIDE [Localité 7] GOLFE [Localité 5]
Copie exécutoire délivrée
le : 15 Mars 2024
à :
Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 377)
Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 20 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00073.
APPELANTE
Madame [T] [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Association CHRYSALIDE [Localité 7] GOLFE [Localité 5] Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anne-Charlotte VILLATIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024, délibéré prorogé au 15 Mars 2024
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024
Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [T] [F] a été engagée par l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] (La Chrysalide, ci-après) dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à mi temps du 4 novembre 1988 à effet du 7 novembre suivant ‘en qualité d’adjoint d’économat, pour exercer les fonctions d’économe comptable à mi-temps’, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3.414,96 francs (correspondant à un salaire de 6.829,92 francs pour un temps complet).
Compte tenu de l’activité de l’association employeur, la relation de travail était par ailleurs soumise à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes handicapées en date du 15 mars 1966.
Le 1er février 1989, le temps de travail de la salariée est passé à trois quarts temps, ce qui a donné lieu à un document signé par les parties le 19 avril suivant et le 1er septembre 1990 – suite à la signature d’un nouvel écrit intitulé ‘avenant n°1″ au contrat de travail – Mme [F] a été employée à temps complet.
Ses positions salariales et fonctions ont ensuite évolué au fil du temps.
Notamment, suite à un changement de capacité d’accueil de l’établissement, la salariée a été rétroactivement classée ‘économe 2ème classe’ à compter du 1er février 1992 par le biais d’un avenant n°2 signé le 28 juin 1993 prévoyant des rappels de salaire en conséquence de son nouveau coefficient indiciaire.
Egalement, par un avenant n°3 signé le 1er février 2000, Mme [F] a été classée ‘économe 1ère classe’ avec pour mission d’assurer, ‘par délégation du directeur, la responsabilité totale de la gestion matérielle et comptable des établissements et services suivants (…)’ , à savoir d’un foyer occupationnel de 40 lits et places, de deux foyers d’hébergement de 40 lits pour l’un et de 8 lits pour l’autre ainsi que d’un service d’accompagnement à la vie sociale ([3]) de 6 places, avec possibilité d’extension de ses responsabilités en fonction de nouveaux établissements ou services susceptibles d’être rattachés aux précédents.
Un avenant n°4 signé le 28 avril 2008 a régularisé le fait que la salariée était promue ‘cadre classe 3 niveau 3″ depuis le 1er mai 2001.
Un avenant n°5 du 3 novembre 2008 a modifié son affectation, à mi temps au foyer occupationnel de 40 places [6] à [Localité 4] et à mi-temps au foyer d’hébergement de 40 lits Adret à [Localité 7] avec la ‘responsabilité totale’ de la gestion de l’économat de ces deux établissements ‘par délégation du directeur’.
Puis, par un avenant n° 6 du 23 septembre 2010 à effet rétroactif du 1er janvier 2010, la salariée a été reclassée ‘chef de service technique, classe 2 niveau 3″, avec promesse d’une nouvelle évolution indiciaire au 1er janvier 2013. En cette nouvelle qualité de ‘chef du service économat’, Mme [F] s’est vu attribuer le 15 septembre 2011 une délégation de pouvoir écrite de la part du directeur de l’association dans les domaines suivants :
– conduite de la mise en oeuvre du projet d’établissement,
– gestion et animation des ressources humaines,
– gestion administrative, financière et comptable,
– gestion des risques, règles d’hygiène et de sécurité,
– sécurité des biens et des personnes,
– remplacement du directeur
pour les deux foyers occupationnels et d’hébergement précédemment visés.
Enfin, par un avenant n°7 du 27 mai 2014 visant l’absence de la chef du service éducatif et lui accordant une indemnité mensuelle de sujétion de 50 points, sa mission a encore été élargie ‘au fonctionnement global de l’établissement’ à compter du 5 mai 1014 et jusqu’au 3 juin 2014.
Au dernier état de la relation salariale, Mme [F] percevait une rémunération mensuelle brute de 3.314,88 €.
Par un premier courrier du 27 janvier 2016, l’association La Chrysalide a proposé à Mme [F] un changement de ses horaires de travail, ce que celle-ci a refusé. Par un nouveau courrier daté du 4 février 2016, la direction indiquant répondre partiellementaux attentes de la salariée lui a notifié un changement de ses horaires de travail, ce que l’intéressée a formellement contesté par un courrier du 25 février 2016.
Par une lettre remise en main propre le 26 février 2016, la salariée a alors été convoquée à un entretien préalable à sanction fixé au 7 mars suivant et, par une lettre du 23 mars 2016, elle s’est vu notifier un avertissement disciplinaire.
Après l’envoi d’un mail le 15 avril 2016 lui reprochant des fichiers incomplets voire erronés concernant des remplacements de nuit, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception du 20 avril 2016, Mme [F] a contesté les reproches qui lui étaient faits et parallèlement demandé le retrait de l’avertissement du 23 mars 2016, ce qu’elle n’a pas obtenu.
