ARRÊT DU
25 Octobre 2023
DB / NC
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N° RG 21/01061
N° Portalis DBVO-V-B7F -C6NI
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AXA FRANCE IARD
C/
SASU SOLEV
[X] [Z]
SARL ECCI
SA LLOYD’S INSURANCE COMPANY
SA SMA
SA SMABTP
SA MMA IARD
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
etc…
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 377-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
décision déférée à la cour : un jugement du tribunal de commerce de CAHORS en date du 08 novembre 2021,
RG 2018 000240
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SA AXA FRANCE IARD prise en sa qualité d’assureur responsabilité décennale de la sté URETEK
RCS NANTERRE 722 057 460
[Adresse 9]
[Localité 24]
représentée par Me Catherine NICOULAUD MOREAU, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Laurent KARILA, associé de la SELAS KARILA, substitué à l’audience par Me Emilie QUINTON, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE (RG 21/01061) et INTIMÉE (RG 22/00074)
D’une part,
ET :
SAS SOCIÉTÉ LOTOISE D’EVAPORATION (SOLEV)
RCS CAHORS 328 062 708
[Adresse 31]
[Localité 29]
représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Frédéric LEVY, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE (RG 21/01061) et APPELANTE (RG 22/00074)
SARL ETUDES CONCEPTIONS CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES (ECCI)
RCS NANTES 437 640 634
[Adresse 6]
[Localité 10]
SA SMABTP en qualité d’assureur de la société ECCI
RCS PARIS 775 684 764
[Adresse 21]
[Localité 18]
représentées par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Sophie CARNUS, membre de la SELARL CAD AVOCATS, avocate plaidante au barreau du LOT
Société ZURICH INSURANCE prise en sa qualité d’assureur RC de la société FUGRO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 17]
représentée par Me Aurélie SMAGGHE, avocate postulante au barreau du LOT
et Me Stella BEN ZENOU, SELARL CABINET BEN ZENOU, substituée à l’audience par Me Hortense MARION, avocate plaidante au barreau de PARIS
SAS FUGRO FRANCE venant aux droits de FUGRO GEOCONSULTING
[Adresse 27]
[Localité 24]
représentée par Me Colette FAYAT, avocate postulante au barreau du LOT
et Me Marie-Laure CARRIERE, avocate plaidante au barreau de PARIS
SA SMA prise en sa qualité d’assureur de la société FUGRO FRANCE
RCS PARIS 332 789 296
[Adresse 21]
[Localité 16]
SA SMABTP en qualité d’assureur de la société FUGRO FRANCE
RCS PARIS 775 684 764
[Adresse 2]
[Localité 16]
représentées par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Delphine ABERLEN, membre de la SCP Evelyne NABA et ASSOCIES, avocate plaidante au barreau de PARIS
Société QBE EUROPE NV SA
[Adresse 26]
[Localité 25]
SAS URETEK FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 19]
Représentées par Me Frédéric ROY, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Stéphanie NGUYEN NGOC, AARPI AXIAL AVOCATS, substituée à l’audience par Me Jean-Charles MERCIER, avocate plaidante au barreau de PARIS
SA MMA IARD – RCS 440 048 882
et Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES – RCS 775 652 126
en qualité d’assureur de la société AT INGENIERIE
[Adresse 4]
[Localité 14]
représentées par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate au barreau d’AGEN
SA ACTE IARD – RCS STRASBOURG 332 948 546
[Adresse 3]
[Localité 13]
représentée par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d’Agen
et Me Sylvie FONTANIER, SCPI RASTOUL FONTANIER COMBAREL, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE
Me [X] [Z] en qualité de mandataire liquidateur de la Société AT INGENIERIE
de nationalité française
[Adresse 7]
[Localité 23]
n’ayant pas constitué avocat
tous INTIMÉS (RG 21/01062 et 22/00074)
Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED, en qualité d’assureur de la sté URETEK
RCS NANTERRE 414 108 001
[Adresse 26]
[Localité 25]
représentée par Me Frédéric ROY, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Stéphanie NGUYEN NGOC, AARPI AXIAL AVOCATS, substituée à l’audience par Me Jean-Charles MERCIER, avocate plaidante au barreau de PARIS
SA LLOYD’S INSURANCE COMPANY venant aux droits de la compagnie LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD’S DE [Localité 28], pris en leur ancienne qualité d’assureur de la société AT INGENIERIE
[Adresse 22]
[Localité 15]
représentée par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Nadia ZANIER, SCPI RAFFIN & ASSOCIES, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE
SARL GRANDOU CERTAIN – RCS CAHORS 392 771 168
[Adresse 30]
[Localité 29]
représentée par Me Laurent BELOU, substitué à l’audience par Me Véronique MAS-HEINRICH, SELARL CABINET BELOU, avocat au barreau du LOT
Compagnie d’assurance XL INSURANCE COMPANY SE Compagnie d’assurance de droit irlandais, venant aux droits de la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, prise en sa qualité d’assureur selon police dommages-ouvrages,
RCS PARIS 419 408 927
[Adresse 12]
[Localité 17]
représentée par Me Betty FAGOT, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Carmen DEL RIO, SELARL RODAS – DEL RIO, avocate plaidante au barreau de PARIS
SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de la société GRANDOU CERTAIN
RCS NANTERRE 722 057 460
[Adresse 9]
[Localité 24]
représentée par Me Ludovic VALAY, SELARL VALAY – BELACEL – DELBREL – CERDAN, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Jean-François MOREL, membre de l’association Cabinet DECHARME, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
SA AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de SOCOTEC
RCS NANTERRE 722 057 460
[Adresse 9]
[Localité 24]
SA SOCOTEC FRANCE – RCS VERSAILLES 542 016 654
SARL SOCOTEC DEVELOPPEMENT – RCS VERSAILLES 302 454 699
SAS SOCOTEC CONSTRUCTION – RCS VERSAILLES 834 157 513
[Adresse 11]
[Localité 20]
représentées par Me Christian CALONNE, avocat postulant au barreau du LOT
et Me Sandrine DRAGHI ALONSO, SELARL Cabinet DRAGHI ALONSO, substituée à l’audience par Me Louise CHOPARD, avocate plaidante au barreau de PARIS
toutes ASSIGNÉES EN APPEL PROVOQUÉ PAR SOLEV (RG 21/01061)
et INTIMÉES (RG 22/00074)
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 juin 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Exposé du litige
‘ ‘
‘
FAITS :
Depuis 1994, la SAS Société Lotoise d’Evaporation exploite à [Localité 29] (46), une usine de métallisation sous vide de matières plastiques qui permet la fabrication d’emballages.
En 2001, elle a décidé de procéder à l’extension de ses locaux, dont elle était alors crédit-preneur.
Les crédits-bailleurs lui ont délégué la maîtrise d’ouvrage de l’extension.
Ces travaux ont consisté en la construction des zones 1 et 5 et l’agrandissement de la zone 6.
La SAS Société Lotoise d’Evaporation, maître d’ouvrage délégué, et la société Sogefimur, crédit-bailleur immobilier, ont souscrit, pour ces travaux, auprès de la SA Axa Corporate Solutions, une assurance dommages-ouvrage n° 1 151 110 F et une assurance de responsabilité décennale constructeur non réalisateur n° 1 151 112 H.
La maîtrise d’oeuvre des travaux a été confiée à la SAS AT Ingénierie.
Les travaux ont été exécutés et ont fait l’objet d’une réception sans réserve le 21 juin 2001.
Au cours des années 2005 et 2006, la SAS Société Lotoise d’Evaporation a constaté l’affaissement de la dalle située dans le bâtiment 5.
Cet affaissement s’est ensuite aggravé en 2007 et a donné lieu, le 3 mars 2007, à une déclaration de sinistre auprès de la SA Axa Corporate Solutions au titre de l’assurance dommages-ouvrage, laquelle a délégué le cabinet Polyexpert pour analyser les désordres.
Le cabinet Polyexpert a confié une mission d’étude de sol à la société Fugro Géotechnique qui a estimé que l’affaissement pouvait être imputé à trois facteurs conjugués : le tassement des remblais anciens, le tassement des remblais nouveaux et la déconsolidation des sols en périphérie de tranchées.
Le 27 juin 2008, après réunion d’un collège d’experts, le cabinet Polyexpert a déposé son rapport définitif admettant une proposition formulée par la SAS Uretek France consistant à conforter le sol, sans démolition, par injection en sous-sol de résine expansive, pour un coût de 577 282,90 Euros HT.
Cette solution permettait de continuer à utiliser le bâtiment n° 5.
La SA Axa Corporate Solutions a admis sa garantie au titre de l’assurance dommages-ouvrage et accepté la prise en charge du coût de ces travaux.
Les travaux de réparation ont été confiés aux sociétés suivantes :
– SARL Grandou-Certain : reprise des fissures du dallage,
– SARL Sani-Centre : nettoyage des réseaux,
– société DPSM : gainage de la conduite des eaux industrielles,
– société GEA : relevé géométrique du dallage,
– SAS Uretek France : reprise en sous-oeuvre du dallage,
– SAS Socotec Construction : mission de contrôle technique.
La maîtrise d’oeuvre des travaux a été confiée à la SAS AT Ingénierie, assurée auprès de la SA MMA IARD et de la société d’assurance mutuelle MMA IARD Assurances Mutuelles.
La réception des travaux de réparation a été prononcée sans réserve le 1er septembre 2008.
En 2012, la SAS Société Lotoise d’Evaporation a décidé la construction de massifs de fondation dans le bâtiment 5 afin de créer une mezzanine en charpente métallique.
Elle a confié la maîtrise d’oeuvre de ces travaux à la SAS AT Ingénierie et à la SARL Etudes Conceptions Constructions Industrielles (Ecci), assurée auprès de la SMABTP.
Ces travaux ont été réceptionnés sans réserve le 25 octobre 2012.
