Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/01920 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O5UW
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 décembre 2020
Tribunal judiciaire de Carcassonne – N° RG 20/00412
APPELANTE :
S.A.S.U. Btc Motors
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Iris RICHARD substituant Me Laura NOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, ayant plaidé pour Me Anne BOILEAU, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Madame [C] [V]
née le 15 Janvier 1987 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Serge MEGNIN de la SCP DE MARION-GAJA-LAVOYE-CLAIN-DOMENECH-MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 OCTOBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
Exposé du litige
*
* *
FAITS ET PROCEDURE
Le 12 juin 2018, Mme [C] [V] a fait l’acquisition d’un véhicule quad neuf de marque Jingling d’un montant de 1549,98 € auprès de la Sasu Btc Motors (la société).
A partir de décembre 2018, Mme [V] a constaté des désordres sur ce véhicule : panne de batterie, baisse de régime, accélérations intempestives, allumage du feux AR aléatoire, fuite de gaz d’échappement, etc…
Un diagnostic a été effectué par le garage Dafy Motos à [Localité 4] qui a constaté différentes pièces défectueuses et a relevé divers désordres affectant le véhicule.
Mme [V] a alors adressé un courrier de réclamation à la société, resté infructueux.
Elle a déclaré le sinistre auprès de son assureur, lequel a fait diligenter une expertise amiable le 30 avril 2019, à laquelle la société n’a pas participé, confirmant que le véhicule était affecté de désordres.
Par ordonnance de référé en date du 29 août 2019, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [G] [N].
Le rapport de l’expert a été déposé le 16 décembre 2019.
Par acte en date du 18 février 2020, Mme [V] a fait assigner la société aux fins de résolution de la vente et de restitution du prix.
Par jugement rendu sous le bénéfice de l’exécution provisoire en date du 14 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :
– prononcé la résolution de la vente,
– ordonné à la société de restituer à Mme [V] la somme de 1549,98 € correspondant au prix de vente, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2018,
– ordonné à Mme [V] de restituer le quad à la société, aux frais de cette dernière qui sera condamnée à le récupérer au domicile de Mme [V],
– débouté Mme [V] de sa demande tendant à assortir d’une astreinte l’obligation faite à la société de récupérer le véhicule,
– condamné la société à payer à Mme [V] les sommes suivantes :
> 1 154 € en réparation du préjudice de jouissance,
> 392,50 € au titre du remboursement de l’assurance du véhicule,
> 1 500 € de dommages et intérêts en réparation des troubles dans ses conditions d’existence,
> 1 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamné la société à la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris l’expertise judiciaire.
Le 23 mars 2021, la société a relevé appel de ce jugement.
Moyens
Motivation
MOTIFS
Sur l’action en garantie des vices cachés
Selon l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Le premier juge, saisi sur ce seul fondement par Mme [V], a procédé à une stricte analyse des termes du rapport d’expertise judiciaire de M. [N], la société BTC Motors régulièrement convoquée aux opérations ayant manifesté la plus pure indifférence et ne pouvant se prévaloir de la moindre approximation ou incertitude, tout comme citée à personne devant le premier juge, elle n’a pas comparu et fait choix de ne pas se défendre.
De ce rapport d’expertise judiciaire, corroborant les autres éléments précédents issus d’un rapport d’expertise amiable et de l’attestation des établissements Dafy du 18 janvier 2019, il résulte clairement de constatations et conclusions circonstanciées que :
– le véhicule est affecté de désordres (fuite de gaz d’échappement entre le cylindre et le coude d’échappement ; fuite de gaz entre le cylindre et la culasse ; mauvaise fixation de l’étrier de frein arrière, celui-ci maintenu que par une vis trop longue pour être efficace alors que deux perçages sont prévus ; absence de boîtier électronique de gestion moteur de sorte que celui-ci est susceptible d’entrer en contact avec les éléments chauds du moteur et d’engendrer un court-circuit électrique ; absence d’alignement du guidon sur le reste de l’engin, ce défaut étant la conséquence d’une déformation de la colonne de direction, qui ne résulte pas d’un dommage accidentel, l’expert n’ayant relevé aucune trace de choc sur les poignées ou le levier; jeu anormal dans les articulations des trains roulants, les jeux de fonctionnement n’ayant été réglés ; absence de fixation correcte du compteur odométrique sur le guidon, les fixations prévues sur celui-ci ne correspondant pas à celle du guidon.
