Décision du 21 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/05464

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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 21/09/2023

****

N° de MINUTE : 23/299

N° RG 22/05464 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UTRQ

Ordonnance (N° 22/00533) rendue le 11 Octobre 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [Y] [X] [P]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas Pelletier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

Société Philips Rs North America LLC

[Adresse 5]

[Adresse 8]

Unites States

SASU Philips France Commercial

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentées par Me Loic Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Diane Bandon Tourret, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 01 juin 2023 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023

Exposé du litige

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Exposé du litige

1. Les faits et la procédure antérieure :

Dans le cadre d’un traitement de l’apnée du sommeil, pathologie qui lui a été diagnostiquée le 23 mai 2017, Mme [Y] [P] a bénéficié à compter du 30 mai 2017 d’un dispositif médical par pression positive continue (PPC) installé par la société Orkyn, prestataire de santé à domicile.

Par courrier du 22 juillet 2021, la société Orkyn a informé Mme [P] que la société Philips qui fabrique son appareil d’assistance respiratoire a émis une alerte de sécurité concernant la mousse insonorisante présente dans son dispositif médical.

Invoquant une aggravation de son état de santé imputable à ce produit, Mme [P] a sollicité de la société Philips France commercial (la société Philips France) une expertise amiable.

Par courrier du 10 avril 2022, la société Philips France a rejeté cette demande, estimant que sa responsabilité n’était pas engagée.

Par acte du 25 avril 2022, Mme [P] a fait assigner la société Philips France devant le président du tribunal judiciaire de Lille aux fins notamment de voir désigner un expert pneumatologue qui aura pour mission de déterminer si l’usage du « Dreamstation auto avec A-flex (500×140) » a eu des effets néfastes sur son état de santé et, le cas échéant, de déterminer les répercussions sur son état de santé conformément à la nomenclature Dintilhac.

2. L’ordonnance dont appel :

Par ordonnance du 11 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

constaté l’intervention volontaire de la société Philips rs north america llc (la société Phlips rs) ;

dit n’y avoir lieu à référé pour la mise hors de cause de la société Philips France ;

dit n’y avoir lieu à référé sur la responsabilité des sociétés Philips France et Philips rs ;

débouté Mme [P] de sa demande d’expertise judiciaire ;

dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation en paiement provisionnel ;

débouté Mme [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [P] aux entiers frais et dépens de l’instance.

3. La déclaration d’appel :

Par déclaration au greffe du 29 novembre 2022, Mme [P] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Moyens

Motivation

MOTIFS

Sur la recevabilité du « moyen » tiré de la responsabilité pour vices cachés :

Il incombe au demandeur, avant qu’il ne soit statué sur sa demande, d’exposer l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci. Il s’ensuit que, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement.

En l’espèce, une confusion entre l’objet du litige au fond et en référés est notable. En effet, la demande de Mme [P] ne porte pas directement sur la question de la responsabilité des sociétés Philips et sur les fondements applicables, mais sur une mesure d’instruction : alors que sa demande d’expertise continue à reposer en appel sur l’article 145 du code de procédure civile et qu’elle maintient disposer à cet égard d’un motif légitime, Mme [P] n’a pas présenté un nouveau moyen à l’appui de sa demande d’expertise, en citant la garantie des vices cachés parmi les fondements qu’elle envisage pour une action au fond, au delà de la seule responsabilité du fait des produits défectueux.

Sur les dispositions par lesquelles le juge des référés a dit « n’y avoir lieu à reféré » :

D’une part, Mme [P] sollicite seule l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a « dit qu’il n’y avait lieu à référé pour la mise hors de cause de Philips France ». Outre qu’elle ne présente aucun moyen à l’appui d’une telle prétention, il est observé que l’ordonnance a en réalité validé sa propre demande de poursuivre les opérations d’expertise à l’égard de chacune des deux sociétés, en rejetant la demande de mise hors de cause formulée par la société Philips France au motif qu’il n’appartient pas au juge des référés de statuer sur l’application de l’article 1386-7 du code civil. Une telle demande d’infirmation est par conséquent dépourvue d’objet.

D’autre part, Mme [P] sollicite la réformation de l’ordonnance en ce qu’elle a « dit n’y avoir lieu à référé sur la responsabilité de la société Philips France commercial ou celle de Philips RS North America LCC ». Pour autant, si le juge des référés est conduit à apprécier les conditions de la responsabilité au titre de l’examen d’un motif légitime ou de la recherche de contestations sérieuses, il ne lui appartient pas de se prononcer au fond sur la question de la responsabilité. Le juge des référés était saisi par les sociétés Philips de demandes autonomes, mais contradictoires, aux fins de « dire et juger que ni la

responsabilité de la société Philips France commercial, ni celle de Philips RS North America Llc n’est engagée », d’une part (impliquant une demande d’examen au fond), et de « dire et juger que l’action de Mme [P] excède la compétence du juge des référés et la renvoyer à mieux se pourvoir », d’autre part (excluant un tel examen au fond). En

définitive, alors qu’une telle déclaration de responsabilité par le juge des référés n’était pas demandée par Mme [P] elle-même, le chef du dispositif ainsi critiqué est approuvé par la cour, en ce qu’il rappelle exclusivement qu’il n’appartient pas au juge des référés de statuer au fond sur la question de la responsabilité.

Sur la mesure d’instruction

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

Sur le motif légitime à solliciter une mesure d’instruction

=> Sur l’existence d’un litige potentiel

D’une part, l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que la demanderesse ait à établir le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée. Il ne peut en outre lui être imposé de rapporter une preuve que cette mesure a précisément pour objet d’établir.

D’autre part, la demanderesse doit démontrer l’existence d’un litige potentiel, qui constitue une condition du succès de la demande, et non de sa recevabilité. Elle doit par conséquent établir l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur, dont le contenu et le fondement seraient cernés, au moins approximativement, cette existence s’appréciant au jour où le juge statue.

Il appartient par conséquent à la demanderesse de cerner, approximativement au moins, les prétentions qu’elle serait susceptible de mettre en ‘uvre au fond et leur fondement juridique, d’une part, et la base factuelle du litige potentiel, d’autre part, pour rendre crédible la perspective d’un éventuel contentieux.

Sur ce,

À la suite d’une polysomnographie réalisée le 23 mai 2017, il a été diagnostiqué à Mme [P] un syndrôme d’apnée du sommeil sévère désaturant et une ronchopathie sévère. Le docteur [D] a conclu qu’il était indiqué d’avoir recours à un dispositif médical PPC.

Par courrier du 8 juin 2017, la société Oykyn, prestataire de santé à domicile, a confirmé que Mme [P] a bien été équipée le 30 mai 2017 d’un dispositif médical PPC dans le cadre du traitement de son apnée du sommeil.

Le 18 juin 2021, la société Philips a émis une notification de sécurité concernant les appareils PPC :

REMstar Pro, Auto, Expert (DreamStation, PR1/SystemOne, Q-series) ;

BiPAP Auto ;

DreamStation Go.

Les sociétés Philips et l’ANSM ont précisé par la suite qu’il s’agit des appareils PPC produits avant le 26 avril 2021.

Cette notification de sécurité indique que la société Philips, « dans une démarche volontaire », informe de :

« deux problèmes liés à la mousse d’insonorisation en polyruréthane à base de polyester (PE-PUR) présente dans les appareils listés ci-dessus :

la mousse en PE-PUR peut se dégrader sous forme de particules pouvant pénétrer dans l’arrivée d’air de l’appareil et être ingérées ou inhalées par l’utilisateur,

la mousse en PE-PUR peut émettre certains produits chimiques.

La dégradation de la mousse peut être aggravée par l’utilisation de méthodes de nettoyage/désinfection non approuvées, telles que les systèmes à l’ozone. (‘)

L’émission de composés organiques volatils peut se produire lors du fonctionnement initial et peut éventuellement se poursuivre tout au long de la durée de vie de l’appareil.

Ces problèmes peuvent entraîner des lésions graves pouvant mettre la vie du patient en danger, causer une déficience permanente et/ou nécessiter une intervention médicale visant à prévenir de potentielles déficiences permanentes.

À ce jour, Philips a reçu des plaintes concernant la présence de résidus/particules noires dans le circuit d’air (provenant de la sortie d’air de l’appareil, de l’humidificateur, du circuit et du masque).

Philips a également été informé de céphalées, d’irritation des voies aériennes supérieures, de toux, de pression thoracique et d’infection des sinues.

Les risques potentiels d’exposition aux particules comprennent : irritation (peau, yeux et voies respiratoires, réaction inflammatoire, céphalées, asthme, effets indésirables sur d’autres organes (par ex. les reins et le foie) et toxicité et risques cancérigènes.

Les risques potentiels d’exposition aux produits chimiques dus aux émissions de composés organiques volatils comprennent : maux de tête/vertiges, irritation (yeux, nez, voies respiratoires, peau), hypersensibilité, nausées/vomissements, toxicité et risques cancérigènes.

Aucun cas de décès suite à ces problèmes n’a été signalé.

Actions immédiates à mettre en oeuvre par vous, l’utilisateur :

Consultez votre médecin ou votre Prestataire de Santé à Domicile avant de modifier quoi que ce soit dans le traitement qui vous a été prescrit. Bien que la société Philips recommande l’arrêt d’utilisation de l’appareil au vu des risques identifiés décrits dans la présente Notification, il est important de consulter votre médecin pour déterminer les options les plus appropriées pour poursuivre votre traitement. Ensemble avec votre médecin, déterminez si le bénéfice de continuer votre traitement avec votre appareil l’emporte sur les risques identifiés décrits dans la présente Notification.

Enregistrez votre appareil sur le site Internet dédié

(‘) Ce site fournit des instructions sur la façon de localiser le numéro de série de l’appareil et guide tout au long du processus d’enregistrement.

(‘)

Philips déploie une action corrective permanente pour résoudre les deux problèmes (‘). Après l’enregistrement d’un appareil sur le site Internet dédié, Philips contactera votre Prestataire de Santé à Domicile pour coordonner les étapes suivantes dans la mise en oeuvre de la solution corrective permanente. ».

Par courrier du 22 juillet 2021, la société Orkyn a par conséquent informé Mme [P] que la société Philips « qui fabrique l’appareil d’assistance respiratoire que vous utilisez » a émis une alerte de sécurité concernant la mousse d’insonorisation « présente dans votre dispositif médical », que la « recommandation de l’ANSM est de poursuivre votre traitement avec le dispositif médical » et qu’elle sera contactée par ce prestataire de santé

à domicile pour organiser le remplacement ou la réparation de son dispositif.

Par courrier du 4 octobre 2021, Mme [P] a indiqué à la société Philips France que la société Orkyn « est revenue chercher la machine, lors d’une simple visite de vérification, ils l’ont retirée car elle était défectueuse ».

Mme [P] envisage d’agir à l’encontre des sociétés Philips sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, en invoquant les risques de sécurité que présente une série de modèles de PPC que la société Philips rs north america llc ne conteste pas avoir fabriquée.

L’existence d’un contentieux portant sur la mise en ‘uvre d’une responsabilité civile de ce fabricant est valablement établie.

=> Sur l’utilité et la pertinence de la mesure sollicitée

La demanderesse doit d’une part établir l’existence d’un lien direct entre l’objet du litige éventuel et celui de la mesure sollicitée. L’objet de la mesure doit être de nature à permettre l’établissement d’une preuve susceptible de venir au soutien de prétentions qu’elle pourrait développer au fond.

Elle doit d’autre part démontrer que la preuve à constituer est bien a priori susceptible d’être utilisée dans l’éventuel futur procès au fond et qu’un tel procès n’est pas manifestement voué à l’échec.

Lorsqu’il s’agit d’apprécier si les critères du référé aux fins d’expertise sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n’a toutefois aucune autorité de chose jugée à l’égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

S’il n’appartient ainsi pas à la cour de procéder à une analyse détaillée du potentiel succès des prétentions des parties, elle doit néanmoins rejeter la demande lorsque la prétention est manifestement vouée à l’échec ou se heurte manifestement à une fin de non-recevoir.

Sur ce,

Le lien direct entre l’objet du litige éventuel et la mesure sollicitée est parfaitement établi dès lors que la mesure demandée a pour but de faire constater et évaluer son dommage.

La circonstance que l’appareil utilisé par Mme [P] a été restituée à la société Orkyn, conformément au courrier adressé par cette dernière le 22 juillet 2021 à sa cliente, n’est pas radicalement de nature à faire obstacle à la réalisation de l’expertise sollicitée. D’une part, si les pièces produites aux débats n’indiquent pas précisément le nom et les références de ce dispositif PPC, dans ses écritures de première instance et d’appel, Mme [P] précise toutefois qu’il s’agit d’un appareil « DreamStation auto avec A-flex (500×140) ». Le courrier adressé le 22 juillet 2021 par la société Orkyn s’adresse à Mme [P] au motif que la société Philips « fabrique l’appareil d’assistance respiratoire que vous utilisez », de sorte que son envoi implique que ce dispositif correspond à l’un des modèles visés par l’alerte de sécurité. La traçabilité d’un tel dispositif de santé est enfin de nature à déterminer précisément, notamment auprès du prestataire de santé à domicile, les références de ce produit.

Alors que l’expert dispose de la faculté d’interroger la société Orkyn sur l’état du matériel ayant été restitué, la seule impossibilité actuelle d’examiner le modèle effectivement utilisé par Mme [P] ne suffit pas à démontrer l’inutilité de la mesure d’instruction, alors que la preuve du défaut peut résulter d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants qu’il n’appartient pas au juge des référés d’apprécier.

Le caractère manifestement voué à l’échec de l’action envisagée n’est enfin pas établi, dès lors que :

1. aucune fin de non-recevoir n’est démontrée en l’espèce : à cet égard, le fabricant indique lui-même qu’il se réserve une telle faculté, notamment pour invoquer ultérieurement la forclusion de l’action qu’elle ne peut en l’état établir, notamment à défaut d’identification précise du lot auquel appartient l’appareil qu’il a mis en circulation.

2. les conditions d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux ne sont pas manifestement exclues en l’espèce.

Mme [P] se plaignant d’une aggravation de son état de santé et notamment de l’apparition de troubles rénaux, respiratoires et psychologiques consécutifs à l’utilisation de son appareil médical dont la défectuosité est discutée et alléguant ainsi d’un dommage en lien de causalité avec la défectuosité du produit, elle est susceptible de pouvoir engager une action en responsabilité pour produit défectueux.

** Sur le défaut du produit,

Les sociétés Philips soutiennent que le défaut du dispositif PPC de Mme [P] n’est pas démontré, notamment parce que celle-ci n’identifie pas son dispositif.

Si l’identification de l’appareil n’est pas suffisamment rapportée en l’état, il doit être observé :

d’une part, que les sociétés Philips ne contestent pas que le dispositif PPC dont a été équipé Mme [P] a été produit par la société Philips rs ;

et d’autre part, que les sociétés Philips n’excluent pas elles-mêmes la possibilité d’identifier le dispositif litigieux dans le cadre d’une expertise et demandent à titre subsidiaire de désigner un collège d’experts composé d’un ingénieur en dispositifs médicaux et qui aura pour mission notamment de :

« donner toute information permettant d’identifier précisément le matériel utilisé ainsi que sa durée et ses conditions d’utilisation ;

décrire la fonctionnalité du matériel ;

donner un avis sur la question de savoir s’il a été indiqué et utilisé conformément aux préconisations du fabricant ;

donner un avis sur la question de savoir si l’arrêt de l’utilisation du matériel par la patiente a causé en totalité ou contribué en partie à la réalisation du dommage ».

Dans l’hypothèse où les produits ne pouvent plus être analysés, notamment lorsqu’ils ont été ingérés ou lorsqu’ils ne sont plus possédés par les victimes de dommage, la défectuosité du produit peut être déduite de présomptions graves, précises et concordantes.

D’une façon globale, la propre notice de sécurité émise par le fabricant révèle que les modèles visés sont susceptibles de ne pas présenter la sécurité à laquelle ses utilisateurs peuvent légitimement s’attendre. Si elle ne constitue pas un aveu d’un défaut affectant l’exemplaire utilisé par Mme [P] et s’inscrit dans un principe de précaution, cette information est toutefois à prendre en compte, notamment en ce qu’elle comporte la description de risques encourus par l’utilisation de ce produit.

** sur le dommage et le lien de causalité avec le défaut allégué du produit

Les sociétés Philips considèrent que Mme [P] n’établit pas avoir subi un dommage causé par le produit en cause.

Pour faire valoir qu’elle a subi des dommages qui seraient causés par l’utilisation de son dispositif PPC pendant plus de quatre ans, Mme [P] invoque les pathologies suivantes :

un dysfonctionnement rénal : à cet égard, un courrier du 6 juillet 2019 du docteur [N] [J] mentionne l’existence d’une « hospitalisation pour dysfonction

rénale  » et précise qu’ « un RDV avec un néphrologue est en cours. »

des maux de tête : par courrier du 30 juillet 2020, le docteur [L] [W] indique que lors du stage de réhabilitation respiratoire en préparation d’une chirurgie bariatrique dans un contexte de déconditionnement associé à un syndrome d’apnées du sommeil effectué par Mme [P] du 6 au 17 juillet 2020, le stage a été « quelques fois marqué par des maux de tête peut être liés à des variations tensionnelles ». Le caractère hypothétique d’une telle étiologie n’exclut pas l’hypothèse d’un lien avec l’utilisation par Mme [P] du produit litigieux ;

des troubles respiratoires : Mme [P] justifie qu’une bronchopatie lui a été diagnostiquée à la suite d’un scanner thoracique réalisé le 12 décembre 2022. Si l’état antérieur de la victime doit être pris en compte pour apprécier le lien de causalité entre les dommages invoqués et le défaut allégué, il s’observe toutefois qu’un tel examen n’est pas incompatible avec l’aggravation invoquée par Mme [P] de son état de santé.

des troubles psychologiques.

Pour contester l’imputabilité de ces troubles au produit litigieux, les sociétés Philips invoquent l’état des connaissances acquises sur les risques réellement présentés par les produits visés par son alerte de sécurité.

À cet égard, l’ANSM a publié le 8 juillet 2022 un « avis sur l’état des connaissances des risques liés à l’utilisation des appareils défectueux de ventilation et de PPC de Philips » émanant du comité d’experts chargé d’appréhender les risques potentiels liés à l’utilisation des appareils défectueux.

Aux termes de cet avis, le collège d’experts estime notamment que « la stratégie globale de tests suivie par la société Philips n’est pas compréhensible et qu’il n’est pas possible de déterminer les risques potentiels liés à l’utilisation de ces appareils défectueux ». Par ailleurs, il est indiqué que l’ANSM exigeait à cette occasion de la société Philips qu’elle clarifie sa stratégie d’évaluation du risque.

Ainsi, l’analyse des risques n’est pas achevée de sorte que les sociétés Philips ne peuvent affirmer qu’en l’état des connaissances scientifiques, les dommages dont se plaint Mme [P] ne peuvent pas avoir été causés par son dispositif PPC.

En outre, il suffit que l’imputabilité du dommage au produit soit partielle pour retenir la responsabilité du fabricant.

Enfin, l’appréciation tant de l’existence que des conséquences s’attachant à une faute de la victime excède les attributions du juge des référés, qui n’a vocation à statuer qu’au titre de l’évidence. A cet égard, il n’est pas manifestement établi que l’interruption par Mme [P] de son traitement par PPC a exclusivement causé les troubles de santé qu’elle invoque, dans des conditions permettant d’en conclure une exonération de responsabilité pour le fabricant. Au surplus, s’il résulte de l’article 1245-12 du code civil que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime, ce n’est qu’à la condition que cette faute ait déclenché, et non simplement aggravé, le dommage.

En définitive, l’action au fond projetée par Mme [P] ne paraît pas manifestement vouée à l’échec, alors que la mission d’expertise ayant pour but de rechercher l’existence d’un dommage en lien de causalité avec l’utilisation du dispositif litigieux ne paraît pas inutile.

L’ordonnance critiquée est par conséquent réformé en ce qu’elle a débouté Mme [P] de sa demande d’expertise.

=> sur la mission d’expertise et ses modalités :

Alors que la société Orkyn n’est pas partie à l’instance, il n’y a pas lieu de recueillir un avis technique sur une faute imputable à un prestataire de santé à domicile.

Le niveau de complexité de l’expertise ordonnée ne requiert pas la désignation d’un collège d’experts, étant toutefois rappelé que l’expert désigné dispose de la faculté de solliciter, de sa propre initiative et sans qu’il soit nécessaire que la juridiction l’ordonne ou que le juge chargé du contrôle des expertises ne l’y autorise, un sapiteur d’une spécialité différente de la sienne. En particulier, l’expert pneumologue pourra solliciter, le cas échéant, l’assistance d’un sapiteur toxicologue, dès lors qu’est notamment invoqué un risque de cette nature.

En application de l’article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d’instruction ordonnée par le présent arrêt est enfin confié au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction de la juridiction dont émane l’ordonnance de référé ainsi réformée.

Sur les demandes de condamnations provisionnelles :

* Sur la recevabilité de la demande d’indemnité ad litem :

La demande de provision ad litem s’analyse comme l’accessoire d’une demande d’expertise, dès lors qu’elle vise la prise en charge par le défendeur à la mesure d’instruction des honoraires tant de l’expert que de son avocat au cours des opérations d’expertise.

En application de l’article 566 du code de procédure civile, elle est par conséquent recevable en appel, dès lors qu’elle se rattache ainsi à la demande d’expertise formulée en première instance.

* Sur le bien-fondé des demandes provisionnelles :

Aux termes de l’article 835 alinéa 3 du code de procédure civile, dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’absence de contestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point contesté.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant.

En l’espèce, Mme [P] sollicite à la fois la condamnation provisionnelle des sociétés Philips à l’indemniser d’un préjudice moral et à lui verser la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité ad litem.

Si les moyens opposés par les sociétés Philips ne permettent pas d’exclure l’existence d’un motif légitime de solliciter une expertise, ils constituent en revanche des contestations sérieuses de l’obligation indemnitaire invoquée par Mme [P] : en effet, ces contestations impliquent de se prononcer sur l’existence tant d’un défaut que d’un lien de causalité avec les dommages allégués, que l’expertise a notamment pour objet d’éclairer techniquement. Les débats ne permettent pas au juge des référés de trancher de telles contestations, dont la solution nécessite d’examiner le fond du litige.

Par conséquent, l’ordonnance critiquée est d’une part confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à condamnation provisionnelle au profit de Mme [P], alors qu’il n’y a pas

lieu d’autre part de condamner les sociétés Philips à lui verser une provision ad litem.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile

La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures d’instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d’un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.

En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).

En conséquence, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel. L’ordonnance critiquée est réformée de ce chef.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit que l’invocation d’une responsabilité du fait des vices cachés ne s’analyse pas comme un moyen nouveau devant la cour ;

Déclare recevable la demande formée par Mme [Y] [P] au titre d’une provision ad litem ;

Réforme l’ordonnance rendue le 11 octobre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille en ce qu’elle a :

débouté Mme [P] de sa demande d’expertise judiciaire ;

condamné Mme [P] aux entiers frais et dépens de l’instance.

La confirme pour le surplus des chefs soumis à la cour ;

Prononçant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne une expertise au contradictoire de l’ensemble des parties à la présente instance ;

Commet à cet effet M. [M] [B], médecin pneumologue, CH Docteur [O] [Adresse 7]

en qualité d’experts respectivement inscrits sur la liste de la cour d’appel de Douai ;

SUR LA MISSION D’EXPERTISE :

entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus, dans le respect des règles de déontologie médicale ou relative au secret professionnel ;

recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer, sans que le bénéfice du secret médical ou professionnel ne puisse être opposé, par tous les tiers concernés toutes les pièces médicales qui ne leur auront pas été communiquées par les parties, étant précisé qu’elles devront également être communiquées aux parties dans le respect du contradictoire ;

puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la demande et le relevé des débours exposés par les organismes tiers-payeurs, à charge d’aviser le magistrat chargé du contrôle

des expertises en cas de refus de lever le secret médical couvrant les documents

concernés ;

se faire communiquer le relevé des débours de l’organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont en relation directe, certaine et exclusive avec l’accident en cause ;

recueillir au besoin, les déclarations de toutes les personnes informées, en

précisant alors leurs nom, prénom, domicile et leurs liens de parenté, d’alliance,

de subordination ou de communauté de vie avec l’une des parties ;

procéder à l’identification du dispositif de santé PPC ayant été livré, puis repris à Mme [Y] [P], notamment en interrogeant la société Orkyn (modèle, numéro du lot de fabrication et date de sa commercialisation) ;

déterminer la date à compter de laquelle ce produit a été livré, puis utilisé par Mme [Y] [P] ;

le cas échéant, réclamer auprès de la société Orkyn la remise du produit utilisé par Mme [Y] [P] : s’il peut être remis, procéder à un examen de ce produit et déterminer s’il a subi une altération, notamment par référence aux « problèmes liés à la mousse d’insonorisation en polyuréthane à base de polyester » (tels que mentionnés dans la notification de sécurité émise par la société Philips RS North Amerca) ou si cette mousse émet certains produits chimiques ;

demander à la société Orkyn si le produit ayant été repris a fait l’objet d’un examen technique après restitution : dans l’affirmative, fournir les conclusions d’un tel examen, notamment s’agissant de l’état dégradé ou non de la mousse équipant ce produit, et procéder à leur analyse ;

fournir les éléments techniques permettant d’apprécier une éventuelle faute du producteur, au sens de l’article 1245-15 du code civil (une faute distincte du défaut de sécurité allégué) ;

fournir les éléments techniques susceptibles de constituer des présomptions graves, précises et concordantes et permettant de se prononcer sur :

* la participation du produit à la survenance du dommage ;

* l’existence d’un défaut intrinsèque (risque pneumologique ou toxicologique, notamment) ou extrinsèque (notice d’utilisation du produit, notamment sur les précautions d’utilisation et sur l’information sur les dangers éventuellement encourus) du produit : par l’examen direct du produit utilisé ou par l’analyse des incidents signalés à l’Ansm pour le type de modèle utilisé, caractériser si le produit répond à la sécurité à laquelle le public peut légitimement s’attendre ;

* le lien de causalité entre le défaut et les dommages invoqués par Mme [Y] [P] (aggravation de son état de santé) ;

se prononcer sur les causes d’exonération totale ou partielle éventuellement invoquées par le producteur sur le fondement des articles 1245-10 et 1245-12 du code civil ;

procéder à l’examen clinique de Mme [Y] [P] ;

décrire en détail les lésions initiales, leurs modalités de traitement, les durées et nature des hospitalisations et soins subis ;

indiquer si Mme [Y] [P] a subi une aggravation de son état de santé depuis son utilisation du produit litigieux, et dans l’affirmative, indiquer s »il existe un lien de causalité direct et certain entre cette aggravation et l’un ou de plusieurs défauts affectant le produit ;

‘ déterminer les préjudices subis par Mme [Y] [P], en relation de causalité avec l’éventuelle défectuosité du produit selon la nomenclature suivante :

1) Préjudices avant consolidation

1-1) Préjudices patrimoniaux

1-1-1) Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : Déterminer la durée de l’incapacité provisoire de travail, correspondant au délai normal d’arrêt ou de ralentissement d’activités ; dans le cas d’un déficit partiel, en préciser le taux,

1-1-2) Frais divers : Dire si du fait de son incapacité provisoire, la victime directe a été amenée à exposer des frais destinés à compenser des activités non professionnelles particulières durant sa maladie traumatique (notamment garde d’enfants, soins ménagers, frais d’adaptation temporaire d’un véhicule ou d’un logement, assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante – dans ce dernier cas, la décrire, et émettre un avis motivé sur sa nécessité et ses modalités, ainsi que sur les conditions de la reprise d’autonomie)

1-2) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1-2-1) Déficit fonctionnel temporaire : Décrire et évaluer l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant sa maladie traumatique (troubles dans les actes de la vie courante)

1-2-2) Souffrances endurées avant consolidation : Décrire les souffrances endurées avant consolidation, tant physiques que morales, en indiquant les conditions de leur apparition et leur importance ; les évaluer sur une échelle de sept degrés,

1-2-3) Préjudice esthétique temporaire : Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance, sur une échelle de sept degrés, d’un éventuel préjudice esthétique temporaire,

2) Consolidation

2-1) Proposer une date de consolidation des blessures, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire,

2-2) Dire si l’état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l’affirmative, fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

3) Préjudices après consolidation

3-1) Préjudices patrimoniaux permanents

3-1-1) Dépenses de santé futures : décrire les frais hospitaliers, médicaux, para-médicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation

3-1-2) Frais de logement et de véhicule adapté : décrire et chiffrer les aménagements rendus nécessaires pour adapter le logement et/ou le véhicule de la victime à son handicap,

3-1-3) assistance par une tierce personne : Se prononcer sur la nécessité d’une assistance par tierce personne ; dans l’affirmative, préciser le nombre nécessaire d’heures par jour ou par semaine, et la nature de l’aide (spécialisée ou non) ; décrire les attributions précises de la tierce personne : aide dans les gestes de la vie quotidienne, accompagnement dans les déplacements, aide à l’extérieur dans la vie civile, administrative et relationnelle etc… ; donner toutes précisions utiles,

