REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 30 MARS 2023
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05986 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQLJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2022000055
APPELANTE
S.A.S.U. MEDIACO BRETAGNE MANUTENTION
N° SIRET : 852 962 844
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Représentée par Me Marc SANTONI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0287, substituée par Me Camille GRANGIER, avocat plaidant
INTIMEES
S.C.P. BTSG², en la personne de Me [X] [H]
en qualité de mandataire liquidateur de la SAS ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 2]
[Localité 10]
S.E.L.A.R.L. FHB, en la personne de Me [R] [J]
en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 4]
[Localité 10]
S.E.L.A.F.A. MJA, en la personne de Me [E] [P]
en qualité de mandataire liquidateur de la SAS ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
S.C.P. THEVENOT PARTNERS, en la personne de Me [M] [D]
en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
S.C.P. THEVENOT PARTNERS, en la personne de Me Aurélia PERDEREAU
en qualité de mandataire ad hoc de la SAS ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentées par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873, avocat postulant et plaidant
S.A.S. PROFIL PLUS
N° SIRET : 499 208 361
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069, avocat postulant
Représentée par Me Patrick TABET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0681, avocat plaidant
S.A.S. ALTEAD LE GAI MATELOT
N° SIRET : 376 580 098
[Adresse 9]
[Adresse 9]
défaillante
INTIMEE PROVOQUEE
S.A. MEDIACO LEVAGE
N° SIRET : 325 793 560
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Représentée par Me Marc SANTONI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0287, substituée par Me Camille GRANGIER, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Sophie MOLLAT, Présidente
Madame Isabelle ROHART, Conseillère
Madame Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats.
ARRET :
– par défaut,
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame Saoussen HAKIRI, Greffière .
Exposé du litige
**********
Exposé des faits et de la procédure
La société Altead Le Gai Matelot appartient au groupe Altead et exerçait une activité de transport, de levage et de manutention.
La société Mediaco Bretagne Manutention fait partie du groupe Mediaco Levage et exerce les activités de levage et de manutention, ainsi que de location de véhicules industriels et de matériels en tout genre.
Par jugement en date du 27 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SASU Altead Le Gai Matelot et a désigné en qualité d’administrateurs judiciaires la Selarl FHB prise en la personne de Me [J] et la SCP Thevenot Partners prise en la personne de Me [D] et en qualité de mandataires judiciaires la Selafa MJA prise en la personne de Me [P] et la SCP BTSG prise en la personne de Me [H].
Par deux jugements en date du 26 juillet 2019, le tribunal a arrêté le plan de cession de la SASU Altead Le Gai Matelot au bénéfice de la société Mediaco Levage avec faculté de substitution et a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire en désignant comme liquidateurs la Selafa MJA et la SCP BTSG.
La société Mediaco Levage s’est substituée la société Mediaco Bretagne Manutention.
Par ordonnance du juge commissaire du 2 juillet 2020, la SAS Profil Plus, qui avait fourni des pneumatiques à la société liquidée sans être intégralement réglée, a été déboutée de sa requête en revendication des pneumatiques aux motifs que les biens revendiqués ne se retrouvaient pas en nature en raison de leur intégration dans les actifs de la société débitrice.
Par requête effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2020, la société Profil Plus a exercé un recours contre l’ordonnance du juge commissaire en date du 2 juillet 2020.
Par assignation en date du 10.09.2020 la société Profil Plus a assigné la société Mediaco Levage en intervention forcée en restitution ou paiement, puis, suite à la signature des actes de cession avec Mediaco Bretagne Manutention, a fait assigner celle ci par acte d’huissier en date du 15.04.2021.
Par jugement du 9 mars 2022, le Tribunal de commerce de Paris a:
– joint les trois instances n° 2020028831, 2020052020 et 2021020436,
– dit le recours recevable
– dit Mediaco Levage hors de la cause.
– fait droit partiellement aux demandes de la SAS Profil Plus à l’encontre de la SAS Mediaco Bretagne Manutention
– condamné la société Médiaco Bretagne Manutention à payer à la SAS Profil Plus la somme de 16.089,01 euros.