En octobre 2015, la SAS Lotoise d’Evaporation a fait constater par Me [E], huissier de justice, qu’un affaissement de la dalle, de la chape, et de la base de soutènement de la structure métallique se produisait à nouveau dans le bâtiment n° 5.
La SAS Société Lotoise d’Evaporation a saisi le juge des référés du tribunal de commerce à l’encontre des sociétés Axa Corporate Solutions, Grandou-Certain, Sani-Centre, DSPM, GEA, Uretek France, Ecci, Axa France IARD qui, par ordonnance du 7 juillet 2016, a désigné [S] [U] en qualité d’expert pour analyser les travaux et désordres.
Les opérations d’expertise ont ensuite été déclarées communes à la SA MMA IARD, la SA Acte IARD, ancien assureur de la SAS AT Ingénierie, la SA Axa France IARD es-qualité d’assureur de la SAS Uretek France, la SMABTP, assureur des sociétés Ecci et DPSM, les SAS Fugro Géotechnique, et Socotec Construction.
M. [U] a fait procéder à une analyse de sol par le bureau Ginger CEBTP.
Il a déposé son rapport le 26 février 2019.
Ses conclusions sont les suivantes :
– Causes du désordre :
* facteur déclenchant : l’injection de résine par la SAS Uretek France n’a pas eu d’effet sur les couches profondes du sol qui ne sont pas stabilisées et se dégradent.
* des charges supplémentaires ont été appliquées au sol d’assise lors de la construction de la mezzanine en charpente métallique à l’intérieur du bâtiment
* des infiltrations d’eau ou d’effluents provenant de conduites fuyardes ont aggravé le phénomène.
– Solutions réparatoires :
* Il est préférable de déplacer la nouvelle chaîne sur l’ancien site de stockage rénové et d’abandonner le site sinistré qui pourra être utilisé pour du stockage avec évacuation de l’ancienne chaîne et revente à la ferraille.
* Coût de cette solution : 3 150 000 Euros HT.
– Fautes retenues à l’encontre des sociétés Uretek France (50 %), AT Ingénierie (20 %), Société Lotoise d’Evaporation (20 %), Ecci (5 %), Socotec (5 %).
– Préjudices :
* pas d’interruption d’activité du fait des désordres pour le maître d’ouvrage.
* le maître de l’ouvrage a exposé 25 400,64 Euros TTC des travaux provisoires et de sécurisation du gaz de l’atelier.
Au vu rapport d’expertise, la SAS Société Lotoise d’Evaporation a fait assigner la SA Axa Corporate Solutions, la SARL Grandou-Certain, la société Sani-Centre, la société DPSM, la SARL GEA, la SAS Uretek France, la SARL Ecci, la SA MMA IARD, la SA Acte IARD, la SA Axa France IARD (assureur de responsabilité décennale de la SAS Uretek France et assureur des sociétés Graudou-Certain et Socotec), la SMABTP, la SA Socotec France, la SAS Fugro Géoconsulting (anciennement Fugro Géotechnique), et la compagnie HDI Global SE, devant le tribunal de commerce de Cahors.
La SA Axa Corporate Solutions a appelé en cause la SAS AT Ingénierie prise en la personne de son liquidateur Me [X] [Z], la société Les Souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 28] prise en la personne de la SAS Lloyd’s France (ayant été l’assureur de la SAS AT Ingénierie), la SA Axa France IARD, la société QBE Insurance Europe Limited (assureur de la SAS Uretek France), la SAS Socotec France, la société Zurich (assureur de la SAS Fugro Géoconsulting), la SMABTP (assureur de la SARL Ecci), la SAS Fugro Géoconsulting, la compagnie HDI Global.
Seule la SAS AT Ingénierie n’a pas comparu.
Elle a régulièrement été appelée en cause par la SA Axa Corporate Solutions par acte remis le 31 août 2018 à la personne de Me [Z].
Par jugement rendu le 8 novembre 2021, le tribunal de commerce de Cahors a :
– reçu partiellement la société Solev en sa demande de responsabilité et dit que la responsabilité décennale et contractuelle est engagée pour les sociétés AT Ingénierie, Uretek, Ecci, et l’a déboutée à ce titre pour les sociétés Socotec, Fugro et Grandou Certain,
– débouté la société Solev de sa demande de responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de la société Fugro,
– prononcé la responsabilité de la société Solev à hauteur de 20 %, de la société Uretek à hauteur de 55 % garantie par Axa France IARD, la société AT Ingénierie par l’intermédiaire de son liquidateur à hauteur de 20 % garantie par MMA IARD à hauteur de 10 %, la société Ecci à hauteur de 5 % garantie par la SMABTP,
– mis hors de cause les autres parties,
– ordonné l’exécution des travaux selon proposition de l’expert judiciaire et fixé la prise en charge de ces travaux, soit 3 150 000 Euros HT au prorata des responsabilités prononcées par le jugement avec intérêts au taux légal à compter de sa signification,
– débouté en conséquence la société Solev de sa demande de paiement de 5 885 265 Euros HT,
– débouté la société Solev de sa demande de remboursement des dépenses d’expertise et condamné la société Uretek, la société AT Ingénierie par l’intermédiaire de son liquidateur, la société Ecci au prorata des responsabilités prononcées par le jugement, à payer la somme de 20 320,51 Euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, et laissé à la charge de la société Solev la somme de 5 080,13 Euros TTC correspondant à sa part de responsabilité,
– débouté la société Ecci de sa demande au titre de son action récursoire envers la société DPSM,
– déclaré la société Sani-Centre recevable en sa demande, l’a dite non fondée et a débouté la société Sanicentre,
– condamné la société Uretek à payer à la société Solev la somme de 12 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société Solev du surplus de sa demande à ce titre, débouté toutes les autres parties à ce titre,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire et débouté la société Solev de sa demande,
– condamné la société Uretek aux dépens.
Le tribunal a retenu :
– des vérifications de sol insuffisantes par la SAS Uretek France en 2008 conduisant à ne pas traiter la bonne profondeur, avec garantie d’Axa France IARD.
– une erreur de conception d’AT Ingénierie en 2008 : fondations inadéquates aux charges à répartir, avec garantie des compagnies MMA.
– une participation de la SARL Ecci aux mauvais reports de charges lors de la construction de la mezzanine, garantie par la SMABTP.
– une attitude fautive de la SAS Société Lotoise d’Evaporation
– une absence de faute de la SARL Grandou-Certain qui s’est limitée à construire ce qui lui a été demandé sans rôle de conception, de la Socotec qui a émis des avis suspendus non levés, de la SAS Fugro France qui a interrogé la SAS Uretek France et donné initialement un avis défavorable sans lever ses réserves expresses.
– une absence totale de faute des sociétés Sani-Centre, DPSM et GEA.
– les pourcentages de fautes suivants : Société Lotoise d’Evaporation : 20 % ; SAS Uretek France : 55 % ; SAS AT Ingénierie : 20 % ; SARL Ecci : 5 %.
– un coût des travaux de réparation à 3 150 000 Euros HT correspondant à la proposition de l’expert, outre les frais conservatoires exposés au titre des opérations d’expertise.
Par acte du 9 décembre 2021, la SA Axa France IARD a déclaré former appel du jugement en désignant la SAS Société Lotoise d’Evaporation, la SAS Uretek France, la SA QBE Europe/NV, la SARL Etudes Conceptions Constructions Industrielles, la SMABTP, la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles, la SA Acte IARD, la SAS Fugro France, [X] [Z] es-qualité de liquidateur de la société AT Ingénierie, la SAS Lloyd’s France représentant la compagnie Les Lloyd’s, la SA Zurich, et la SA SMA en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :
– reçu partiellement la société Solev en sa demande de responsabilité et dit que la responsabilité décennale et contractuelle est engagée pour la société Uretek et l’a déboutée pour la société Fugro,
– débouté la société Solev de sa demande de responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de la société Fugro,
– prononcé la responsabilité de la société Solev à hauteur de 20 %, de la société Uretek à hauteur de 55 % garantie par Axa France IARD, la société AT Ingénierie par l’intermédiaire de son liquidateur à hauteur de 20 % garantie par MMA IARD à hauteur de 10 %, la société Ecci à hauteur de 5 % garantie par la SMABTP,
– mis hors de cause les autres parties, en l’occurrence la société Fugro,
– ordonné l’exécution des travaux selon proposition de l’expert judiciaire et fixé la prise en charge de ces travaux, soit 3 150 000 Euros HT au prorata des responsabilités prononcées par le jugement avec intérêts au taux légal à compter de sa signification,
– condamné la société Uretek au prorata des responsabilités prononcées par le jugement, à payer la somme de 20 320,51 Euros TTC,
– débouté la société Ecci de sa demande au titre de son action récursoire envers la société DPSM,
– condamné la société Uretek aux dépens.
Cet appel a été enrôlé sous le n° 21/001061.
Par acte du 26 janvier 2022, la SAS Société Lotoise d’Evaporation a déclaré former appel du jugement en désignant la société de droit irlandais XL Insurance Company SE, la SARL Grandou-Certain, la SAS Uretek France, la SA QBE Insurance Europe Limited, la SA QBE Europe/NV, la société Etudes et Conceptions Constructions industrielles, la SMABTP, la SA Acte IARD, la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles, la SA Axa France IARD, la SA Socotec France, la société Socotec Développement, la SAS Socotec Construction, la SA Les Souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 28], la société Lloyd’s Insurance Company, la société Zurich Insurance Public Limited Company, la SA SMA, la société Fugro Géoconsulting, la société Fugro France venant aux droits de la société Géoconsulting et la société AT Ingénierie, et en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement qu’elle cite dans son acte d’appel.
Cet appel a été enrôlé sous le n° 22/00074.
Par actes délivrés les 7 juin et 8 juin 2022, la SAS Société Lotoise d’Evaporation a formé un appel provoqué à l’encontre de la SA Socotec France, la SARL Socotec Développement, la SAS Socotec Construction, la société de droit irlandais XL Insurance Company SE, la SA Lloyd’s Insurance Company, la société QBE Insurance Europe Limited, la SAS Fugro France et la SARL Grandou-Certain.
Par ordonnance du 1er mars 2023, la jonction des instances d’appel sous le seul n° 21/01061 a été ordonnée.
La clôture a été prononcée le 24 mai 2023 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 14 juin 2023.
Moyens
Motivation
——————-
MOTIFS :
1) Considérations préliminaires :
En premier lieu, il est acquis que suite à une procédure de transfert de certaines polices d’assurance, la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 28] ne peut plus être considérée comme l’ancien assureur de la SAS AT Ingénierie.
Le jugement qui a mis cette société hors de cause, c’est à dire rejeté les demandes présentées à son encontre, doit être confirmé.
C’est désormais la SAS Lloyd’s Insurance Company qui doit être considérée comme l’ancien assureur de la SAS AT ingénierie.
En deuxième lieu, il est également acquis que la SAS Socotec Construction vient désormais aux droits de la SA Socotec France.
Le jugement qui a mis la SA Socotec France hors de cause, c’est à dire rejeté les demandes présentées à son encontre, doit être confirmé.
En troisième lieu, il s’est pas discuté que la SARL Socotec Développement a été appelée en cause par erreur alors qu’elle n’est pas intervenue à l’opération de construction en litige.
Le jugement qui l’a mise hors de cause, c’est à dire rejeté les demandes présentées à son encontre, doit être confirmé.
En quatrième lieu, les sociétés Socotec et la SA Axa France IARD présentent des demandes à l’encontre de DPSM et son assureur HDI Global.
Ces deux sociétés n’étant pas parties en cause d’appel, ces demandes sont irrecevables.
En cinquième lieu, il est également indiscuté que l’assureur de la SAS Fugro France est la SA SMA et non la SMABTP.
Enfin, il est également acquis que c’est la société QBE Europe NV SA qui assure la SAS Uretek France en responsabilité civile.
2) Sur les conclusions notifiées le 23 mai 2023 par la société de droit irlandais XL Insurance Company SE :
Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
En l’espèce, dans le dossier n° 21/01061, la SA Axa France IARD a notifié ses conclusions d’appelante le 9 mars 2022.
La société XL Insurance Company SE a été assignée en appel provoqué par la SAS Lotoise d’Evaporation le 7 juin 2022 avec notification des conclusions déposées.
Elle n’a déposé ses conclusions que le 17 mars 2023, alors qu’elle était en possession des conclusions déposées par les autres parties.
Elle avait notifié ses conclusions dans le dossier n° 22/00074 le 22 juillet 2022.
Après jonction, il a été indiqué aux parties que la clôture serait prononcée le 26 avril 2023.
D’autres parties ayant déposé de nouvelles conclusions peu de temps avant le 26 avril 2023, la clôture a été différée au 24 mai 2023.
Alors qu’aucune partie n’a déposé de nouvelles conclusions postérieurement au 25 avril, la société XL Insurance Company a déposé de nouvelles conclusions totalisant 41 pages le 23 mai 2023 à 16H10, veille de la clôture, mettant ainsi les autres parties dans l’impossibilité d’en prendre connaissance.
Elle avait pourtant disposé de tout le temps nécessaire depuis la date de clôture initiale du 26 avril pour y procéder et répondre, comme elle le prétend, aux arguments contenus dans les conclusions notifiées le 19 octobre 2022 par les sociétés Lloyd’s.
Cette façon de procéder constitue, de la part de la société XL Insurance Company SE, une violation du principe de loyauté des débats en ce qu’elle a délibérément mis les autres parties dans l’impossibilité de prendre connaissance de ces conclusions et pièces et d’y répondre avant la clôture.
Par conséquent, ces conclusions seront déclarées irrecevables.
3) Sur la situation de la SAS AT Ingénierie :
Lors de la signification de l’acte d’appel de la SAS Société Lotoise d’Evaporation, l’huissier a noté que la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif de la SAS AT Ingénierie a été prononcée le 10 mai 2019, avec radiation de cette société du registre du commerce et des sociétés le 7 mai 2019.
Les fonctions de Me [Z] ont alors pris fin.
Par conséquent, les demandes présentées à l’encontre de cette société et de Me [Z] sont irrecevables.
Le jugement qui a statué sur les demandes présentées à l’encontre de cette société doit être infirmé.
4) Sur le désordre :
a : constat :
L’expert judiciaire a ainsi décrit le désordre qui affecte le bâtiment n° 5 :
– formation de fissures dans les parties déjà réparées lors du 1er sinistre,
– formation de nouvelles fissures en dehors des parties réparées,
– affaissement de certaines zones de dallage,
– tassement du sol à l’extérieur du bâtiment au voisinage de certains murs.
– la localisation du désordre est toujours la même que celle identifiée lors des campagnes de mesures de 2007 et 2015.
– le tassement du dallage se produit suivant un schéma qui reste le même au cours du temps.
b : analyse des causes du désordre :
M. [U] a fait procéder à des investigations par le laboratoire CEBTP (sondages géotechniques, essais pressiométriques, carottages du dallage, essai en laboratoire avec les échantillons prélevés), le géomètre [K] (relevé d’altimétrie du dallage et de la mezzanine avec contrôle de la verticalité des poteaux), et l’entreprise Turcato (contrôle d’étanchéité du collecteur d’eaux pluviales sous dallage).
Après examen des lieux et prise en compte du résultat des investigations mentionnées ci-dessus, il a expliqué que le désordre trouve sa cause dans les éléments suivants :
– dégradation des sols d’assise depuis le confortement de 2008, date des injections auxquelles a procédé la SAS Uretek France,
– tassement des sols d’assise provoqué par l’application de charges supplémentaires depuis 2012,
– lessivage des sols d’assise résultant d’infiltrations d’eau ou d’effluents,
– déformation propre du dallage due à l’application de charges comme la mezzanine.
Il a plus précisément expliqué ainsi le mécanisme du sinistre :
– Facteur déclenchant :
Il existe un tassement des matériaux anciens dans le sol mis en place dans l’ancienne dépression et préexistants aux travaux de construction du bâtiment n° 5, qui sont de faible compacité avec des structures ‘très ouvertes’ par endroit et présence de matériaux évolutifs.
Les sols d’assise ont de bonnes caractéristiques mécaniques jusqu’à 2 m / 2,5 m de profondeur ; ils ont été améliorés par l’injection de résine ; au-delà de cette profondeur, le caractère hétérogène des remblais peut conduire à des tassements et à des vides sous dallage ; la résine n’a pas colmaté les espaces entre blocs et débris ; la portance en surface a été améliorée par l’injection de résine, mais les couches sous-jacentes n’ont pas été améliorées et se tassent ; il y a donc dégradation des sols d’assise.
Causalité : 60 %.
– Des charges supplémentaires ont été appliquées au sol d’assise lors de la construction d’une mezzanine en charpente métallique à l’intérieur du bâtiment :
Le plancher de cette mezzanine repose sur des poteaux jumelés en rive aux poteaux de l’ossature du bâtiment et sur des poteaux intermédiaires sur des plots d’épaisseur de 40 à 50 cm réalisés en béton armé qui peuvent conduire à des tassements de sol d’assise compte tenu de leur nature connue depuis l’origine de la construction. ; ces charges reportées par la mezzanine au niveau des poteaux par les plots de fondation contribuent au tassement du dallage.
Le tassement provoqué par les charges induites par la mezzanine depuis 2015 est d’environ de 2 cm du tassement maximal, avec incidence des poteaux centraux.
Les charges supplémentaires apportées par la mezzanine aux plots de béton armé d’épaisseur 40 cm ou 50 cm, plus rigides que le dallage auquel ils sont liés produisent une déformation du dallage, entraîné par le tassement vertical des plots correspondant au tassement des sols d’assise.
Il en résulte clairement que la construction de la mezzanine a aggravé le tassement, comme en atteste le schéma établi par l’expert (p. 114).
L’expert l’a affirmé expressément en réponse à un dire qui prétendait que la construction de la mezzanine n’avait pas eu d’effet aggravant (p. 150).
Causalité : 20 %.
– Des infiltrations d’eau ou d’effluents se sont produites :
Une conduite de 630 mm fuyarde en 2007 a été chemisée par DPSM en 2008, les regards et piquages ont été étanchés ; une autre conduite de 300 mm chemine sous le bâtiment et collecte les eaux pluviales trouvées fuyardes en 2009.
Causalité : 20 %.
c : solution réparatoire :
Les parties ont été interrogées par l’expert afin de faire des propositions de travaux permettant de mettre un terme définitif au désordre et ont fait les propositions suivantes :
– Propositions de la SAS Société Lotoise d’Evaporation :
Elles consistent à :
– interrompre la production, qui se poursuit dans le bâtiment n° 5, avec achat d’une ligne de production neuve pour transfert provisoire de l’activité le temps des travaux,
– démolir et reconstruire le sol du bâtiment n° 5 avec mise en place de micro-pieux, longrines et plancher.
Elles ont été chiffrées à 5 748 144 Euros HT ou 6 798 781 Euros HT.
L’expert a estimé qu’elles présentaient un risque lié à l’instabilité du sous-sol qui n’est pas encore stabilisé avec une incertitude ‘qui s’est accentuée par la mise en oeuvre d’un bassin de rétention à l’endroit même d’une singularité du sol sur cette région appelée doline ; cette irrégularité du sol in situ est de plus évolutive’.
En effet, selon l’expert, la doline ‘proche du bâtiment à réparer ne s’est pas formée par hasard, elle est le résultat d’une évolution géologique que certaines modifications du sous-sol peuvent accélérer en des zones présentant des cavités non décelées à ce jour.’
Il a ajouté que la réalisation de ces propositions est grevée de nombreux aléas au point que certaines entreprises n’ont pas accepté de la chiffrer en totalité.
Il ne les a pas acceptées, considérant qu’elles ne permettaient pas d’être certain que la réparation serait pérenne.
La SAS Société Lotoise d’Evaporation ne peut être admise à réclamer le choix de ces solutions.
– Proposition de l’assureur dommages-ouvrage :
Cette solution, proposée par la société Géosynthèse pour le compte de la SA Axa Corporate Solutions, consiste à chemiser les réseaux, injecter du coulis de ciment ou de la résine dans les terrains décomprimés y compris en périphérie sur une profondeur de 4 à 14 m, remettre à niveau le dallage, traiter la surface, et reprendre la mezzanine en sous-oeuvre.
Elle nécessite l’achat et la mise en service d’une ligne de production neuve, provisoire, pendant les travaux, pour libérer le bâtiment n° 5.
Elle a été chiffrée à 1 790 696,84 Euros HT après vérification par le cabinet Neveu.
Les travaux dureraient 3 ans pour que la production ne soit pas interrompue, avec les périodes de vacances de l’usine.
L’expert a également qualifié cette solution de ‘risquée’ car elle reprend le principe de la réparation initiale, alors que le sol n’est toujours pas stabilisé et qu’il contient même des déchets, précisant que le dallage est de faible épaisseur (il est systématiquement de moindre épaisseur des 20 cm prévus lors de sa construction) et le terrain en pente avec la doline qui, comme indiqué au paragraphe précédent, pose la question de cavités non décelées.
Il a noté qu’en tout état de cause, cette proposition n’était accompagnée ni d’une étude géotechnique qui la validerait, ni de références de mise en application et que les débats avaient montré des divergences des spécialistes sur les profondeurs à atteindre.
L’expert judiciaire a finalement estimé que ces propositions ne sont pas de nature à permettre, avec certitude, de mettre fin au désordre.
En effet, la consolidation des matériaux n’est pas achevée et de nouveaux tassements se produiront à nouveau sur l’effet des charges et des surcharges.
Il a conclu qu’il n’est plus raisonnable de vouloir réparer le site actuel et qu’il convient de laisser le bâtiment n° 5 dans son état, et déplacer la chaîne de production dans l’ancien site de stockage, rénové, et de laisser le bâtiment n° 5 à usage de stockage.
Selon l’expert, cette proposition consiste à ne pas ferrailler la nouvelle ligne de production qui sera maintenue en place sur l’ancien bâtiment de stockage Est et comprend les phases suivantes :
– construction d’une plate-forme et d’une tente permettant de recevoir les stockages du site ainsi que la ligne démontée,
– déménagement des stocks vers la tente Nord,
– aménagement du bâtiment Est de stockage pour accueil de la nouvelle ligne de production,
– fourniture, installation et mise en service de la nouvelle ligne de production dans le bâtiment de stockage,
– qualification des produits sur la nouvelle ligne de production,
– démolition du dallage et création d’une dalle portée,
– revente de la nouvelle ligne,
– déménagement des stocks de la tente vers le bâtiment de stockage,
– remise à nu du terrain Nord,
– revente de la tente,
– frais annexes : maîtrise d’oeuvre, études des contraintes industrielles, études géotechniques conception et exécution, bureau de contrôle, coordonnateur SPS, nettoyage du chantier et protections diverses, assurance dommages-ouvrage, assurance tous risques chantier, embauche d’un CDD par le maître de l’ouvrage pour suivre les travaux et les mises en service.
Il a chiffré le coût de cette solution à 3 119 581 Euros HT, mais a expliqué que sur ce type de travaux, il existe toujours des aléas de sorte que le budget de l’opération doit être fixé à 3 150 000 Euros HT.
La SAS Société Lotoise d’Evaporation ne fournit strictement aucun élément tangible de nature à démontrer que son activité ne permet pas l’adoption d’une telle solution ou qu’elle ne pourrait plus utiliser la voie publique, alors que l’examen des lieux permet de constater que cette voie n’aboutit qu’à son site.
D’ailleurs, la proposition de réparation réclamée par cette société implique le même usage de cette voie publique que celle retenue par l’expert, comme celui-ci le lui a fait remarquer en ajoutant que, compte tenu de l’enjeu économique local de la présence de l’entreprise, il n’est pas concevable que les autorités administratives restreignent l’usage de cette voie.
C’est par conséquent à juste titre que le tribunal a fixé la base du préjudice subi par cette société à la somme de 3 150 000 Euros.
L’indemnité de 3 150 000 Euros permettra de mettre la SAS Société Lotoise d’Evaporation dans la situation dans laquelle elle aurait dû se trouver si, en 2008, il avait été exclu de tenter de réparer le bâtiment en sous-oeuvre, de sorte que la production aurait alors dû être déplacée et le bâtiment n° 5 recyclé.
Cette indemnité sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la dernière assignation au fond, soit le 8 janvier 2018, conformément à l’article 1231-7 du code civil.
Il convient à ce stade de préciser que sur cette somme, les postes : construction d’une plate-forme et d’une tente permettant de recevoir les stockages du site ainsi que la ligne démontée, qualification des produits sur la nouvelle ligne de production, études contraintes industrielles, embauche d’un CDD par le maître de l’ouvrage pour suivre les travaux, soit au total 963 209 Euros (montants admis par l’expert judiciaire au vu des calculs du cabinet Moreau Experts après réfaction de certain postes), doivent être considérés comme ne constituant pas la réparation du désordre lui-même par transfert d’activité (contrairement par exemple au déménagement), mais des postes de préjudices immatériels.
L’expert a également chiffré à 22 086,24 Euros TTC le coût d’investigations techniques avancé par la SAS Société Lotoise d’Evaporation, et à 3 314,40 Euros TTC le coût de sécurisation de l’approvisionnement en gaz, soit 25 400,64 Euros, ce qui représente une somme de 20 320,51 Euros HT pour les mesures d’investigations et conservatoires, étant précisé que de par son activité commerciale, cette société peut récupérer la TVA versée.
Le jugement doit être confirmé sur ce point, ainsi que sur le rejet des demandes portant sur les autres frais réclamés par la SAS Société Lotoise d’Evaporation, c’est à dire les frais d’assistance de son expert amiable, laquelle relève de son choix personnel et n’étaient pas impliqués par le sinistre.
Le point de départ des intérêts sera toutefois également fixé au 8 janvier 2018.
Il convient toutefois de rectifier l’erreur matérielle qui l’entache sur le fait que la somme de 20 320,51 Euros est en réalité la somme hors taxes.
5) Sur la demande de condamnation in solidum présentée par la SAS Société Lotoise d’Evaporation :
Chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à réparation de l’entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l’étendue de leur obligation à l’égard de la victime du dommage.
En l’espèce, il n’existe qu’un seul et même désordre : le tassement avec enfoncement du sol d’assise du bâtiment n° 5.
Ce tassement est apparu après la construction initiale au cours de l’année 2001.
Il n’a pas été correctement réparé par l’injection de résine effectuée par la SAS Uretek France de sorte qu’il s’est manifesté à nouveau en 2015, aggravé par la construction de la mezzanine.
Dès lors, tous les constructeurs tenus à garantie décennale, ou fautifs, qui ont participé à ce désordre ou l’ont aggravé, et dont les travaux en sont à l’origine, doivent être condamnés in solidum à réparation envers le maître de l’ouvrage, la SAS Société Lotoise d’Evaporation.
Le jugement qui a rejeté une telle demande de condamnation doit être réformé, ce qui nécessite de reformuler les condamnations prononcées.
6) Sur la responsabilité de la SAS Uretek France :
En premier lieu, il n’est ni discuté ni discutable que les travaux effectués par cette société en 2008 tendant à mettre un terme à l’affaissement du dallage constituent un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil, actuellement atteint dans sa solidité et impropre à sa destination, de sorte qu’elle est débitrice de la garantie décennale envers la SAS Société Lotoise d’Evaporation.
Elle doit par conséquent être condamnée à indemniser le maître de l’ouvrage des sommes qui doivent lui être allouées.
En second lieu, l’expert a expliqué que cette société est fautive à plusieurs niveaux :
– Lors du choix de la solution réparatoire en 2008 :
Elle a proposé et mis en place une solution de réparation selon un procédé dont elle détient le brevet, initialement refusée par la SAS Fugro Géotechnique, mais qui a été choisie par le collège d’experts mis en place par le cabinet Polyexpert à la demande de l’assureur dommages-ouvrage après s’être très fortement engagée sur sa proposition de travaux.
Sa proposition donnait ‘l’assurance totale de l’obtention d’une résistance suffisante en tous points du sol’.
Elle avait calculé une profondeur d’injection maximale à 7 mètres en se basant sur les sondages effectués par la SAS Fugro Géotechnique.
Toutefois, selon l’expert, compte tenu de la nature très hétérogène du sous-sol karstique, contenant même des remblais de décharge, et d’une doline dont la présence signait la possibilité de cavités dans le sol, il fallait procéder à d’autres sondages qui auraient ‘permis de vérifier si cette épaisseur était bien compatible avec les capacités du procédé’ ce que la SAS Uretek France n’a pas fait.
Il aurait alors été mis en évidence que sa proposition ne permettait pas une réparation pérenne.
Lors d’un dire à l’expert, la SAS Uretek France et son assureur ont également indiqué qu’à l’origine, cette société n’avait pas prévu d’injections jusqu’au substratum ce qui, selon l’expert, signe le caractère radicalement insuffisant de la solution réparatoire proposée.
– Lors de l’exécution des travaux réparatoires :
Selon l’expert, la SAS Uretek France a procédé à des injections à une profondeur moindre que celle prévue et a mis en place un maillage d’injection à 1,5 m alors qu’il était prévu un maillage de 1 m.
