Décision du 30 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/00465

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/00465 – N°Portalis DBVH-V-B7G-IKXO

MPF-AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

13 décembre 2021

RG:19/02896

S.A.S.U. TUCO ENERGY

C/

[W]

SA ENEDIS N FRANCE (ERDF)

Grosse délivrée

le 30/03/2023

à Me Emmanuelle VAJOU

à Me Myriam SILEM

à Me Philippe PERICCHI

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 30 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Avignon en date du 13 Décembre 2021, N°19/02896

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S.U. TUCO ENERGY

Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Monsieur [T] [W]

né le 07 Mars 1984 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Myriam SILEM de la SA SASU COMTAT JURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

SA ENEDIS

Société Anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance, inscrite au RCS de NANTERRE sous le n°444 608 442, représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 8]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Martine RUBIN, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 30 Mars 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé du litige

FAITS ET PROCEDURE:

Selon bon de commande du 5 mai 2014, [T] [W] a conclu avec la SA Tuco Energy un contrat de fourniture et installation de 32 modules solaires photovoltaïques, d’un onduleur, d’un kit d’intégration en toiture GSE et de coffrets de protection électrique AC/DC. Le prix total de 42 900 euros comprenait aussi la prise en charge des démarches administratives et le raccordement au réseau EDF.

Pour financer l’achat et l’installation du matériel susvisé, [T] [W] a souscrit auprès de la CNP Cetelem un prêt d’un montant de 42 900 euros remboursable en 144 mensualités d’un montant de 438,99 euros.

Par acte sous seing privé du 9 avril 2015, l’acquéreur a conclu avec ERDF un contrat de vente de l’énergie électrique produite par les panneaux photovoltaïques. Le 26 juin 2014, ERDF devenu la SA Enedis, a procédé au raccordement de l’installation photovoltaïque au réseau de distribution d’électricité.

Après avoir obtenu, par la voie des référés, l’instauration d’une expertise du matériel installé, par acte du 2 octobre 2019, [T] [W] a assigné la SA Enedis et la SA Tuco Energy devant le tribunal de grande instance d’Avignon en résolution du contrat de fourniture et d’installation des panneaux photovoltaïques et en résolution du contrat de vente de l’électricité produite.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021, le tribunal judiciaire d’Avignon a :

– prononcé la résolution du contrat conclu entre la SA Tuco Energy et M. [T] [W] en date du 5 mai 2014 ;

– condamné la SA Tuco Energy à verser à M. [T] [W] la somme de 42 900 euros au titre des restitutions ;

– dit que M. [T] [W] doit restituer les panneaux photovoltaïques ;

– condamné la SA Tuco Energy à verser à M. [T] [W] la somme de 24 031,70 euros à titre de dommages-intérêts ;

– prononcé la résolution du contrat conclu entre la SA Enedis et M. [T] [W] le 26 juin 2014 ;

– condamné la SA Enedis à verser à M. [T] [W] la somme de 2 954,70 euros à titre de dommages-intérêts ;

– rejeté la demande de condamnation pour résistance abusive ;

– condamné la SA Enedis et la SA Tuco Energy à régler à M. [T] [W] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamné la SA Enedis et la SA Tuco Energy aux entiers dépens incluant les frais d’expertise,

– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a considéré que les malfaçons constatées par l’expertise judiciaire constituaient des manquements graves de la part de la SA Tuco et de la société Enedis à leurs obligations justifiant la résolution des deux contrats.

Par déclaration du 7 février 2022, la SASU Tuco Energy a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 10 octobre 2022, la procédure à été clôturée le 17 janvier 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 7 février 2023.

Moyens

Motivation

MOTIFS:

Sur la résolution du contrat de fourniture et d’installation du matériel photovoltaïque conclu entre la société Tuco Energy et [T] [W]:

La société Tuco Energy a réalisé une simulation de la rentabilité du projet d’installation photovoltaïque proposé à [T] [W]:ce document prévoyait une production d’électricité de 12 900 kWh par année sur la base de 32 panneaux photovoltaïques d’une puissance de 250 wc, un prix d’achat du kilowattheure produit à hauteur de 0,2794 euros et un « revenu solaire » de 5605 euros par an et de 301 euros par mois. Le prix de l’installation étant de 42 900 euros, et la mensualité de remboursement de l’emprunt de 439 euros, la simulation prévoyait une durée d’amortissement de l’installation de 7 années.

L’installation, commandée le 5 mai 2014, est mise en service le 7 octobre 2014.

