Décision du 23 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/13043

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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 23 MAI 2023

(n° / 2023, 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13043 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBCJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Avril 2021 -Tribunal Judiciaire de SENS – RG n° 17/00239

APPELANTES

Madame [G] [I]

Née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 14]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 14]

S.A.S. A LA COTE SAINT-JACQUES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SENS sous le numéro 331 532 838,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 14]

SASU [J] [I] CONSEILS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SENS sous le numéro 803 567 692,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 14]

S.A. [Adresse 16], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SENS sous le numéro 383 177 284,

Dont le siège social est situé [Adresse 16]

[Localité 14]

Représentées par Me Margaux SPORTES, avocate au barreau de PARIS, toque : C0332,

Assistées de Me Thierry MONOD, avocat au barreau de LYON, toque 730,

INTIMÉS

Monsieur [Z] [P]

Né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 13] (89)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 13]

Représenté et assisté de Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241,

En qualité d’appelant incident

La société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du MANS sous le numéro 775 652 126,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 11]

En qualité d’intimée sur appel provoqué

S.A. MMA IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du MANS sous le numéro 440 048 882,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 11]

En qualité d’intimée sur appel provoqué

Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assistées de Me Caroline VILAIN de l’AARPI PARRINELLO VILAIN & KIENER, avocat au barreau de PARIS, toque : R098

S.A.S. OFICOM, anciennement dénommée AUFICOM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SENS sous le numéro 453 108 177,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 14]

Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assistées de Me Nicolas LEMIERE de la SELARL ARGUO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P106,

en qualité d’appelant incident

S.A.S. IN EXTENSO CENTRE-EST, venant aux droits de la société ALPHA EXPERTS AUXERRE,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BESANCON sous le numéro 352 898 027,

Dont le siège social est situé [Adresse 15],

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069,

Assistée de Me Claire-Marie QUETTIER, avocate au barreau de PARIS, toque : B0459,

E.U.R.L. AUDIT PARTENAIRE CONSEIL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’AUXERRE sous le numéro 414 880 211,

Dont le siège social est situé [Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034,

Assistée de Me Maximilien MATTEOLI de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS, toque : B:0036,

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

La société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du MANS sous le numéro 775 652 126,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 11]

S.A. MMA IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et dessociétés du MANS sousle numéro 440 048 882,

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assistées de Me Nicolas LEMIERE de la SELARL ARGUO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P106,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence DUBOIS-STEVANT dabs le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La société A la côte Saint-Jacques ( » la Société « ) exploite un hôtel et un restaurant gastronomique à [Localité 14]. Elle a pour actionnaires majoritaires la société [J] [I] conseils, Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] ( » les actionnaires majoritaires « ). Sa comptabilité est tenue en interne.

Elle a confié la présentation de ses comptes annuels à la société Auficom, devenue Oficom, pour les exercices clos les 30 septembre 2007, 2008, 2009 et 2010 puis, à compter de 2011, à la société Alpha experts Auxerre qui avait, en février 2011, acquis la clientèle de la société Auficom.

Elle a eu pour commissaire aux comptes la société La Bruyère et associés, devenue Audit partenaire conseil, nommée par l’assemblée générale du 28 mars 2003, puis M. [Z] [P] à compter de l’exercice clos le 30 septembre 2009 et jusqu’à l’exercice clos le

30 septembre 2015.

La Société a, le 15 mai 2007, conclu un contrat de crédit-bail immobilier aux termes duquel elle a consenti aux crédit-bailleurs un prêt (dite  » avance preneur « ) assorti d’intérêts et remboursé par compensation avec les loyers à payer par le preneur chaque trimestre.

La Société a réalisé une augmentation de capital ouvrant son capital à de nouveaux actionnaires les 25 février, 15 avril et 19 mai 2015, après avoir été transformée en SAS le 27 décembre 2014, l’Eurl [J] [I] conseils en étant la présidente.

A sa demande, un mandataire ad hoc de la Société a été désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Sens du 12 avril 2016.

La Société a, par lettre du 9 juin 2016, reproché aux sociétés Oficom et Alpha experts Auxerre et aux commissaires aux comptes successifs des erreurs dans la comptabilisation des opérations résultant de l’exécution de ce crédit-bail immobilier, le paiement des loyers ayant été comptabilisé en net, c’est-à-dire au montant des loyers réduits du remboursement de l’avance preneur et des intérêts perçus, et non en brut, les intérêts perçus n’ayant pas été comptabilisés en produits et l’avance preneur ayant été comptabilisée en immobilisation financière au même montant à chaque exercice comptable alors qu’elle aurait dû être amortie des remboursements annuels.

Par acte du 24 février 2017, la Société et ses actionnaires majoritaires ont assigné les deux experts-comptables et les deux commissaires aux comptes devant le tribunal judiciaire de Sens pour voir engager leur responsabilité professionnelle et obtenir réparation de leurs préjudices.

Par acte du 25 avril 2018, M. [P] a assigné en intervention forcée les assureurs MMA iard et MMA iard assurances mutuelles.

La société Secab est intervenue volontairement comme venant aux droits de la société Oficom pour ensuite demander sa mise hors de cause.

La société Oficom a soulevé la prescription de l’action initiée à son encontre.

La société Audit partenaire conseil a soulevé la prescription de l’action initiée à son encontre et le défaut d’intérêt à agir de la Société et de ses actionnaires.

M. [P] a soulevé la prescription de l’action initiée à son encontre pour la période antérieure à la certification des comptes de l’exercice 2012.

Par jugement du 30 avril 2021, le tribunal a :

– déclaré irrecevable pour défaut d’intérêt à agir l’action de Mme [I] et de la société [Adresse 16],

– déclaré irrecevables pour défaut d’intérêt à agir les demandes de la société [J] [I] conseils à l’encontre des sociétés Audit partenaire conseil, Oficom, Alpha experts Auxerre et de M. [P], à l’exception de celles afférentes aux frais exposés dans le cadre des opérations d’augmentation de capital et dans le cadre de la procédure de mandat ad hoc,

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de la Société et des actionnaires majoritaires à l’encontre de la société Audit partenaire conseil,

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de la Société et des actionnaires majoritaires à l’encontre de M. [P] relative à la certification des comptes clos le 30 septembre 2009, le 30 septembre 2010, le 30 septembre 2011 et le 30 septembre 2012,

– mis la société Secab hors de cause,

– débouté la Société de ses demandes indemnitaires,

– débouté la société Audit partenaire conseil de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– débouté M. [P] de son appel en garantie à l’encontre des sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles, demande devenue sans objet,

– condamné la Société et les actionnaires majoritaires à payer à la société Audit partenaire conseil, M. [P], la société Oficom et la société Alpha experts Auxerre respectivement la somme de 2.500 euros, soit 10.000 euros pour l’ensemble de ces parties, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné la Société et les actionnaires majoritaires aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 9 juillet 2021, la Société et les actionnaires majoritaires ont fait appel de ce jugement en intimant les sociétés Oficom, Alpha experts Auxerre et Audit partenaire conseil, M. [P] et la société MMA iard.

M. [P] a intimé la société MMA iard assurances mutuelles, omise de la déclaration d’appel.

Les sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles sont intervenues volontairement en qualité d’assureurs de la société Oficom.

Moyens

Motivation

SUR CE,

Les sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles, agissant comme assureurs de la société Oficom, demandent à la cour de les juger recevables en leur intervention volontaire. Aucun moyen d’irrecevabilité n’étant soulevé par les autres parties ni susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer les sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles recevables en leur intervention volontaire.

1. Sur la recevabilité des demandes des actionnaires majoritaires de la Société

Le tribunal a considéré que les actionnaires étaient dépourvus d’un intérêt à agir au motif qu’ils n’alléguaient pas de préjudices personnels et distincts de ceux prétendument subis par la Société, à l’exception de l’EURL Jean Michel [I] conseils en ce qu’elle invoquait un préjudice tenant à divers frais qu’elle avait elle-même engagés dans le cadre de l’augmentation de capital et de la procédure de mandat ad hoc.

Les actionnaires majoritaires demandent l’infirmation du jugement soutenant que les préjudices qu’ils ont subis sont des préjudices individuels qui ne se confondent pas avec ceux subis par la Société.

La société Oficom et ses assureurs prétendent que l’action des trois actionnaires majoritaires est irrecevable au premier motif qu’ils ne justifient pas de leur qualité d’actionnaires et au second motif qu’ils invoquent un préjudice qui ne leur est pas personnel mais qui constitue le corollaire de celui allégué par la Société. La société In extenso centre-est soutient que l’action des trois actionnaires majoritaires est irrecevable dès lors qu’ils réclament la réparation d’un préjudice subi par la Société et ne justifient pas d’un préjudice personnel et distinct. M. [P] soutient que les trois actionnaires majoritaires sont dépourvus d’un intérêt à agir dès lors que le préjudice allégué est constitué de la perte de valeur de leurs actions consécutive au préjudice subi par la Société et qu’un tel préjudice n’est pas distinct de celui subi par la Société et que, s’agissant du préjudice constitué des frais exposés dans le cadre des augmentations de capital et dans le cadre de la procédure de mandat ad hoc, la société [J] [I] conseils est également dépourvue d’un intérêt à agir dès lors que la prise en charge des frais par la société [J] [I] conseil ne s’explique pas et que l’augmentation de capital est intervenue au début des années 2010 pendant la période couverte par la prescription.

La société Audit partenaire conseil demande la confirmation du jugement faisant valoir que le préjudice allégué est constitué de la dévalorisation des titres, découlant de la dévalorisation du patrimoine social, laquelle n’est que le corollaire du préjudice subi par la Société. De même, les assureurs de M. [P] demandent la confirmation du jugement faisant valoir que les actionnaires majoritaires ne justifient d’aucun préjudice distinct du patrimoine social.

Sur ce,

La preuve de la qualité d’actionnaires de Mme [I], de l’EURL [J] [I] et de la société [Adresse 16] est suffisamment rapportée par leur mention en cette qualité dans les rapports spéciaux des commissaires aux comptes successifs.

Le tribunal a justement rappelé que la recevabilité de l’action en responsabilité engagée par un associé à l’encontre d’un cocontractant de la société est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel et distinct de celui prétendument subi par la société elle-même.

Devant la cour, après avoir énoncé que la Société avait subi des préjudices financiers – constitués d’un impôt sur les sociétés réglé à tort, d’un excédent de participation versé aux salariés, de frais et honoraires inutilement supportés lors de l’augmentation de capital puis de la procédure de mandat ad hoc et du surcoût de l’ouverture du capital à des investisseurs par rapport à d’autres modalités de financement – et des préjudices immatériels, évalués à la somme globale de 200.000 euros nés de décisions inappropriées car fondées sur des comptes sociaux erronés, les appelantes se bornent à affirmer que Mme [I], l’Eurl [J] [I] conseils et la société [Adresse 16] ont, en leur qualité d’actionnaires, subi des  » préjudices immatériels  » et que l’EURL [J] [I] conseils a exposé des frais et honoraires à l’occasion et dans le cadre de l’augmentation de capital et du mandat ad hoc, soit une somme totale de 27.460 euros (pages 29 et 30 des écritures).

Ainsi les actionnaires majoritaires ne spécifient pas les préjudices immatériels qu’ils auraient eux-mêmes subis et qu’ils évaluent à la même somme que celle avancée par la Société au titre de préjudices immatériels. Les appelantes ne renvoient à aucune pièce pour justifier de ces préjudices prétendument personnels subis par les actionnaires majoritaires et les rapports de M. [R], expert-comptable, des 6 mai 2019 et 4 avril et 29 novembre 2022, que les appelantes produisent aux débats, font état de préjudices subis par la seule Société et l’EURL [J] [I] conseils.

Il s’ensuit qu’à l’exception de l’EURL [J] [I] conseils, qui se prévaut d’un préjudice propre en ce qu’il est constitué de frais qu’elle a personnellement engagés à la suite, selon ses prétentions, de manquements des experts-comptables et commissaires aux comptes de la Société – peu importent, pour apprécier la recevabilité de sa demande, les raisons expliquant qu’elle ait elle-même engagé ces frais – les actionnaires majoritaires, dont l’EURL [J] [I] conseils en ses autres prétentions indemnitaires, n’invoquent pas de préjudice personnel et distinct de ceux subis par la Société.

Les actionnaires majoritaires font également état, en page 30 de leurs conclusions, des différentes avances que M. [Y] [I] a dû consentir pour un montant total de 70.000 euros. Ce prétendu préjudice n’a toutefois pas été subi par l’un quelconque des actionnaires majoritaires et ne saurait dès lors être invoqué au soutien de la recevabilité de leur propre demande indemnitaire.

Il résulte de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, l’action de Mme [I] et de la société [Adresse 16] et déclaré irrecevables, pour défaut d’intérêt à agir, les demandes de l’EURL [J] [I] conseils à l’exception de celles afférentes aux frais exposés dans le cadre des opérations d’augmentation de capital et dans le cadre de la procédure de mandat ad hoc.

2. Sur la prescription de l’action de la Société et des actionnaires majoritaires à l’encontre de la société Audit partenaire conseil et de M. [P], commissaires aux comptes

Le tribunal a considéré que la prescription triennale de l’action exercée contre la société Audit partenaire conseil était acquise au 14 mars 2012, trois ans après la date de certification des derniers comptes certifiés par elle, soit le 13 mars 2009, que la même prescription était acquise s’agissant de l’action engagée à l’encontre de M. [P] s’agissant des comptes clos les 30 septembre 2009, 2010, 2011 et 2012, certifiés respectivement les 9 mars 2010, 20 janvier 2011, 23 février 2012 et 9 mars 2013 mais qu’elle ne l’était pas s’agissant des comptes clos les 30 septembre 2013, 2014 et 2015.

La Société et les actionnaires majoritaires soutiennent que leur action dirigée contre les commissaires aux comptes n’est pas prescrite au motif que le point de départ du délai de prescription doit être reporté à la date où la Société a été en mesure d’être informée, soit en 2016, dès lors que les comptes certifiés constituaient des  » faux bilans  » pour ne pas être conformes à la réalité, la faute commise ne relevant pas de la simple négligence.

La société Audit partenaire conseil réplique que la prescription triennale, prévue par l’article L.822-18 du code de commerce renvoyant à l’article L. 225-254, a pour point de départ la date de la dernière certification des comptes, soit le 13 mars 2009 la concernant, de sorte que l’action exercée à son encontre est prescrite. Elle ajoute que le point de départ de la prescription ne peut être reporté à défaut de dissimulation intentionnelle de sa part d’une faute, quelle qu’en soit la gravité.

M. [P] invoque également les articles L. 822-18 et L. 225-254 du code de commerce et soutient que la prescription triennale a pour point de départ la date de la dernière certification des comptes, soit le 15 février 2016, de sorte que l’action portant sur la certification des comptes 2009 à 2012 est prescrite.

Les assureurs de M. [P] soutiennent également que la prescription triennale est acquise pour les exercices clos de 2009 à 2012 inclus.

Sur ce,

Il résulte de la combinaison des articles L. 822-18 et L. 225-254 du code de commerce que les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation.

Le fait dommageable imputable aux commissaires aux comptes étant la certification fautive des comptes annuels qui clôt leurs investigations, le délai de prescription des actions en responsabilité exercées contre eux court à compter la date de certification des comptes annuels. La notion de dissimulation dont il résulte un report du délai de prescription au jour de la révélation du fait dommageable implique la volonté du commissaire aux comptes de cacher des faits dont il aurait eu connaissance par la certification des comptes.

En l’espèce il n’est pas établi que les commissaires aux comptes successifs de la Société ont, l’un ou l’autre, sciemment caché par la certification de ses comptes annuels des faits dont ils auraient eu connaissance. Les appelants reprochent en effet aux commissaires aux comptes de ne pas avoir décelé des erreurs dans la comptabilisation de l’avance preneur, de son remboursement, des loyers payés et des intérêts perçus, et une telle carence, à la supposer établie et imputable à un manquement à leurs obligations professionnelles, ne caractérise pas, à elle seule, une dissimulation du fait dommageable de nature à reporter le point de départ du délai de prescription.

Il s’ensuit que l’assignation introductive d’instance ayant été délivrée le 24 février 2017, la prescription est acquise relativement aux comptes certifiés avant le 24 février 2014.

Tel est le cas de l’action exercée à l’égard de la société Audit partenaire conseil dont la dernière certification des comptes annuels de la Société est datée du 13 mars 2009.

Tel est le cas également de l’action exercée à l’égard de M. [P] s’agissant des comptes annuels 2009 à 2012 dont les derniers, clos le 30 septembre 2012, ont été certifiés le 9 mars 2013. L’action n’est pas prescrite en ce qu’elle porte sur les comptes annuels clos les

30 septembre 2013, 2014 et 2015 et certifiés respectivement le 5 mars 2014, le 5 janvier 2015 et le 15 février 2016.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de la Société et des actionnaires majoritaires à l’encontre de la société Audit partenaire conseil et irrecevable comme prescrite leur action à l’encontre de M. [P] relative à la certification des comptes clos les 30 septembre 2009, 2010, 2011 et 2012.

3. Sur la prescription de l’action de la Société et des actionnaires majoritaires à l’encontre de la société Oficom, expert-comptable

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Oficom, dont la mission de présentation des comptes annuels s’est achevée en février 2011 après la clôture de l’exercice 2010, considérant que les omissions comptables avaient été révélées à la Société lors de l’exercice comptable courant du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2016 et que la prescription quinquennale n’était donc pas acquise.

La société Oficom et ses assureurs reprennent à hauteur d’appel cette fin de non-recevoir. Ils soutiennent qu’en application de l’article 2224 du code civil et des règles d’application de la loi dans le temps issues de la loi du 17 juin 2008, l’action initiée à l’encontre de la société Oficom est nécessairement prescrite depuis le 17 juin 2013 s’agissant des comptes clos le 30 septembre 2007 et, en dernier lieu, depuis le 31 décembre 2015 pour les comptes clos le 30 septembre 2010, le rapport de présentation étant daté du 31 décembre 2010. Ils ajoutent que la Société ne rapporte pas la preuve qu’elle aurait tardivement découvert les fautes reprochées, que l’allégation de la découverte de ses erreurs par la société Alpha experts Auxerre, en 2016, est sans incidence sur les griefs articulés contre la société Oficom qui avait cessé sa mission en 2010, qu’en outre la Société a disposé chaque trimestre depuis 2007 des factures du crédit-bail immobilier faisant apparaître le paiement des échéances par imputation sur l’avance preneur, que l’erreur apparaît également sur la déclaration d’impôt sur les sociétés établie le 21 décembre 2007, qu’elle n’a pas été rectifiée sur la déclaration 2008 établie le 23 décembre 2008 et que c’est au plus tard au 23 décembre 2008 que le délai de prescription a couru.

La Société et les actionnaires majoritaires répliquent que leur action n’est pas prescrite faisant valoir que la prescription prévue par l’article 2224 du code civil ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, qu’elles n’ont pu agir qu’à compter des indications formulées par l’expert-comptable en 2016 lors des opérations de clôture de l’exercice clos au 30 septembre 2015 et qu’à tout le moins, un nouveau délai de prescription de trois ans a commencé à courir à compter de chaque certification des comptes et ce, jusqu’aux comptes de l’exercice clos au 30 septembre 2015.

Sur ce,

L’article 2224 du code civil introduit par la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Cette disposition a réduit le délai de prescription de sorte que ce nouveau délai s’applique aux prescriptions en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le 19 juin 2008, sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La Société et les actionnaires majoritaires se prévalent d’un manquement de la société Oficom à ses obligations professionnelles lors de la présentation des comptes annuels l’ayant conduite à ne pas détecter les anomalies de comptabilisation de l’avance preneur depuis 2007 et jusqu’au terme de sa mission en 2011.

Si la Société, dont la comptabilité était tenue en interne, était en mesure de déceler elle-même sa propre erreur de comptabilisation, dès lors qu’elle détenait le contrat de crédit-bail, recevait les factures de loyers et procédait à leur traitement comptable, elle ne pouvait, en l’absence alléguée de diligences suffisantes de l’expert-comptable, avoir connaissance du manquement à ses obligations professionnelles susceptible d’être imputé à la société Oficom et des dommages en résultant.