Toutefois, l’expert n’a pas mis en évidence de lien de causalité entre la modification du maillage et les désordres.
7) Sur la garantie de la SA Axa France IARD au titre du contrat d’assurance de responsabilité décennale obligatoire souscrit par la SAS Uretek France en cours jusqu’au 31 décembre 2010 :
Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 et ses annexes I et III du code des assurances,
En premier lieu, selon l’annexe I, applicable au contrat compte tenu de sa reconduction jusqu’au 31 décembre 2010, le contrat d’assurance de responsabilité décennale garantie le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporé dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles lorsque la responsabilité de l’assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos des travaux de construction et dans les limites de cette responsabilité ; et le coût total s’entend du montant définitif des dépenses de l’ensemble des travaux afférents à la réalisation de l’opération de construction, toutes révisions, honoraires, taxes et s’il y a lieu travaux supplémentaires compris.
Il résulte de ce texte que la SA Axa France IARD doit prendre en charge le coût de la solution réparatoire proposée par l’expert dès lors qu’elle est la seule qui permet de remettre la SAS Société Lotoise d’Evaporation en possession d’un ouvrage non atteint dans sa solidité et conforme à sa destination, même s’il ne s’agit pas de réparer le bâtiment n° 5 lui-même, ce qui n’est matériellement pas possible.
Cette solution doit être réputée être l’équivalent de la réparation matérielle des désordres et ne peut être assimilée à la prise en charge de dommages immatériels.
En décider autrement reviendrait à dispenser purement et simplement l’assureur de responsabilité décennale obligatoire de toute indemnisation, alors pourtant que l’ouvrage construit par l’assuré ouvre droit à cette garantie.
Toutefois, en deuxième lieu, cet assureur demande également les postes construction d’une plate-forme et d’une tente permettant de recevoir les stockages du site ainsi que la ligne démontée, qualification des produits sur la nouvelle ligne de production, études contraintes industrielles, embauche d’un CDD par le maître de l’ouvrage pour suivre les travaux, soient exclus de sa garantie s’agissant de l’indemnisation de préjudices immatériels.
Effectivement, comme indiqué lors de l’étude de la solution réparatoire proposée par l’expert, ce type de postes, comme par exemple la construction d’une tente ou de bâtiments provisoires destinés à abriter l’exploitation, pour ne pas l’interrompre, pendant les travaux, n’entrent pas dans la garantie obligatoire de l’assureur de responsabilité décennale (voir Civ3 13 janvier 2010 n° 08-13562 et 13 janvier 2014 n° 11-28781).
La garantie décennale de cette compagnie sera retenue à hauteur de 3 150 000 Euros (postes de préjudice matériel) – 963 209 Euros (postes immatériels) = 2 186 791 Euros.
Elle sera également tenu du préjudice matériel constitué par les mesures conservatoires.
En troisième lieu, l’activité déclarée au titre de ce contrat est la suivante : ‘relevage et consolidation des affaissements d’ouvrages en béton au moyen du procédé Uretek 612 tels que sols industriels, surfaces commerciales, habitations, fondations, dalles routières et pistes d’aviation’.
La SA Axa France IARD ne peut être admise à prétendre que la SAS Uretek France ne lui aurait pas déclaré une activité de maîtrise d’oeuvre et qu’ainsi, elle ne couvrirait pas la partie conception de la solution réparatoire.
En effet :
– la garantie décennale est due du seul fait de la réalisation des travaux réparatoires.
– l’activité déclarée est une activité d’une haute technicité qui inclut nécessairement la réalisation d’études préalables d’analyse de sol et de faisabilité.
Par conséquent, la SA Axa France IARD sera condamnée in solidum au paiement des indemnités dues au maître de l’ouvrage dans la limite du montant mentionné ci-dessus.
En quatrième lieu, elle sera tenue de relever la SAS Uretek France indemne des sommes mises à sa charge au titre du préjudice matériel.
En cinquième lieu, si la franchise et le plafond de garantie ne sont pas opposables à la victime en matière d’assurance de responsabilité décennale, la SA Axa France IARD pourra s’en prévaloir et les opposer, comme elle le réclame, à la SAS Uretek France.
8) Sur la garantie de la compagnie QBE Europe NV SA, assureur de la SAS Uretek France :
Cette compagnie garantit la responsabilité civile de la SAS Uretek.
Elle sera par conséquent condamnée in solidum avec son assurée pour les dommages immatériels, soit 963 209 Euros (cf supra), de sorte que l’existence d’un plafond de 1 000 000 Euros pour ce type de dommages n’a aucune portée.
Elle pourra cependant opposer à toute partie une franchise de 7 500 Euros pour le préjudice immatériel.
La SA Axa France IARD, au titre du contrat de garantie décennale souscrit par la SAS Uretek France, ne couvrant pas le préjudice immatériel, l’action récursoire de la compagnie QBE Europs NV SA à l’encontre de cette société sera rejetée.
9) Sur la responsabilité de la SAS AT Ingénierie :
En premier lieu, cette société a assuré la maîtrise d’oeuvre de la solution réparatoire d’injection de résine commandée à la SAS Uretek France.
Elle a également établi les plans d’exécution des fondations lors de la construction de la mezzanine
Elle est par suite débitrice de la garantie décennale envers la SAS Société Lotoise d’Evaporation.
En second lieu, l’expert a expliqué que les fondations qu’elle a conçues pour construire la mezzanine sont en inadéquation avec les charges à répartir sur les sols d’assise du dallage.
Il a qualifié cette erreur de ‘difficilement excusable pour un bureau d’études qui avait participé, en qualité de maître d’oeuvre, à la réparation du sinistre de 2008 et connaissait en particulier le rapport établi par Fugro, avec les recommandations formulées vis à vis des fondations.’
Si cette société, non valablement mise en cause comme indiqué plus haut, ne peut faire d’objet d’aucune condamnation, la garantie de ses assureurs de responsabilité décennale peut être recherchée.
10) Sur la garantie de la SA Lloyd’s Insurance Company (représentée par la SAS Lloyd’s France) au titre du contrat d’assurance de responsabilité décennale souscrit par la SAS AT Ingénierie en cours du 11 décembre 2009 jusqu’au 3 mai 2013 :
Les travaux, en lien avec les désordres, exécutés par la SAS AT Ingénierie alors qu’elle était assurée au titre de ce contrat, sont ceux de maîtrise d’oeuvre de la construction de la mezzanine.
Il est constant que le contrat d’assurance souscrit auprès de cette compagnie impose, pour ouvrir droit à garantie, une déclaration de chantier effectuée par l’assuré.
Dès lors qu’il n’existe aucune déclaration de chantier émanant de la SAS AT Ingénierie (qui n’a jamais prétendu le contraire) auprès de cette compagnie pour la construction de la mezzanine, la SA Lloyd’s Insurance Company est fondée à opposer qu’en l’absence de cotisation pour ce chantier cette omission équivaut à une absence d’assurance opposable à tous.
En tout état de cause, en application de l’article L. 113-9 du code des assurances, en l’absence de déclaration de la mission de maîtrise d’oeuvre de la construction de la mezzanine auprès de cette compagnie et de cotisation afférente, la réduction proportionnelle encourue est de 100 % du montant du sinistre.
Par conséquent, le jugement qui a mis cette compagnie hors de cause, c’est à dire rejeté les demandes présentées à son encontre, doit être confirmé.
10) Sur la garantie de la SA MMA IARD et de la société d’assurance mutuelle MMA IARD Assurances Mutuelles au titre du contrat d’assurance de responsabilité décennale souscrit par la SAS AT Ingénierie en cours du 1er janvier 2003 au 11 décembre 2009 :
Les travaux, en lien avec les désordres, exécutés par la SAS AT Ingénierie alors qu’elle était assurée au titre de ce contrat, sont ceux de maîtrise d’oeuvre de la solution réparatoire par injection de résine effectuée par la SAS Uretek France en 2008.
Par conséquent, elles garantissent la responsabilité décennale de cette société et doivent être condamnées in solidum au paiement des indemnités dues au maître de l’ouvrage.
11) Sur la garantie de la SA Acte IARD au titre du contrat d’assurance de responsabilité décennale souscrit par la SAS AT Ingénierie en cours du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2002 :
La garantie de cet assureur ne peut être recherchée qu’au titre des travaux de construction du bâtiment n° 5 réceptionnés sans réserve le 21 juin 2001 et non au titre des travaux réparatoires effectués par la SAS Uretek France et des travaux de construction de la mezzanine.
Selon l’ancien article 2270 du code civil, devenu l’article 1792-4-1, les actions en responsabilité décennale doivent être engagées à l’encontre des constructeurs dans un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux.
Dès lors que cette compagnie n’a été assignée devant le juge des référés par la SA MMA IARD et la société d’assurance mutuelle MMA IARD Assurances Mutuelles que par acte délivré le 13 octobre 2017, l’action à son encontre est forclose.
Par conséquent, le jugement qui a mis cette compagnie hors de cause, c’est à dire rejeté les demandes présentées à son encontre, doit être confirmé.
12) Sur la responsabilité de la SAS Fugro France :
Vu l’article 1382 (ancien) du code civil,
La SAS Fugro Géotechnique est intervenue lors de l’analyse du sinistre par l’assureur dommages-ouvrage, à la demande du cabinet Polyexpert chargé de mettre au point la solution réparatoire.
Elle s’est vue confier la mission limitée de réalisation d’un diagnostic géotechnique G5 conformément à la norme NF 94-500 visée au contrat de mission, qui ne consiste pas à déterminer une solution réparatoire, mais à envisager les différentes possibilités qui, ensuite, devront faire l’objet d’une étude G2 par le maître d’oeuvre choisi.
La norme définit ainsi la mission G5 :
‘Pendant le déroulement d’un projet ou au cours de la vie d’un ouvrage, il peut être nécessaire de procéder, de façon strictement limitative, à l’étude d’un ou plusieurs éléments géotechniques spécifiques, dans le cadre d’une mission ponctuelle. Ce diagnostic géotechnique précise l’influence de cet ou des éléments géotechniques sur les risques géotechniques identifiés ainsi que leurs conséquences possibles pour le projet ou l’ouvrage existant.
– définir, après enquête documentaire, un programme d’investigations géotechniques spécifique, le réaliser ou en assurer le suivi technique, en expliquer les résultats.
– étudier un ou plusieurs éléments géotechniques spécifiques (par exemple soutènement, causes géotechniques d’un désordre) dans le cadre de ce diagnostic, mais sans aucune implication dans la globalité du projet ou dans l’étude de l’état général de l’ouvrage existant.
– si ce diagnostic conduit à modifier une partie du projet ou à réaliser des travaux sur l’ouvrage existant, des études géotechniques de conception et/ou d’exécution ainsi qu’un suivi et une supervision géotechniques seront réalisés ultérieurement, conformément à l’enchaînement des missions d’ingénierie géotechnique (étape 2 et/ou 3).’
Sa mission consistait à orienter les réparations envisageables.
La SAS Fugro Géotechnique a établi un rapport écrit le 9 janvier 2008 analysant la cause du désordre dont l’expert judiciaire a confirmé l’exactitude, et excluant toute réparation de surface en indiquant qu’alors les tassements continueraient à se produire.
Elle y a préconisé un ‘transfert des charges dans le substratum rocheux’ avec réalisation de pieux, micro-pieux, ou colonnes de type Jet Grouting et nullement une solution réparatoire par injection de résines ou de ciment qui ne permettait pas un tel transfert de charges.
Dans le cadre de la proposition formulée par la SAS Uretek France, elle a établi une note le 8 avril 2008 à l’attention du cabinet Polyexpert faisant part ‘de nos remarques et interrogations’ posant tout un ensemble de questions techniques sur la solution proposée.
La SAS Uretek France a établi une réponse le 30 avril 2008 à l’attention du même cabinet expliquant son procédé, indiquant ‘si nous rencontrons des horizons différents lors des travaux, nous adaptons le traitement conformément à nos conditions générales’, et insistant sur les qualités expansives de la résine à injecter, contrairement aux coulis de béton.
Postérieurement à cette note responsive, loin d’approuver la technique de la SAS Uretek France, par courriel du 19 mai 2008 adressé au cabinet Polyexpert, a SAS Fugro Géotechnique a confirmé ses réserves en indiquant ‘concernant la réponse d’Uretek, je la trouve très commerciale mais pas suffisamment technique pour me convaincre’ et expliquant les raisons techniques pour lesquelles les réponses de la note du 30 avril 2008 n’étaient pas satisfaisantes.
Ainsi, par exemple, elle indique ‘leur méthode de percement ne permet pas une reconnaissance géologique et donc une adaptation ultérieure avec modification du programme de base’ et ‘j’ai du mal à admettre que le forage avec des mèches spécifiques permet de faire des avant-trous jusqu’à 7 m de profondeur, puis d’y fonder les tubes de 12 mm de diamètres ‘comme des tiges de pénétromètre’ en traversant du bois, du métal, ou de gros blocs.’
Finalement, les reproches formés à l’encontre de la SAS Fugro Géotechnique ne reposent que sur la phrase suivante qui termine ce courriel : ‘Ce n’est que mon avis, mais s’ils assument la responsabilité de la conception, de sa réalisation conforme et de l’objectif au niveau de la décennale, pourquoi pas’, et même sur la formule terminale ‘pourquoi pas’.
Mais cette formule ne remet pas en cause toutes les objections de la SAS Fugro Géotechnique qui n’a à aucun moment validé expressément la solution proposée par la SAS Uretek France, après avoir conclu, dans son rapport, à une solution réparatoire incompatible avec les injections de résine.
En tout état de cause, ce n’est pas cette société qui a décidé de la solution réparatoire, mais le collège d’experts réunis par le cabinet Polyexpert dont il est en réalité impossible de dire qu’il aurait mécaniquement validé le procédé proposé à partir des deux mots ‘pourquoi pas’ en contradiction avec les analyses effectuées par la SAS Fugro Géotechnique.
Enfin, il est établi que la mission G2 qui devait être réalisée ne l’a pas été, ce qui n’est en rien du ressort de la SAS Fugro Géotechnique.
Tel a été l’avis de l’expert qui a conclu que la SAS Fugro Géotechnique ‘donnait un avis clairement défavorable à un traitement par injection de résine’ et a conclu que cette entreprise n’avait commis aucune faute.
Le jugement qui a rejeté la demande formée par la SAS Société Lotoise d’Evaporation à l’encontre de la SAS Fugro France, et par conséquent les actions récursoires formées par d’autres parties à son encontre, doit être confirmé.
Compte tenu de l’absence de responsabilité de la SAS Fugro France, c’est également à juste titre que le tribunal a mis hors de cause les compagnies Zurich Insurance et SMA, c’est à dire rejeter les demandes présentées à leur encontre.
13) Sur la responsabilité de la SARL Grandou-Certain :
En premier lieu, cette société a réalisé les fondations de la mezzanine qui ont participé à l’aggravation du désordre.
Elle est par suite débitrice de la garantie décennale envers la SAS Société Lotoise d’Evaporation et doit être condamnée in solidum avec les autres parties tenues à garantie décennale et intervenants ayant commis des fautes.
Le jugement doit être infirmé sur ce point.
En deuxième lieu, s’agissant du manquement à l’obligation de conseil envers le maître de l’ouvrage lors de la construction de la mezzanine qui lui est imputée, il n’est pas discuté que si la SARL Grandou-Certain savait qu’une reprise en sous-oeuvre avait été effectuée, elle n’avait pas été destinataire des études faites en 2008 lors du choix de la solution réparatoire ni des avis émis par la SAS Fugro Géotechnique.
Elle pouvait penser que l’instabilité initiale avait été résolue.
Elle n’a d’ailleurs aucune compétence particulière en analyse des sols.
En troisième lieu, il est constant qu’elle n’a pas été conviée aux discussions techniques relatives à la conception des fondations de la mezzanine, ni rendue destinataire des courriels échangés entre le maître de l’ouvrage et la SAS AT Ingénierie et la SARL Ecci.
Compte tenu de l’intervention de la SAS AT Ingénierie, chargée de la maîtrise d’oeuvre et des calculs, dont elle connaissait l’intervention, la SAS Grandou-Certain pouvait penser que les travaux qui lui étaient commandés directement par la SAS Société Lotoise d’Evaporation étaient conformes aux règles de l’art, à la nature du sol et en adéquation avec l’injection de résine effectuée en 2008.
Uniquement chargée d’exécuter les fondations conformément à la commande qui lui a été passée par la SAS Société Lotoise d’Evaporation conformément aux plans qui lui ont été adressés, elle ne pouvait pas savoir qu’il existait dans ces travaux un problème de transfert de charge.
Dès lors, elle n’était pas en mesure d’attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur ce problème et ne peut se voir reprocher aucun manquement.
Telle est la conclusion de l’expert judiciaire qui a expliqué ‘l’entreprise Grandou-Certain n’a pas engagé sa responsabilité dans la conception de la fondation de la mezzanine et n’a pas été consultée à ce sujet ; elle n’a eu qu’un rôle d’exécutant’.
Elle devra par conséquent être relevée indemne de son obligation envers le maître de l’ouvrage par les parties fautives, ainsi que par son assureur de responsabilité décennale, la SA Axa France IARD.
14) Sur la responsabilité de la SAS Socotec Construction :
L’ancien article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation, applicable au chantier en litige, dispose :
‘Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages.
Il intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d’ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l’ouvrage et la sécurité des personnes.
L’ancien article L. 111-24 du même code dispose :
‘Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l’ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l’article L. 2270 du même code reproduit à l’article L. 111-20.
Le contrôleur technique n’est tenu vis à vis des constructeurs à supporter la réparation des dommages qu’à concurrence de la part de responsabilité susceptible d’être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître de l’ouvrage.’
L’ancien article R. 111-40 du même code dispose :
‘Au cours de la phase de conception, le contrôleur technique procède à l’examen critique de l’ensemble des dispositions techniques du projet.
Pendant la période d’exécution des travaux, il s’assure notamment que les vérifications techniques qui incombent à chacun des constructeurs énumérés à l’article 1792-1-1° du code civil s’effectuent de manière satisfaisante.’
Enfin, l’article 4.1.7. de la norme NF 03-100 dispose :
‘Le contrôleur technique ne peut en aucun cas se substituer aux différents constructeurs qui procèdent, chacun pour ce qui le concerne, à l’élaboration des documents techniques, des calculs justificatifs, à la direction, l’exécution, la surveillance et la réception des travaux.’
Il résulte de ces textes que la responsabilité du contrôleur technique ne peut être recherchée que par rapport à la mission qui lui est confiée et qu’il n’est pas tenu d’une obligation générale de conseil et d’information à l’égard du maître de l’ouvrage.
En l’espèce, en premier lieu, la SAS Socotec Construction n’est intervenue qu’en 2008 après le choix de la solution réparatoire proposée par la SAS Uretek France, et même après passation des marchés et le début des travaux d’injection.
L’expert judiciaire a confirmé que ‘la Socotec n’a pas été missionnée pour donner son avis sur le procédé de réparation arrêté bien avant la proposition de convention datée du 31 juillet 2008 et transmise à Solev le 1er août 2008″.
Par conséquent, aucun reproche ne peut être formé à son encontre au titre du choix de la solution réparatoire.
En deuxième lieu, elle s’est vue confier les missions suivantes :
‘Mission L :
Mission relative à la solidité des ouvrages et éléments d’équipement indissociables telle que définie dans les conditions spéciales CS-L100-2-D4 ci-jointes.
Mission LE :
Mission relative à la solidité des existants telle que définie dans les conditions spéciales CS-LE100-8-00 ci-jointes.
