COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00474 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E373.
Jugement Au fond, origine d’ANGERS, décision attaquée en date du 29 Mars 2021, enregistrée sous le n° 18/00720
ARRÊT DU 21 Septembre 2023
APPELANTE :
URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE VENANT AUX DRTS DE L’URSSAF DE LA SARTHE
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me DOLL avocat au barreau de NANTES, substituant Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES
INTIMEE :
S.A.S.U [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON, substituant Maître Christophe KOLE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : M. Yoann WOLFF
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 21 Septembre 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame GENET, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
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FAITS ET PROCÉDURE :
Le 15 novembre 2016, la société [4] a sollicité auprès de l’URSSAF des Pays-de-la-Loire le remboursement des sommes de 147’281 euros pour son établissement principal du Longeron et de 38’599 euros pour son établissement secondaire de [Localité 5]. Elle demandait également une régularisation pour la période d’octobre 2013 à novembre 2015, de la réduction Fillon.
L’URSSAF a alors diligenté un contrôle comptable d’assiette. À l’issue de ce contrôle, elle a adressé à la société [4] une lettre d’observations en date du 21 juin 2017 emportant un montant total de crédit de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS s’élevant à 98’151 euros pour son établissement principal et à 13’939 euros pour son établissement secondaire.
Après observations de la société par courrier en date du 13 juillet 2017, l’inspecteur du recouvrement a maintenu sa position le 4 octobre 2017.
Le 9 octobre 2017, l’URSSAF des Pays-de-la-Loire a notifié à la société [4] un crédit global de 99’634 € pour son établissement du Longeron et de 13’233’€ pour celui de [Localité 5].
Le 8 décembre 2017, la société [4] a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF, laquelle a confirmé la décision du 9 octobre 2017 lors de sa séance du 25 septembre 2018.
Par courrier recommandé posté le 18 décembre 2018, la société [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire d’une contestation de cette décision.
Par jugement en date du 29 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d’Angers désormais compétent :
– s’est déclaré incompétent pour connaître du litige relatif à l’établissement situé à Maisdon-sur- Sèvre ;
– s’est dessaisi du litige relatif à l’établissement situé à Maisdon-sur-Sèvre au profit du tribunal judiciaire de Nantes ;
– a déclaré prescrite la demande de remboursement de la société [4] en ce qu’elle porte sur les périodes dont les cotisations ont été acquittées antérieurement au 15 novembre 2013 ;
– dit qu’il appartiendra à l’URSSAF de recalculer la réduction générale de cotisations pour les années 2014 à 2016 en tenant compte de l’indemnité de congés payés, nécessairement incluse dans les 1820 heures, et plus précisément en convertissant l’indemnité de congés payés versée aux conducteurs périodes scolaires en heures dans la formule de calcul de la réduction Fillon.
Par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 2 juillet 2021, l’URSSAF des Pays-de-la-Loire a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 9 juin 2021.
Le dossier a été convoqué à l’audience du conseiller rapporteur du 2 mars 2023.
Moyens
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la compétence territoriale
Les parties n’élèvent aucune contestation quant aux dispositions du jugement ayant reconnu l’incompétence territoriale du tribunal judiciaire d’Angers concernant l’établissement de Maisdon-sur-Sèvre situé en dehors du département de Maine-et-Loire et le dessaisissement de la juridiction au profit du tribunal judiciaire de Nantes. L’intimé présente bien des demandes au titre de l’établissement de [Localité 5] mais n’invoque aucun moyen pouvant justifier une contestation du jugement de ce chef et ne formalise d’ailleurs aucune demande à ce titre.
Il y a donc lieu de confirmer ces dispositions.
Sur la prescription triennale
L’article L. 243 ‘ 6 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 22 décembre 2010 au 1er janvier 2015 prévoit que « la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées. »
Si, aux termes de l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, l’ignorance du caractère indu des cotisations versées ne caractérise pas l’impossibilité dans laquelle le cotisant serait d’agir avant l’expiration du délai de prescription (2ème civ. 6 avril 2023, n°21-19.111).
Selon l’article D. 241 ‘ 8 du code de la sécurité sociale, le montant de la réduction prévue à l’article L. 241-13 est appliqué par anticipation aux cotisations dues au titre des rémunérations versées au cours d’un mois civil.
L’article D. 241 ‘ 9 du même code prévoit que « les cotisations dues au titre du dernier mois ou du dernier trimestre de l’année tiennent compte, le cas échéant, de la régularisation du différentiel entre la somme des montants de la réduction mentionnée à l’article L. 241-13 appliquée par anticipation pour les mois précédents de l’année et le montant de cette réduction calculée pour l’année. En cas de cessation du contrat de travail en cours d’année, la régularisation s’opère sur les cotisations dues au titre du dernier mois ou trimestre d’emploi ».
Comme l’a justement fait remarquer l’URSSAF dans la lettre d’observations, ces dispositions permettent à l’employeur de procéder au calcul définitif de la réduction Fillon lors de la dernière échéance de cotisations dues au titre de l’année considérée et de dégager le cas échéant un crédit en fin d’année si le montant de la réduction appliquée est inférieur à celui calculé définitivement.
En l’espèce, les parties conviennent que le 15 novembre 2016, la société [4] a formulé une demande de remboursement auprès de l’URSSAF de réduction Fillon pour la période d’octobre 2013 à novembre 2015 pour un montant de 33’709 € pour l’établissement du Longeron. Selon le tableau récapitulatif 2013 annexé à la demande de remboursement, la société a versé au titre des cotisations de sécurité sociale pour cet établissement en octobre 49’052 €, en novembre 44’316 € et en décembre 47’913 €.
Dans la lettre d’observations, l’URSSAF admet que comme la demande de crédit est datée du 15 novembre 2016, les cotisations versées à compter du 15 novembre 2013 ouvrent droit au remboursement des cotisations indûment versées. Or, elle constate également que la demande de remboursement correspond à la réduction Fillon calculée sur les rémunérations de décembre 2012 à novembre 2013 versées de janvier à décembre 2013 et non pas seulement les mois d’octobre, novembre et décembre 2013. Partant de cette constatation, elle en déduit que seul 1/12ème de ce montant peut bénéficier du remboursement des cotisations indûment versées en application de l’article L. 243 ‘ 6 du code de la sécurité sociale pour la somme de 1483 €.
Dans son courrier du 13 juillet 2017 de contestation de la lettre d’observations du 23 juin 2017, la société [4] reconnaît qu’elle procède au calcul de la réduction Fillon de décembre à novembre. Le mois de décembre 2013 correspond par conséquent à la dernière échéance de l’année au titre des rémunérations de novembre 2013. Il s’agit là de la période de régularisation au sens des dispositions de l’article D. 241 ‘ 9 du code de la sécurité sociale, qui échappe à la prescription compte tenu de la demande de remboursement datée du 15 novembre 2016. Or, il existe une contradiction sérieuse entre le fait d’affirmer que « Conformément à l’article D. 241 ‘ 9, l’employeur peut procéder au calcul définitif de la réduction Fillon lors de la dernière échéance de cotisations dues au titre de l’année considérée. S’il constate que le montant de la réduction appliquée est inférieur à celui calculé définitivement, il va dégager un crédit en fin d’année. » et invoquer la prescription triennale alors que la dernière échéance de l’année 2013 n’est pas prescrite et permet d’opérer cette régularisation. Sauf à faire échec aux dispositions de l’article D. 241 ‘ 9 du code de la sécurité sociale et à priver l’employeur de son droit à régularisation, la société [4] est parfaitement fondée à bénéficier de cette période de régularisation non prescrite et à invoquer le remboursement des cotisations de sécurité sociale qu’elle aurait versée en trop au titre de l’année 2013. Selon la lettre d’observations, il est dégagé au titre de l’année 2013 un crédit total de 17’798 € pour l’établissement du Longeron. L’URSSAF est donc condamnée à rembourser cette somme au titre du supplément d’exonération, sauf à prendre en considération le remboursement de la somme de 1483 € déjà accordé. Dans ses écritures, l’intimé réclame la somme de 20 934 € mais cette somme apparaît concerner également l’établissement de [Localité 5].
Sur le calcul de la réduction générale des cotisations applicable aux rémunérations versées aux conducteurs périodes scolaires
Selon les articles L. 241-13, III et D. 241-7, I, dans leur version applicable au litige, le salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient de réduction des cotisations sur les bas salaires est calculé sur la base de la durée légale du travail ou sur la base de la durée de travail prévue au contrat si celle-ci est inférieure à la durée légale.
Il en résulte que seules les heures de travail effectivement exécutées sont prises en compte pour déterminer le salaire minimum de croissance annuel retenu pour le calcul du coefficient de réduction des cotisations et que les indemnités de congés payés ne permettent pas d’en augmenter le montant à proportion du nombre d’heures résultant du rapport entre ces indemnités de congés payés et le taux horaire du salarié concerné (2ème civ. 13 octobre 2022, n°21-14.137).
Il n’est donc pas possible, aux fins de majorer le salaire minimum de croissance figurant au numérateur du coefficient de la réduction sur les bas salaires, de convertir en heures l’indemnité de congés payés versée mensuellement aux salariés à temps partiel intermittents, comme c’est le cas des conducteurs périodes scolaires de la société [4].
Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a dit que l’URSSAF devait recalculer la réduction générale de cotisations pour les années 2014 à 2016 en tenant compte de l’indemnité de congés payés nécessairement incluse dans les 1820 heures, et plus précisément en convertissant l’indemnité de congés payés versée aux conducteurs périodes scolaires en heures dans la formule de calcul de la réduction Fillon.
La demande présentée par la société [4] de condamnation de l’URSSAF au paiement de la somme de 84’098 € en remboursement des cotisations dues au titre de la réduction générale insuffisamment décomptée est rejetée.
Sur les dépens
Chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d’appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d’Angers du 29 mars 2021 en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître du litige relatif à l’établissement situé à [Localité 5] et s’est dessaisi au profit du tribunal judiciaire de Nantes ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déclare recevable la demande de remboursement de cotisations de sécurité sociale présentée par la société [4] pour l’année 2013 ;
Condamne l’URSSAF des Pays-de-la-Loire à rembourser à la société [4] la somme de 17’798 € au titre d’un versement indu de cotisations de sécurité sociale pour l’année 2013 sauf à prendre en considération le remboursement de la somme de 1483 € déjà accordé ;
Rejette la demande présentée par la société [4] de condamnation de l’URSSAF des Pays-de-la-Loire au paiement de la somme de 84’098 € en remboursement des cotisations dues au titre de la réduction générale insuffisamment décomptée ;
Dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d’appel.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT empêchée,
Viviane BODIN E. GENET