Décision du 7 novembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03373

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C4

N° RG 21/03373

N° Portalis DBVM-V-B7F-K7UF

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACQUIS DE DROIT

la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 NOVEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00022)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 28 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 21 juillet 2021

APPELANT :

Monsieur [F] [M]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Eïtan CARTA-LAG de la SELARL ACQUIS DE DROIT, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Vanessa DIDIER, avocat plaidant inscrit au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

INTIMEE :

SASU MILEE, anciennement dénommée SAS ADREXO, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Sofia CAMERINO de la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Sophie ROBERT de la SCP CHABAS ET ASSOCIÉS, avocat plaidant inscrit au barreau de MARSEILLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 septembre 2023,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mmes Pauline BILLOTTET et Sophie CAPITAINE, Greffières stagiaires, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 07 novembre 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 07 novembre 2023.

Exposé du litige

Exposé du litige :

M. [F] [M] a été engagé à compter du 24 juin 2001 par la société par actions simplifiée (SAS) Adrexo, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Milee selon contrat de travail de distributeur.

Le 13 juin 2005, M. [F] [M] et la SAS Adrexo ont conclu un contrat de travail à temps partiel modulé qui a pris effet au 18 juillet 2005.

Le 28 octobre 2013, M. [F] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montélimar d’une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

Par jugement de départage du 31 mars 2016, le conseil de prud’hommes de Montélimar a requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [M] en contrat de travail à temps complet, et condamné la société Adrexo à verser des rappels de salaire à ce titre.

Par avenant au contrat de travail signé le 3 octobre 2016, les parties ont régularisé un contrat de travail à temps complet

Le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montélimar le 27 décembre 2018, aux fins d’obtenir la condamnation de la SAS Adrexo à lui payer un rappel de salaire pour la période de novembre 2015 à septembre 2016, outre des dommages et intérêts pour non-paiement du salaire dû en conséquence de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

Le 22 février 2019, M. [F] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montélimar, aux fins d’obtenir la condamnation de la SAS Adrexo à lui payer un rappel de salaire pour la période de novembre 2015 à septembre 2016, outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférents, ainsi que diverses autres indemnités.

Par ordonnance du 19 juillet 2019, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montélimar a déclaré la procédure irrecevable.

Par jugement du 28 juin 2013, le conseil de prud’hommes de Montélimar a :

– Condamné la SAS Adrexo à payer à M. [M] les sommes suivantes :

– 197,97 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 22 février 2016 au 29 février 2016,

– 19,79 euros brut à titre de congés payés afférents,

– 3 818,18 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mars 2016 à fin septembre 2016 soit six mois,

– 381,81 euros brut à titre de congés payés afférents,

– 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait des manquements de l’employeur et du non-respect de l’article R. 4228-23 du code du travail,

– 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile,

– Débouté M. [M] de toutes ses autres demandes,

– Débouté la SAS Adrexo de l’ensemble de ses demandes,

– Condamné la SAS Adrexo aux entiers dépens.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.

M. [F] [M] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 21 juillet 2021.

Par conclusions transmises par voie électronique le 16 juin 2023, M. [F] [M] demande à la cour d’appel de :

« Sur la demande de rappel de salaire du fait de la requalification à temps complet :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société à verser 197,97 euros brut sur la période allant du 23 au 29 février 2016, outre les congés payés afférents, et 3 818,18 euros brut du 1er mars au mois de septembre 2016, outre les congés payés afférents,

Réformer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire pour la période allant de novembre 2015 au 22 février 2016 inclus, considérant sa demande prescrite,

Statuant de nouveau sur le tout,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 2 949,22 euros brut, à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2015 au 22 février 2016,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 294,92 euros brut, au titre des congés payés afférents,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser les bulletins de salaire rectifiés afférents,

Sur les indemnités kilométriques :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande d’indemnité kilométrique inter-secteur,

Statuant de nouveau,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 4 338,11 euros à titre d’indemnité kilométrique inter-secteur, somme arrêtée au 24 avril 2023,

Sur les jours fériés travaillés :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de règlement des jours fériés travaillés,

Statuant de nouveau,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 608,46 euros brut, au titre des jours fériés travaillés et non rémunérés,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 60,84 euros brut au titre des congés payés afférents,

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a condamné la société à verser des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Toutefois, infirmer le jugement sur le quantum,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi de fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,

Sur la discrimination syndicale :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

Statuant de nouveau,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait d’une discrimination syndicale,

Sur la résiliation judiciaire du contrat :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

Statuant à nouveau,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de travail signé entre M. [M] et la SAS Adrexo,

Dire et juger que cette résiliation judiciaire doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamner la SAS Adrexo à lui verser :

3 703,42 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

370,34 euros au titre des congés payés afférents,

11 915,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

30 550 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre principal,

50 030,70 euros à titre d’indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur,

A titre subsidiaire,

18 334,59 euros à titre d’indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur,

Ordonner à la SAS Adrexo la remise entre les mains de M. [M] prise en son domicile de l’ensemble de ses documents de fin de contrat et de ses bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par type de document à compter du 8e jour suivant la notification de la décision à intervenir,

Se réserver le droit de liquider l’astreinte,

Ordonner la capitalisation des intérêts,

Condamner la SAS Adrexo aux dépens et éventuels frais d’exécution forcée de la décision à intervenir,

Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par décision à intervenir et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par le défendeur en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SAS Adrexo à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SAS Adrexo aux entiers dépens. »

Par conclusions transmises par voie électronique le 12 juin 2023, la SASU Milee demande à la cour d’appel de :

« Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a :

– Condamné la SAS Adrexo à payer à M. [M] les sommes suivantes :

– 197,97 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 22 février 2016 au 29 février 2016, outre 19,79 euros brut à titre de congés payés afférents,

– 3 818,18 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mars 2016 à septembre 2016, soit six mois,

– 381,81 euros brut à titre de congés payés afférents,

– 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait des manquements de l’employeur et du non-respect de l’article R. 4228-23 du code du travail,

– 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montélimar en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes suivantes :

– 3 335,38 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 333,54 euros au titre des congés payés afférents,

– 9 630,90 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 50 037,70 euros à titre d’indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur,

– 8 338,45 euros à titre d’indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur,

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– 10 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

– 1 606,69 euros d’indemnité kilométrique,

– 608,646 euros au titre de la majoration pour jours fériés et de 60,84 euros au titre de l’incidence congés payés,

Par conséquent,

A titre principal,

Débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

La condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

La condamner à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur qui ne pourra être supérieure à 18 344,59 euros,

La condamner à 3 818,18 euros brut au titre du rappel de salaire pour la période allant de mars 2016 à fin septembre 2016, soit six mois et 381,81 euros à titre de congés payés afférents. »

La clôture de l’instruction a été prononcée le 27 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 11 septembre 2023, a été mise en délibéré au 7 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de rappel de salaire pour la période de novembre 2015 à septembre 2016 :

Moyens

Motivation

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande en paiement de rappels de salaire pour la période de novembre 2015 au 22 février 2016 au motif de sa prescription, soulevée d’office par le conseil de prud’hommes en méconnaissance des dispositions susvisées de l’article 2247 du code civil.

La SASU Milee n’ayant formulé explicitement aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande devant la cour dans le dispositif de ses conclusions, la cour n’est saisie d’aucune fin de non-recevoir pour la période de novembre 2015 au 21 février 2016.

Dès lors, il doit être statué sur l’intégralité de la demande en paiement de rappels de salaire formulée par le salarié, soit sur la période allant de novembre 2015 à septembre 2016.

D’une seconde part, selon jugement de départage du 31 mars 2016, le conseil de prud’hommes de Montélimar a requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [M] en contrat de travail à temps complet, et condamné la SAS Adrexo à des rappels de salaire à ce titre pour la période de novembre 2008 à octobre 2015.

Il n’est ni soutenu ni démontré que ce jugement ne serait pas passé en force de chose jugée.

Compte tenu de la requalification du contrat de travail à temps partiel de M. [M] en contrat de travail à temps complet résultant de ce jugement, la société Milee n’est pas fondée à soutenir qu’elle était tenue de verser les rappels de salaire correspondant à un temps complet pour la seule période du décompte arrêté au mois d’octobre 2015 visé dans le jugement alors qu’il lui incombait de tirer les conséquences de la requalification du contrat pour la période postérieure.

Il ne peut davantage être soutenu par la SASU Milee que l’obligation de verser à M. [M] un salaire correspondant à un temps plein ne s’est imposée qu’à compter de la régularisation de l’avenant du 3 octobre 2016, le contrat étant définitivement jugé comme étant à temps complet.

Dès lors, et eu égard au fait que l’employeur ne présente aucune critique utile du calcul des sommes demandées par le salarié à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2015 au 21 février 2016, il y a lieu de condamner la SASU Milee à payer à M. [M] la somme de 2 949,22 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2015 au 21 février 2016, outre 294,92 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents, par infirmation du jugement entrepris de ce chef, et de confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a condamné la SASU Milee à payer à M. [M] les sommes suivantes :

197,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 22 février 2016 au 29 février 2016,

19,79 euros à titre de congés payés afférents,

3 818,18 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mars 2016 à fin septembre 2016,

381,81 euros à titre de congés payés afférents.

Il y a lieu également de condamner la SASU Milee à remettre à M. [M] un bulletin de salaire rectifié conforme à la présente décision.

Sur la demande au titre des frais de déplacement :

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que :

Il est de principe que les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur sa rémunération,

Il ressort des dispositions de la convention collective applicable, ainsi que des avenants attachés à celle-ci, que la rémunération des distributeurs comprend notamment le temps de déplacement dépôt / secteur dont le paiement se fait sur la base du secteur concerné,

La convention collective précise également que le distributeur doit être indemnisé pour les kilomètres aller dépôt / secteur + kilomètres inter-communes sur les secteurs ruraux,

Enfin, le salarié doit également être indemnisé pour les kilomètres parcourus avec son véhicule pour l’exécution de sa prestation à l’intérieur du secteur,

Jusqu’au mois de mai 2018, la SAS Adrexo lui réglait une indemnité correspondant à l’intégralité des kilomètres effectués,

Depuis le mois de juin 2018, M. [M] a constaté que l’employeur a modifié le classement de certains secteurs de « rural » à « suburbain », entraînant une rémunération moindre, et qu’il rémunérait un nombre de kilomètres inférieur au nombre de kilomètres réellement effectués, dès lors qu’il a cessé de prendre en compte les kilomètres effectués à l’intérieur d’un secteur,

Il produit des éléments probants au soutien de sa demande.

La SASU Milee fait valoir pour sa part que :

Le salarié ne verse aucun élément permettant de justifier que le tableau qu’elle produit est fondé et qu’elle aurait effectué un nombre de kilomètres supérieur à ceux qui lui ont été réglés,

Le salarié ne précise pas quels secteurs seraient mal classés, l’empêchant ainsi de répondre sur ce point,

Le salarié n’indique pas quels sont les jours et les secteurs concernés par l’absence de paiement des déplacements inter-secteurs qu’il allègue.

Sur ce,

Au visa des dispositions des articles L. 1221-1 du code du travail et 1353 du code civil, il revient à l’employeur de prouver le paiement du salaire défini au contrat, notamment par la production de pièces comptables. Et dès lors que le calcul d’une rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, ce dernier doit les produire (Cass. soc., 24 sept. 2008, no 07-41.383).

Il ressort des dispositions de l’annexe III intitulée « Rémunération minimale des distributeurs – Calcul du salaire brut hors CP » de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004, étendue par arrêté du 16 juillet 2004, que la rémunération minimale des distributeurs est composée d’un forfait attente et chargement, d’une somme au titre de la cadence de distribution, d’une somme pour la préparation des poignées, du temps de déplacement dépôt/secteur calculée en fonction d’une vitesse définie selon les secteurs (urbain, suburbain et rural) et des frais déplacements, comprenant le paiement des kilomètres aller dépôt/secteur et des kilomètres inter-communes sur les secteurs ruraux.

En outre, l’article 1er des dispositions de l’avenant n° 12 du 11 juin 2008 relatif aux indemnités kilométriques des distributeurs, étendu par arrêt du 7 octobre 2008, prévoit que le montant de l’indemnité kilométrique est calculé en fonction du carburant, de l’amortissement du véhicule, des frais d’entretien et de l’assurance.

Et l’avenant n° 8 du 1er juin 2006 relatif aux frais de déplacement dispose que :

Article 2 : La méthode de calcul et de révision de ces kilomètres sera arrêtée, après négociation, au sein de chaque entreprise et communiquée aux salariés.

Article 3 : Les distances définies, correspondant au parcours interne au secteur, seront tenues, pour information, à la disposition des salariés et de leurs représentants ou de tout contrôleur externe.

Article 4 : En cas de contestation sur le paiement des kilomètres nécessaires parcourus, une vérification sera effectuée par le responsable local qui informera le salarié conformément aux modalités définies en application de l’article 2 ci-dessus.

A l’issue de cette vérification, si le désaccord persiste une réponse sera apportée par écrit au plus tard sous 1 mois.

A l’issue de cette période, le salarié peut faire appel à la commission de conciliation de branche.

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions conventionnelles que les indemnités kilométriques versées au salarié au titre des frais de déplacement constituent un élément de la rémunération du salarié, et non des frais professionnels.

Le salarié, qui soutient que la SASU Milee n’aurait pas pris en compte l’ensemble des kilomètres parcourus, et notamment des kilomètres effectués à l’intérieur d’un secteur pour l’exécution de sa prestation, produit un décompte, sous forme de tableaux, du nombre de kilomètres qu’il allègue avoir effectués chaque jour travaillé depuis le 28 mai 2018, les tableaux faisant également mention des secteurs concernés et des kilomètres payés par l’employeur, le salarié indiquant en outre qu’il a déterminé le solde de l’indemnité kilométrique en multipliant le nombre de kilomètres effectués mais non pris en compte par l’employeur et le montant kilométrique payé par l’employeur.

A l’inverse, l’employeur s’abstient de justifier des feuilles de route du salarié des jours mentionnés dans le tableau de ce dernier, des distances parcourues correspondant au parcours interne, ainsi que des modalités de calcul de l’indemnisation versée, alors que la charge de cette preuve lui incombe conformément aux dispositions susvisées.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié, et de condamner la SASU Milee à lui verser la somme de 4 338,11 euros brut au titre des frais de déplacement, par infirmation du jugement entrepris.

Sur la demande au titre des jours fériés :

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que :

La convention collective applicable au contrat de travail prévoit que les distributeurs travaillant un jour férié à la demande de l’entreprise bénéficient d’une rémunération majorée de 100 %,

Il n’a pas été rémunéré de l’intégralité des jours fériés travaillés en 2018 et 2019,

Il produit les feuilles de route établies par l’employeur prévoyant des distributions les jours fériés concernés.

La SASU Milee fait valoir pour sa part que :

La convention collective de la distribution directe prévoit que seul le 1er mai est un jour chômé et payé,

Pour le personnel technique, logique et technologique, les autres joués fériés locaux et nationaux ne sont pas chômés,

Dès lors, ces jours de travail n’avaient pas à être majorés.

Sur ce,

Conformément aux dispositions des articles L. 1221-1 du code du travail et 1353 du code civil précités, il incombe à l’employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En outre, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, ce qui implique que l’employeur est tenu de lui communiquer l’ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.

Aux termes de l’article 9 de la convention collective de la distribution directe applicable au contrat de travail :

« Le 1er mai est un jour férié chômé et payé pour l’ensemble des salariés. Il est rémunéré pour les distributeurs sur la moyenne journalière des rémunérations des trois ou des six derniers mois avec prise en compte du calcul le plus favorable.

Les autres jours fériés locaux et nationaux :

Seront chômés et payés au personnel des filières administrative et commerciale tel que définies à l’annexe classification,

Ne seront pas chômés par le personnel de la filière technique, logistique et technologique.

Chaque salarié non distributeur bénéficiera de la récupération d’une journée par jour férié travaillé. Les distributeurs travaillant un jour férié à la demande de l’entreprise bénéficient d’une rémunération majorée de 100 % ».

Il ressort de ces dispositions que si, à l’exception du 1er mai, les jours fériés ne sont pas chômés pour le personnel de la filière technique, logistique et technologique, les distributeurs ayant travaillé l’un de ces jours fériés à la demande de l’entreprise bénéficient d’une majoration de leur rémunération de 100 %.

Or la SASU Milee, qui ne conteste pas que le salarié a bien travaillé huit jours fériés, à savoir les 10 et 21 mai 2018, le 1er novembre 2018, les 8 et 30 mai 2019, le 10 juin 2019 et les 1er et 11 novembre 2019, ne soutient ni ne démontre que le salarié aurait travaillé ces huit jours de son propre chef.

Si l’employeur soutient dans ses écritures qu’il est normal que le paiement de ces jours n’ait pas été majoré, au seul motif que ces jours fériés n’étaient pas chômés, il ne présente aucune explication pertinente quant aux raisons pour lesquelles il n’a pas appliqué la majoration de 100 % prévue par les dispositions susvisées de l’article 9 de la convention collective de la distribution directe.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire formulée par M. [M], par infirmation du jugement entrepris, et de condamner la SASU Milee à payer à M. [M] la somme de 608,46 euros brut au titre de la majoration due au titre des jours fériés travaillés, le calcul de ce rappel ne faisant l’objet d’aucune critique utile par l’employeur, outre 60,84 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que son employeur a manqué d’exécuter loyalement le contrat de travail, et invoque les manquements suivants :

Il n’a pas perçu son salaire pendant une période de 11 mois, n’a pas été rémunéré des jours fériés, et n’a pas été indemnisé de l’ensemble des frais occasionnés par ses déplacements professionnels,

L’employeur a refusé de le rattacher sans justification à un dépôt situé plus près de son domicile,

L’employeur a fixé ses horaires de travail de telle manière qu’il est contraint de déjeuner à l’extérieur, n’ayant pas la possibilité de rentrer à son domicile,

L’employeur ne met pas à sa disposition un lieu de restauration minimal, conformément aux dispositions de l’article R. 4228-23 du code du travail, et ne lui verse ni prime de panier, ni titres restaurant.

La SASU Milee fait valoir que :

Les griefs portant sur l’absence de paiement de la totalité des indemnités kilométriques et des jours fériés travaillés sont infondés,

S’agissant de l’absence de rattachement au dépôt d'[Localité 4], ville où le salarié réside, l’employeur n’est tenu d’aucune obligation à ce titre,

S’agissant des reproches portant sur ses horaires de travail qui ne lui permettraient pas de rentrer déjeuner, le salarié est de mauvaise foi en ce que ce n’est pas tant ces horaires de travail qui l’empêchent de rentrer chez lui que la distance séparant [Localité 5], où il travaille, et [Localité 4], où il habite,

Elle n’a aucune obligation de participation financière aux repas de ses salariés.

Sur ce,

Selon les dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l’employeur est tenu d’exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en payant le salaire convenu.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.

Il a été précédemment jugé que la SASU Milee a manqué de verser à M. [M] le salaire qui lui était dû à compter du jugement du conseil de prud’hommes du 31 mars 2016 ayant requalifié son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, qu’elle a omis de verser au salarié l’intégralité des frais de déplacement dus, et qu’elle ne lui a pas versé la majoration prévue par la convention collective pour les jours fériés travaillés.

Ces différents manquements au paiement des éléments de la rémunération due caractérisent des manquements de l’employeur à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Et le salarié démontre suffisamment qu’il a subi un préjudice résultant de l’absence de versement de la rémunération qui lui était due, lui ouvrant ainsi droit à réparation.

S’agissant de l’absence de rattachement du salarié au dépôt d’Aubenas, alors que ce dépôt était plus proche de son domicile que le dépôt de Montélimar auquel il était rattaché, il ne ressort pas des pièces produites par M. [M] que celui-ci aurait formellement demandé à son employeur à être rattaché au dépôt d’Aubenas, la cour d’appel relevant que cette demande n’est pas non plus formulée de manière claire et précise dans le courrier du 15 octobre 2016 que M. [M] a adressé à son employeur à la suite de la modification de ses horaires de travail.

Au surplus, il doit être relevé que l’employeur n’est tenu d’aucune obligation spécifique à l’égard de ses salariés impliquant qu’il doive limiter autant que possible leurs déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail en les affectant à un centre situé au plus près de leur domicile, l’employeur restant libre, sous réserve du respect des dispositions contractuelles liant les parties, de déterminer le lieu de travail du salarié dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de direction.

Si M. [M] soutient que c’est de mauvaise foi que la SASU Milee l’a affecté au centre de [Localité 5] plutôt qu’à celui d'[Localité 4], il n’en fait pas la démonstration. Le fait qu’il ait été demandé au salarié de se rendre une fois au centre d'[Localité 4] plutôt qu’à celui de [Localité 5] une fois ne suffit pas à établir que la décision de le rattacher au centre de [Localité 5] était arbitraire et discriminatoire tel qu’allégué.

Dès lors, aucun manquement ne peut être reproché à l’employeur à ce titre.

S’agissant de ses horaires de travail qui ne lui permettraient pas de rentrer chez lui pour la pause méridienne, il doit être relevé que l’employeur, qui n’est pas tenu de déterminer des horaires permettant au salarié de revenir à son domicile pour la pause méridienne, avait prévu une pause d’une heure minimum entre les horaires du matin et les horaires de l’après-midi.

En revanche, aux termes de l’article R. 4228-23 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2017 au 2 janvier 2020, dans les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à vingt-cinq, l’employeur met à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité.

Sur ce point la société Milee ne produit aucun élément tendant à justifier de la mise disposition d’un tel emplacement pour les salariés de l’entreprise et permettant à M. [M] de s’y rendre au cours de sa pause méridienne pour se restaurer.

Dès lors, la SASU Milee a manqué à son obligation de mettre à disposition un tel emplacement, ce manquement emportant violation de l’employeur a son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Eu égard à la distance séparant le salarié de son domicile, l’absence de lieu mis à la disposition du salarié, conformément aux dispositions de l’article R. 4228-23 du code du travail, lui a causé un préjudice dont il est bien fondé à demander la réparation.

Enfin, M. [M], qui soutient que la SASU Milee aurait manqué au principe de l’égalité de traitement en accordant aux seuls chauffeurs livreurs une indemnité de repas journalière de 9,50 euros, ne verse aux débats aucun élément permettant de matérialiser une telle inégalité de traitement.

Eu égard à l’ensemble de ces constations, il doit être tenu que la SASU Milee a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail du salarié à plusieurs titres, causant à celui-ci un préjudice qu’il y a lieu d’estimer, compte tenu de la durée de ces manquements, à la somme de 3 000 euros, au versement de laquelle l’employeur est condamné, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre de la discrimination syndicale :

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que :

Il a subi une différence de traitement avec d’autres salariés de l’entreprise,

L’employeur a décidé de prévoir des horaires de travail différents pour lui et son épouse, également salariée de l’entreprise, pour les contraindre à prendre deux véhicules et les empêcher d’effectuer les distributions ensemble, alors que certains couples dans l’entreprise ont la possibilité de travailler ensemble,

Lui et son épouse sont tous les deux titulaires d’un mandat syndical.

La SASU Milee fait valoir pour sa part que :

La comparaison entre la situation du salarié et de son épouse, et celles d’autres couples travaillant dans l’entreprise n’est pas pertinente, leurs situations respectives n’étant pas identiques,

Les autres couples sont soumis à une organisation du travail différentes, dès lors que leurs contrats de travail sont à temps partiel modulé, et qu’ils n’ont donc pas d’horaires de travail, mais des jours de distribution choisis au préalable, au cours desquels les salariés sont libres de s’organiser comme ils le souhaitent,

Dans tous les cas, depuis la mise en place d’une badgeuse, elle n’autorise plus aux membres d’un même couple de travailler ensemble,

Elle verse aux débats des feuilles de route d’autres couples démontrant qu’ils ne travaillent pas ensemble.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’action, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

En outre, l’article L. 2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application des dispositions susvisées de l’article L. 1132-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le salarié ne produit pas d’élément justificatif de sa qualité de délégué syndical depuis le mois de septembre 2018, la société Milee lui reconnaît cette qualité.

M. [M], qui soutient que d’autres couples salariés de l’entreprise, notamment M. et Mme [P], ou M. et Mme [C], avaient la possibilité de distribuer ensemble les prospectus et d’utiliser un seul véhicule, n’apporte pas d’éléments suffisants permettant d’objectiver ses affirmations.

Ainsi, l’unique attestation d’un chauffeur livreur, en date du 9 septembre 2021, vague et imprécise, et ne faisant référence à aucune date particulière, dans laquelle celui-ci indique avoir vu un couple de distributeurs, sans apporter aucune précision sur leur identité, effectuer leur tournée de distribution de prospectus, ensemble, avec un seul véhicule, n’est corroborée d’aucun autre élément objectif.

Au surplus, la cour d’appel relève que M. [M] indique dans ses écritures qu’une interdiction a été donnée aux couples de salariés de l’entreprise d’effectuer ensemble leurs tournées à compter de la mise en place d’une badgeuse il y a plus de cinq ans, ce que confirme l’employeur dans ses propres conclusions.

Ainsi, le salarié reconnaît que depuis cinq ans l’employeur ne permet plus, au moins officiellement, à des couples de travailler ensemble à la distribution des prospectus.

Enfin, la SASU Milee verse aux débats plusieurs feuilles de route remises aux membres des couples invoqués par le salarié pour l’année 2021, desquelles il ressort que chaque membre de ces couples travaillait sur un secteur différent lors des tournées prévues par ces feuilles de route.

Faute pour le salarié d’apporter des éléments matériels permettant d’objectiver que certains couples continuaient de travailler ensemble alors que lui-même n’avait plus la possibilité de le faire avec son épouse à compter de son passage à temps complet, il doit être retenu que le salarié échoue à établir la matérialité d’élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

Il y a lieu de débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que :

La SAS Adrexo ne lui a pas payé l’intégralité du salaire dû pour la période de novembre 2015 à septembre 2016 en application de la décision du conseil de prud’hommes de Montélimar ayant requalifié son contrat de travail à temps complet, soit un manque à gagner de 7 000 euros sur cette période, représentant presque quatre mois et demi de salaire,

La société a résisté et continue de résister abusivement d’exécuter cette décision de justice,

L’employeur refuse de lui rembourser l’intégralité des frais qu’il expose dans le cadre de son activité,

L’employeur a refusé de lui rémunérer plusieurs jours fériés travaillés,

Il subit une discrimination syndicale caractérisée par le refus injustifié de l’employeur qu’il travaille avec son mari, occasionnant des frais supplémentaires, qui ne lui sont pas remboursés,

L’employeur refuse sans justification de le rattacher à un dépôt plus proche de son domicile,

La SAS Adrexo ne met pas à sa disposition un lieu de restauration minimal,

Ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail,

Il est fondé à percevoir des dommages et intérêts pour licenciement nul, du fait de la discrimination syndicale qu’il a subie.

La SASU Milee fait valoir pour sa part que :

Aucun des manquements invoqués par le salarié ne peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail,

S’agissant du non-paiement des salaires sur la période de novembre 2015 à septembre 2016, il s’est écoulé trois ans entre ce prétendu manquement et la saisine du conseil de prud’hommes, ce qui empêche de le considérer comme un manquement rendant impossible le maintien du contrat de travail,

Le grief portant sur l’absence de paiement des indemnités kilométriques est infondé,

Le grief portant sur l’absence de paiement des jours fériés est également infondé,

S’agissant de la planification différente des horaires de travail du salarié et de son épouse les contraignant à travailler avec deux véhicules, occasionnant un doublement des frais non remboursés par l’employeur, il n’existe aucune obligation s’imposant à l’employeur de fixer des horaires de travail identiques à deux époux travaillant dans la société.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l’article 1184 du code civil, devenu l’article 1224 du code civil, la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Les dispositions combinées des articles L.1231-1 du code du travail et 1224 du code civil permettent au salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.

Il appartient au salarié d’établir la réalité des manquements reprochés à l’employeur et de démontrer que ceux-ci sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. La résiliation prononcée produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l’intervalle de sorte qu’elle produit alors ses effets à la date de l’envoi de la lettre de licenciement.

Il a été jugé précédemment que la SASU Milee avait manqué de payer l’intégralité du salaire dû au salarié à la suite de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet par le jugement du conseil de prud’hommes du 31 mars 2016, pour la période de novembre 2015 à septembre 2016.

S’il n’est pas contesté par le salarié que l’employeur a versé au salarié un plein salaire à compter de la conclusion de l’avenant du 3 octobre 2016, il ne peut être pour autant retenu, comme le soutient l’employeur, que le manquement est ancien et qu’il ne peut, pour cette raison, rendre impossible la poursuite de la relation de travail, au motif que celle-ci s’est poursuivie à la suite de la conclusion de l’avenant jusqu’à la saisine par le salarié de la juridiction prud’homale le 22 février 2019.

En effet, il n’est pas contestable que l’employeur n’a pas régularisé la situation en omettant de payer le salaire dû sur la période de novembre 2015 à septembre 2016, malgré les demandes du salarié en sens, et que M. [M] a été contraint de saisir la juridiction prud’homale afin d’obtenir la réalisation de son droit.

Dès lors, et eu égard à l’importance de l’obligation de verser le salaire dû, il y a lieu de juger que ce seul manquement persistant est d’une gravité telle qu’il rend impossible la poursuite de la relation de travail.

Il s’ensuit qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris, et de prononcer, à effet de la date de la présente décision, la résiliation du contrat de travail aux torts de la SASU Milee, ladite rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SASU Milee à payer à M. [F] [M] la somme de 3 073,42 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 307,34 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents, le montant de ces sommes ne faisant l’objet d’aucune critique utile par l’employeur, par infirmation du jugement entrepris.

La SASU Milee est également condamnée à payer à M. [M] la somme de 11 915,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, le montant de cette somme ne faisant également l’objet d’aucune critique par l’employeur, par infirmation du jugement déféré.

M. [M], âgé de 66 ans, justifie de 22 ans d’ancienneté. Il subit un préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, dont il sera fait une juste réparation par la condamnation de la SASU Milee à lui payer la somme de 30 000 euros brut, à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Le jugement entrepris est également infirmé de ce chef.

Il y a lieu de condamner la SASU Milee à remettre à M. [M] les documents de fin de contrat (attestation à destination de Pôle emploi, certificat de travail), établis conformément aux condamnations qui précèdent, par application des dispositions des articles L. 1234-19 et R. 1234-9 du code du travail, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

Sur la demande au titre de la violation du statut protecteur :

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que :

Il est titulaire d’un mandat de délégué syndical depuis le mois de septembre 2018, et il est membre suppléant au comité social et économique depuis le mois d’avril 2021,

Il bénéficie en conséquence d’une protection contre le licenciement prévue par l’article L. 2411-1 du code du travail,

Il sollicite une indemnité au titre de la violation de son statut protecteur à hauteur de 30 mois de salaire à titre principal.

La SASU Milee fait valoir pour sa part que :

Le salarié était titulaire d’un mandat syndical depuis septembre 2018,

Des élections au comité social et économique ont débuté au mois de février 2020, puis ont été suspendues en raison du contexte sanitaire ; de nouvelles élections ont été organisées et le premier tour a eu lieu du 11 mars 2021 au 16 mars 2021, le second tour étant prévu le 1er avril 2021,

Il en résulte que le mandat du salarié a pris fin à l’issue du premier tour, soit le 16 mars 2021,

Un éventuel nouveau mandat acquis en cours de procédure n’a pas à être pris en compte par le juge,

Selon l’article L. 2411-3 du code du travail, la période de protection d’un délégué syndical est de douze mois après la cessation de ses fonctions, ce dont il résulte que la période de protection du salarié a expiré le 16 mars 2022,

Dans l’hypothèse où le conseil aurait fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail le 26 avril 2021, le salarié n’aurait pu prétendre qu’à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre le prononcé de la résiliation de son contrat de travail (26 avril 2021) jusqu’à l’expiration de la période de protection, soit jusqu’au 16 mars 2022, soit 11 mois,

Si la cour devait prononcer la résiliation, elle ne pourrait donc que débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour violation du statut protecteur, la protection afférente au mandat en cours à la date de la demande ayant pris fin en mars 2022.

Sur ce,

Selon les dispositions de l’article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement d’au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l’article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l’employeur.

Si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement.

La désignation d’un délégué syndical peut intervenir lorsque l’effectif d’au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.

Selon l’article L. 2143-11, alinéa 1, du code du travail, le mandat de délégué syndical prend fin au plus tard lors du premier tour des élections de l’institution représentative du personnel renouvelant l’institution dont l’élection avait permis de reconnaître la représentativité de l’organisation syndicale l’ayant désigné.

En outre, selon l’article L. 2411-3 du code du travail, le licenciement d’un délégué syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l’ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s’il a exercé ces dernières pendant au moins un an.

Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat du syndicat notifiant à l’employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa décision comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

Enfin, le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie n’a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, qu’au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation.

Les parties s’accordent sur le fait que M. [M] était titulaire d’un mandat de délégué syndical depuis le mois de septembre 2018 et que le premier tour des élections au comité social et économique a eu lieu du 11 mars 2021 au 16 mars 2021, ce dont il résulte que le mandat du salarié a pris fin le 16 mars 2021, conformément aux dispositions susvisées de l’article L. 2143-11, alinéa 1.

En conséquence, la période de protection du salarié résultant de son statut de salarié protégé au jour de sa demande de résiliation a pris fin le 16 mars 2022.

Le salarié ne peut ainsi prétendre à la condamnation de la SASU Milee à lui payer une indemnité forfaitaire au titre de la violation de son statut protecteur, peu important qu’il ait acquis à nouveau le statut de salarié protégé par la suite, ce qui n’est au demeurant pas démontré par M. [M].

M. [M] est donc débouté de sa demande formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Au visa de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de dire que les intérêts au taux légal se capitaliseront, dès lors qu’ils seront dus pour une année entière.

Le jugement dont appel est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

La SASU Milee, partie perdante, est condamnées aux dépens d’appel et à payer à M. [M] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel, cette condamnation emportant nécessairement rejet de la demande de l’employeur formulée à ce titre.

La présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 au code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution.

Enfin, le droit proportionnel de l’ancien article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 abrogé au 29 février 2016, fixant le tarif des huissiers, devenu l’article R 444-55 du code de commerce, n’est pas dû dans les cas énumérés par le 3º de l’article R.444-53 du même code, soit notamment pour le recouvrement ou l’encaissement d’une créance née de l’exécution d’un contrat de travail.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT que la cour n’est saisie d’aucune demande de fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de rappel de salaire formulée par M. [M],

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Condamné la SAS Adrexo à payer à M. [M] les sommes suivantes, sauf à préciser que la SASU Milee vient aux droits de le SAS Adrexo :

– 197,97 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 22 février 2016 au 29 février 2016,

– 19,79 euros brut à titre de congés payés afférents,

– 3 818,18 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mars 2016 à fin septembre 2016,

– 381,81 euros brut à titre de congés payés afférents,

– 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait des manquements de l’employeur et du non-respect de l’article R. 4228-23 du code du travail,

– 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Débouté M. [F] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

– Débouté M. [F] [M] de sa demande d’indemnité pour violation du statut protecteur,

– Condamné la SAS Adrexo aux entiers dépens.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [F] [M],

CONDAMNE la SASU Milee à payer à M. [F] [M] les sommes suivantes :

– 2 949,22 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2015 au 21 février 2016, outre 294,92 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

– 4 338,11 euros brut au titre des frais de déplacement

– 608,46 euros brut à titre de majoration due au titre des jours fériés travaillés, outre 60,84 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

– 3 073,42 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 307,34 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

– 11 915,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 30 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

DIT que les intérêts au taux légal se capitaliseront, dès lors qu’ils seront dus pour une année entière ;

CONDAMNE la SASU Milee à remettre à M. [F] [M] un bulletin de salaire rectifié, et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

DIT n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte,

CONDAMNE la SASU Milee à payer à M. [F] [M] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

DEBOUTE la SASU Milee de ses prétentions au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que le droit proportionnel de l’ancien article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 abrogé au 29 février 2016, fixant le tarif des huissiers, devenu l’article R 444-55 du code de commerce, n’est pas dû dans les cas énumérés par le 3º de l’article R.444-53 du même code, soit notamment pour le recouvrement ou l’encaissement d’une créance née de l’exécution d’un contrat de travail ;

CONDAMNE la SASU Milee aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

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