La salariée a été licenciée ‘pour insuffisance professionnelle’ par le biais d’une lettre de 5 pages datée du 26 septembre 2017 la dispensant d’exécuter son préavis de 4 mois et lui reprochant, en substance, ‘de fréquentes erreurs dans les tâches de (son) ressort, des négligences dans le travail accompli, des objectifs non atteints en terme de délais ; surtout, des difficultés à manager (ses) collaborateurs, à communiquer avec les équipes de direction et administratives et à assumer (ses) responsabilités professionnelles’, que ce soit au niveau de l’encadrement, de la gestion des équipes des services généraux ou de l’hygiène et de la sécurité (fonctions faisant chacune l’objet de multiples griefs) ainsi qu’un ‘manque d’initiative et de pro-activité, y compris en matière de sécurité’, un ‘manque d’organisation’ et une ‘mauvaise posture et (un) mode de communication inadapté’.
C’est dans ce contexte qu’après avoir fermement contesté cette mesure et les griefs invoqués dans un courrier de son conseil en date du 23 octobre 2017, Mme [F] a saisi le conseil des prud’hommes de [Localité 7] le 23 janvier 2018 pour obtenir l’annulation de l’avertissement disciplinaire, l’indemnisation de préjudices résultant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une procédure vexatoire et d’un comportement déloyal de la part de l’employeur ainsi que le paiement de rappels d’heures supplémentaires et d’une indemnité pour travail dissimulé.
Vu le jugement du 20 novembre 2019 qui a débouté la salariée de toutes ses demandes, rejeté la demande reconventionnelle de l’employeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la première aux dépens de l’instance,
Vu la déclaration d’appel de Mme [F] en date du 16 décembre 2019 et la pièce jointe faisant corps avec cette déclaration,
Vu ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 13 mars 2020, par lesquelles il est demandé à la cour de réformer le jugement entrepris et, en substance (indépendamment des demandes de ‘constater …’ qui ne constituent pas des prétentions mais sont seulement des moyens), de :
– dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– annuler l’avertissement prononcé,
– constater l’illégalité du barème Macron ou, subsidiairement, sa non application en l’espèce,
– condamner en conséquence l’employeur au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande :
– 79.536 € à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 7.000 € à titre de dommages et intérêt pour procédure vexatoire,
– 6.000 € à titre de comportement déloyal et préjudices distincts,
– 7.736 € au titre des heures supplémentaires non payées et congés payés afférents (à parfaire),
– 19.884 € au titre du travail dissimulé,
– condamner l’employeur aux dépens et au paiement d’une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les uniques conclusions de l’intimée transmises par voie électronique le 25 août 2020, aux fins de confirmation du jugement entrepris, rejet de l’intégralité des demandes de Mme [F] et condamnation de cette dernière au paiement d’une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 30 octobre 2023,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
A l’issue de l’audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 8 mars 2024 par mise à disposition au greffe. Elles ont été avisées par le greffe du prorogé ce délibéré au 15 mars suivant.
SUR CE :
Sur l’avertissement :
Dans le cadre de son appel, Mme [F] demande en premier chef – s’agissant de ses prétentions relatives à l’exécution de la relation contractuelle – l’annulation de l’avertissement prononcé à son encontre le 23 mars 2016.
La cour observe que le conseil des prud’hommes de Martigues a expressément ‘dit ne pas prononcer l’annulation de l’avertissement prononcé’ (sic), sans motiver sa décision à cet égard.
Quant à elle, l’association La Chrysalide demande formellement la confirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes de la salarié, mais elle ne formule aucun moyen s’agissant de la sanction disciplinaire critiquée par la salariée.
Pourtant, en cas de litige concernant une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et elle peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Par ailleurs, un comportement fautif ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié et il incombe à l’employeur de fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile. Si un doute subsiste il profite au salarié.
Or, en l’espèce et comme le souligne à juste titre Mme [F] qui invoque également le fait que la sanction faisait suite à sa contestation concernant le changement d’horaires de travail qui lui avait été imposé, force est de constater que l’association La Chrysalide ne fournit aucun élément pour tenter de justifier de son bien fondé.
Par suite, le jugement sera infirmé de ce chef, et la cour prononcera l’annulation de cet avertissement injustifié.
Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :
Les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale de travail, soit 35 heures par semaine. Cette durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés. Elles se décomptent par semaine (article L.3121-29 du Code du travail) et elles ouvrent droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent (articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail). A défaut d’accord, les heures supplémentaires donnent en effet lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % (article L.3121-36 du Code du travail)
Sont considérées comme heures supplémentaires les heures qui ont été accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ou si celui-ci les connaissant ne s’y est pas opposé.
Il résulte par ailleurs de l’article L.3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le conseil des prud’hommes de Martigues a retenu que Mme [F] avait été remplie de ses droits à l’occasion de son solde de tout compte et il a rejeté sa demande de paiement d’un rappel de salaire au titre des 95 heures supplémentaires qu’elle déclare avoir réalisées au cours des trois dernières années. Le premier juge a également constaté que la salariée ne pouvait être suivie dans ses calculs qui aboutissaient à considérer un taux horaire de 81,43 € sans rapport avec la réalité de sa rémunération.
Au soutien de son appel, Mme [F] évoque l’absence de suivi de ses heures de travail et fonde ses prétentions sur les relevés d’heures agréés par la direction qu’elle produit en pièces n° 34 et 36 et dont elle déclare qu’ils établissent l’existence d’un solde de 96 heures en sa faveur.
