Décision du 26 octobre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00280

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N° RG 22/00280 – N° Portalis DBV2-V-B7G-I7SD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 26 OCTOBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 29 Décembre 2021

APPELANTE :

S.A.S.U. CONNECTEURS ELECTRIQUES DEUTSCH

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Florian BIJOK, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [A] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO NOEL OHANIAN, avocat au barreau d’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Septembre 2023 sans opposition des parties devant Madame ROYAL, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère, rédactrice

Madame ROYAL, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 05 septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 26 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

Exposé du litige

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [A] [B] a été engagé par la société Connecteurs électriques deutsch en qualité d’agent d’expédition le 28 février 2014 avec une ancienneté au 28 novembre 2013.

Il a été licencié pour faute grave le 23 septembre 2020 dans les termes suivants :

‘(…) Vous avez été embauché en contrat à durée indéterminée en date du 28 février 2014 en qualité d’agent d’expédition, et vous occupez toujours ces fonctions à ce jour.

Le 9 septembre 2020, M. [F] a informé sa hiérarchie de faits inacceptables vous concernant portant atteinte à sa personne. En effet, M. [F] a indiqué que vous aviez eu une attitude menaçante et intimidante à son égard et des propos inacceptables à son endroit.

En effet, plus tôt dans la journée du 9 septembre 2020, M. [F] en sa qualité de responsable avait dû intervenir alors que vous aviez une altercation avec l’un de vos collègues, M. [J]. Vous aviez en effet décidé d’imprimer les picking-list (listes indiquant aux agents d’expédition les produits à aller chercher dans le magasin pour préparation), ces missions incombent à M. [J] en charge de distribuer le travail à l’équipe.

M. [J] vous a indiqué que vous n’aviez pas à le faire qu’il s’agissait de son travail, vous avez répondu avec véhémence que vous faisiez ce que vous vouliez, au point que M. [F] a dû intervenir, celui-ci a en effet craint au vu de la violence verbale que cette altercation ne dégénère. M. [F] a une première fois réussi à apaiser la situation et à canaliser cet incident inacceptable.

Vous avez indiqué que vous aviez par le passé déjà été amené à éditer des picking-lists ;

M. [F] a indiqué que cela avait été certes le cas mais dans des circonstances exceptionnelles liées à la crise Covid 19 et que depuis lors, vous n’aviez plus à le faire et qu’il était très clair que ces missions revenaient exclusivement à M. [J].

Vous avez réfuté avoir été informé de ce point. M. [F] s’est étonné lors de l’entretien du fait que vous disiez ne pas être au courant.

Plus grave et ce qui nous a placé dans l’obligation d’engager cette procédure assortie d’une mise à pied conservatoire, vous avez réitéré un comportement inacceptable à l’égard de votre supérieur hiérarchique M. [F]. En effet, le même jour, vous aviez émis une demande d’aménagement d’horaire pour pouvoir garder vos enfants le mercredi ; dès que nous le pouvons en effet, nous essayons d’arranger nos collaborateurs. Vous vous êtes présenté au bureau de M. [F] et avez exigé une réponse immédiate en refusant à plusieurs reprises de sortir de son bureau. M. [F] vous a expliqué qu’il n’était pas fermé à vous accorder le mercredi mais qu’il devait réfléchir plus avant à l’organisation à mettre en place avant de vous rendre réponse, et afin dans la mesure du possible de pouvoir accéder favorablement à votre demande.

Or, vous vous êtes montré menaçant et intimidant en exigeant une réponse immédiate et en tenant des propos inacceptables du type ‘t’as rien à faire’ ou ‘t’as craqué’, lorsque celui-ci vous a redemandé de sortir de son bureau car il avait du travail à finir… Vous avez alors adopté une posture impressionnante. Après deux demandes et malgré ses craintes, M. [F] s’est levé pour vous redemander de sortir, vous vous êtes rapproché de lui en l’intimidant physiquement et celui-ci se trouvant obstrué dans l’encoignure de la porte, au lieu de sortir de son bureau comme il vous l’avait demandé à plusieurs reprises, vous avez poursuivi en lui disant ‘tu fais le fier, tu bombes le torse’ tout en perdurant dans votre attitude physique menaçante et intimidante

Lors de l’entretien vous avez reconnu les propos tenus et indiqué ne pas avoir conscience d’avoir été menaçant, que vous pouviez certes être perçu comme froid et que vous étiez ‘costaud’, cela pouvait intimider. Vous avez réfuté la volonté de menacer M. [F], celui-ci a indiqué avoir eu très peur à plusieurs reprises lors de l’entretien et confirme qu’il continue à être fragilisé et que vous avez sciemment été menaçant de par votre attitude à son égard.