– débouté la SAS Profil Plus de toutes ses demandes à l’encontre de la SELAFA MJA et la SCP BTSG.
– condamné la SAS Mediaco Bretagne Manutention à payer à la société Profil Plus, à la Selafa MJA et à la SCP BTSG, chacune, 750 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l’instance.
A l’appui de son jugement, le tribunal de commerce a retenu que s’agissant de pneumatiques spéciaux pour des matériels de chantier, ayant des caractéristiques techniques propres, usagés de surplus, les pneus n’étaient pas des biens fongibles parce qu’ils ne sont pas substituables et parce qu’ils ne sont pas interchangeables, quand bien même ils seraient fongibles s’ils avaient été trouvés en nature et neufs dans les stocks de produits neufs de Altead Le Gai Matelot.
Cependant, sur la clause de réserve de propriété, le tribunal a considèré que le contrat cadre qui lie la SAS Altead, holding de la société liquidée, et la SAS Profil Plus s’applique à la société Altead Le Gai Matelot, et faisant application du jugement statuant sur la plan de cession qui a pris acte de l’engagement de la société Mediaco Bretagne Manutention de faire son affaire personnelle d’éventuelles revendications en vertu de clauses de réserves de propriété, soit par restitution, soit par le paiement du prix sans que le prix de cession n’en soit affecté, a condamné le cessionnaire à payer le prix des pneus et débouté la société Profil Plus de ses demandes à l’encontre des mandataires judiciaires,
Par déclaration d’appel en date du 21 mars 2022, la SAS Mediaco Bretagne Manutention a interjeté appel du jugement du Tribunal de commerce de Paris.
Par acte d’huissier en date du 19.09.2022 la société Profil Plus a fait assigner la société Mediaco Levage en appel provoqué
Moyens
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise hors de cause de la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [R] [J], et la SCP Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [M] [D], ès qualités de coadministrateurs judiciaires de la société Altead Le Gai Matelot
Le mandat des administrateurs judiciaires ayant pris fin il convient de les mettre hors de cause.
Sur la mise hors de cause de la société Mediaco Levage par le tribunal de commerce
La société Mediaco Levage expose que le jugement doit être confirmé concernant sa mise hors de cause compte tenu de l’absence d’appel sur ce chef de jugement exposant que par exploit d’huissier en date du 19.09.2022 la société Profil Plus a assigné la société Mediaco Levage aux fins d’appel provoqué et a sollicité de la cour l’infirmation dudit jugement en ce qu’il aurait débouté la société Profil Plus de ses demandes formulées à l’encontre de la société Mediaco Levage, de la Selafa MJA et de la SCP BTSG, que la société Profil Plus n’a pourtant pas interjeté appel à l’encontre du jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société Mediaco Levage, que conformément à l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile la cour ne statuant sur les prétentions énoncées au dispositif ne peut que confirmer le chef de jugement non critiqué et ne pourra dès lors que confirmer le jugement du tribunal de commerce en date du 9 mars 2022 en ce qu’il a mis hors de cause Mediaco Levage.
La société Profil plus expose qu’elle a relevé appel dès ses premières écritures à l’encontre de la société Mediaco Levage qui avait été mise hors de cause par les premiers juges et que cet appel est recevable et bien fondé.
Sur ce
L’appel principal a été formé par la société Mediaco Bretagne Manutention qui n’a bien évidemment pas fait appel de la décision ayant mis hors de cause sa société mère, la société Mediaco Levage.
Par acte d’huissier en date du 19.09.2022 la société Profil Plus a formé un appel provoqué contre la société Mediaco Levage et l’a faite assigner devant la cour d’appel.
Aux termes de l’assignation délivrée la société Profil Plus demande à la cour:
– de la dire et juger recevable et fondée en son appel incident et provoqué dirigée à l’encontre de la société Mediaco Levage
– de déclarer la société Profil Plus recevable et bien fondée en ses fins, demandes et prétentions
en conséquence
– de confirmer le jugement rendu le 9 mars 2022 par le Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a dit recevable et bien fondée l’action en revendication de la société Profil Plus à l’encontre de la société Altead Le Gai Matelot
– à titre principal:
-d’infirmer le jugement rendu le 9 mars 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a débouté la société Profil Plus de ses demandes formulées à l’encontre de la société Mediaco Levage, de la Selafa MJA prise en la personne de Me [P] et de la SCP BTSG prise en la personne de Me [H], ès-qualité, et statuant à nouveau:
– d’ordonner la restitution à son profit des pneumatiques revendiqués
et à défaut de restitution en nature
– de condamner solidairement et à tout le moins in solidum, Me [P] de la Selafa MJA et Me [H] de la SCP BTSG, ès-qualité de liquidateurs judiciaires de la société Altead Le Gai Matelot, et les sociétés Mediaco Levage et Mediaco Bretagne Manutention, en qualité de repreneur de ladite entité Altead, à payer à la société Profil Plus la contrepartie des pneumatiques revendiqués, soit la somme totale de 16.089,01 euros HT
(…).
Aux termes de ses dernières conclusions la société Profil Plus demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes vis à vis de Mediaco Levage et des liquidateurs et statuant à nouveau la condamnation de Mediaco Levage solidairement et à tout le moins in solidum avec les liquidateurs judiciaires et la société Mediaco Bretagne Manutention à payer la valeur des pneumatiques.
Il ressort de l’assignation en appel provoqué ainsi que des conclusions que la société Profil Plus n’a pas demandé l’infirmation du chef du jugement mettant hors de cause la société Mediaco Levage de telle sorte qu’il n’a pas été fait appel de ce chef du jugement qui est donc définitif.
Sur la demande en revendication des pneumatiques
L’article L 624-16 du code de commerce dispose:
dans son alinéa 2
Peuvent également être revendiqués, s’ils se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l’être dans un écrit régissant un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties.
Dans son alinéa 3
La revendication en nature peut s’exercer dans les mêmes conditions sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque la séparation de ces biens peut être effectuée sans qu’ils en subissent un dommage. La revendication en nature peut également s’exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte.
Sur la clause de réserve de propriété
La société Mediaco Bretagne Manutention expose que conformément à l’article L 624-16 du code de commerce pour qu’une clause de réserve de propriété s’applique et déroge en conséquence au principe d’égalité des créanciers, il est nécessaire qu’une telle clause ait été convenue entre les parties par un écrit au plus tard au moment de la livraison et que les biens revendiqués se retrouvent en nature dans le patrimoine du débiteur et elle soutient que la société Profil Plus ne justifie pas de l’existence d’une clause de réserve de propriété écrite et acceptée par la société Altead Le Gai Matelot puisque le contrat cadre qui stipule la clause de réserve de propriété a été conclu entre la société Profil Plus et la société Altead, et la société Altead Le Gai Matelot n’en est pas partie.
Elle en conclut que cette dernière n’a pas accepté la clause de réserve de propriété.
Elle soutient que la référence aux « sites du Client » désignant « les sociétés affiliées au Client disposant d’un parce de véhicules et listées en annexe, fournies en pneumatiques et faisant l’objet de prestations associées » détermine uniquement le périmètre d’intervention de Profil Plus et ne peut avoir pour effet de rendre la société Altead Le Gai Matelot partie au contrat.
Les liquidateurs judiciaires et le mandataire ad’hoc indiquent que pour être opposable la clause de réserve de propriété doit être contenue dans un écrit, et convenue entre les parties et donc acceptée par l’acheteur, au plus tard au moment de la livraison des biens revendiqués, qu’en l’espèce le contrat incluant la clause de réserve de propriété a été passé uniquement entre les sociétés Profil Plus et Altéad et ne concerne pas Altead Le Gai Matelot, qu’il n’est pas établi que celle ci a accepté de manière certaine et non équivoque cette clause et que celle ci lui est donc inopposable.
Ils soutiennent que la référence aux sites clients détermine uniquement le périmètre d’intervention de la société Profil Plus et que le fait que la société Altead Le Gai Matelot ait bénéficié des avantages consentis par la société Profil Plus est sans incidence, tout comme le fait que les parties aient entretenu des relations commerciales pendant de nombreuses années dès lors qu’il n’est pas démontré que les documents contractuels comportant une clause de réserve de propriété auraient été adressés à la société cédée au plus tard au moment de la livraison des biens revendiqués.
La société Profil Plus fait valoir qu’elle entretient des relations d’affaires depuis de très nombreuses années avec le groupe Altead et verse les contrats-cadre aux débats. Elle affirme que la clause de réserve de propriété qui fonde la requête figure par écrit dans les contrats-cadre conclus en amont de la livraison, de façon claire et dénuée de toute ambiguïté.
Elle souligne que la « Liste des sites client » figurant à l’annexe 7 du contrat-cadre de 2017 inclut la société Altead Le Gai Matelot avec laquelle Profil Plus a entretenu des relations d’affaires fréquentes. Elle indique que les liquidateurs judiciaires et les entités connaissaient l’existence de la clause de réserve de propriété opposable aux entités Altead. En outre, elle précise que la filiale passait commande auprès de Profil Plus en exécution des contrats-cadre en profitant des avantages négociés depuis plusieurs années. Selon elle, le contrat-cadre forme un tout indivisible au sein duquel figure la clause de réserve de propriété, qui ne peut ainsi donc pas être écartée.
Enfin, elle ajoute que les bons de commande adressés à Profil Plus par les différents sites du groupe Altead l’étaient sur en-tête Altead, sans mention du siège social, ni de numéro de RCS, créant une confusion dans l’esprit de Profil Plus.
Sur ce
Un contrat cadre a été signé entre la société Profil Plus en qualité de vendeur, et la société Altead, société mère de la société cédée, en qualité d’acquéreur, prévoyant une clause de réserve de propriété des pneus vendus.
Les différentes filiales de la société Altead, dont la société Altead Le Gai Matelot ont bénéficié de ce contrat cadre en passant, sur la base des conditions de celui ci, des commandes à la société Profil Plus qui a ainsi livré les différentes entités du groupe Altead.
La société Altead Le Gai Matelot, dans ses rapports contractuels avec la société Profil Plus, ayant fait application des termes du contrat cadre signé entre sa société mère et la société Profil Plus, s’agissant en particulier des prix convenus et des délais de livraison, a exécuté celui ci et et doit en conséquence en respecter l’ensemble des clauses, en ce compris la clause de réserve de propriété, sans pouvoir, comme l’ont rappelé à juste titre les premiers juges faire un choix entre les clauses présentant un avantage, qu’elle applique, et les clauses présentant un inconvénient, qu’elle écarte.
En conséquence, et quand bien même elle n’aurait pas signé le contrat cadre stipulant la clause de réserve de propriété dont il est demandé l’application, par son exécution du contrat la société Altead Le Gai Matelot a accepté celui ci dans toutes ses conditions.
La clause de réserve de propriété lui est donc opposable.
Sur le caractère fongible des biens revendiqués
La société Mediaco Bretagne Manutention fait valoir les dispositions de l’article L 624-16 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que le bien revendiqué doit exister en nature à l’ouverture de la procédure collective, et expose que l’existence en nature du bien revendiqué dans le patrimoine du débiteur suppose que ce bien puisse être identifié, sauf à faire application de l’exception prévue par le texte s’agissant de la fongibilité caractérisée par le fait que des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur.
Elle expose que la société Profil Plus doit rapporter la preuve que les pneumatiques ont les mêmes caractéristiques afin d’être considérés comme fongibles : dimension, indice de charge, indice de vitesse, qualité de gomme, usure. Elle indique que Altead Le Gai Matelot était propriétaire de plusieurs modèles de tracteurs et de remorques de différents types et que c’est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu l’absence de fongibilité, du fait que les pneumatiques ont donc des caractéristiques différentes et ne peuvant être substitués ou interchangés, précisant en outre que les pneus avaient des degrés d’usure différents qui rendent impossible toute interchangeabilité. Ele fait valoir que les factures produites aux débats démontrent ces différences.
Les liquidateurs judiciaires et le mandataire ad’hoc exposent que le bien revendiqué doit exister en nature à l’ouverture de la procédure collective dans le patrimoine de l’acheteur et que la charge de la preuve incombe au revendiquant, qu’il est cependant admis que la demande de revendication peut porter sur des biens fongibles et qu’il appartient au vendeur de démontrer le caractère fongible des biens vendus et la présence de biens substiuables entre les mains du débiteur.
Ils exposent qu’en l’espèce les pneus vendus qui relèvent de modèles différents présentant des caractéristiques techniques différentes n’ont pas de caractère fongible.
Subsidiairement si il était retenu la fongibilité, ils exposent qu’il appartient à la société Profil Plus de rapporter la preuve de l’existence en nature de biens de même nature et de même qualité dans les stocks de la débitrice au jour du jugement d’ouverture, ce que celle ci ne fait pas.
La société Profil Plus fait valoir que les pneumatiques sont des biens fongibles en s’appuyant sur plusieurs arrêts. Elle conclut qu’une flotte de véhicule comprend nécessairement des pneumatiques, qu’importe que ceux-ci figurent ou non dans l’inventaire. Elle précise qu’elle a fourni des pneumatiques afin d’équiper des véhicules appartenant aux différentes entités du groupe Altead et a assuré l’entretien desdits pneumatiques, et que dès lors, la flotte de véhicules était nécessairement équipée de pneumatiques, fongibles, ce qui lui permet d’affirmer qu’elle est bien fondée en sa revendication.
Elle conclut donc que les dispositions de l’article L 624-16 sont réunies : les biens sont fongibles et ils étaient présents dans le patrimoine du débiteur à l’ouverture de la procédure, et qu’en l’absence de restitution c’est à juste titre que la valeur équivalente des marchandises lui a été attribuée.
Sur ce
Les biens vendus par la société Profil Plus, s’agissant de pneus, n’ont pas été trouvés en nature au moment de l’ouverture de la procédure et ne figurent donc pas sur l’inventaire établi ainsi que le reconnaissent toutes les parties, étant précisé que l’inventaire n’est produit aux débats par aucune des parties.
Au soutien de sa demande de revendication, la société Profil Plus expose que les biens revendiqués sont des biens fongibles.
Les biens fongibles sont des biens de même nature qui peuvent être substituées l’un à l’autre et sont donc interchangeables.
En l’espèce il ressort des factures produites que les pneus vendus présentaient des caractéristiques techniques différentes et ont été installés sur des véhicules de nature différente:
– une facture concerne la vente de 4 pneus PN BRI 275/80R22.5 148 M R 294 (facture 01515996 du 16.12.2019) le véhicule équipé est une remorque
– une facture concerne la vente de 4 pneus PN MIC 445/45R19.5 160 J XTA2+ ENERGY (facture 01520519 du 31.12.2018)
– une facture concerne la vente de 4 pneus PN MIC 11R22.5 CZY2 CC1 et 4 pneus PRC ABR 11R22.5 CZY2 CC1 (facture 01520522 du 31.12.2018), les pneus ont été installés sur un poid lourd de marque ASCA
– une facture concerne la vente de 2 pneus PN HAN 435/50R19.5 160J TH31 M+S (facture 01528559 du 31.01.2019) les pneus ont été installés sur un semi remorque
– une facture concerne la vente de 2 pneus PN BRI 385/55R22.5 160 K M788DZ (facture 01528562 du 31.01.2019) les pneus ont été installés sur un tracteur routier de marque DAF
– une facture concerne la vente de 2 pneus PN FIR 185/65/R15 88T ROADHAWK (facture 01528588 du 31.01.2019) les pneus ont été installés sur une citroen C3.
– une facture concerne la vente de 2 pneus PN BRI 315/70R22.5 156L154M R-STEER 001+ (facture 01537146 du 28.02.2019) les pneus ont été installés sur un tracteur routier de marque DAF
– une facture concerne la vente de 2 pneus PN BFG 195/65R15 91 H G-GRIP (facture 01537147 du 28.02.2019), les pneus ont été installés sur une peugeot 307.
– une facture concerne la vente de deux pneus PN BRI 205/60R16 92H TRZ T005 (facture 01537150 du 28.02.2019), les pneus ont été installés sur une citroen C4 picasso
– une facture concerne la vente d’un pneu PN BRI 385/65R22.5 160K158 L 3788DZ (facture 01545081 du 31.03.2019), les pneus ont été installés un utilitaire de marque MAN
– une facture concerne la vente de 4 pneus PN HAN 315/80R22.5 156/150K DM 09 (facture 01553720 du 30.04.2019), les pneus ont été installés sur un utilitaire de marque MAN
– une facture concerne la vente de 1 pneu PN HAN 205/65R15 94H H740 (facture 01561015 du 26.05.2019), le pneu a été installé sur un Peugeot Expert.
Les pneus fournis par la société Profil Plus présentaient donc:
– des dimensions différentes
– des caractéristiques techniques différentes
et étaient installés sur des véhicules de nature différente: tracteur routier, voiture individuelle, fourgon, ne permettant pas leur interchangeabilité entre les différents véhicules composant la flotte de la société débitrice.
Le caractère fongible des marchandises revendiquées, s’agissant de biens pouvant se substituer l’un à l’autre, n’est donc pas établi.
La jurisprudence que la société Profil Plus a versé dans le débat, a fait une appréciation in concreto en retenant l’existence de biens de même marque, même espèce et de même qualité équipant la flotte de véhicules, alors qu’en l’espèce la présente cour constate le contraire, c’est à dire que les pneus revendiqués présentaient des caractéristiques techniques différentes et équipaient des véhicules de nature différente ne permettant pas de retenir la fongibilité des biens revendiqués.
Sur l’existence en nature des biens revendiqués dans le patrimoine de la société au jour du jugement d’ouverture
La société Mediaco Bretagne Manutention expose que constatant l’absence de fongibilité le tribunal de commerce aurait du statuer sur l’existence ou non des biens revendiqués dans le patrimoine de la débitrice au jour de l’ouverture de la procédure collective, et constater d’une part que les inventaires du commissaire priseur ne démontrent pas cette existence et d’autre part que la société Profil plus ne démontre pas plus cette existence, pour rejeter l’action en revendication.
Les liquidateurs judiciaires et le mandataire ad’hoc exposent qu’en l’absence de fongibilité des biens revendiqués il appartenait à la société ProfilPlus de rapporter la preuve de l’existence de pneus et de la corrélation entre la quantité de pneus revendiqués et le nombre de véhicules présents dans le patrimoine de la société cédée.
La société Profil Plus expose que la revendication demeure possible sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien mobilier lorsque leur récupération peut s’effectuer sans dommages pour les biens eux-mêmes et pour le bien dans lequel ils ont été incorporés.
Elle affirme que le fait que lesdits pneumatiques aient été incorporés sur des camions composant la flotte de Altead Le Gai Matelot ou qu’ils aient été stockés pour des besoins ultérieurs importe peu dans la mesure où ils étaient de fait et en droit, dans le patrimoine du débiteur au moment de l’ouverture de la procédure collective, Profil Plus étant le seul fournisseur de pneumatiques des filiales de Altead.
Elle fait donc valoir le caractère incomplet de l’inventaire qui équivaut à une absence d’inventaire puisque les pneumatiques litigieux n’ont fait l’objet d’aucun inventaire, ce qui entraine le renversement de la charge de la preuve, qu’à ce titre la preuve que le bien revendiqué n’existe plus en nature au jour du jugement d’ouverture incombe au liquidateur qui en l’espèce ne la rapporte pas.
Elle demande donc la confirmation de la décision sauf à l’assortir de la mention qu’elle a été prononcée HT, mention omise dans le jugement attaqué.
Sur ce
Une flotte de véhicules routiers comprend nécessairement des pneumatiques qui incorporés aux véhicules peuvent en être retirés sans dommage.
Cependant pour revendiquer les pneus s’agissant de biens incorporés la société revendiquante doit rapporter la preuve de leur existence dans le patrimoine de la société.
Cette preuve ne saurait résulter de la seule constatation de l’existence d’une flotte de véhicules mais il convient d’établir que les pneus revendiqués équipent réellement les véhicules présents dans le patrimoine de la société au jour de l’ouverture de la procédure collective.
De l’aveu de toutes les parties les penumatiques n’ont pas été décrits dans l’inventaire mais seuls les véhicules l’ont été.
Cependant aucune demande n’a été faite par la société Profil Plus auprès des liquidateurs judiciaires pour que le commissaire priseur complète l’inventaire en procédant à la description des pneus équipant les véhicules. Or il ne relève pas de la mission du commissaire priseur, en l’absence de demande spécifique en ce sens, de décrire les biens incorporés dans les actifs de la société.
Il ne peut donc être retenu que l’inventaire était incomplet et partant l’inversion de la charge de la preuve, mais il appartenait à la société Profil Plus d’établir que les pneus équipant les véhicules inscrits sur l’inventaire étaient ceux qu’elle avait vendu sans être payée.
Or la cour constate que la société Profil Plus n’a pas établi de liste récapitulant les pneus vendus et non payés en mentionnant pour chacun les caractéristiques techniques et les véhicules qu’ils équipent de façon à ce qu’une corrélation puisse être établie entre les véhicules portés sur l’inventaire (non produit) et donc les pneus les équipant, et les pneus revendiqués.
La société Profil Plus sur laquelle repose la charge de la preuve de prouver, si la fongibilité est écartée, la présence des marchandises revendiquées dans les biens du débiteur au jour du jugement d’ouverture, y compris les biens incorporés, échoue donc à rapporter cette preuve.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement qui a condamné la société cessionnaire au paiement des factures de la société Profil Plus et statuant à nouveau, de débouter celle ci de sa demande de paiement des factures.
Sur l’article 700 et les dépens
La société Mediaco demande l’infirmation du jugement l’ayant condamné sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation in solidum des intimés à lui régler la somme de 3000 euros chacun sur ce même fondement,
La société Profil plus demande la condamnation des sociétés Mediaco Levage et Mediaco Bretagne Manutention et des organes de la procédure à lui verser la somme de 5000 euros.
Les liquidateurs judiciaires demandent la condamantion de toute partie succombante à leur verser la somme de 3000 euros chacune au titre de l’article 700.
Sur ce
Le jugement étant infirmé la condamnation de Mediaco Bretagne Manutention au payement d’un article 700 est également infirmée.
Il est inéquitable de laisser les sociétés Mediaco Levage et Mediaco Bretagne Manutention ainsi que les liquidateurs judiciaires supporter les frais irrépétibles engagés pour assureur leur défense et il leur est alloué:
– la somme de 700 euros aux sociétés Mediaco Levage et Mediaco Bretagne Manutention
– la somme de 700 euros aux liquidateurs judiciaires.
Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge de la société Profil Plus qui succombe à titre principal.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a mis la société Mediaco Levage hors de cause mais l’infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau
Met hors de cause la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [R] [J], et la SCP Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [M] [D], ès qualités de coadministrateurs judiciaires de la société Altead Le Gai Matelot
Déboute la société Profil Plus de toutes ses demandes
Condamne la société Profil Plus à payer la somme de 700 euros à la société Mediaco Levage et à la société Mediaco Bretagne Manutention sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Profil Plus à payer la somme de 700 euros à la Selafa MJA et à la SCP BTSG, ensemble, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Altead Le Gai Matelot, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Profil Plus aux dépens de l’instance de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés par les avocats de l’instance qui en ont fait l’avance conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président