Le 22 septembre 2015, l’onduleur est remplacé après une panne survenue le 5 septembre 2015.

La première facture d’achat d’électricité par ERDF devenue Enedis est adressée le 6 octobre 2015 à [T] [W].

Le 13 octobre 2015, ce dernier a signalé à ERDF des dysfonctionnements et une production d’électricité inférieure à celle attendue.

L’expert désigné en référés le 27 mars 2017 a constaté que deux sortes de désordres affectaient la production d’électricité :

– les premiers désordres, touchant à la conception et affectant durablement la production d’électricité, étaient la surévaluation de la production d’électricité annuelle lors des études de conception ainsi que des défauts de courants trop élevés au niveau des panneaux photovoltaïques. Selon l’expert, la surestimation de la production d’électricité est de l’ordre de 15 % et les malfaçons provenant de l’existence de courants de défaut des panneaux impactent la production d’électricité et le coût de la réfection s’élève à la somme de 4600 euros HT.

– les seconds désordres, transitoires, liés à la déconnexion répétée de l’onduleur par mise en sécurité à la suite des variations des caractéristiques du réseau basse tension Enedis ( variation de tension, baisse de fréquence), ces défauts étant en diminution au moment où l’expert a rédigé son rapport.

Le tribunal a estimé que le bon de commande ne comprenant pas la simulation de production d’électricité, le volume de la production d’électricité mentionnée dans la simulation n’était pas une obligation contractuelle et n’avait pas à être prise en compte dans l’appréciation des manquements imputables au fournisseur. Il a cependant prononcé la résolution du contrat de fourniture et d’installation du matériel photovoltaïque aux motifs que l’expert avait constaté que l’installation des panneaux photovoltaïques n’avait pas été réalisée dans les règles de l’art.

La société Tuco Energy estime qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat, que l’installation commandée a été installée, mise en service et qu’elle fonctionne. Elle considère que le déficit de production d’électricité est entièrement imputable à Enedis, seule responsable des variations du réseau, lesquelles provoquent la mise en sécurité de l’onduleur et l’arrêt de la production d’électricité. Elle demande à la cour de débouter [T] [W] de sa demande de résolution et, à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation au paiement de la seule somme de 4600 euros représentant le coût de réfection des désordres affectant l’installation photovoltaïque. En toute hypothèse, elle demande que la société Enedis soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

La société Enedis soutient tout au contraire que le déficit de production d’électricité est entièrement imputable aux malfaçons affectant l’installation photovoltaïque, les panneaux présentant des défauts électriques et aux dysfonctionnements de l’onduleur mis en place, lequel n’est pas selon l’expert conforme à celui commandé, et a dû être remplacé le 22 septembre 2015 car il présentait des défectuosités. Elle souligne que le matériel installé n’est pas conforme aux normes en vigueur comme l’a constaté l’expert en relevant des différences entre l’état réel de l’installation et celui déclaré au Consuel, document remis par le fournisseur et son client et lui permettant de procéder à la mise en service de l’instalation.

[T] [W] estime que la simulation de la production d’électricité remise par son fournisseur fait partie intégrante du contrat dès lors que ce document a été signé par les deux parties et que le bon de commande reproduit certains des éléments de la simulation ( prix d’achat, nombre d’échéances et taux d’intérêt de l’emprunt). Il conclut que la différence entre le volume annuel de production d’électricité visé par la simulation ( 12 900 kwh) et celui effectivement obtenu la première année 2014/2015 ( 3629 kwh), la seconde année 2015/2016 (7961 kwh) et la troisième année 2015/2016 ( 8591 kwh) justifie la résolution du contrat. Il expose que les malfaçons issues des courants de défaut des panneaux ont impacté la production d’électricité et constituent une inexécution fautive suffisamment grave.

L’expert a déterminé l’origine des divers désordres qui ont affecté la production d’électricité de l’installation photovoltaïque, les premiers, durables, imputables à la société Tuco Energy, fournisseur de l’installation, et les seconds, transitoires, imputables à la société Enedis.

Parmi les désordres imputables à la société Tuco Energy, la surestimation de la production électrique dans le document intitulé: « Simulation de votre projet » ne sera pas retenue. En effet, ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal, les données de production figurant sur ce document ne sont que des estimations et ne sont pas entrées dans le champ contractuel. En effet, le bon de commande qui contient la liste des obligations à la charge de la société Tuco Energy à l’égard de son client ne mentionne que des prestations de fourniture de divers matériels ( 32 panneaux d’une puissance de 250 WC chacun, chauffe-eau thermodynamique, 25 ampoules pack pour un prix total de 42 900 euros, outre la prise en charge des démarches administratives, l’installation complète du matériel fourni, le raccordement au réseau ERDF. Le bon de commande ne contient aucun engagement de la société Tuco Energy quant au volume de l’électricité produite et donc à la rentabilité économique de l’installation, laquelle n’est pas une caractéristique essentielle du contrat de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques sauf si les parties l’incluent expressément dans le contrat.

