Décision du 13 novembre 2023 Cour d’appel de Cayenne RG n° 22/00195

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COUR D’APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N°

RG N° RG 22/00195 – N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BBLO

PG/JP

[P]

C/

S.A.S.U. [K]

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2023

APPELANT :

Monsieur [W] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Clémence JOUAN, avocat au barreau de GUYANE substitué par Me Sarah DESMOULIN, avocat au barreau d’Aix En Provence, lors des débats

INTIMEE :

S.A.S.U. [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Rudy CONSTANT, avocat au barreau de GUYANE, absent lors des débats

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS:

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 11 septembre 2023 en audience publique et mise en délibéré au 13 novembre 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre, rapporteur. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Aurore BLUM,Présidente de chambre

M. Yann BOUCHARE, Président de chambre

Mme Patricia GOILLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Jessika PAQUIN, Greffier placé, présente lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 al 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier en date du 20 septembre 2021, Monsieur [W] [P] a assigné la SAS [K] devant le tribunal judiciaire de Cayenne, aux fins notamment de voir prononcer la nullité du contrat de promotion immobilière conclu avec la SAS [K], et voir condamner cette dernière à lui restituer la somme de 106.000 euros ainsi que 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 9 février 2022, le tribunal judiciaire de Cayenne a :

– débouté Monsieur [W] [P] de sa demande d’annulation du contrat conclu avec la SAS

[K], et de sa demande en restitution des sommes versées à la SAS [K],

– condamné la SAS [K] à payer à Monsieur [W] [P] la somme de 10 000 euros au titre

de dommages intérêts et la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de

procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration en date du 2 mai 2022, Monsieur [W] [P] a interjeté appel de l’ensemble des chefs de ce jugement.

Moyens

Motivation

MOTIFS

Sur ce, la Cour

Sur la demande en nullité du contrat

Aux termes de l’article L.222-1 du code de la construction et de l’habitation, ‘le contrat de promotion immobilière est un mandat d’intérêt commun par lequel une personne dite ‘promoteur immobilier’ s’oblige envers le maître de l’ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage, à la réalisation d’un programme de construction d’un ou de plusieurs édifices, ainsi qu’à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l’exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l’ouvrage. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code civil.’

Le contrat de promotion immobilière est ainsi un mandat par lequel le maître de l’ouvrage confie à un promoteur la réalisation globale de la constuction d’un immeuble en le chargeant de tous les aspects juridiques, administratifs et financiers que le programme indique.

En l’espèce, Monsieur [W] [P] produit un devis émis par la société [K] pour un montant total de 119 430€, indiquant ‘Projet d’une habitation de 3 logements type T3 Surface total 135 m2″ et énumérant une liste détaillée de travaux, sans établir d’autres missions telles que celles d’obtenir les autorisations nécessaires, de solliciter un permis de construire, de coordonner les différentes opérations, de traiter avec les différents corps de métier, de souscrire les polices d’assurance nécessaires…

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le juge de première instance, par des motifs que la cour adopte, a relevé que le contrat concerné ne saurait être qualifié de contrat de promotion immobilière, de sorte que l’exigence de l’écrit sous peine de nullité décrite à l’article L222-3 du code de la construction et de l’habitation n’a pas vocation à s’appliquer aux faits de l’espèce.

De la même façon, l’absence des mentions obligatoires édictées par l’article L222-3 du code de la construction et de l’habitation ne saurait être invoquée, ces mentions n’ayant pas vocation à s’appliquer au présent contrat.

Le simple devis établi sans contrat formalisé et ne comportant ni les missions ni les mentions obligatoires d’un contrat de promotion immobilière démontre d’ailleurs par lui-même que les parties se sont simplement accordées sur la réalisation par la société [K] de la construction de 3 logements, laquelle comprend une liste de travaux à réaliser énumérés dans le devis.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du contrat et débouté par voie de conséquence Monsieur [P] de sa demande de restitution des sommes versées au titre du contrat annulé.

Sur la demande subsidiaire tendant à la résolution du contrat pour inexécution

L’appelant forme en appel une demande subsidiaire en résolution du contrat pour inexécution. Cette demande tendant aux mêmes fins que les prétentions soumises au premier juge n’est pas une demande nouvelle et est par conséquent recevable.

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation,

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation,

– obtenir une réduction du prix,

– provoquer la résolution du contrat,

– demander réparation des conséquences de l’inéxécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées et des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Les dispositions de l’article 1224 du code civil prévoient que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. Selon les termes de l’article 1227 du code civil, la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice.

Il est a dmis que lorsque le contrat ne contient aucune clause expresse de résolution, il appartient aux tribunaux d’apprécier souverainement, en cas d’inexécution partielle, si cette inexécution a assez d’importance pour que la résolution doive être immédiatement prononcée, ou si elle ne sera pas suffisamment réparée par une condamnation à des dommages-intérêts.

L’article 1229 du code civil prévoit que la résolution prend effet (…) selon les cas, à la date fixée par le juge. (…). Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre.

En l’espèce, il résulte du devis versé aux débats et des différents virements effectués par Monsieur [P] à hauteur de 106 000€ ( pièce n°4 appelant) la preuve du contrat établi entre les deux parties.

L’appelant produit un procès-verbal de constat d’huissier de justice en date du 22 janvier 2021 (Pièce n°3 appelant) lequel fait état des constatations suivantes :

‘ Je constate sur un terrain défriché la présence d’une construction de plein pied. Cette construction comprend trois logements. Je note sur le devant du bâtiment que cinq plaques avec l’isolant, et trois autres plaques plus longues destinées pour le toit sont posées à même le sol.

D’autres tôles de toiture, doublées avec un isolant au milieur jonchent le sol. Des tôles de toiture d’environ 7m sur 1,50m sont également abandonnées.

1. Logement n°1

C’est une habitation qui comprend deux chambres, une salle d’eau, un espace cuisine et séjour.

Je constate que le sol est constitué d’une chape de béton brut, et que les murs sont des murs en béton en bloc à bancher. La toiture brute ne présente aucun isolant. Il n’y a ni huisserie, ni plomberie, ni peinture. La construction est dans un état brut sans aucune finition.

Le béton est coulé grossièrement avec toujours des traces de débris au sol, et également de pièces d’un moteur, d’amortisseurs.

Un stock de carrelage est présent à l’intérieur. Il n’est pas posé. Il est toujours entreposé dans les cartons. Je dénombre 80 lots de trois dalles de carrelage d’un poids de 30 kilos, qui semblent venir de Chine, de marque ‘Jialeshi’ en céramique.

Un autre stock est présent. Il comprend 12 lots de huit paquets, pour un poids de 24 kilos. Le carrelage semble être de marque chinoise ‘Cyipklby’ comme le laisse entendre l’inscription.

Les murs en béton sont montés et semblent banchés. Cependant, aucune saillie ou passage pour le câblage n’a été prévu.

Je constate que la toiture est composée uniquement de feuilles de tôle avec sa charpente métallique. Une vingtaine de barres métalliques pour les charpentes ainsi qu’une vingtaine de rails pour ‘placo’ sont présentes sur le sol et fortement rouillées.

2. Logement n°2

Le deuxième logement est constitué de deux chambres, un couloir de circulation, une salle d’eau et une cuisine.

Je constate que le sol est constitué d’une chape de béton brut, et que les murs sont des murs en béton en bloc à bancher. Cependant, je note la présence de quelques isolants dans les murs. La toiture quant à elle n’en comporte aucun.

Comme pour le premier logement, il n’y a ni huisserie, ni plomberie, ni peinture. La construction est dans un état brut sans aucune finition.

3. Logement n°3

Le dernier logement composé de deux chambres, une salle d’eau, un séjour avec espace cuisine.

Je constate qu’un matelas de deux places extrêmement souillé est présent dans l’une des chambres. Des traces de deux bougies jonchent le sol.

Je constate que le sol est composé d’une chape de béton brut. Les murs banchés semblent constituer d’un isolant, alors que la toiture construite de manière brute n’en comporte aucun.

Il n’y a ni huisserie, ni plomberie, ni peinture. La construction est dans un état brut sans aucune finition.

Des fissures dans les murs sont visibles à certains endroits avec ce qui semble être en apparence du polystyrène. Des fissures plus importantes sont aussi présentes avec des trous.

J’observe que 13 plaques de polystyrène, enrobées de béton sont présentes à l’extérieur également. Elles mesurent un peu moins de 1m x2m.

Elles sont très abimées.

Derrière le chantier, je constate la présence d’une fosse qui fait office de regard pour l’évacuation des eaux fluviales.

Monsieur [P] nous présente dans la remise de sa résidence 12 lots composés de 10 lattes en PVC pour le faux-plafond, d’une longueur variant entre 6 à 7 m. Ils sont emballéss et semblent être en bon état. Par contre, les six paquets de ciment Argos et le paquet entamé sont inutilisables. Ils ont durci avec le temps. ‘

Il ressort de ce procès-verbal que les travaux sur lesquels les parties s’étaient accordées n’ont pas été terminés, et que le chantier a effectivement été abandonné par le constructeur au cours de sa réalisation.

Cependant, il doit être consaté que le contrat a été exécuté pour partie, et il n’est pas démontré par les éléments versés aux débats que cette inexécution est d’une importance telle quelle doive entraîner la résolution du contrat, et qu’elle ne puisse être suffisamment réparée par une condamnation à des dommages-intérêts.

Monsieur [P] sera par conséquent débouté de sa demande subsidiaire tendant à la résolution du contrat pour inexécution et à sa demande de restitution des sommes versées au titre de la résolution du contrat, étant relevé qu’il n’a pas formé de demande de dommages et intérêts au titre de l’inexécution partielle du contrat autre que pour son préjudice moral.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Monsieur [P] sollicite la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait de l’inexécution contractuelle par la société [K] de la totalité du contrat.

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

C’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’il n’était pas justifié du lien de causalité entre les difficultés financières rencontrées par Monsieur [P] et l’abandon du chantier par la société [K], mais que l’arrêt du chantier a entraîné un trouble de jouissance pour Monsieur [P], qui est contraint d’effectuer de nouvelles démarches pour faire réaliser les travaux partiellement inexécutés.

La décision entreprise, qui a exactement évalué ce préjudice au vu des éléments produits à la somme de 10 000€, sera en conséquence confirmée sur ce point.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d’appel, Monsieur [W] [P] sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d appel.

Monsieur [W] [P] sera condamné aux entiers dépens d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 9 février 2022 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [W] [P] de sa demande en résolution du contrat conclu avec la SAS [K],

DEBOUTE Monsieur [W] [P] de sa demande en restitution des sommes versées à la SAS [K] au titre de la résolution du contrat,

DEBOUTE Monsieur [W] [P] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

CONDAMNE Monsieur [W] [P] aux entiers dépens et AUTORISE Me Rudy CONSTANT à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier placé et placé en rang de minute.

Le Greffier La Présidente de chambre

Jessika Paquin Aurore Blum

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