L’expert précise encore que ces désordres résultent tout à la fois d’un défaut de conception, de fabrication et de montage, le quad, conçu et fabriqué en Chine et livré démonté, la société BTC motors se chargeant de l’assemblage final ;
– ces défauts, qui n’ont rien d’apparents pour un acquéreur profane qui ne peut les déceler, sont tous antérieurs à la vente ;
– ils compromettent l’usage de ce quad et ne résultent ni de l’usage normal de ce quad, ni d’un défaut d’entretien ou d’une mauvaise utilisation.
Ainsi, les conditions de l’action en garantie des vices cachés, le choix de l’action en résolution de la vente n’appartenant qu’à Mme [V] en application des dispositions de l’article 1644 du code civil, sont totalement satisfaites et le jugement sera confirmé en ce qu’il y fait droit.
La résolution de la vente entraîne les restitutions réciproques, du prix et du quad, lequel ayant été livré par la société BTC doit être récupéré à ses frais.
La société n’ayant jusqu’alors pas déféré à cette condamnation revêtue de l’exécution provisoire, il convient de faire droit, sur son appel incident, à la demande de Mme [V] tendant à la fixation d’une astreinte dans les termes du dispositif.
Sur l’indemnisation des préjudices
La société BTC MOTORS est vendeur professionnel et tenue par application des dispositions de l’article 1645 du code civil de connaître les vices affectant le quad vendu. Elle est alors débitrice de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
C’est d’autant plus à juste titre au regard du contexte de l’achat de cet engin par une consommatrice atteinte d’une maladie affectant sa mobilité que le premier juge a évalué les divers préjudices subis par Mme [V], tant au regard du préjudice de jouissance du fait de l’immobilisation et de l’impossibilité d’utiliser le véhicule litigieux -les critiques de la société quant à l’inexistence d’un tel préjudice étant particulièrement inopportunes dès lors que la vente a été conclue pour répondre à un besoin et non à un loisir- qu’au regard du coût de l’assurance exposée en vain, à liquider désormais au jour de l’arrêt qu’au regard encore de troubles ressentis dans les conditions d’existence. Tous ces postes de préjudice seront confirmés, sous réserve de leur actualisation.
S’agissant de l’octroi de dommages et intérêts pour résistance abusive, la décision mérite pleine confirmation dès lors que la société, régulièrement convoquée aux opérations d’expertise, amiable puis judiciaire, régulièrement assignée à personne devant le premier juge, n’a fait preuve que d’hétérotélie face à une action légitime en résolution de la vente pour vices cachés, choisssant tardivement en cause d’appel de tenter de plaider sa bonne foi en transférant à la charge de Mme [V] une obligation inexistante de se soumettre à des conditions générales de vente hors du fondement juridique adéquat.
S’agissant du point de départ des intérêts courant sur la restitution du prix fixés par le juge au jour de la vente, il résulte des dispositions de l’article 1231-6 du code civil qu’il ne peut être fixé qu’au jour de la mise en demeure, laquelle est en l’espèce du 18 janvier 2019. S’agissant des intérêts courant sur les créances indemnitaires, ils ne courent que du jour du jugement, soit du 14 décembre 2020.
Sur les accessoires
Partie essentiellement perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société Btc Motors supportera les dépens de première instance, en ceux compris les dépens de la procédure de référé, et les dépens d’appel, lesquels seront distraits au profit de l’avocat qui en affirme le droit de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
statuant contradictoirement
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société BTC Motors à restituer la somme de 1549,98€ avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, rejeté la demande de fixation d’astreinte et omis de statuer sur les dépens de référé du 29 août 2019
Statuant à nouveau et y ajoutant
Condamne la société BTC Motors à restituer la somme de 1549,98€ avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2019
Condamne la société BTC Motors à récupérer le quad au domicile de Mme [V] dans le délai de quinzaine suivant la signification du présent arrêt.
Fixe passé ce délai une astreinte provisoire de 50 euros par jour courant pour une période de trois mois, délai passé lequel il pourra être à nouveau statué.
Juge que les indemnisations afférentes au préjudice de jouissance et au coût de l’assurance sont à liquider au jour de l’arrêt sur la base des sommes retenues par le premier juge
Confirme le jugement pour le surplus
Condamne la société BTC Motors aux dépens de l’instance de référé et aux dépens d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP d’avocats de Marion Gaja- Lavoye- Clain Domenech Megnin, sur son affirmation de droit.
Condamne la société BTC Motors à payer à Mme [C] [V] la somme de 3000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT