Décision du 25 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05318

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 25 OCTOBRE 2023

(n° 2023/ , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05318 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3EO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LONGJUMEAU – RG n° F 19/00147

APPELANTE

Madame [S] [D] née [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

INTIMÉES

SAS CENTRE DE DIALYSE D'[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

SA CLINIQUE [5] venant aux droits de la SA CLINIQUE CHIRURGICALE D'[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, en double rapporteur, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Stéphane THERME, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] (SA) exploite un établissement de soins ayant pour activité les soins de suite et de réadaptation ; la société Clinique [5] (SA) vient aujourd’hui aux droits de cette société.

La société Centre de dialyse d'[Localité 4] (SASU) exploite un centre de dialyse disposant de 15 postes d’hémodialyse.

La société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] a employé Mme [S] [D], née en 1956, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er mars 2002 en qualité de pharmacienne gérante.

La société Centre de dialyse d'[Localité 4] a ensuite employé Mme [D] par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er avril 2004 sur le même poste.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée à but lucratif.

En dernier lieu, la durée de travail mensuelle de Mme [D] était de 62,83 heures pour chacune des structures soit un total de 125,66 heures de travail mensuel sur les deux sociétés.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait en dernier lieu à la somme de
4 804,12 € soit 2 402,06 € bruts mensuels pour chacune des deux sociétés.

Mme [D] a été élue membre du CHSCT le 17 février 2016 au sein de la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4].

Mme [D] a été en arrêt maladie du 29 mars au 25 septembre 2017 puis à compter du 27 octobre 2017. Lors de la visite de reprise en date du 29 novembre 2017, la médecine du travail a déclaré Mme [D] inapte à son poste en indiquant que « tout maintien de la salariée dans un poste de l’entreprise ou l’établissement serait gravement préjudiciable à sa santé. »

Par lettre notifiée le 19 février 2018, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable fixé par les deux sociétés.

Mme [D] a ensuite été licenciée par la société Centre de dialyse d'[Localité 4] pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 6 mars 2018.

Mme [D] a ensuite été licenciée par la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4], après autorisation de l’inspection du travail, pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 23 mai 2018.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [D] avait une ancienneté de 16 ans et 2 mois au sein de la société Clinique chirurgicale et de 13 ans et 11 mois au sein de la société Centre de dialyse d'[Localité 4].

Mme [D] a saisi le 3 novembre 2017 le conseil de prud’hommes de Longjumeau pour former les demandes suivantes :

« Constater que Mme [D] a été victime de harcèlement,

En conséquence,

Condamner la Clinique chirurgicale d'[Localité 4] au titre de l’exécution défectueuse du contrat de travail à payer la somme de 31 343,99 € à titre de dommages et intérêts,

Condamner le Centre de dialyse au titre de l’exécution défectueuse du contrat de travail à payer la somme de 31 343,99 € à titre de dommages et intérêts,

Au titre de la rupture,

Condamner la Clinique chirurgicale d'[Localité 4] à payer la somme de 31 343,99 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner le Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer la somme de 31 434,99 € autre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la Clinique chirurgicale d'[Localité 4] au titre du préavis à la somme de 7 235,38 €

Condamner le Centre de dialyse d'[Localité 4] au titre du préavis à la somme de 7 235,38 €

Condamner la Clinique chirurgicale d'[Localité 4] au titre du 13ème mois à la somme de 7 235,38 € outre 723,53 e au titre des congés payés afférents,

Condamner le Centre de dialyse d'[Localité 4] au titre du 13ème mois à la somme de 7 235,38 € outre 723,53 € au titre des congés payés afférents,

Condamner en deniers ou quittances la Clinique chirurgicale d'[Localité 4] d’une part, et le Centre de dialyse d'[Localité 4] d’autre part, au paiement de l’indemnité de licenciement à hauteur de 31 343,99 €,

Condamner la Clinique chirurgicale d'[Localité 4] d’une part et le Centre de dialyse d'[Localité 4] d’autre part, au paiement de 10% des condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soit la somme de 10 123,73 €,

Déboute la Clinique chirurgicale d’Athis et le Centre de dialyse d'[Localité 4] de toutes leurs demandes. »

Par jugement du 23 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous le numéro RG 19/00147 et RG 19/00148 sous le numéro RG 19/00147.

Déclare Mme [S] [O] épouse [D] recevable à contester le licenciement pour inaptitude du 23 mai 2018 notifié par la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4], uniquement sous l’origine de l’inaptitude.

Dit que le licenciement de Mme [S] [O] épouse [D] du 6 mars 2018 notifié par la SASU Centre de dialyse d'[Localité 4] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] à payer à Mme [S] [O] épouse [D] la somme de 500 € de dommages et intérêts au titre de l’exécution fautive du contrat de travail.

Condamne la SASU Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer à Mme [S] [O] épouse [D] la somme de 500 € de dommages et intérêts au titre de l’exécution fautive du contrat de travail.

Déboute Mme [S] [O] épouse [D] du surplus de ses demandes.

Condamne la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et la SAS Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacun à Mme [S] [O] épouse [D] la somme de 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et la SAS Centre de dialyse d'[Localité 4] aux dépens. »

Mme [D] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 11 juin 2021.

La constitution d’intimée de la société Centre de dialyse d'[Localité 4] a été transmise par voie électronique le 7 juillet 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 6 juin 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 septembre 2023.

Moyens

Motivation

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les moyens tirés du harcèlement moral et les demandes qui en découlent

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [D] invoque les faits suivants :

– elle a été soumis à un stress important du fait de l’annulation le 20 octobre 2016, par M. [K], agent d’entretien chargé de la réception des commandes d’une livraison de médicament (280 lots de solutions d’acides pour les dialyses représentant 84 kilogrammes), ayant entraîné une modification de la médication de certains patients, ce qui pouvait mettre leur vie en danger (pièces salarié n° 28 à 30) ; sollicitant M. [K] pour lui demander des explications, elle s’est faite violemment insulter et menacer (pièce salarié n° 31) ;

– Mme [D] a sollicité l’intervention directe de son employeur face à cet incident en vain (pièce salarié n° 28) alors que cet incident a été qualifié d’événement grave par le service qualité (pièce salarié n° 93) et face aux agissements répétés de harcèlement moral dont elle été victime (pièces salarié n° 88 et 89) ; le supérieur hiérarchique de Mme [D], M. [B], directeur, n’a pas répondu à son courrier alors qu’il aurait dû déclencher une procédure d’enquête interne et informer le CHSCT de l’existence d’une potentielle situation de harcèlement moral, conformément à ses obligations en matière de prévention du harcèlement moral ;

– lors d’une réunion CREX (retour d’expérience) intervenue le 16 novembre 2016, elle a été insultée par son supérieur hiérarchique, M. [B], qui l’a traitée de « calimero » ; lors d’une nouvelle réunion en décembre 2016, M. [B] lui a dit « vous m’emmerdez »  (pièces salarié n° 32 et 33) ; lors d’une réunion intervenue début décembre 2016, elle a de nouveau été insultée par M. [K] qui a dit « sale de race de pharmacie » et par M. [B] qui a tenu des propos à connotation antisémite (pièce salarié n° 34) ;

– d’autres salariés de la société déplorent des agissements de harcèlement moral de la part de M. [K] (pièces salarié n° 36 et 37) ;

– elle a été contrainte d’exercer son travail dans des conditions précaires : manque de matériel et équipements défectueux (pièces salarié n° 38 à 40), présence de cafards dans certains services, dispositifs médiaux stériles stockés dans des conditions d’insalubrité inquiétantes, moisissures dans les circuits de ventilation (pièces salarié n° 41 à 44) et a interpellé M. [B] à plusieurs reprises, sans avoir de réponse ;

– M. [K] a une nouvelle fois annulé une commande de matériel de dialyse le 7 juillet 2017 (fiche événement indésirable (FEI) n° 4 dans la pièce salarié n° 45) et une visite de conformité dans les services du 4 janvier 2017 a également laissé apparaître de graves dysfonctionnements dans l’étiquetage des médicaments à risque, créant un nouveau risque pour la santé des patients (pièce salarié n° 46) ; Mme [D] a également alerté à de nombreuses reprises M. [B] de vols de stupéfiants et d’erreurs de prescription, en vain (pièces salarié n° 47 à 51) ;

– sa remplaçante s’est également plainte du manque de moyens humains et matériels (pièce salarié n° 82) ;

– Mme [D] a alerté à plusieurs reprises sur sa surcharge chronique de travail et la nécessité de recruter un préparateur (pièce salarié n° 45) ; de manière générale, le planning de dialyse programmées mensuellement par le centre laisse apparaître que le nombre de dialyses réellement effectuées est bien supérieur, dépassant largement le taux de saturation du service (pièces salarié n° 52 et 53) ;

– elle a vainement alerté son supérieur hiérarchique (pièces salarié n° 66 et 32 à 35) et son conseil a adressé une mise en demeure à chacun des employeurs (pièce salarié n° 54) ; M. [B] y a répondu sommairement par la négative (pièce salarié n° 55) ;

– elle a été placée en arrêt de travail du 29 mars 2017 au 25 septembre 2017 et à nouveau à compter du 27 octobre 2017 (pièce salarié n° 16) et sa fiche médicale (dossier de la médecine du travail) mentionne « arrêt pour burn out – Conflit avec le nouveau directeur – travaille à 80%, ne travaille pas le vendredi – Actuellement sous déroxate 6 – ne se sent pas encore très bien car rien ne change – conflit également avec l’homme d’entretien qui n’en fait qu’à sa tête » (pièce salarié n° 18) ;

– elle a été déclarée inapte en un seul examen lors de la visite médicale de reprise du 29 novembre 2017 puis licenciée.

Mme [D] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la société Centre de dialyse d'[Localité 4] et la société Clinique [5] soutiennent que :

– M. [K] a procédé à l’annulation de livraisons de médicaments programmées auprès d’un laboratoire, à raison d’un problème de capacité de stockage ; non contente de solliciter des sanctions en prétendant qu’il l’avait agressée/violentée/insultée (sans plus de précision), Mme [D] l’accusait d’exercice illégal de la profession de pharmacien, ce qui n’était évidemment pas le cas (pièce employeur n° 45) ; M. [B] a organisé plusieurs réunions en présence des deux salariés, sans succès ; en amont de l’une de ces réunions, Mme [D] posait des conditions absurdes à sa présence, exigeant la garantie que le comportement imputé à son collègue cesserait (pièce salarié n° 33) ; M. [B] avait déjà fait observer à Mme [D] qu’elle avait des exigences sans doute trop importantes vis-à-vis de ses collègues de travail, se méprenant visiblement sur son positionnement hiérarchique (pièce employeur n° 46) ;

– Mme [D] a écrit à M. [B] pour former plusieurs réclamations (pièce employeur n° 16) relayées par son conseil (pièce employeur n° 18) ; il lui a été répondu point par point et non sommairement comme le soutient Mme [D] (pièce employeur n° 19) ;

– Mme [D] a imputé à son supérieur, auprès de l’inspection du travail, des propos antisémites, dénonciation gratuite bien peu compatible avec le maintien de bonnes relations humaines (pièce employeur n° 47) ;

– plus qu’un harcèlement moral c’est une situation de mésentente à laquelle Mme [D] a été confrontée, situation qu’elle a elle-même provoquée par son comportement hostile vis-à-vis de ses collègues et supérieurs ;

– Mme [D] ne fournit aucune preuve des propos qu’elle prête à M. [B] et qui ne ressortent que de ses propres allégations ;

– elle ne fournit aucune preuve des insultes ou agressions de M. [K] qui ne ressortent que de ses propres allégations (pièce employeur n° 45) ;

– en ce qui concerne l’annulation de la commande, la responsabilité de M. [K] est discutable : il n’y a eu aucune mise en danger de la vie des patients, qui se sont vus prescrire une combinaison de médicaments approuvée par un médecin, comme ses fonctions l’y autorisent ; pour la clinique, il ne s’agit pas de minimiser la gravité de l’incident mais de le mettre en rapport avec les solutions trouvées et l’absence de conséquence grave sur les patients (pièce employeur n° 51) ;

– l’absence de réaction des employeurs de Mme [D] est fausse ; M. [B] était absent le jour de l’incident, mais des relais étaient mis en place pour assurer la continuité des fonctions de direction ; M. [B] a entrepris plusieurs actions pour éviter le renouvellement de l’incident (pièces employeur n° 50, 51 et 17) ;

– de manière générale, l’attitude de Mme [D] était problématique et conflictuelle (pièces employeur n° 49 et 52 à 54) ; elle multipliait en effet les invectives à l’égard de la direction comme de ses collègues de travail, dans un évident délire de persécution dont attestent la multiplication des fiches d’événements indésirables qu’elle établissait sans proposer la moindre solution et la multiplicité des courriers électroniques (très répétitifs dans leur contenu) qu’elle adressait à la direction (pièce employeur n° 44) ;

– Mme [D] confond visiblement à dessein des problèmes de rangement avec des problèmes d’insalubrité ;

– Mme [D] n’hésitait pas à employer les fiches d’événements indésirables (FEI) de façon inadéquate pour dénoncer ses collègues sans proposer de solution aux problèmes prétendument révélés (pièces employeur n° 58 et 59) ;

– la visite de conformité dans les services menée le 4 janvier 2017, sa lecture ne révèle pas, contrairement à ce que soutient Mme [D], des dysfonctionnements majeurs (pièce salarié n° 46) ;

– la surcharge de travail que Mme [D] invoque et ses prétendues demandes réitérées pour faire embaucher du personnel supplémentaire (dont la nécessité était douteuse au vu de la faible activité de la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et de la société Centre de dialyse d'[Localité 4]) ne sont ni crédibles ni établies (pièces employeur n° 3 et 4 et salarié n° 52, 53, 86, 87 et 92) ;

– la situation d’autres salariés que Mme [D] ne peut pas constituer la démonstration du harcèlement dont cette dernière prétend avoir fait l’objet.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] échouent à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [D], notamment en ce qui concerne les propos inadéquats et injurieux dont elle a fait l’objet de la part de M. [K] et de M. [B] qui sont suffisamment établis par les éléments de preuve qu’elle produit et qui ne sont contredits par aucun élément de preuve contraire, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; le harcèlement moral est donc établi.

En application de l’article L.1152-3 du code du travail, les licenciements pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [D] intervenus dans ce contexte sont nuls étant précisé que le harcèlement moral dont elle était victime a affecté tant la relation de travail de Mme [D] avec la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] que sa relation de travail avec la société Centre de dialyse d'[Localité 4].

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [D] de ses moyens relatifs aux harcèlement moral, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que les licenciements pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [D] par la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et par la société Centre de dialyse d'[Localité 4] sont nuls sur le fondement de l’article L.1152-3 du code du travail.

Mme [D] formule par infirmation du jugement des demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ; la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] s’opposent à ces demandes sans faire valoir de moyens sur le quantum.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [D] est bien fondée dans ses demandes formées au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et non utilement contestées dans leur quantum.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [D] de ses demandes formées au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour :

– condamne la société Clinique [5] à payer à Mme [D] les sommes de 15 922,18 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, de 7 239,18 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et de 723,91 € au titre des congés payés afférents ;

– condamne la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer à Mme [D] les sommes de 14 529,17 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, de 7 239,18 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et de 723,91 € au titre des congés payés afférents ;

En ce qui concerne l’indemnité de licenciement, Mme [D] forme des demandes par infirmation du jugement pour obtenir le solde de l’indemnité de licenciement en soutenant que :

– l’indemnité légale de licenciement due par la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] devait s’élever à la somme de 21 218,73 € et qu’elle n’a perçu que 11 329,72 € en sorte qu’un solde de 9 889,01 € lui est encore dû ;

– l’indemnité légale de licenciement due par la société Centre de dialyse d'[Localité 4] devait s’élever à la somme de 15 517,31 € et qu’elle n’a perçu que 8 722 € en sorte qu’un solde de 6 795,31 € lui est encore dû.

En défense, la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] s’opposent à ces demandes et soutiennent que :

– la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] lui a versé la somme de 33 989,15 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement (pièce employeur n° 36) ;

– la société Centre de dialyse d'[Localité 4] lui a versé la somme de 26 167 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement (pièce employeur n° 30) ;

A l’examen des pièces produites (pièces employeur n° 30 et 36) et des moyens débattus, la cour retient que Mme [D] est mal fondée dans ses demandes au titre de l’indemnité de licenciement au motif qu’elle a été remplie de ses droits au titre de l’indemnité de licenciement comme cela ressort de ce que :

– la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] lui a versé la somme cumulée de 33 989,15 € au titre de l’indemnité légale et conventionnelle de licenciement.

– la société Centre de dialyse d'[Localité 4] lui a versé la somme cumulée de 26 167 € au titre de l’indemnité légale et conventionnelle de licenciement.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [D] de ses demandes relatives à l’indemnité de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [D] demande par infirmation du jugement sur le quantum la somme de 31 343,99 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail tant à l’encontre de la société Clinique [5] que de la société Centre de dialyse d'[Localité 4] et fait valoir le moyen suivant en ce qui concerne les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

« Comme cela a été rappelé ci-dessus, Madame [D] a vécu un harcèlement moral, dans des conditions insupportables, pendant plusieurs mois.

Au vu du comportement plus déplorable de l’employeur, qui non seulement a laissé un salarié faire subir des agissements répétés de harcèlement moral à Madame [D] mais a lui-même contribué à ces agissements, il est évident que les employeurs (pris tous deux en la personne de Monsieur [B], directeur des deux établissements) ont gravement manqués à leur obligation d’exécuter le contrat de bonne foi. »

Le conseil de prud’hommes a condamné la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacune à Mme [D] la somme de 500 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail après avoir retenu à l’encontre de la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et de la société Centre de dialyse d'[Localité 4] l’absence de mesures de prévention relative à la surcharge de travail et l’absence d’entretiens annuels d’évaluation depuis 2014.

En défense, et par infirmation du jugement, la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] soutiennent à titre principal que les moyens tirés de l’exécution déloyale du contrat de travail sont tous mal fondés et à titre subsidiaire que Mme [D] ne justifie pas du préjudice.

La cour constate que la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est destinée à obtenir réparation des faits de harcèlement moral.

La cour a retenu plus haut que Mme [D] a été victime de harcèlement moral ; il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, compte tenu du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu’il a eu pour Mme [D], que l’indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 3 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacune à Mme [D] la somme de 500 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacune à Mme [D] la somme de 3 000 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la prime du 13e mois

Mme [D] demande par infirmation du jugement à l’encontre de la société Clinique [5] et de la société Centre de dialyse d'[Localité 4], la somme de 14 412,41 € au titre de la prime du 13e mois outre la somme de 144,41 € au titre des congés payés afférents sur la base de 4 804,12 € sur 3 ans en raison de la prescription triennale et sur le fondement de l’accord unilatéral de l’employeur (pièces salarié n° 54 et 55).

En défense, et par confirmation du jugement, la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] s’opposent à cette demande au motif que la pièce salarié n° 67 est dépourvue de valeur probante sur la prime du 13e mois litigieuse ; or ni le contrat et les

avenants passés avec Mme [D], ni aucun usage ou engagement unilatéral ne permettent de fonder la réclamation de Mme [D] (pièces employeur n° 5 à 11, 18 et 19 et 42).

A l’examen des pièces produites (pièces employeur n° 5 à 11, 18 et 19 et 42 et salarié n° 67, 54 et 55) et des moyens débattus, la cour retient que Mme [D] est mal fondée dans sa demande relative à la prime du 13e mois au motif que la page manuscrite insérée dans la pièce salarié n° 67 est dépourvue de valeur probante sur la prime du 13e mois litigieuse et que ni le contrat, ni les avenants passés avec Mme [D], ni aucun usage ou engagement unilatéral ne permettent de retenir qu’une prime du 13e mois a été instituée pour les cadres comme elle.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [D] de ses demandes relatives à la prime du 13e mois.

Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail

L’article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date du licenciement dispose « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

Le licenciement de Mme [D] ayant été jugé nul sur le fondement de l’article L.1152-3 du code du travail, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société Clinique [5] et par la société Centre de dialyse d'[Localité 4] aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [D], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, chacune dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacune à Mme [D] la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu’il a :

– débouté Mme [D] de ses moyens relatifs aux harcèlement moral,

– débouté Mme [D] de ses demandes formées au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– condamné la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacune à Mme [D] la somme de 500 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que les licenciements pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [D] par la société Clinique chirurgicale d'[Localité 4] et par la société Centre de dialyse d'[Localité 4] sont nuls sur le fondement de l’article L.1152-3 du code du travail,

Condamne la société Clinique [5] à payer à Mme [D] les sommes de :

– 15 922,18 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 7 239,18 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 723,91 € au titre des congés payés afférents,

– 3 000 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Condamne la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer à Mme [D] les sommes de :

– 14 529,17 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 7 239,18 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 723,91 € au titre des congés payés afférents,

– 3 000 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société Clinique [5] et par la société Centre de dialyse d'[Localité 4] aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [D], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, chacune dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage,

Condamne la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] à payer chacune à Mme [D] la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Clinique [5] et la société Centre de dialyse d'[Localité 4] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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