Particularité des missions : les missions ne portent que sur le procédé de renforcement du dallage, par injection.’
Pour exercer cette mission, elle s’est vue remettre le rapport de la SAS Fugro Géotechnique, le rapport d’expertise définitif établi par le cabinet Polyexpert et la proposition technique et financière établie par la SAS Uretek France.
Elle pouvait d’autant moins remettre en cause la solution réparatoire choisie qu’elle n’avait été destinataire ni de l’étude initiale du sol effectuée en février 2000, ni du courriel envoyé le 19 mai 2008 par la SAS Fugro Géotechnique au cabinet Polyexpert, de sorte qu’elle pouvait penser que l’injection de résine était de nature à mettre un terme au désordre.
En troisième lieu, l’expert judiciaire a indiqué que la SAS Socotec Construction aurait dû relever la modification du maillage effectuée par la SAS Uretek France au cours des travaux.
Mais, comme le fait remarquer la SAS Socotec, son contrôle technique s’exerçait à partir du ‘cahier des charges, procédé Uretek, redressement et confortement des dalles en béton non porteuses ; enquête Socotec n° AX 6510″ qui constitue le ‘document technique de conception et définissant les ouvrages’ conformément à l’article 3.4 de la norme NF 03-100.
Or ce document ne précise pas la taille du maillage.
Elle ajoute, sans être contredite par des éléments techniques, que ‘le maillage est l’un des paramètres laissés à l’appréciation de l’injecteur’, étant précisé que dans les explications sur sa proposition, la SAS Uretek France avait expliqué qu’elle était susceptible de modifier sa technique au cours des travaux selon ce qui serait découvert.
Dès lors, il ne peut être reproché à la SAS Socotec Construction de ne pas avoir relevé cette modification, dont la vérification relevait de la maîtrise d’oeuvre.
En quatrième lieu, les ‘avis en phase de réalisation des travaux’ établis par la SAS Socotec Construction n’ont appelé aucune observation de la part de l’expert, indépendamment du fait qu’ils ne prennent pas en compte le maillage du dallage comme expliqué au paragraphe précédent.
Il a, au contraire, validé les réserves qu’ils contenaient, appelés ‘avis suspendus’.
Dans son rapport final, daté du 27 novembre 2008, que n’a pas attendu le maître de l’ouvrage pour réceptionner néanmoins sans réserve les travaux, la SAS Socotec Construction a noté que ses fiches d’avis des 11 août, 14 août et 22 août n’avaient pas été suivis d’effet ; que le relevage du dallage avait été interrompu afin d’éviter des déformations trop importantes dans la cabine de peinture, et qu’il était indispensable de procéder à une ‘inspection visant à s’assurer de l’absence de fuites dans les réseaux d’eau pluviales situés en proche périphérie du dallage’, conclusions qui n’ont généré aucune remarque particulière de l’expert judiciaire.
En cinquième lieu et enfin, il ne résulte pas de l’expertise que la mise en place d’un maillage avec points d’injections espacés de 1,50 m au lieu de 1 m a contribué au désordre, étant rappelé que c’est la profondeur des injections qui est en cause et le choix même du procédé réparatoire.
Par conséquent, la responsabilité du contrôleur technique ne peut être recherchée ni au titre de la garantie décennale ni au titre de fautes commises.
Le jugement qui a rejeté les demandes présentées à l’encontre de cette société, et de son assureur la SA Axa France IARD, doit être confirmé.
15) Sur la responsabilité de la SARL Ecci :
En premier lieu, cette société est intervenue lors de la construction de la mezzanine dans le cadre d’un contrat lui confiant la maîtrise d’oeuvre, pour la partie charpente, de définition des principes constructifs de fondations et de structures, ainsi que leurs dimensionnements indicatifs de l’avant-projet définitif.
Elle était ainsi chargée de calculer les descentes de charges de la partie charpente.
Ayant participé à la construction de l’ouvrage qui a aggravé le désordre, elle est débitrice de la garantie décennale envers la SAS Société Lotoise d’Evaporation et doit être condamnée in solidum avec les autres parties tenues à garantie décennale et intervenants ayant commis des fautes.
Le jugement doit être infirmé sur ce point.
En second lieu, s’agissant des fautes commises par cette société, l’expert judiciaire a expliqué qu’ayant connaissance de la présence d’un sol ayant fait l’objet d’injections de résine et ayant de la résistance, elle a manqué de vigilance et aurait dû émettre des réserves sur l’aggravation des charges qui résultait de la construction de la mezzanine, c’est à dire réclamer la réalisation d’analyses plus complètes.
Compte tenu qu’elle était chargée d’une mission de maîtrise d’oeuvre, elle ne peut prétendre s’être limitée à des travaux d’exécution.
Cette carence caractérise sa faute.
En conséquence, elle sera condamnée in solidum, avec son assureur la SMABTP, au paiement des indemnités dues au maître de l’ouvrage.
16) Sur la responsabilité de la SAS Société Lotoise d’Evaporation :
Une part de responsabilité peut être laissée au maître de l’ouvrage lorsque sa faute a constitué une cause d’aggravation des désordres ayant concouru pour partie à la réalisation du préjudice.
En l’espèce, en premier lieu, aucune faute n’est caractérisée à l’encontre du maître de l’ouvrage pour le choix de la solution réparatoire et pour la décision d’avoir fait construire une mezzanine, pour laquelle elle avait missionné la SAS AT Ingénierie afin d’en être maître d’oeuvre et de procéder aux calculs de charge.
Toutefois, en second lieu, avant la réalisation des travaux d’injection, la SAS Société Lotoise d’Evaporation avait été informée par la SAS Uretek France de la nécessité d’assurer la stabilité hydrique des sols et, par conséquent, de canaliser et récupérer les eaux de ruissellement.
Des fuites dans le réseau d’eaux pluviales avaient été détectées.
Dans son rapport final rappelé supra, la SAS Socotec Construction avait rappelé la nécessité de contrôler les réseaux.
La SARL PHI est intervenue sur les lieux début décembre 2008 afin de procéder à ‘un repérage avec localisation des réseaux EP’ et ‘une inspection vidéo du réseau EP’ et a établi un rapport mentionnant tout un ensemble d’anomalies sur le réseau, comme par exemple l’existence de canalisations bouchées et la possibilité pour l’eau de ‘passer et remonter sous le bâtiment’.
La SAS Société Lotoise d’Evaporation a signalé à l’assureur dommages-ouvrage, par lettre du 4 décembre 2008, qu’il ‘existait des zones de fuites’.
La SARL PHI est à nouveau intervenue en février 2009 à la demande du maître de l’ouvrage et a détecté des ‘problèmes sur les réseaux EP’, comme par exemple des raccordements non étanches, un fond de canalisation fissuré et cassé sur plusieurs mètres, des liaisons, un regard et des canalisations non étanches, des eaux dirigées vers un caniveau au lieu d’être évacuées en aval.
Elle a alors conclu à l’existence de réseaux d’évacuation d’eaux pluviales bouchés et non étanches.
En 2017, le laboratoire Turcato a mis en évidence l’absence d’étanchéité entre un regard et une conduite, générant des fuites d’un litre par minute.
L’expert judiciaire a expliqué que la SAS Société Lotoise d’Evaporation ‘savait que la gestion du site après réparation exigeait le respect des conditions explicitées dans les conditions générales Uretek, pièce annexée au devis Uretek, à savoir la stabilité hydrique des lieux, l’absence de modification de la destination du bâtiment ; cependant la société Solev a laissé perdurer sans réparation et pendant deux ans des défauts d’étanchéité malgré les désordres de tassement’.
Il a indiqué, en réponse à un dire, s’agissant de la stabilité hydrique ‘Solec aurait dû y pourvoir ; Solev a différé la réparation des réseaux fuyards malgré un passage caméra explicite effectué par PHI’.
La SAS Société Lotoise d’Evaporation a ainsi, par sa carence sur ce point, participé à l’aggravation du désordre, et ne peut reporter sur la SAS Uretek France l’absence d’intervention sur les réseaux alors qu’il lui appartenait de procéder elle-même aux réparations et dont elle avait connaissance du caractère indispensable.
Compte tenu de la gravité de cette carence et de sa causalité avec le désordre, une part de responsabilité de 20 % sera laissée à la charge de la SAS Société Lotoise d’Evaporation.
Il lui sera ainsi alloué :
– 2 186 791 – 20 % = 1 749 432,80 Euros avec intérêts au taux légal à compter du
8 janvier 2018 au titre du préjudice matériel,
– 20 320,51 – 20 % = 16 256,41 Euros avec intérêts au taux légal à compter du
8 janvier 2018 en indemnisation des frais exposés à titre conservatoire, constituant également un préjudice matériel,
– 963 209 – 20 % = 770 567,20 Euros avec intérêts au taux légal à compter du
8 janvier 2018 au titre du préjudice immatériel.
17) Sur la contribution à la dette :
Compte tenu des fautes commises, décrites aux paragraphes précédents, et de leurs causalités, la contribution à la dette sera ainsi répartie (étant précisé que ces pourcentages se calculent sur la totalité des postes de préjudices avant imputation de la part de responsabilité laissée à la charge du maître de l’ouvrage) :
– SAS Uretek : 55 % calculés sur 2 186 791 Euros ; 963 209 Euros et 20 320,51 Euros,
– SAS AT Ingénierie : 20 % calculés sur 2 186 791 Euros ; 963 209 Euros et 20 320,51 Euros
– SARL Ecci : 5 % calculés sur 2 186 791 Euros ; 963 209 Euros et 20 320,51 Euros.
Ce qui représente, après imputation de la part de responsabilité laissée à la charge du maître de l’ouvrage :
– SAS Uretek : 68,75 %,
– SAS AT Ingénierie : 25 %,
– SARL Ecci : 6,25 %.
18) Sur les demandes présentées à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage :
a : par la SAS Société Lotoise d’Evaporation :
Selon l’article L. 242-1 du code des assurances, la mise en oeuvre des garanties de l’assurance dommages-ouvrage obligatoire impose à l’assuré de procéder à une déclaration de sinistre en suite de laquelle l’assureur a l’obligation de désigner un expert.
L’assureur dispose alors d’un délai de 60 jours à compter de la déclaration de sinistre pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la garantie des garanties prévues au contrat.
Le non-respect de cette procédure a pour effet d’interdire à l’assuré d’exercer une action à l’encontre de l’assureur.
Cette procédure s’impose tant pour l’apparition de désordres initiaux que pour l’apparition de nouveaux désordres après réparation prise en charge par l’assureur dommages-ouvrage (Civ3 14 mars 2012 n° 11-10961).
Il s’ensuit en l’espèce que, dès lors que la SAS Société Lotoise d’Evaporation n’a pas procédé à une déclaration de sinistre auprès de la SA Axa Corporate Solutions, au titre de l’assurance dommages-ouvrage, pour la réapparition du désordre après les travaux d’injection de résine réalisés en 2008, son action contre cet assureur doit être déclarée irrecevable.
Le jugement qui a prononcé une mise hors de cause doit être réformé.
b : par les constructeurs et leurs assureurs :
L’assurance dommages-ouvrage, qui constitue une assurance de chose, ne bénéficie qu’au maître de l’ouvrage.
Les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité auxquels incombe la charge finale de la réparation du désordre relevant de l’article 1792 du code civil ne peuvent pas se prévaloir de l’obligation de résultat à laquelle est tenu l’assureur dommages-ouvrage.
Il s’ensuit en l’espèce que les demandes présentées par la SAS Uretek France, la compagnie QBE Europe SA/NV, la SA MMA IARD, la société d’assurance mutuelle, MMA IARD Assurances Mutuelles, la SARL Etudes conceptions Industrielles et la SMABTP en qualité d’assureur de cette dernière à l’encontre de la société XL Insurance Company SE doivent être rejetées.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
19) Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
En premier lieu, l’équité nécessite de condamner, en cause d’appel, la SA Axa France IARD, es-qualité d’assureur de la SAS Uretek France, à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile :
– à la SAS Société Lotoise d’Evaporation : 40 000 Euros,
– à la SA Acte IARD : 4 000 Euros,
– à la SAS Fugro France : 6 000 Euros,
– à la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 28] et la SAS Lloyd’s Insurance Company (représentée par la SAS Lloyd’s France) : 4 000 Euros,
– à la compagnie Zurich Insurance : 3 000 Euros.
En second lieu, la SAS Société Lotoise d’Evaporation sera condamnée à payer à la SARL Grandou Certain la somme de 4 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, étant précisé que cette société étant tenue à garantie décennale, l’action intentée à son encontre par la SAS Société Lotoise d’Evaporation ne peut être qualifiée d’abusive de sorte que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– DÉCLARE les conclusions notifiées le 23 mai 2023 par la société de droit irlandais XL Insurance Company SE irrecevables ;
– DÉCLARE les demandes présentées par la SAS Socotec Construction, la SA Socotec France, la SARL Socotec Développement, et la SA Axa France IARD, es-qualité d’assureur de la SAS Socotec Construction, à l’encontre de DPSM et HDI Global irrecevables ;
– DÉCLARE les demandes présentées à l’encontre de la SAS AT Ingénierie prise en la personne de [X] [Z] irrecevables ;
– INFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :
– reçu partiellement la société Solev en sa demande de responsabilité et dit que la responsabilité décennale et contractuelle est engagée pour les sociétés Uretek, Ecci, et déboutée à ce titre pour les sociétés Socotec et Fugro,
– débouté la SAS Société Lotoise d’Evaporation de sa demande de responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de la société Fugro France,
– prononcé la responsabilité de la SAS Société Lotoise d’Evaporation à hauteur de 20 %,
– mis hors de cause les sociétés suivantes : Les Souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 28], la SA Socotec France, la SA Socotec Développement, la SMABTP en sa qualité d’assureur de la SAS Fugro France, la société QBE Insurance Europe Limited, la SA Lloyd’s Insurance Company représentée par la SAS Lloyd’s France, la SA Acte IARD, la SA SMA, la compagnie Zurich Insurance,
– débouté la société Solev de sa demande de paiement de 5 885 265 Euros HT et de sa demande de remboursement des dépenses d’expertise,
– débouté la société Ecci de sa demande au titre de son action récursoire envers la société DPSM,
– déclaré la société Sani-Centre recevable en sa demande, l’a dite non fondée et l’a déboutée,
– condamné la société Uretek à payer à la société Solev la somme de 12 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société Solev du surplus de sa demande à ce titre,
– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
– CONDAMNE in solidum la SAS Uretek France, la compagnie QBE Europe NV SA, la SA Axa France IARD au titre du contrat d’assurance de responsabilité décennale couvrant la SAS Uretek France, la SA MMA IARD et la société d’assurance mutuelle MMA IARD Assurances Mutuelles au titre du contrat couvrant la responsabilité décennale de la SAS AT Ingénierie, la SARL Grandou-Certain, la SA Axa France IARD au titre du contrat d’assurance couvrant la SARL Grandou-Certain, la SARL Etudes Conceptions Constructions Industrielles, la SMABTP au titre du contrat d’assurance couvrant la SARL Etudes Conceptions Constructions Industrielles, à payer à la SAS Société Lotoise d’Evaporation les sommes suivantes :
1) 1 749 432,80 Euros avec intérêts au taux légal à compter du
8 janvier 2018 en indemnisation du préjudice matériel,
2) 770 567,20 Euros avec intérêts au taux légal à compter du
8 janvier 2018 en indemnisation du préjudice immatériel,
3) 16 256,41 Euros avec intérêts au taux légal à compter du
8 janvier 2018 en indemnisation des frais exposés à titre conservatoire, constitutifs d’un préjudice matériel,
– DIT toutefois que la condamnation de la SA Axa France IARD au titre du contrat d’assurance de responsabilité décennale couvrant la SAS Uretek France est limitée aux sommes mentionnées au 1) et 3) ci-dessus ;
– DIT que la condamnation de la compagnie QBE Europe NV SA au titre du contrat d’assurance responsabilité civile couvrant la SAS Uretek France est limitée à la somme mentionnée au 2) ci-dessus ;
– FIXE ainsi la contribution à ces dettes :
1) SAS Uretek et ses assureurs QBE Europe NV SA et Axa France IARD : 68,75 % (pour ces compagnies dans la limite des montants ci-dessus),
2) SA MMA IARD et société mutuelle d’assurances MMA IARD Assurances Mutuelles (au titre du contrat couvrant la SAS AT Ingénierie) : 25 %,
3) SARL Ecci et son assureur la SMABTP : 6,25 %,
– DIT que la SARL Grandou-Certain et son assureur la SA Axa France IARD, au titre du contrat couvrant cette société, ne supportent aucune contribution à la dette ;
– DIT que la SA Axa France IARD, au titre du contrat d’assurance couvrant la SARL Grandou-Certain, doit relever cette dernière indemne de l’ensemble des condamnations mises à sa charge par la présente décision ;
– DIT que la SA Axa France IARD, au titre du contrat d’assurance couvrant la SAS Uretek France, doit relever cette dernière indemne de l’ensemble des condamnations mises à sa charge par la présente décision dans la limite de
1 749 432,80 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2018 ;
– DIT que la compagnie QBE Europe NV SA peut opposer à toute partie une franchise de 7 500 Euros pour les préjudices immatériels ;
– DIT que la SA Axa France IARD, au titre du contrat de responsabilité décennale souscrit auprès d’elle par la SAS Uretek France, peut opposer à celle-ci son plafond de garantie et sa franchise ;
– DÉCLARE l’action intentée par la SAS Société Lotoise d’Evaporation à l’encontre de la société XL Insurance Company SE, au titre du contrat d’assurance dommages-ouvrage souscrit auprès de la SA Corporate Solutions, irrecevable ;
– REJETTE les demandes présentées par la SAS Uretek France, la compagnie QBE Europe NV SA, la SA MMA IARD, la société d’assurance mutuelle, MMA IARD Assurances Mutuelles, la SARL Etudes conceptions Industrielles et la SMABTP en qualité d’assureur de cette dernière, à l’encontre de la société XL Insurance Company SE, au titre du contrat d’assurance dommages-ouvrage souscrit auprès de la SA Corporate Solutions ;
– Y ajoutant,
– CONDAMNE la SA Axa France IARD, es-qualité d’assureur de la SAS Uretek France, à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel :
1) à la SAS Société Lotoise d’Evaporation : 40 000 Euros,
2) à la SA Acte IARD : 4 000 Euros,
3) à la SAS Fugro France : 6 000 Euros,
4) à la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd’s de [Localité 28] et à la SAS Lloyd’s Insurance Company (représentée par la SAS Lloyd’s France), au total :
4 000 Euros,
5) à la compagnie Zurich Insurance : 3 000 Euros,
– CONDAMNE la SAS Société Lotoise d’Evaporation à payer à la SARL Grandou-Certain la somme de 4 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DIT n’y avoir lieu, en cause d’appel, à l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’autres parties ;
– REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL Grandou Certain à l’encontre de la SAS Société Lotoise d’Evaporation ;
– CONDAMNE la SA Axa France IARD, es-qualité d’assureur de la SAS Uretek France d’une part, et la SAS Uretek France et la compagnie QBE Europe NV SA d’autre part, aux dépens de première instance et d’appel, dans la proportion de moitié chacune, qui incluront le coût de l’expertise réalisée par M. [U], et qui pourront être recouvrés par Me Llamas, Me Vimont, Me Calonne, la Selarl Valay-Belacel-Delbrel-Cerdan et la Selarl Guy Narran pour ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT