[Y] [I]
C/
SAS SOTHEBY’S FRANCE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2023
N° RG 23/00633 – N° Portalis DBVF-V-B7H-GF5J
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 mai 2023,
rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mâcon – RG : 22/1020
APPELANT :
Monsieur [Y] [I]
né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 12] (75)
[Adresse 8]
[Localité 9]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/002742 du 17/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Dijon)
représenté par Me Sarah COVAREL, avocat au barreau de MACON
INTIMÉE :
SAS SOTHEBY’S FRANCE, représentée par son Président en exercice domicilié es qualités au siège :
[Adresse 4]
[Localité 3]
assistée de Me Rémi SERMIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Fanny XAVIER-BONNEAU, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 114
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 septembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 14 Novembre 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [Y] [I], gérant de galerie d’art, a remis en dépôt à la société Sotheby’s France, opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, un tableau intitulé « La Halte » ou « Les trois bretonnes » reconnu par le comité [C] [H] comme étant de la main de celui-ci.
M. [I] a conclu avec la société Sotheby’s France un mandat de vente en date du 18 décembre 2015 et il a reçu une avance de 150 000 euros sur le produit de la vente future.
A la suite de doutes émis sur l’authenticité du tableau, le comité [C] [H] a retiré l’avis d’inclusion de celui-ci dans le catalogue raisonné des ‘uvres de [C] [H].
La SAS Sotheby’s France a renoncé à mettre le tableau en vente et, par courrier du 18 mai 2016, elle a mis en demeure M. [I] de lui restituer l’avance versée.
Par ordonnance sur requête du 5 avril 2017, le juge de I’exécution du tribunal de grande instance de Macon a autorisé la société Sotheby’s France à pratiquer notamment une saisie conservatoire de valeurs mobilières et de meubles à I’encontre de M. [Y] [I].
Le commissaire de justice a ainsi procédé à la saisie-conservatoire des biens meubles de M. [Y] [I] par procès-verbal du 26 avril 2017 à son domicile de [Localité 9] (71).
Ce procès-verbal lui a été signifié le 3 mai 2017.
Suite à une assignation en paiement du 23 mai 2017, Ie tribunal judiciaire de Paris a, par jugement du 10 décembre 2020, notamment condamné M. [Y] [I] à rembourser à la société Sotheby’s France la somme de 150 000 euros, outre 4 286,30 euros et 50 406,16 euros au titre des intérêts et intérêts de retard.
Une fois ce jugement définitif, la saisie-conservatoire opérée le 26 avril 2017 a été convertie en saisie-vente par acte du 9 septembre 2021. Une saisie ampliative a été réalisée au domicile de M. [I] le 29 septembre 2021.
Lors de la réalisation de ces actes, le commissaire de justice s’est aperçu qu’il manquait des biens par rapport à ceux qui avaient été saisis à titre conservatoire.
La SAS Sotheby’s France a déposé plainte en mai 2022 auprès du procureur de la république prés le tribunal judiciaire de Macon pour détournement de biens saisis, ce qui a conduit à la restitution d’une partie des biens et à la convocation de M. [Y] [I] à une audience de CRPC prévue le 25 septembre 2023.
Par acte du 9 décembre 2022, M. [Y] [I] a saisi le juge de I’exécution du tribunal judiciaire de Macon afin de voir :
– prononcer la nullité de la saisie-vente dressée le 9 septembre 2021 par la SCP Philippe Matrat, commissaire de justice, à la requête de la SASU Sotheby’s France, en ce qu’elle porte sur I’ensemble des biens n’appartenant pas au débiteur ;
– lui accorder les plus larges délais de paiement en application de I’article 1343-5 du code civil.
Par jugement du 9 mai 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Macon a :
. déclaré les demandes de M. [Y] [I] en nullité des procès-verbaux de saisie-vente et de saisie ampliative des 9 septembre 2021 et 29 septembre 2021 recevables ;
. débouté M. [Y] [I] de ses demandes de nullité des procès-verbaux de saisie-vente et de saisie ampliative des 9 septembre 2021 et 29 septembre 2021 ;
. débouté M. [Y] [I] de ses demandes de délais de paiement ;
. condamné M. [Y] [I] à verser à la société Sotheby’s France la somme de 1 500 euros au titre de I’article 700 du code de procédure civile ;
. condamné M. [Y] [I] aux entiers dépens ;
. rappelé que la décision bénéficie de I’exécution provisoire de droit dès sa notification.
M. [I] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 22 mai 2023.
Moyens
Motivation
SUR CE, LA COUR
1/ Sur l’effet dévolutif
La question de la recevabilité de l’action en nullité engagée par M. [I] n’a fait l’objet ni de l’appel principal ni d’un appel incident de sorte que la cour ne statue pas sur ce point.
2/ Sur la nullité de la saisie vente du 9 septembre 2021 et de la saisie ampliative du 29 septembre 2021
M. [I] soutient que la plupart des biens saisis à son domicile, et pour la désignation desquels il convient de se reporter aux actes de saisie querellés, ne sont pas sa propriété mais celle pour certains de son fils et pour d’autres de la SARLU [I] Seconde Modernité, dont il est le gérant.
En application de l’article R221-50 du code des procédures civiles d’exécution, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire.
Selon l’article 2276 alinéa 1 du code civil, « en fait de meubles, la possession vaut titre ».
Cette règle pose une présomption irréfragable de propriété dans les rapports entre l’acquéreur de bonne foi et le véritable propriétaire du meuble dont le premier ne tient pas ses droits tandis qu’elle pose une présomption simple dans les rapports entre le possesseur et son auteur, qui s’applique au cas d’espèce.
La présomption de propriété qui résulte de la possession implique, dans notre cas, pour l’appelant de prouver le titre précaire en vertu duquel il détient les meubles.
Comme l’a justement déduit le premier juge, l’ensemble des biens meubles ayant été saisis au domicile personnel de M. [I] à [Localité 9] (71), il convient de vérifier si les preuves rapportées par ce dernier permettent de renverser la présomption simple existant du fait de cette possession.
Il est constaté, à l’instar du premier juge, que pour justifier qu’il n’est pas propriétaire de multiples tableaux saisis, l’appelant produit tout d’abord sept factures établies au nom de son fils (M. [O] [I]) portant sur l’acquisition en 1992, 1993, 2002 et 2011 de toiles de [U] [Z], outre une attestation de [O] [I], né le [Date naissance 1]/1972, précisant être propriétaire des toiles concernées.
Si rien n’interdit d’acquérir un ou plusieurs tableaux à l’âge de 20 ans, M. [Y] [I], d’une part, ne justifie pas du règlement effectif des biens concernés par son fils et, d’autre part, n’explique pas pour quels motifs les tableaux acquis entre 1992 et 2002 demeuraient à son propre domicile à [Localité 9] en 2017, étant relevé qu’il n’est pas soutenu que ces derniers lui auraient été récemment confiés aux fins de vente. Ainsi, c’est à juste titre que le premier juge a estimé que la preuve d’une propriété contemporaine des ‘uvres par [O] [I] n’était pas établie.
M. [Y] [I] produit, par ailleurs, de multiples factures au nom de la société [I] Seconde Modernité :
– deux factures des 20 juillet et 8 septembre 1989 au nom de Seconde Modernité domiciliée à [Localité 11] portant sur des rayonnages de rangement de dossier,
– une facture du 13 septembre 1989 de la Galerie Louis Carré et Cie à [Localité 11] au nom de Seconde modernité domiciliée à [Localité 11] mentionnant notamment du matériel de bureau, une bibliothèque, des tableaux dont certains du dénommé [Z].
– une facture du 26/11/2002 au nom de « Seconde Modernité » domiciliée à [Adresse 5] (92) portant sur un tableau de [U] [Z] intitulé « ‘uf jaune »,
– une facture établie le 05/12/2016 au nom de « Seconde Modernité » domiciliée à [Adresse 7] (92) portant sur 20 sérigraphies de [U] [Z] intitulée (« yeux à ce monde aveugle, je viens »),
– une facture du 04/10/19 au nom de Seconde Modernité domiciliée à [Localité 9] portant sur un échange de télévisions,
– une facture établie le 17/10/2019 au nom de Seconde Modernité domiciliée à [Localité 9] (71) relative à une sculpture « pale »,
Or, l’appelant, qui est un professionnel du marché de l’art pour être propriétaire de galerie d’art, ne peut valablement soutenir que certains des biens saisis à son domicile de [Localité 9] (71) appartiennent à la société Seconde Modernité dont il est gérant alors que le siège social officiel de cette dernière se situe à [Localité 11], ce dont il se déduit que son domicile personnel n’est pas référencé pour servir de lieu de stockage à sa société, aucun établissement secondaire n’étant répertorié à l’adresse de [Localité 9].
Si M. [I] soutient exercer son activité à son domicile de [Localité 9] depuis 1989, il n’en rapporte aucunement la preuve alors qu’une facture au nom de « Seconde Modernité » mentionne encore le 5 décembre 2016 comme adresse de sa société la ville de [Localité 6] (92).
Il n’est justifié d’aucune modification du siège social de la société Seconde Modernité au profit de l’adresse de [Localité 9] tandis qu’il n’est pas contesté que ledit siège social se situait à Paris lors de l’inscription de la société au registre du commerce et des sociétés.
Si M. [M], expert comptable, dont il convient de relever qu’il exerce à [Localité 10] (94), atteste le 30 janvier 2023 que la valeur comptable des ‘uvres d'[U] [Z] dans la société [I] Seconde Modernité s’élève au 31/12/2022 à la somme de 81 616,65 euros, dont l’état est joint en annexe, ce dernier ne permet aucunement de vérifier le détail des ‘uvres en stock et donc de faire la comparaison avec les ‘uvres saisies.
Comme le relève la société Sotheby’s, le fait que les rayonnages de rangement acquis en 1989 au nom de la société Seconde Modernité, domiciliée à [Localité 11], se trouvent au domicile de M. [I] à [Localité 9] consacre le changement de propriétaire des biens mobiliers au profit de l’appelant.
De même, les photographies prises par le commissaire de justice et portées en annexe de l’acte de saisie conservatoire du 26/04/2017 et du procès verbal de saisie ampliative du 29/09/2021 montrent que les biens meubles litigieux n’étaient en aucune manière stockés mais qu’ils servaient à l’usage courant et à la décoration des lieux.
Enfin, et comme le soutient l’intimée, en suite de la plainte pénale déposée par Sotheby’s au motif du détournement de certains biens saisis, la restitution le 27 juillet 2023 par M. [Y] [I] aux gendarmes de onze de ces biens (10 tableaux, une sculpture) confirme que ce dernier avait conservé la maîtrise et la garde de ces effets.
C’est donc de manière parfaitement légitime que le premier juge a considéré que les éléments produits ne démontaient pas une propriété contemporaine des biens saisis par la société [I] Seconde Modernité.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la contestation de M. [I] et débouté ce dernier de ses demandes en nullité des procès verbaux de saisie-vente et de saisie ampliative.
3/ Sur la demande de délais de paiement
Au terme de l’article 510 du code de procédure civile, le juge de l’exécution est compétent pour accorder un délai de grâce après signification d’un acte de saisie et ce conformément aux dispositions de l’article 1343-5 du code civil.
Ce texte impose au juge de tenir compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier.
En l’espèce, le fait que M. [I] bénéficie de l’aide juridictionnelle dans le cadre de cette procédure ne le dispense pas de justifier de ses ressources devant cette juridiction, ce qu’il ne fait pas.
Comme l’a relevé le premier juge, il n’a par ailleurs formulé aucune proposition de règlement de sa dette à l’égard de Sotheby’s depuis la saisie conservatoire pratiquée en 2017 de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté M. [I] de sa demande de délais de paiement.
4/ Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et frais irrépétibles.
M. [Y] [I], partie succombante, est condamné aux dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle et qui seront distraits au profit de Me Fanny Xavier-Bonneau, avocate, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [Y] [I], tenu aux dépens, est condamné à verser à la SAS Sotheby’s France une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [I] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle et qui seront distraits au profit de Me Fanny Xavier-Bonneau, avocate, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. [Y] [I] à payer à la SAS Sotheby’s France la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,