ARRET N°387
FV/KP
N° RG 22/02950 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GVYX
S.A.SU. 20CORDELIER
C/
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02950 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GVYX
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 novembre 2022 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de POITIERS.
APPELANTE :
S.A.SU. [Adresse 1] ,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 6]
Ayant pour avocat plaidant Me Gabriel WAGNER de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, son représentant légal domicilié ès qualités audit établissement secondaire.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas DUFLOS de la SCP DUFLOS-CAMBOURG, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [D] [C], dirigeant de la société par actions simplifiée unipersonnelle GABICHOU, a procédé à son immatriculation le 06 décembre 2019. La société avait pour activité l’exploitation d’un commerce de vente de détail de vêtements prêt à porter, chaussures et accessoires sous le nom commercial « OTOKO ».
Le 06 décembre 2019, la société civile immobilière Petit BONNEVEAU a consenti un bail commercial à la société GABICHOU pour une durée de 10 ans à compter du 1er janvier 2020.
Se prévalant d’une absence de paiement des loyers au printemps 2020, le bailleur a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.
Le 30 septembre 2020, le juge des référés a ordonné l’expulsion de la société GABICHOU. L’ordonnance d’expulsion a été confirmée par arrêt daté du 08 juin 2021.
Par acte du 15 novembre 2021, Monsieur le responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Vienne chargé du recouvrement a assigné la société GABICHOU aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
Le 16 juillet 2021, Monsieur [C] a constitué la société 20 Cordelier.
Le 20 juillet 2021, la société GABICHOU a signé un bail commercial avec la société civile immobilière Jessica & Joyce pour exploiter son commerce dans le local sis[Adresse 2]s à [Localité 6].
Le 07 décembre 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société GABICHOU.
Le 20 décembre 2021, le bailleur, la société GABICHOU et la société 20 Cordelier ont signé un avenant au bail commercial pour substituer la société 20 Cordelier à la société GABICHOU au bail conclu le 20 juillet 2021.
Le 08 février 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a prononcé la liquidation judiciaire de la société GABICHOU et a nommé la SELARL Actis aux fonctions de liquidateur.
Le 12 mai 2022, la SELARL Actis, ès qualité de liquidateur judiciaire, a assigné la société 20 Cordelier aux fins d’extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société GABICHOU.
Par jugement en date du 25 novembre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a notamment statué ainsi :
– déboute la SASU 20 CORDELIER de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– constate la confusion de patrimoine entre la SASU GABICHON et la SAS 20 CORDELIER ;
En conséquence,
– étend la liquidation judiciaire de la SASU GABICHOU à la société 20 CORDELIER ;
– fixe provisoirement au 01er juillet 2020 la date de cessation des paiements ;
– fixe à 24 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure sera examinée par le tribunal en application de l’article L.643-9 du code de commerce.
Par déclaration en date du 28 novembre 2022, la société 20 CORDELIER a relevé appel de cette décision en visant ses chefs expressément critiqués.
Moyens
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le défaut d’intérêt à agir de la SELARL Actis, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS GABICHOU,
1. La SASU 20CORDELIER fait valoir que l’action diligentée par ACTIS n’apportera aucun avantage aux créanciers de la société GABICHOU.
Au contraire, selon l’appelante, les créanciers de la société GABICHOU seront amenés à devoir supporter un passif supplémentaire et donc recevoir du fait de cette action des dividendes inférieurs. Dès lors ACTIS en sa qualité de liquidateur de la société GABICHOU ne peut prétendre avoir intérêt à agir au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, précision faite, qu’il y aurait une confusion par l’intimée entre la qualité à agir et l’intérêt à agir.
2. La SELARL Actis, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS GABICHOU, réplique qu’elle retire des dispositions de l’article L. 621-2 du Code de commerce un intérêt à agir.
3. La cour rappelle que la SELARL Actis, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire puise des dispositions combinées des articles L. 621-2 et L. 641-1 du Code de commerce, la possibilité de saisir le tribunal par voie d’assignation pour étendre une procédure de liquidation existante à une une autre personne.
4. Il s’ensuit qu’il ne peut lui être en l’espèce dénié le droit d’agir.
5. La décision sera confirmée à ce titre.
Sur la demande en extension de la liquidation judiciaire
6. Il résulte de l’application combinée des articles L. 621-2 et L. 641-1 du Code de commerce, qu’à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure de liquidation judiciaire ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l’article L. 526-13 ou encore une fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.
7. L’appelante rappelle au préalable que la SASU 20CORDELIERS n’est pas fictive dès lors qu’elle n’a pas été constituée pour reprendre l’activité de la société GABICHOU.
En ce qui concerne la confusion des patrimoines, l’appelant explique que les éléments mis en avant par le tribunal pour la caractériser, à savoir, l’identité d’activité, la proximité des locaux et l’identité d’enseigne restent insuffisants tandis que les éléments essentiels de cette confusion reste absents.
8. Selon l’appelant, il en serait ainsi du fait que :
– chacune des sociétés a son compte propre et aucun flux financier n’a pu être constaté entre elles alors qu’il est constant qu’en l’absence de relations financières anormales la demande d’extension par confusion est rejetée ;
– le compte facebook de M. [C], compte personnel créé le 04 décembre 2009, était antérieur à la création des sociétés GABICHOU et 20CORDELIERS de sorte qu’aucun argument ne peut être tiré des informations qu’il contenait sur le déménagement de la société GABICHOU.
9. La SELARL Actis, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS GABICHOU objecte, au regard, d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation daté du 10 mars 2021 (n°20-15.992), que M. [C] président associé unique des deux structures a :
– Créé une deuxième société 18 mois après la cessation des paiements de la SASU GABICHOU :
durant la période suspecte, donc, et ayant le même objet social, exerçant la même activité et possédant le même nom commercial, à savoir, la société OTOKO ;
après confirmation par la Cour d’appel de Poitiers d’une ordonnance d’expulsion de la SASU GABICHOU nécessitant pour elle de trouver un nouveau local commercial ;
– exploité le fonds de commerce OTOKO appartenant à la société GABICHOU avant même que la liquidation judiciaire soit prononcée étant rappelé que ce fonds de commerce, exploité par les deux sociétés est identique en termes de nom commercial, d’activité, de dirigeant, de fournisseurs et de compte Facebook, ce dernier étant suivi par plus de 5.000 clients, ce qui correspond à un détournement du fonds de commerce durant la période d’observation ;
– transféré le bail commercial de la SASU GABICHOU par modification des statuts le 29 décembre 2021 (déposés au greffe le 16 mars 2022) au profit de la SASU 20CORDELIER, alors même qu’il avait indiqué ne pas présenter de plan de redressement du fait qu’il ne trouvait pas de local, lesdites manoeuvres caractérisant un détournement du bail commercial aux fins de poursuivre l’activité dans un cadre juridique différent mais fictif ;
– détourné la clientèle de la SASU GABICHOU au profit de la SASU 20CORDELIER pour poursuivre l’activité dans un cadre juridique différent mais fictif dès lors que M. [C] a lui-même informé ses clients sur les réseaux sociaux du ‘déménagement’ de son activité, ceci avant même l’audience de liquidation judiciaire de son ancienne structure, pour rappel datée du 08 février 2022 ;
– détourné des fournisseurs pour poursuivre l’activité dans un cadre juridique différent mais fictif puisqu’à la suite de la liquidation judiciaire de la SASU GABICHOU dès lors que, sans informer les fournisseurs de cette dernière, il a continué des commandes au nom de l’établissement OTOKO, lesquelles sont restées pour la plupart impayées alors même que ces marchandises ont profité à la nouvelle structure qui n’a pas eu à les payer .
10. La cour observe que sur les points qui précèdent, les parties ne font que strictement reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
11. Conformément aux dispositions de l’article 955 du Code de procédure civile, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en étendant la procédure de liquidation judiciaire de la SASU GABICHOU à la société 20 CORDELIER, le tout, après avoir constaté une confusion de leurs patrimoines;
12. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sans examiner le moyen de l’appelant relatif à la fictivité.
Sur les frais de procédure
13. Les éventuels dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure commune
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Poitiers daté du vendredi 25 novembre 2022,
Y ajoutant,
Dit que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de la procédure commune.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,