La dernière clause des conditions générales de vente annexées au bon de commande produit par [T] [W] stipule au contraire que «  Tuco Energy s’engage à réaliser au profit de l’éventuel acheteur et à titre indicatif (non garanti) une étude de simulation d’économie d’énergie ou

de rendement énergétique ».

L’expert a relevé que l’installation présentait plusieurs malfaçons au niveau de la pose en toiture des panneaux photovoltaïques. En effet, ont été relevées des défauts au niveau des étriers de serrage de certains panneaux ainsi que des dégradations du système d’étanchéité et des étriers. L’expert a précisé qu’était insuffisant le nombre d’étriers de maintien installés lesquels étaient de surcroît mal positionnés, étant à cheval sur quatre panneaux. Les recouvrements des plaques de maintien des panneaux sont en outre dégradés et des défauts électriques ( isolement, courant de fuite…) semblent se produire au niveau des panneaux. L’expert a préconisé de démonter les panneaux pour remplacer les plaques du système d’intégration et des panneaux photovoltaïques. Il a estimé le coût de réparation de ces malfaçons à la somme de 4600 euros HT soit 5520 euros TTC.

Les malfaçons constatées par l’expert sont révélatrices d’une exécution imparfaite par le fournisseur de ses obligations. Eu égard au prix total de l’ensemble de la prestation ‘ 42 900 euros -, les malfaçons relevées par l’expert ne constituent cependant pas une inexécution suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat conclu entre [T] [W] et la société Tuco Energy.

La société Tuco Energy sera donc condamnée à payer à son cocontractant la somme de 5520 euros au titre des dépenses de reprise des malfaçons.

[T] [W] justifie supporter un manque à gagner au cours des trois premières années d’exploitation de son installation photovoltaïque.

L’expert a chiffré à la somme de 5163 euros la perte d’exploitation subie du 7 octobre 2014 au 6 octobre 2017.

Ce chiffre ne sera pas retenu car pour déterminer le déficit de production d’électricité, l’expert a comparé le volume annuel de production d’électricité figurant dans la simulation ( 12 900 kwh) à celui réellement obtenu, alors que ce volume a été surestimé à hauteur de 15 % par rapport au volume annuel de 11 000 kwh correspondant selon l’expert à la production annuelle envisageable à partir des caractéristiques relevées sur la toiture ( orientation des panneaux, pente, ‘). Comme le volume annuel de 12 900 kwh n’est pas entré dans le champ contractuel, il n’y a pas lieu de le prendre en compte pour calculer la perte d’exploitation consécutive aux manquements du fournisseur.

Le déficit d’exploitation sera donc égal à la différence entre le volume annuel de 11 000 kwh et le volume annuel obtenu. Il est donc de 7371 kwh la première année ( 11 000 – 3629), de 3039 kwh la deuxième année ( 11 000 -7961 ) et de 2 409 kwh la troisième année ( 11 000 ‘ 8591), ce qui représente une perte financière de ( 7371+3039+2409 X 0,2794 euros) 3582 euros.

L’expert a précisé que la part liée au taux de défaillance du réseau basse tension ( variations de tension) se situait entre 56 % et 18 % au cours de la période considérée, ce qui correspond à une moyenne de 35 %. L’expert ayant par ailleurs constaté que des défauts de courants trop élevés au niveau des panneaux UV impactaient la production d’électricité, la cour retient que du 7 octobre 2014 au 6 octobre 2017, le déficit de production électrique était imputable à hauteur de 65 % aux manquements de la société Tuco Energy.

Elles sera donc condamnée à payer à [T] [W] la somme de 2 328 euros en réparation de son préjudice de perte d’exploitation (3582 x 65%).

Il n’y a pas de déficit de production d’électricité significatif à compter d’octobre 2017, les volumes annuels obtenus correspondant au volume annuel de 11 000 kwh évalué comme envisageable par l’expert compte-tenu de toutes les caractéristiques de l’installation. [T] [W] sera donc débouté de sa demande d’indemnisation du préjudice de perte d’exploitation à compter d’octobre 2017.

Sur la résolution du contrat conclu entre la société Enedis et [T] [W]:

Après la mise en service du raccordement de l’installation de production d’électricité sur le réseau public de distribution d’électricité, [T] [W] et la société Enedis ont conclu le 13 avril 2015 un contrat d’achat de l’énergie électrique.

[D] [M], expert judiciaire désigné en référés, a expliqué que l’onduleur est conçu pour surveiller les paramètres du réseau durant l’injection du courant soit pendant la production d’électricité par les panneaux photovoltaïques : il se déconnecte automatiquement dès que le réseau ne respecte plus les dispositions légales puis se reconnecte automatiquement dès lors qu’il satisfait à nouveau auxdites conditions. L’expert a constaté un nombre important de déconnexions de l’onduleur et, d’après les messages affichés sur l’écran de l’onduleur et photographiés par [T] [W], des chutes ou hausses de tension et de baisse de fréquence lesquelles seraient selon lui révélatrices d’un déséquilibre du réseau Enedis. L’expert a donc conclu que les nombreuses variations des caractéristiques du réseau BT Enedis ( tension, fréquence et déséquilibre de phase) provoquaient la déconnexion de l’onduleur et constituaient des désordres transitoires affectant en partie la production d’électricité pour une part comprise entre 56 % et 18 % au cours de la période située entre octobre 2014 et octobre 2017. Selon les déclarations de [T] [W] faites à l’expert, ces désordres étaient en voie de diminution à la date de la rédaction du rapport ( 15 février 2018).

Le tribunal, après avoir relevé que l’expertise judiciaire avait mis en évidence des variations du réseau ayant eu des impacts sur l’installation des panneaux photovoltaïques et en particulier sur l’onduleur, a prononcé la résolution judiciaire du contrat eu égard aux manquements contractuels de la société Enedis.

La société Enedis réfute avoir commis la moindre faute dans l’exécution du contrat, rappelle qu’elle ne s’est pas engagée à garantir à son client une production minimale d’électricité et soutient qu’en l’absence de mesures fiables de la tension sur le réseau, la preuve des variations de réseau alléguées n’est pas rapportée. Elle fait grief au tribunal d’avoir retenu sa responsabilité en se fondant sur les seules données de tension communiquées par son client et relevées en l’absence des parties. L’intimée conteste la fiabilité des données retenues par l’expert, la tension n’ayant pas été mesurée sur des plages horaires de 10 minutes, seule méthode préconisée pour contrôler réellement l’amplitude des variations de tension sur le réseau. Elle ajoute que contrairement aux affirmations de l’expert, elle a coopéré aux opérations d’expertise et que [T] [W] s’est opposé à la pose par la société Enedis sur ses installations d’un enregistreur permettant de relever les variations de tension.

Dans les conditions générales du contrat de raccordement, en page 12 figure un chapitre n°20 intitulé: « Engagement d’ERDF » ( devenu Enedis): « La tension nominale est de 230 V en courant monophasé et de 400V en courant triphasé. ERDF maintient la tension de fourniture au point de livraison de + à -10 % de la tension nominale fixée par décret…..la valeur nominale de la fréquence est de 50 hertz. ERDF s’engage sur la fréquence et la tension conformément à la norme EN 50-160. »

Par ailleurs, la clause « Engagements du producteur » stipule: « le respect par ERDFdes engagements décrits au chapitre 20 suppose que le producteur limite à son point de livraison ses propres perturbations….les équipements seront conformes pendant toute la durée du contrat aux normes et règlements en vigueur à la date de signature du contrat ».

L’expert a constaté que l’onduleur présentait les caractéristiques de protection conformes à la norme et qu’aucun dysfonctionnement intrinsèque à l’onduleur n’était à l’origine de ses multiples déconnexions au cours des trois premières années suivant la mise en service de l’installation photovoltaïque et le début de la production d’électricité.

[T] [W] a donc respecté ses engagements en utilisant un onduleur conforme aux normes et règlements en vigueur.

L’expert a en revanche mis en évidence la défaillance du réseau BT ( basse tension) exploité par la société Enedis lequel a présenté au cours de la période examinée des variations de caractéristiques ( variation de tension, baisse de fréquence). Il a en effet expliqué que les tensions simples efficaces théoriques du réseau étant de 230 V, l’onduleur se déconnectait dès lors que les tensions simples efficaces réelles se situaient en dehors de la plage comprise entre 184 V ( – 20 % de 230 V) et 264,5 V ( + 15% de 230 V). Les critiques des conclusions de l’expert par la société Enedis, laquelle n’a pas sollicité de contre-expertise, ne sont pas pertinentes. En effet, l’expert pour conclure à la défaillance du réseau BT a étudié les paramètres de l’onduleur, l’intégralité des messages d’erreur affichés sur l’écran de l’onduleur et photographiés par [T] [W]. Le nombre de messages d’erreur recensés sur une période comprise entre décembre 2015 et juillet 2017 ont permis à l’expert de démontrer avec une fiabilité suffisante l’existence de nombreuses variations du réseau. Cette défaillance du réseau est confortée par le dysfonctionnement de l’onduleur qu’elle a provoqué et qui a été constatée par le fournisseur lequel a dû remplacer l’onduleur le 22 septembre 2015.

N’ayant pas fait elle-même procédé en temps utile à des mesures de contrôle alors que [T] [W] et la société Tuco Energie avaient attiré son attention sur des déconnexions fréquentes de l’onduleur, la société Enedis échoue à rapporter la preuve que les conclusions de l’expert sont erronées. [D] [M] a précisé qu’il n’avait pas pu obtenir de la société Enedis les documents techniques du réseau, qu’il n’avait pas réussi à planifier des mesures électriques sur le réseau et que la société Enedis avait pris rendez-vous pour poser un enregistreur sur l’installation de son client la veille de la date du dépôt de son rapport. Les bons de travaux versés aux débats par la société Enedis attestent d’interventions de ses salariés au domicile de l’intimé les 6 février, 23 septembre et 23 décembre 2015 à la suite du signalement des variations de tension avant l’assignation en référé aux fins d’expertise laquelle date du 27 mars 2017: la pose d’un enregistreur a bien été préconisée le 23 septembre 2015 par le chargé de travaux mais n’a pas eu de suite( cf pièce n°9).

L’expert a déterminé les désordres à l’origine du déficit de production d’électricité parmi lesquels figure les variations de tension du réseau BT géré par la société Enedis, tout en précisant qu’il lui était impossible de déterminer les causes de l’instabilité du réseau qu’il avait constatée en l’absence des documents techniques que l’intimée ne lui avait pas fournis ainsi que des mesures électriques. Contrairement à ce que soutient la société Enedis, il ne s’est donc pas contredit mais a au contraire répondu de manière claire et précise à sa mission qui consistait à décrire les désordres affectant la production d’électricité par les panneaux photovoltaïques installés sur la toiture de la maison de [T] [W].

Si l’inexécution par la société Enedis de son obligation d’assurer une qualité des caractéristiques du réseau est établie, elle n’est pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat. L’expert a en effet précisé que les désordres découlant des variations de tension avaient un caractère transitoire, l’intimé ayant signalé à la date de rédaction de son rapport d’expertise leur disparition progressive.

La résolution judiciaire du contrat n’est pas justifiée.

L’expert a conclu que la part de la défaillance du réseau BT dans la réalisation du dommage causé par la perte d’exploitation se situait entre 56 % et 18 %, ce qui correspond à une moyenne de 35 % sur trois ans.

Le montant total de la perte d’exploitation en trois ans étant de 3 582 euros, la société Enedis sera condamnée à payer la somme de ( 3582×35%) 1254 euros à [T] [W] à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 144 euros au titre des frais de réparation des équipements de la maison imposés par les dégradations occasionnées par les surtensions du réseau.

La demande relative à la prise en charge d’un régulateur de tension sera rejetée, l’expert ayant relevé que les variations de tension avaient été des désrdres transitoires et [T] [W] ne démontrant pas leur persistance après le dépôt du rapport d’expertise.

[T] [W] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive faute de rapporter la preuve que la société Enedis et la société Tuco Energie ont abusé de leur droit de se défendre contre ses prétentions.

L’équité justifie de condamner la société Tuco Energie et la société Enedis à payer à [T] [W] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute [T] [W] de sa demande de résolution judiciaire des contrats conclus avec la société Tuco Energy et avec la société Enedis

Condamne la société Enedis à lui payer la somme de 1254 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de perte d’exploitation outre la somme de 144 euros au titre des frais de réparation des équipements de la maison,

Condamne la société Tuco Energy à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 2 328 euros en réparation de son préjudice de perte d’exploitation et la somme de 5520 euros au titre des dépenses de reprise des malfaçons,

Déboute [T] [W] de ses demandes relatives au régulateur de tension et de dommages-intérêts pour résistance abusive et au titre de la perte d’exploitation à compter d’octobre 2017.

Condamne la société Tuco Energy et la société Enedis à payer à [T] [W] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens en ce compris les frais d’expertise.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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