RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 31 Mars 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/10843 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3R5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Septembre 2019 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’EVRY RG n° 18/00121
APPELANTE
SASU [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Karine GERONIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1494
INTIME
CPAM DE LA SEINE SAINT DENIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
Mme Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 24 mars 2023 et prorogé au 31 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la société [5] d’un jugement rendu le 19 septembre 2019 par le tribunal de grande instance d’Evry dans un litige l’opposant à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis.
Exposé du litige
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [K] [R] (l’assuré) a souscrit le 12 mars 2017 auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis (la caisse) une demande de prise en charge de maladie professionnelle au titre d’une hypoacousie bilatérale. Cette déclaration était accompagnée d’un certificat médical initial du 8 mars 2017, rédigé par le docteur [G] relevant : « hypoacousie bilatérale sévère chez 1 patient travaillant dans le BTP ». Après instruction, cette affection a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels dans le cadre du tableau n°42 des maladies professionnelles par une décision de l’organisme social notifiée à l’employeur le 6 novembre 2017. Après vaine contestation de cette décision devant la commission de recours amiable le 4 décembre 2017, l’employeur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Essonne.
L’instance a été transférée en application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, au tribunal de grande instance d’Evry.
Le tribunal de grande instance d’Evry, par jugement du 19 septembre 2019, a :
– déclaré la société [5] recevable en son recours mais l’a dit mal fondé,
– débouté la société [5] de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie médicalement constatée par certificat médical initial en date du 8 mars 2017 et dont a été victime M. [R],
– déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis, au titre de la législation professionnelle, de la maladie médicalement constatée par certificat médical initial en date du 8 mars 2017.
La société a interjeté appel le 28 octobre 2019 de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas des pièces du dossier.
Moyens
Motivation
SUR CE, LA COUR
1. Sur la désignation dans le tableau 42 des maladies professionnelles de la maladie prise en charge par la caisse.
Aux termes de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) et l’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L.315-1.
En l’espèce, la caisse a pris en charge la maladie supposée professionnelle au titre d’une hypoacousie bilatérale dans le cadre du tableau n° 42 des maladies professionnelles, dont la désignation est libellée ainsi :
« Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d’acouphènes.
Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.
Le diagnostic de cette hypoacousie est établi :
– par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ;
– en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l’étude du suivi audiométrique professionnel.
Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.
Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d’exposition au bruit lésionnel d’au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d’au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz. »
L’employeur soutient que la condition relative à la désignation de la maladie n’est pas remplie, aux motifs que la maladie déclarée dans le certificat médical initial était indiquée comme « hypoacousie bilatérale », ce qui ne correspond pas à l’intitulé de la maladie dans le tableau 42.
La caisse réplique que le médecin conseil, qui n’est pas lié par le libellé de la pathologie indiquée par le médecin traitant dans le certificat médical initial, a rendu un avis médical favorable à la reconnaissance de la pathologie inscrite au tableau n°42, et que l’audiogramme du 13 mai 2016 remplit les conditions de désignation de cette maladie professionnelle.
Au cas particulier il ressort des pièces de la procédure que :
– le certificat médical initial du 8 mars 2017 qui libelle la désignation de la maladie comme une « hypoacousie bilatérale (mention illisible) patient travaillant dans le BTP » ne mentionne aucune référence à un quelconque tableau des maladies professionnelles.
– la demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 12 mars 2017 indique à la rubrique « nature de la maladie » : « hypoacousie bilatérale sévère » et la date de première constatation médicale au 13 mai 2016.
Dès lors, il ressort des pièces adressées par l’assuré à la caisse, aucune référence quant à l’intitulé exact de la maladie ou au tableau des maladies professionnelles concerné.
Si le médecin conseil a effectivement la possibilité de préciser la pathologie indiquée dans le certificat médical en retenant des éléments extrinsèques à ce certificat permettant de caractériser la maladie décrite au tableau, encore faut-il que son avis soit suffisamment étayé et qu’il mentionne clairement les pièces qui lui permettent d’affirmer que la pathologie déclarée correspond à celle prévue par le tableau.
Or, le colloque médico-administratif rédigé par le médecin-conseil de la caisse indique à la rubrique « libellé complet du syndrome » : « hypoacousie bilatérale », cette dernière mention ne correspondant pas au libellé complet de la maladie dans le tableau 42. Par ailleurs, il ressort de la désignation de l’« hypoacousie bilatérale de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d’acouphènes. » dans le tableau des maladies professionnelles que le diagnostic doit être établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ou en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l’étude du suivi audiométrique professionnel.
Sur ce dernier point, il convient de constater que le colloque médico-administratif mentionne en regard de la rubrique : « documents ayant permis de fixer la date de première constatation médicale de la maladie déclarée » un « audiogramme du 13/5/2016 ». Toutefois, le médecin conseil n’a pas indiqué avoir retenu cet examen pour caractériser les conditions médicales réglementaires du tableau. En effet, après avoir répondu positivement à la question « conditions réglementaires du tableau remplies », le praticien a indiqué en regard de la rubrique « Si conditions remplies, préciser le cas échéant, la nature et la date de réalisation de l’examen complémentaire exigé par le tableau » l’unique mention d’une date « 13/7/2017 », sans autre précision. Il y donc lieu de constater que le médecin conseil n’a pas indiqué clairement l’existence d’un examen audiométrique, réalisé conformément aux exigences du tableau permettant de caractériser une « Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d’acouphènes. » et qu’il ne résulte donc pas du colloque médico-administratif que l’assuré souffrait d’une telle affection. La décision de la caisse de prendre en charge cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels est inopposable à l’employeur.
La décision du premier juge doit être infirmée.
La Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement de grande instance d’Evry du 19 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
DÉCLARE inopposable à la société [5] la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée le 12 mars 2017 par M. [K] [R] ;
DÉBOUTE la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis de toutes ses demandes ;
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine Saint Denis aux dépens.
La greffière La présidente