Or l’examen de ces tableaux permet de vérifier que le solde de 96 heures mentionné au 5 novembre 2015 s’est réduit au fil du temps pour n’être plus que de 43,51 heures à la date du 7 août 2017 du fait de récupérations régulièrement prises par Mme [F] et ce, malgré les majorations qu’elle avait pris soin de faire figurer dans ce décompte. Il s’en infère par ailleurs que – contrairement aux allégations de Mme [F] à ce sujet – la direction assurait bien un suivi régulier puisqu’elle approuvait les calculs qui lui étaient proposés en apposant sa signature sur la dernière colonne.
De son côté, l’association La Chrysalide justifie avoir réglé un reliquat de 39,88 heures supplémentaires à l’occasion du solde de tout compte, en précisant avoir retiré 3,63 heures du montant des heures supplémentaires figurant sur le dernier tableau (soit 43,51 heures) car ces heures supplémentaires avaient déjà donné lieu à rémunération sur la base d’un taux horaire majoré le 30 juillet 2017.
Cependant, si l’on se réfère au décompte ainsi qu’aux bulletins de salaire versés aux débats par la salariée, il n’est nullement fait mention du paiement d’heures supplémentaires – que ce soit à la fin du mois de juillet 2017 ou à un autre moment -.
Il s’en déduit que Mme [F] est fondée à réclamer le paiement des heures supplémentaires non réglées à concurrence des 3,63 heures correspondant à des majorations que l’employeur ne pouvait pas retirer lorsqu’il a établi le solde de tout compte.
Sur la base du taux horaire de 21,85 € correspondant à la rémunération mensuelle totale perçue en dernier lieu par la salariée, l’association reste débitrice d’une somme de 79,33 € en brut, outre les congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé et l’employeur condamné à payer à la salariée ce rappel de salaire.
En revanche, Mme [F] ne produit aucun élément démontrant que l’association a agi avec une intention dissimulatrice et le jugement sera confirmé pour avoir rejeté sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé qui n’est pas davantage soutenue qu’elle ne l’était en première instance.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
La salariée a été déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre par le conseil des prud’hommes de Martigues au simple motif tiré de ‘l’absence d’élément de nature à justifier sa demande’.
En cause d’appel, Mme [F] réitère :
– qu’elle avait une charge de travail lui imposant un dépassement d’horaires,
– qu’elle a reçu un avertissement injustifié dont le but était simplement de la déstabiliser et de préparer son licenciement,
– qu’elle s’était vue « cracker » les codes d’accès à sa messagerie certes professionnelle mais protégée par un mot de passe personnel,
– que ladite messagerie avait été utilisée pour adresser des messages sous sa signature, lesquels constituaient donc des faux,
– qu’elle s’était vue privée, sans que cela ne soit justifié, de travail dès sa convocation à entretien préalable dans le but exclusif de l’empêcher d’accéder à des preuves la disculpant, ce qui en toutes hypothèses contrevenait à l’obligation de l’employeur de lui fournir du travail,
– qu’elle s’était vue imposer une exclusivité de travail qui, étant une entrave à la liberté de travail, devait par principe être justifiée et/ou rémunérée, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce,
– qu’on lui avait supprimé la supervision du service Secrétariat – ce que l’employeur reconnaissait – de sorte qu’elle était privée de moyens humains,
– qu’en pratique, elle avait été déclassée par Mme [L] (la nouvelle directrice des foyers, arrivée en juin 2014) puisqu’elle avait été privée de toute autonomie – jusque pour les bons à tirer sur les tampons -,
– que les taches qui lui étaient demandées n’étaient plus en adéquation avec son statut (rentrer des numéros de téléphone’) et le niveau de contrôle exercé par Mme [L] correspondait au contrôle opéré sur un collaborateur débutant simple exécutant,
– qu’elle n’était aucunement responsable de la signature des contrats de travail ni même des recrutements comme en attestaient les échanges de mails produits,
– qu’en pratique, elle était chargée d’effectuer des compte-rendus qui devaient être relus et validés par Mme [L],
– que cette dernière manquait de loyauté à son égard puisque lorsqu’elle la questionnait pour savoir si une tâche est réalisée, elle écrivait à la main que ce n’était pas le cas,
– que l’attitude déloyale de la directrice à son égard correspondait à un harcèlement au regard des méthodes employées et précisément décrites, ce qui avait généré un épuisement psychologique qui avait été médicalement constaté,
– que l’entreprise n’avait entrepris aucune mesure, aucune enquête, aucune tentative de résolution de la situation pour préserver sa santé,
– au contraire, elle n’avait assuré aucun suivi des temps de travail de ses collaborateurs, malgré le fait que l’application d’un dispositif d’aménagement du temps de travail lui imposait de transmettre un document indiquant le total des heures accomplies et, au contraire, l’employeur lui a imposé un changement de ses horaires pour dissimuler ces illégalités.
Tous ces événements l’avaient épuisée psychologiquementet elle justifie d’un suivi psychologique à partir de juin 2016, dans le cadre duquel le praticien a fait référence à « un contexte profession(nel) compliqué qui suggèr(ait) un sentiment de dévalorisation évident. Il ressort des séances un manque de considération professionnelle ».
La cour constate que l’association est effectivement débitrice d’un arriéré de 3 heures supplémentaires, lequel ne caractèrise cependant pas une faute indemnisable sauf à justifier d’un préjudice particulier, distinct de celui réparé par les intérêts moratoires, ce qui n’est pas le cas.
Par ailleurs, Mme [F] ne rapporte pas la preuve de l’utilisation de sa boîte aux lettres électronique professionnelle et de l’envoi de messages en son nom à partir de cette dernière, à laquelle elle reconnaît que la direction a pu légitimement avoir accès pour assurer la continuité du service dont elle était chargée. Elle se contente en effet de se référer à un courrier qu’elle aurait envoyé en recommandé avec demande d’avis de réception (sans d’ailleurs produire cet avis) en date du 4 juillet 2016 pour dénoncer l’utilisation de sa messagerie professionnelle et indiquer ‘qu’à mon retour, je ne pourrai pas être tenue pour responsable d’erreurs ou manquements relatifs à cet usage’. Mais la démonstration d’une utilisation fautive de cette messagerie ou d’un grief subi n’est pas faite.
Pas plus que la privation de travail dès la convocation à l’entretien préalable, qui ne mentionne pas de mise à pied, en l’absence d’élément justificatif probant. En effet, la lettre adressée à l’association par son conseil le 23 octobre 2017 ne fait que reprendre les dires de la salariée.
Le grief relatif à l’exclusivité de travail qui aurait été imposée à Mme [F] sans être remunérée ne résulte d’aucun élément versé aux débats et la cour observe que la salariée aurait pu, si tel avait été le cas, solliciter une contrepartie financière à une clause contractuelle de non concurrence, ce qu’elle ne fait pas.
Le reproche relatif au retrait de la supervision du service secrétariat qui l’a privé de moyens humains et qui serait reconnu par l’employeur n’est établi par aucune pièce et certainement pas sa pièce n° 22 qui est un courrier de sa part en date du 20 avril 2014 dans lequel il n’est pas question du secrétariat mais consiste en une demande de retrait de l’avertissement qui lui avait été notifié un mois auparavant.
Il résulte des autres griefs formulés par la salariée qu’elle n’acceptait pas le contrôle effectué sur son travail par la directrice de l’association dont c’était pourtant le rôle, et les conclusions prises en son nom affirment qu’elle ‘évoque subir un harcèlement’ sans pour autant soutenir formellement l’existence d’un harcèlement moral et solliciter une indemnisation de ce chef.
Reste le fait qu’elle a été sanctionnée par un avertissement injustifié le 23 mars 2016 et que la dispense d’exécution du préavis s’est avérée être une décision particulièrement brutale après 29 années de services au cours desquelles ses fonctions avaient évolué vers de plus et plus de responsabilités, caractérisant un manquement de l’employeur à son obligation de loyauté à l’égard de la salariée.
Ces deux faits sont susceptibles d’avoir causé un préjudice moral à Mme [F] qui justifie avoir bénéficié d’un suivi à compter du mois de juin 2016 ‘suite à un contexte professionnel compliqué qui suggère un sentiment de dévalorisation évident’.
Le jugement entrepris sera donc infirmé et l’association La Chrysalide condamnée à payer à Mme [F] une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.
Sur le bien fondé du licenciement :
L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.
En cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur.
En revanche, s’il invoque une faute, l’employeur se situe nécessairement sur le terrain disciplinaire. Dans la mesure où l’exécution défectueuse de la prestation de travail due à une inadaptation au poste ou à une insuffisance professionnelle n’a en soi aucun caractère fautif, l’employeur qui fonde un licenciement disciplinaire sur les conditions d’exécution du contrat de travail doit donc rapporter la preuve que l’exécution défectueuse alléguée est due à l’abstention volontaire du salarié ou à sa mauvaise volonté délibérée.
Les carences professionnelles d’un salarié ne sont en effet susceptibles de revêtir un caractère disciplinaire que si la mauvaise volonté délibérée ou l’abstention volontaire du salarié dans l’exécution de sa prestation de travail est invoquée.
En l’espèce, le conseil des prud’hommes de Martigues a estimé – ‘au vu des arguments apportés aux débats par chacune des parties’ qu’il avait pris soin de résumer – que le licenciement de Mme [F] reposait sur une cause réelle et sérieuse aux motifs que :
– il ne trouvait pas d’élément susceptible de qualifier la volonté de blesser la salariée de la part de l’association employeur ni de l’empêcher d’organiser sa défense,
– l’association La Chrysalide n’avait jamais invoqué une soudaine dangerosité générée par le comportement de Mme [F],
– cette dernière disposait des outils adaptés, sa charge étant certes reconnue lourde mais pas anormale pour un cadre de son niveau,
– elle avait par ailleurs reçu les formations d’adaptation utiles.
Pour contester son licenciement, Mme [F] fait valoir – sans entrer à ce stade dans le détail des réponses apportées aux diverses griefs invoqués à son encontre – que :
– sa charge de travail ne lui permettait pas d’accomplir sereinement ses fonctions, étant affectée sur deux établissements certes à mi-temps mais devant assumer la charge de réunions correspondants à des temps complets sur chacun des deux sites, lesquels étaient distants d’une quarantaine de minutes,
– il était fait sommation à l’association employeur de communiquer les registres du personnel consignant les entrées et sorties de 2016 à 2020 eu égard au sous effectif qui faisait obstacle à l’accomplissement de ses missions conformément à la délégation de pouvoir qui lui avait été accordée mais qui n’était de fait pas appliquée,
– les éléments fournis par l’employeur sont dépourvus de force probante, s’agissant pour l’essentiel de mails émanant de la directrice, Mme [L], dont les réponses ne sont pas versées aux débats et qui constituent des preuves faites à soi même ne pouvant être prises en considération compte tenu de la qualité de leur auteur, ou bien d’éléments extraits du serveur informatique auquel toute personne travaillant pour le compte de l’association pouvait avoir accès, de sorte qu’il n’était pas possible de lui imputer la responsabilité des informations contenues dans les pièces qui en étaient extraites,
– la directrice prenait pour argent comptant tout ce qui lui était dit à son encontre, sans jamais chercher à connaître la vérité et s’occupait seulement d’amasser des preuves pour la licencier,
– les témoignages des salariés de l’association ne sont corroborés par aucun élément objectif et probant et certains émanent de salariés affirmant être sans lien de subordination,
– il était enjoint à l’association de fournir les éléments relatifs aux évolutions fonctionnelles et salariales de ces témoins en ce compris les primes exceptionnelles reçues,
– son poste avait disparu de l’organigramme de l’association regroupant les services communs aux différents établissements, son licenciement ayant de fait permis une réorganisation de l’entreprise,
– elle n’avait pas bénéficié de formation en lien avec les insuffisances relevées à son encontre.
De son côté, l’employeur oppose que :
– Mme [F] avait régulièrement bénéficié de formations en relation avec sa fonction, notamment un ‘cycle de management de l’encadrement intermédiaire » en 2016 ainsi que d’un outil de pilotage intitulé « Plan d’Action Qualité » (PAQ), permettant de prioriser et de planifier les actions à conduire sur les 3 années à venir, de 2016 à 2018
– contrairement à ses affirmations, ses missions étaient parfaitement définies, étant chef de service depuis 2010, ce dont elle ne semblait pas avoir pris la mesure,
– la relation qu’elle entretenait avec son activité professionnelle était marquée par le désintérêt le plus total, privilégiant son organisation personnelle en étant présente sur sites que 4 jours par semaine,
– elle bloquait l’un des véhicules de services deux jours par semaine pour se rendre du foyer de vie à [Localité 4] au foyer Adret situé à [Localité 7], distant de 29 km, et réalisait ses déplacements sur son temps de travail,
– c’est dans ses fonctions de chef de service, auxquelles elle a été promue en 2010, que l’insuffisance professionnelle est établie et non dans la fonction d’économe comptable qu’elle avait exercée pendant les 22 premières années de la relation contractuelle, alors qu’il lui avait été laissé le temps d’y remédier,
– il lui appartenait en sa qualité de chef de service technique au sein des foyers, ainsi que le rappelait la lettre de licenciement :
1) d’organiser, d’encadrer et de suivre l’activité relevant des services généraux et les salariés qui y sont affectés,
2) de veiller à l’application et au respect de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité,.
– il avait cependant été fait ‘le constat de fréquentes erreurs dans les tâches du ressort de l’appelante, des négligences dans le travail accompli, des délais non respectés et des difficultés à manager ses collaborateurs, à communiquer avec les équipes de direction et administratives et à assumer ses responsabilités professionnelles’ dans les domaines mentionnés dans la lettre de licenciement.
Puis il reprendles différents griefs formulés dans la lettre de licenciement en matière, successivement, de :
– encadrement et gestion des équipes des Services Généraux (management et ressources humaines), notamment en termes d’élaboration et mise à jour des plannings, d’organisation du travail, d’encadrement et d’animation de ces équipes, d’animation et de conduite des réunions d’équipe,
– hygiène et la sécurité, notamment en matière de contrats de maintenance et d’entretien, de sécurité et sûreté des bâtiments et de leurs équipements ainsi que de confort et sécurité des usagers et des professionnels ou de supervision de la prestation Restauration.
La cour observe à ce stade que certains reproches sont faits à la salariée dans les conclusions prises pour le compte de l’association employeur alors qu’ils ne figurent pas dans la lettre de licenciement. C’est le cas des griefs relatifs à la limitation des jours de présence de la salariée, à l’usage abusif du véhicule de service pour se rendre d’un site à l’autre ou du total désintérêts qui serait le sien pour son activité professionnelle, qui n’ont pas à être examinés faute de pouvoir justifier le licenciement.
Inversement, la lettre de licenciement qui comporte cinq pages, formule un certain nombre de reproches sous les thèmes intitulés ‘manque d’initiative et de pro-activité, y compris en matière de sécurité’, ‘manque d’organisation’ et ‘mauvaise posture et mode de communication inadapté’ qui ne sont pas abordés dans les conclusions de l’intimée et ne sont donc pas soutenus.
La cour constate par ailleurs que l’association La Chrysalide invoque une insuffisance professionnelle de Mme [F] dans l’exercice de ses fonctions de chef de service technique au sein des foyers, mais ne justifie pas que – comme affirmé dans la lettre de licenciement – cette qualité lui imposait :
– d’organiser, d’encadrer et de suivre l’activité relevant des services généraux et les salariés qui y étaient affectés,
– de veiller à l’application et au respect de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité.
En réalité, les missions de la salarié n’ont jamais été contractuellement définies et il est frappant d’observer que les avenants à son contrat de travail sont souvent intervenus tardivement, en régularisation d’une situation de fait déjà installée mais non contractualisée.
Ainsi, l’avenant n°2 signé le 28 juin 1993 a rétroactivement classé Mme [F] ‘économe 2ème classe’ à compter du 1er février 1992 en prévoyant des rappels de salaire en conséquence de ce nouveau coefficient indiciaire intervenu 16 mois auparavant.
Egalement, l’avenant n°4 signé le 28 avril 2008 a régularisé une promotion en qualité de ‘cadre classe 3 niveau 3″ qui était intervenue depuis le 1er mai 2001 !
C’est enfin par un avenant n° 6 daté du 23 septembre 2010 que la salariée a été reclassée ‘chef de service technique, classe 2 niveau 3″ à effet rétroactif du 1er janvier 2010.
Mme [F] s’est vu attribuer le 15 septembre 2011 une délégation de pouvoir écrite de la part du directeur de l’association de l’époque, M. [U] [E], et elle a signé cet acte qui lui donnait notamment la capacité ‘de remplacer partiellement le directeur pendant ses absences en coordination avec le chef du service éducatif et/ou directeur adjoint de chaque foyer’ en qualité de ‘chef du service économat’.
Cet acte lui déléguait certes le pouvoir d’assurer :
– ‘la conduite de la mise en oeuvre du projet d’établissement (…) avec le respect des principes et valeurs de l’Association et dans une démarche fédérative de l’ensemble des professionnels de l’établissement (…) (en étant) responsable de la qualité de la prise en charge des personnes handicapées (…)’,
– la ‘gestion et animation des ressources humaines’, avec ‘autorité hiérarchique sur l’ensemble du personnel technique des foyers’
– la ‘gestion administrative, financière et comptable’, avec notamment la responsabilité ‘de la bonne exécution du budget de fontionnement concernant les champs professionnels dont (elle avait la charge … et) de l’optimisation des dépenses’,
– la ‘gestion des risques, règles d’hygiène et de sécurité (…) des biens et des personnes (salariés, usagers, bénévoles, stagiaires…) des deux foyers’,
– la ‘sécurité des biens et des personnes’ des deux foyers.
Mais il s’agissait de facultés lui conférant une légitimité dans la conduite de certaines actions vis-à-vis des tiers, et non d’obligations contractuelles attachées à l’exécution de son contrat de travail dont les contours n’avaient pas justifié la signature d’un avenant à effet de la date de la délégation, soit le 11 septembre 2011.
Son contrat n’a en effet été modifié ensuite que par l’avenant n°7 du 27 mai 2014 (à effet rétroactif au 5 mai 2014) qui – du fait de l’absence de la cheffe du service éducatif – a ponctuellement élargi sa mission’au fonctionnement global de l’établissement’ (sans autre précision sur le foyer concerné) en plus de sa fonction de ‘chef du service économe’ et ce, jusqu’au 3 juin 2014.
Cet avenant venait donc régulariser une situation de fait non définie, pour les quelques jours restant à courir entre le 27 mai et le 3 juin 2014, ce dont il se déduit qu’il s’agissait davantage de régler une situation financière plutôt que de définir les attributions de la salariée dont les missions étaient ainsi fluctuantes, très larges, mal définies et incompatibles avec l’exécution d’un contrat de travail de cadre à temps complet, sans convention de forfait bien que chargée de responsabilités lui imposant une très grande disponibilité.
L’intitulé même des fonctions qui lui étaient attribuées varie selon les pièces examinées qui mentionnent soit ‘chef de service technique’, soit ‘chef de service’ ou ‘chef de service économat (ou économe)’, ou encore ‘chef des services généraux’.
La question de l’adéquation des moyens mis à la disposition de la salariée pour l’accomplissement de ses missions se pose dès lors avec acuité et une partie des griefs formulés dans la lettre de licenciement sont – sans équivoque – en lien avec cette difficulté.
Ainsi il a pu lui être reproché un manque de disponibilité en soirée ou fin de semaine pour régler des problèmes de remplacement de salariés en urgence ou des problèmes d’ordre technique (par exemple une panne de chauffage le 22 décembre 2014 en fin d’après-midi, la défection d’une salariée remplaçante la nuit du 22 avril 2017) ou le défaut de préparation du contrat à durée déterminée d’une personne supplémentaire intervenant en avril 2015 du fait d’une surcharge de travail la veille de ses congés.
A cet égard, l’absence de définition précise des tâches dévolues d’une part à la direction (par exemple chargée de signer lesdits contrats de travail) et, de l’autre, à la salariée (peut-être chargée de les préparer, mais cela n’est pas certain), est frappante à la lecture des échanges de mails versés aux débats par l’association : la directrice ne cesse de pointer les actions qui lui paraissent ne pas avoir été réalisées – ou pas suffisamment rapidement réalisées – et de reprocher à la salariée d’avoir à se substituer à elle, sans que la distinction entre leurs champs d’intervention respectifs ne soit précisée. Le reproche (formulé au nom de la directrice, dans les conclusions de l’association en page 15) d’avoir eu à réapprovisionner les WC en papier toilette en février 2015 est l’illustration même de ce flou dans la définition des missions des différents intervenants, spécialement au niveau de la direction, au sein des établissements.
De même, l’association La Chrysalide ne fournit aucun élément permettant de vérifier la conformité entre la charge de travail et les moyens fournis, alors que cet équilibre est contesté par la salariée qui évoque un sous effectif : aucun registre du personnel n’est versé aux débats alors qu’il aurait permis à la cour d’apprécier l’importance du personnel sous la responsabilité de Mme [F] ainsi que le nombre de contrats à durée déterminée préparés (et signés par la direction) chaque année pour assurer les remplacements des salariés permanents, ni aucun élément d’ordre budgétaire alors que la délégation de pouvoirs conférait à Mme [F] la gestion d’un budget de fonctionnement avec l’obligation d’ ‘optimiser les dépenses’.
En terme de formation, également contestée par la salariée, l’association La Chrysalide se réfère au contenu d’un ‘passeport’ au nom de Mme [F] sur lequel figure que l’intéressée est titulaire d’un BTS de gestion hôtellière obtenu en 1985 et établissant que l’intéressée n’a reçu aucune formation en relation avec ses nouvelles responsabilités en 2010 ou précédemment. En 2012, elle a bénéficié de 7 heures de formation relative au document unique d’évaluation des risques (DUER), 12 heures de formation à la gestion des équipes et 6 heures sur la responsabilité du cadre intermédiaire dans le domaine dans le secteur médico-social. En 2013, elle a participé pendant 28 heures à un cycle de formation pour les cadres intermédiaires sur ‘la gestion de projet/Etre à l’aise à son poste’, cycle qui s’est poursuivi seulement en novembre 2016 pendant 21 heures sans autre précision sur le thème abordé.
En l’état des informations fournies, la cour estime que la salariée n’a pas bénéficié des actions de formation utiles et suffisantes au regard de ses attributions et des responsabilités qui lui ont été conférées.
La cour observe également que les insuffisances reprochées à Mme [F] s’étalent sur une période allant de février 2015 à août 2017 sans que la direction ait jamais pris l’initiative de formaliser ses attentes à son égard et, le cas échéant, de les lui rappeler en lui demandant de remédier à des éventuelles difficultés ou carences de sa part. Les premiers reproches sont par ailleurs à mettre en relation avec l’arrivée de la nouvelle directrice (au mois de juin 2014) et ce, concommittament à la fin de l’extension des missions confiées à Mme [F] du fait de l’indisponibilité de la cheffe du service éducatif d’un établissement.
Or, il est par ailleurs affirmé dans les conclusions de l’association (en page 17, dernier paragraphe) que les fichiers de remplacements de nuit ‘présent(ait) une importance cruciale’, une difficulté décélée en avril 2015 de ce chef aurait donc normalement dû faire l’objet d’un recadrage formel de la part de la direction. Il est donc étonnant que cela n’ait jamais été le cas au cours de la période de deux ans et demie considérée, ce qui fait douter du sérieux de la série de griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
La cour observe également que, pour justifier de ces insuffisances, l’association se fonde pour l’essentiel sur des mails envoyés à Mme [F] par Mme [L], la directrice ayant pris ses fonctions en juin 2014, soit pour lui reprocher de ne pas avoir accompli telle tâche, soit pour lui demander si elle avait bien effectué telle ou telle action, soit plus simplement pour l’inviter à le faire.
Ces éléments sont pourtant dépourvu de force probante, à défaut de produire les réponses apportées par la salariée et également dufait qu’il s’agit de preuves faites à soi-même insusceptibles établir les faits allégués par la partie concernée, particulièrement en matière d’insuffisance professionnelle qui devrait reposer sur des éléments concrets et non sur l’appréciation subjective de la directrice, responsable hiérarchique et représentant l’employeur.
Les attestations versées aux débats ne sont pas davantage propres à emporter la conviction de la cour, en ce qu’elles émanent :
– pour deux d’entre elles, de salariés indiquant être sans lien de subordination avec l’employeur ce qui est inexact,
– pour l’une d’entre elles, d’une personne affirmant avoir remplacé Mme [F] en 2018 (ce que ne reflète pas l’organigramme de 2019).
Du reste, certaines ne sont pas manuscrites et la plupart ne rapportent aucun fait suffisamment précis permettant de caractériser l’insuffisance professionnelle alléguée ou bien visent des périodes antérieures à 2013, ce qui démontre que l’employeur avait accepté de poursuivre la relation de travail avec Mme [F] en lui confiant davantage de responsabilités, comme cela a été le cas en 2014, et contredit donc la thèse de son insuffisance.
L’association intimée produit même une attestation de 8 pages dactylographiées émanant de Mme [L] alors qu’une telle pièce – qui ne fait que reprendre les reproches déjà formulés dans la lettre de licenciement au nom de l’association et de sa direction – est dépourvue de valeur probante et ne peut servir à légitimer le licenciement.
Enfin, les différents tableaux d’organisation des services produits par l’association intimée ne permettent pas d’imputer à Mme [F] les erreurs qu’ils contiennent alors qu’il est constant et non contesté que l’ensemble du personnel avait accès à ces documents partagés sur un serveur commun, ce que la salariée avait d’ailleurs dénoncé à plusieurs reprises.
Inversement, la cour constate que l’organigramme mis à jour au 25 février 2019 vient corroborer que le poste de Mme [F] a été supprimé et que, depuis le licenciement de l’intéressée, l’association ne comporte plus que de 2 cheffes de service à côté des directeurs d’établissements : l’une chargée de la comptabilité et l’autre des ressources humaines. Ce qui confirme la thèse de l’appelante et tend à démontrer d’une part que son licenciement était un licenciement économique déguisé et de l’autre, qu’elle n’exerçait aucune mission spécifique et clairement définie.
Enfin, l’avertissement notifié le 23 mars 2016 formule des griefs qui sont soit repris dans la lettre de licenciement, soit tout à fait similaires. Outre qu’ils ne pouvaient être invoqués une seconde fois dans le cadre du licenciement, dans la mesure où ils avaient justifié le prononcé d’une sanction disciplinaire indiquant que ces ‘manquements (sont) inacceptables’, cela conduit inévitablement à disqualifier le licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement pour faute.
Or il n’est pas justifié de la réalité de carences professionnelles liées à une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire de la salariée dans l’exécution de sa prestation de travail.
Par suite, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a débouté Mme [F] de sa contestation de son licenciement et de sa demande indemnitaire de ce chef.
Sur les conséquences du licenciement :
Selon l’article L.1235-3 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 – applicable aux licenciements prononcés après le 23 septembre 2017 -, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié, en l’absence de réintégration, une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre le montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau – le barême dit ‘Macron’ – indiquant, pour une ancienneté dans l’entreprise de 29 ans correspondant à celle de Mme [F] au sein de l’association lors de la prise d’effet de son licenciement : 3 mois au minimum et 20 mois au maximum.
La salariée appelante demande à la cour d’écarter ce barême qu’elle juge illégal au regard des dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement et de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, qui a repris le principe selon lequel
« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (‘) :
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »
Cependant, dans deux arrêts du 11 mai 2022 (pourvois n° 21-14.490 et 21-15.247) conformes aux avis précédemment rendus par l’assemblée plénière (Cass. Avis 17 juillet 2019, n°19-70.010 et 19-70.011), la chambre sociale a jugé que :
– le barême instauré par l’ordonnance du 22 septembre 2017 est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT,
– les articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, en ce qu’elle permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi tout en préservant un caractère dissuasif pour l’employeur,
– les dispositions de la charte sociale européenne ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Elle en a déduit que le juge ne peut écarter l’application du barême, même au cas par cas : il lui appartient seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les deux montants minimaux et maximaux fixés par le barême.
En l’espèce et compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l’âge de de Mme [F], de son ancienneté dans l’entreprise, de l’absence d’information sur sa situation professionnelle ultérieure et les conséquences du licenciement à son égard, l’association La Chrysalide sera condamnée à lui verser la somme de 66.200 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire, la cour confirmera en revanche le jugement qui l’en a déboutée en l’absence d’élément de preuve établissant l’existence d’un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de la brutalité dans le cadre du manquement de l’employeur à son obligation de loyauté.
Lorsque le licenciement est indemnisé en application des articles L.1235-3 du code du travail, comme c’est le cas en l’espèce, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle Emploi (devenu France Travail) à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du même code, le remboursement par l’employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités éventuellement payées à Mme [F] à concurrence de six mois.
Le jugement rendu sera complété en ce sens.
Sur les autres demandes :
Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de la première présentation de la convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées, soit en l’occurrence à partir du présent arrêt.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, l’association La Chrysalide supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer à Mme [F] une indemnité conforme à ses prétentions au titre des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [T] [F] à l’encontre de l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] tendant à voir :
– prononcer l’annulation de l’avertissement du 23 mars 2016,
– condamner l’employeur à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– condamner l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à lui payer une indemnité de ce chef,
– condamner l’employeur à payer une indemnité au titre de ses frais irrépétibles,
ainsi que sur la charge des dépens ;
Statuant à nouveau,
Annule l’avertissement du 23 mars 2016 ;
Dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle notifié à Mme [T] [F] le 26 septembre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] à payer à Mme [T] [F] les sommes suivantes :
– 79,33 € en brut à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires,
– 7,93 € au titre des congés payés afférents,
– 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 66.200 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Confirme le jugement pour le surplus et notamment sur le rejet :
– de la demande d’indemnité pour travail dissimulé,
– de la demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
– de la demande de l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] en paiement d’une indemnité pour ses frais irrépétibles ;
Y ajoutant,
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion du présent arrêt ;
Ordonne le remboursement par l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] au Pôle Emploi (France Travail) des indemnités de chômage versées à Mme [T] [F] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois ;
Condamne l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] à payer à Mme [T] [F] la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel ;
Déboute l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] de sa demande de ce chef ;
Condamne l’association La Chrysalide de [Localité 7] et du Golfe de [Localité 5] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président