3-1-4) Perte de gains professionnels futurs : décrire les éléments permettant de dire si la victime subit une perte ou une diminution consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage (notamment perte d’emploi, temps partiel, changement de poste ou poste adapté)

3-1-5) incidence professionnelle : décrire l’incidence périphérique du dommage touchant à la sphère professionnelle (notamment dévalorisation sur le marché du travail, augmentation de la pénibilité de l’emploi, frais de reclassement, perte ou diminution de droits à la retraite)

3-1-6) préjudice scolaire, universitaire ou de formation : dire si du fait de l’événement, la victime a subi un retard dans son parcours scolaire, universitaire ou de formation, et/ou a dû modifier son orientation, ou renoncer à une formation,

3-2) Préjudices extra-patrimoniaux

3-2-1) Déficit fonctionnel permanent : Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l’événement, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties ;

Préciser le barème d’invalidité utilisé,

Dans l’hypothèse d’un état antérieur de la victime, préciser :

si cet état était révélé et traité avant l’utilisation du produit litigieux (dans ce cas, préciser les périodes, la nature et l’importance des traitements antérieurs) et s’il entraînait un déficit fonctionnel avant l’accident,

s’il a été aggravé ou révélé ou décompensé par l’accident,

si en l’absence d’accident, cet état antérieur aurait entraîné un déficit fonctionnel. Dans l’affirmative en déterminer le taux ;.

En toute hypothèse, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel actuel, tous éléments confondus (état antérieur inclus) ;

3-2-2) Préjudice d’agrément : si la victime allègue l’impossibilité définitive de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs, correspondant à un préjudice d’agrément, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation,

3-2-3) Préjudice esthétique permanent : donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique permanent, l’évaluer sur une échelle de sept degrés,

3-2-4) Préjudice sexuel : dire s’il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction),

3-2-5) Préjudice d’établissement : dire si la victime présente un préjudice d’établissement (perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité du handicap permanent) et le quantifier en indiquant des données circonstanciées,

procéder de manière générale à toutes constatations ou conclusions utiles à la solution du litige,

établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission ;

SUR LES MODALITES D’ACCOMPLISSEMENT DE L’EXPERTISE :

Dit qu’en application de l’article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle des opérations d’expertise sera assuré par le juge chargé des opérations d’expertise du tribunal judiciaire de Lille, à qui il devra en être référé en cas de difficulté ;

Dit que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l’expertise, et devra commencer ses opérations dès réception de l’avis de consignation ;

Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l’expertise ;

Dit que l’expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l’expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission ;

Dit que l’expert pourra, sous réserve de l’accord par la victime de lever le secret médical s’y appliquant, se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu’il jugerait utiles aux opérations d’expertise

Dit que l’expert remettra un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de 6 mois à compter l’avis de consignation de la provision sur ses honoraires, et invitera les parties à formuler leurs observations dans le délai qu’il fixera, étant rappelé aux parties qu’en application de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;

Dit que l’expert devra adresser aux parties et déposer au greffe du tribunal judiciaire de Lille son rapport définitif, comportant notamment la prise en compte des observations formulées par les parties (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis), dans le délai de rigueur de 8 mois à compter l’avis de consignation de la provision sur ses honoraires (sauf prorogation dûment autorisée) et communiquer ce rapport aux parties dans ce même délai ;

Dit que le dépôt du rapport sera accompagné de la demande de rémunération de l’expert, dont ce dernier aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception ; que la demande de rémunération mentionnera la date d’envoi aux parties de cette copie ;

Rappelle que les parties disposeront d’un délai de 15 jours à compter de cette réception pour formuler toutes observations écrites auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l’expert, notamment aux fins de taxation des honoraires sollicités ;

Dit que les frais d’expertise seront provisoirement avancés par Mme [Y] [P] qui devra consigner la somme de 2 000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert, auprès du régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Lille, dans un délai de 30 jours à compter du présent arrêt étant précisé que :

– la charge définitive de la rémunération de l’expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens,

– à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque, (sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime)

– chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l’autre en cas de carence ou de refus ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation provisionnelle de la société Philips France commercial et de la société Philips RS North America LCC, au titre des frais de procès ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens qu’elles ont respectivement exposés tant en première instance qu’en appel ;

Déboute Mme [Y] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon

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