Au vu de la gravité des faits nous avons mené une investigation contradictoire en interne et il apparaît que cet écart de comportement n’est pas isolé et que d’autres salariés craignent de travailler avec vous. Ce comportement est inacceptable, chaque collaborateur doit venir travailler en toute sérénité sans craindre pour sa sécurité ou sans être soumis à une quelconque pression/intimidation. Cela relève de la garantie de notre obligation de sécurité à l’encontre de tous collaborateurs à qui nous devons garantir un environnement de travail sain et exempt de toute violence verbale ou de quelque nature que ce soit.

Les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien, qui a eu lieu le 18 septembre 2020 et lors duquel vous étiez assisté de M. [X] [E] (représentant du personnel) ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Le maintien de votre contrat s’avère donc impossible et nous amène à vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave. (…)’.

Par requête du 27 novembre 2020, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evreux en contestation du licenciement, ainsi qu’en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 29 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a :

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2 539,84 euros bruts et la moyenne mensuelle de rémunération à 2 272,31 euros bruts,

– dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Connecteurs électriques deutsch à payer à M. [B] les sommes suivantes:

rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 944,03 euros bruts

congés payés afférents : 99,40 euros bruts

indemnité compensatrice de préavis : 4 545,42 euros bruts

congés payés afférents : 454,54 euros bruts

indemnité légale de licenciement : 3 976,54 euros nets

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros

– débouté la société Connecteurs électriques deutsch de l’ensemble de ses demandes et M. [B] du surplus de ses demandes,

– rappelé que les décision du jugement étaient de droit exécutoires à titre provisoire au titre de l’article R. 1454-28 du code du travail,

– condamné la société Connecteurs électriques deutsch aux entiers dépens, y compris les frais et honoraires d’huissier en cas d’exécution forcée du jugement.

La société Connecteurs électriques deutsch a interjeté appel de cette décision le 21 janvier 2022.

Moyens

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé du licenciement

M. [B] explique qu’il exerçait ses fonctions au sein d’une branche du service expédition, comprenant deux équipes, composées chacune d’un chef d’équipe, d’un titulaire et de deux intérimaires, sachant qu’il était officieusement devenu chef d’une de ces équipes en juin 2019 quand M. [J] était le chef de l’autre équipe.

S’agissant plus particulièrement de l’altercation l’ayant opposée à M. [J], il indique avoir toujours édité les picking-list depuis son embauche et qu’il l’a donc également fait ce matin là, d’autant qu’il était arrivé avant M. [J] et qu’il ne pouvait débuter son travail sans cette édition préalable, aussi, considère-t-il n’avoir commis aucune faute en réalisant cette tâche, ce qui rendait M. [J], qui n’était pas son supérieur hiérarchique, illégitime à lui en faire grief, sachant que la preuve du caractère menaçant de son attitude ne saurait être rapportée par la seule attestation de ce dernier.

Par ailleurs, s’il reconnaît s’être rendu dans le bureau de M. [F], responsable du service expédition depuis janvier 2020, afin d’obtenir une réponse quant à sa demande de ne pas travailler les mercredis et d’avoir insisté, il conteste cependant tout manque de respect, insulte ou agression à l’égard de son supérieur hiérarchique qui a, pour sa part, adopté une attitude peu professionnelle, en refusant de lui apporter une réponse alors même qu’il résulte des pièces du dossier qu’il avait reçu l’aval des ressources humaines la veille et en se montrant particulièrement méprisant et virulent à son égard pour lui refuser cette réponse, étant noté que c’est lui qui s’est levé pour venir à sa rencontre, ce qui démontre qu’il n’était pas apeuré, sans que les diverses attestations produites n’apportent rien aux débats dès lors qu’aucun de leur auteur n’a été témoin des faits et qu’elles ont pour seul objet d’établir un profil de personnalité et de conclure qu’il aurait une attitude globale intimidante.

En réponse, la société Connecteurs électriques deutsch soutient que M. [B] a adopté une attitude menaçante envers un collègue alors même qu’il effectuait une tâche qui ne relevait pas de ses compétences, ce qui a nécessité l’intervention de M. [F], attitude qu’il a réitéré l’après-midi dans le bureau de ce dernier en exigeant une réponse à une demande tendant à ne pas travailler les mercredis, pourtant formulée la veille et en dehors des délais fixés pour y prétendre.

A cet égard, contrairement à ce que prétend M. [B], elle relève qu’il n’est nullement établi que M. [F] aurait été méprisant à son égard puisqu’au contraire, il avait, dès le dépôt de cette requête, sollicité les ressources humaines et lui avait indiqué qu’il réservait la réponse pour réfléchir à l’organisation du service, ce qui n’a pas empêché M. [B] de refuser de sortir malgré les demandes faites en ce sens, et ce, en répondant à M. [F] de manière inappropriée et en adoptant une attitude menaçante, sachant que l’enquête menée suite à ces faits a permis de mettre en lumière le caractère coutumier de ce type de comportement malgré le rappel à l’ordre formel qui lui avait déjà été délivré.

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve.

A titre liminaire, et pour mieux comprendre le contexte, il y a lieu de préciser qu’il ressort d’une note d’information de la responsable des ressources humaines du 30 juin 2020 que la société offrait à ses salariés de permuter le vendredi après-midi et le mercredi après-midi, sous réserve de l’accord du responsable de service, avec cette précision qu’en ce cas, le salarié devait être présent a minima 7h30 par jour les lundis, mardis, jeudis et vendredis et 4h les mercredis, et que le recensement des salariés intéressés s’effectuerait jusqu’au 10 juillet 2020.

Il est par ailleurs produit la demande présentée par M. [B] à M. [F] pour bénéficier de ce dispositif le mardi 8 septembre 2020 à 15h50, ainsi que la relance de M. [F] dès 15h57 à M. [N] pour avoir connaissance d’un éventuel retour des ressources humaines et enfin, la réponse positive apportée par ce service à 16h21 sous réserve de l’accord de M. [F].

Enfin, il convient d’ores et déjà d’indiquer que s’il existe des inexactitudes sur les dates visées dans les attestations de MM. [U] et [F], en ce compris l’attestation de ce dernier censée compléter la première dans laquelle les dates avaient été laissées en blanc, pour autant, cet élément ne permet pas d’écarter leur force probante dans la mesure où il résulte suffisamment du compte-rendu d’entretien préalable à licenciement signé de M. [B] et de son conseiller que si l’appréciation sur le déroulé des faits est divergente, il n’existe aucune difficulté sur leur date, à savoir le 9 septembre 2020, dans la matinée pour les premiers faits, puis vers 17h30 pour les seconds.

Au-delà de ces précisions, la société Connecteurs électriques deutsch, afin de justifier du bien-fondé du licenciement, produit les attestations de MM. [U] et [F], directement concernés par les deux altercations visées dans la lettre de licenciement, mais aussi l’attestation de M. [G], superviseur supply chain ayant reçu M. [F] dans son bureau suite aux faits ayant opposé ce dernier à M. [B], et celle de M. [R] qui relate le comportement plus général adopté par M. [B].

Ainsi, après avoir fait état de l’altercation verbale du matin qu’il qualifie de violente dans la mesure où il l’a entendue alors qu’il était à 10m de celle-ci, M. [F] atteste que vers 17h30, M. [B] lui a demandé s’ils pouvaient se rendre au service ressources humaines, que face à sa réponse négative, il est alors venu dans son bureau en insistant et en le toisant de haut alors que lui-même était assis, que ressentant de l’intimidation, il lui a demandé de sortir de son bureau, que face à M. [B] qui continuait à vouloir échanger malgré sa demande, il lui a rappelé qu’il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait et qu’il ne pouvait pas encore lui donner de réponse car il devait analyser la demande, ce qu’a contesté M. [B] en lui disant qu’il devait lui donner réponse immédiatement.

Il précise qu’il lui a redemandé de se conformer à sa demande de sortir du bureau, que M. [B] l’a alors regardé avec un regard pénétrant en lui disant ‘t’as craqué toi’, qu’au vu de son attitude, il s’est levé et a voulu le raccompagner à la sortie du bureau, qu’ils se sont donc retrouvés à proximité et que M. [B] lui a fait un nouveau regard menaçant en lui disant ‘toi tu fais le fier, tu bombes le torse’, qu’il s’est senti harcelé et intimidé durant cet événement.

Le ressenti de M. [F] est confirmé par M. [G] qui explique avoir reçu un message de celui-ci le 9 septembre 2020 à 17h36 lui demandant s’il était disponible, qu’au regard de sa réponse positive, il est arrivé dans son bureau, en état de choc, ses yeux brillant comme s’il allait pleurer, précisant que c’était la première fois qu’il le voyait dans un tel état de stress, cela ne lui ressemblant pas. Il précise que M. [F] lui a expliqué qu’il venait d’avoir une altercation avec M. [B], qu’il s’était senti en danger par son attitude intimidante et qu’il avait eu le sentiment que cette altercation aurait pu dégénérer, qu’au vu de ces faits, il a immédiatement contacté Mme [Z] qui a reçu M. [F] dans son bureau vers 17h50.

Au-delà de ce ressenti qui n’est objectivé par aucun fait d’insulte ou de menace verbale, il est néanmoins produit deux autres attestations qui, si elles ne concernent pas directement les faits dénoncés par M. [F], tendent à corroborer le fait que M. [B] pouvait adopter des attitudes vécues comme intimidantes par ses collègues.

Ainsi, M. [R], agent d’expédition, explique qu’il était impossible de faire la moindre remarque à M. [B] sans qu’il ne s’énerve, qu’il a également assisté à un de ses accès de colère au cours duquel il a insulté M. [J], chef d’équipe, de ‘petite pute’, que suite à son manque de travail et son caractère agressif, l’ambiance au travail s’était dégradée et qu’il était devenu pesant et très difficile psychologiquement de travailler avec lui.

M. [J], quant à lui, indique, qu’en tant que responsable direct, il a vu M. [B] refuser des demandes de sa part, lui disant qu’il faisait ce qu’il voulait, lui imposant de l’accompagner à l’extérieur afin qu’il lui fournisse des explications sur les demandes qui ne lui plaisaient pas, ce qu’il ressentait comme de l’intimidation, qu’il a été témoin de face à face à la limite de la violence avec des intérimaires ou alternants qui refusaient, soit d’aller lui chercher de l’eau, soit de ranger des bacs qu’il avait laissés sur le convoyeur. Enfin, il précise qu’un matin, M. [B], qui avait commis une erreur la veille, a refusé de le saluer puis l’a traité de ‘pute’, estimant qu’il aurait dû réparer ladite erreur.

S’agissant plus particulièrement des faits visés dans la lettre de licenciement, il explique qu’ayant constaté que M. [B] sortait les feuilles servant à planifier la journée, il lui a demandé d’arrêter, que M. [B] lui a alors demandé de manière agressive pourquoi il ne voulait pas qu’il fasse ça, que face à sa réponse, à savoir que c’était son travail et que ça polluait le fonctionnement, il lui a répondu qu’il faisait ce qu’il voulait ici et que ce n’était pas lui qui allait l’en empêcher, que la discussion étant de plus en plus forte, leur responsable est venu et a dit à M. [B] de se conformer à ce qui venait de lui être dit, qu’il a alors répété qu’il faisait ce qu’il voulait et ce, de manière plutôt menaçante et irrespectueuse, qu’ils sont alors partis, lui semble-t-il, aux ressources humaines pour solutionner ce nouveau coup d’éclat.

Au vu de ces éléments, et s’il est certain que les propos tenus à M. [F] par M. [B] ne sont ni injurieux, ni insultants et qu’il n’est fait état d’aucune menace verbale, il ne peut cependant être considéré que le ressenti évoqué par M. [F] serait purement subjectif et infondé dès lors qu’il résulte tant de l’attestation de M. [J] que de M. [R] que cette attitude intimidante était coutumière.

A cet égard, déjà le 12 décembre 2018, si aucune sanction n’avait été prise au regard des torts partagés qu’avait retenus la direction, il avait néanmoins été rappelé à M. [B] qu’un de ses collègues se plaignait d’une attitude intimidante à son encontre et il lui avait été indiqué que si de tels faits devaient se reproduire, des sanctions seraient prises.

Aussi, et s’il est exact que le seul refus de M. [B] de quitter le bureau de son supérieur hiérarchique malgré la demande qui lui en était faite n’était pas de nature à justifier un licenciement, au contraire, au regard des développements précédents qui permettent de retenir que ce refus s’est accompagné d’une posture de nature à intimider M. [F], il convient de dire que ces faits justifiaient un licenciement, d’autant que M. [B] avait déjà été alerté sur la nécessité de modifier son attitude.

A cet égard, le refus de M. [F] d’apporter à M. [B] une réponse immédiate à sa demande d’aménagement de son temps de travail ne modifie pas cette analyse dès lors qu’au-delà du positionnement favorable du service des ressources humaines, il appartenait à M. [F], avisé la veille de cette demande faite hors délai, de se prononcer en fonction des nécessités du service, étant au surplus relevé que l’exigence d’une telle réponse est intervenue alors que le matin-même M. [B] s’était montré virulent à l’égard d’un collègue au point que M. [F] souhaite qu’il rencontre le service des ressources humaines.

Néanmoins, et alors que M. [B] n’avait jamais fait l’objet d’aucune sanction formelle préalablement à ces faits et qu’il ressort du compte-rendu d’entretien préalable à licenciement que s’il ne percevait pas le caractère intimidant de son attitude et ne la remettait donc pas en cause, il indiquait cependant être désolé d’avoir fait peur à M. [F], il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les sommes à accorder, s’il est exact que le montant du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de l’indemnité compensatrice de préavis doit prendre en compte le salaire que M. [B] aurait perçu s’il avait travaillé, pour autant, ce montant ne correspond pas nécessairement au salaire de base, mais aux différentes rémunérations composant son salaire et habituellement perçues chaque mois, à l’exception des rémunérations exceptionnelles, soit en l’espèce, le salaire de base, la prime d’équipe jour, la pause repas et la prime d’ancienneté, ce qui correspond à un salaire de 2 168,77 euros.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de condamner la société Connecteurs électriques deutsch à payer à M. [B] les sommes de 1 012,09 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 10 au 23 septembre 2020, 101,21 euros au titre des congés payés afférents, 4 337,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 433,75 euros au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, dès lors que la prime de pouvoir d’achat n’est pas la contrepartie du travail, pas plus que ne le sont les primes d’intéressement et de participation qui sont liés aux résultats de l’entreprise, il convient de les exclure du calcul de la moyenne des salaires devant être retenue pour le calcul de l’indemnité de licenciement.

Dès lors, la moyenne la plus favorable est celle des trois derniers mois, laquelle s’élève à 2 455,40 euros, aussi, l’indemnité de licenciement de M. [B] calculée sur la base d’une ancienneté de 6 ans et 11 mois en tenant compte des deux mois de préavis s’élève à 4 245,79 euros.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Connecteurs électriques deutsch aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de la somme allouée en première instance.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf sur les montants accordés au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents à ces deux sommes et indemnité légale de licenciement ;

L’infirme de ces chefs et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SASU Connecteurs électriques deutsch à payer à M. [A] [B] les sommes suivantes :

rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 1 012,09 euros

congés payés afférents : 101,21 euros

indemnité compensatrice de préavis : 4 337,54 euros

congés payés afférents : 433,75 euros

indemnité légale de licenciement : 4 245,79 euros

Y ajoutant,

Condamne la SASU Connecteurs électriques deutsch aux entiers dépens ;

Condamne la SASU Connecteurs électriques deutsch à payer à M. [A] [B] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SASU Connecteurs électriques deutsch de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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