C’est ainsi à juste titre que le tribunal a retenu comme point de départ du délai de prescription la révélation à la Société des erreurs comptables ayant affecté ses comptes annuels depuis 2007, ces révélations lui ayant permis de relever de possibles manquements des experts-comptables successifs à leurs propres obligations professionnelles et des dommages en ayant résulté, peu importe, s’agissant d’apprécier une fin de non-recevoir, de savoir si ces manquements sont fondés ou non et peu importe que la mission de la société Oficom se soit achevée en 2010.

Les parties s’accordent, en particulier au vu de leur note en délibéré, que c’est un expert-comptable de la société Alpha expert Auxerre qui a découvert l’erreur et que ce sont les comptes annuels de l’exercice comptable courant du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2016 qui ont enregistré une charge exceptionnelle régularisant les comptes. Mais la date précise de découverte de l’erreur et d’information de la Société n’est pas déterminée par les pièces produites aux débats. La date de présentation des derniers comptes annuels affectés de l’erreur comptable étant le 20 novembre 2015, la révélation de l’erreur est nécessairement postérieure à cette date.

Il s’ensuit, d’une part, que la prescription n’ayant pas commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le 19 juin 2008, les dispositions transitoires de cette loi ne sont pas applicables et que, d’autre part, l’instance ayant été introduite par assignation du 24 février 2017, l’action en responsabilité professionnelle a nécessairement été exercée avant le terme du délai de prescription qui a commencé à courir au plus tôt le 20 novembre 2015, date de présentation des comptes annuels clos au 30 septembre 2015 qui sont les derniers comptes annuels comportant l’erreur comptable.

Le jugement sera donc confirmé en ce que, statuant au fond sur les demandes de la Société et la demande de l’EURL [J] [I] conseils relative à des frais et honoraires inutilement exposés formées à l’encontre de la société Oficom, préalablement jugées recevables car fondées sur un intérêt à agir, il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

4. Sur les demandes indemnitaires de la Société et la demande indemnitaire de l’Eurl [J] [I] conseils formées à l’encontre de la société Oficom et de la société Alpha experts Auxerre, devenue In extenso centre-est

Le tribunal a, après avoir rappelé que la mission de la société Alpha experts Auxerre était une mission de présentation des comptes annuels et de révision des opérations comptables de la Société et qu’elle avait découvert l’erreur lors de l’exercice clos le 31 décembre 2016, considéré qu’elle avait commis une faute dans l’exécution de sa mission sur les exercices antérieurs en ayant commis la même omission comptable que la Société sans ni faire état ni justifier des diligences et techniques de contrôle qu’elle avait mises en ‘uvre qui auraient pu permettre de déceler l’anomalie comptable ni allégué ou établir un défaut de coopération de la part de la Société.

La société Oficom et ses assureurs soutiennent que la société Oficom avait pour seule mission celle de présentation des comptes annuels et qu’à ce titre elle n’avait qu’à assurer la cohérence et la vraisemblance des comptes et non à procéder à une vérification exhaustive de la totalité des écritures comptables de la Société, que la preuve d’une faute n’est pas rapportée alors que, dans les comptes 2007, le montant de l’avance preneur avait bien été inscrit à l’actif du bilan et les loyers enregistrés en charges.

La société In extenso centre-est soutient qu’elle n’a pas commis de faute. Elle fait valoir que l’avance preneur n’avait pas à être comptabilisée au passif du bilan, qu’elle a été justement comptabilisée à l’actif, en immobilisation financière et que l’erreur comptable antérieure à sa propre mission de présentation des comptes annuels ne suffit pas à établir une faute de sa part, qu’il ne lui appartenait pas de procéder à des recherches approfondies pour vérifier la régularité des inscriptions effectuées par son prédécesseur et qu’elle n’avait pas à détecter des erreurs. Elle fait observer qu’elle a accompli sa mission à partir des informations données par le client et que les commissaires aux comptes successifs n’avaient pas décelé d’erreurs avant sa propre découverte.

La Société et l’EURL [J] [I] conseils répliquent que les différentes anomalies comptables relevées et leur persistance du bilan clos au 30 septembre 2007 à celui de l’exercice clos au 30 septembre 2015 ne pouvaient reposer que sur une faute professionnelle commise par les différents intervenants comptables qui se sont succédés qui, au regard de leur mission, auraient dû par leurs diligences détecter les anomalies qui ont faussé les comptes présentés. Elles précisent que la faute commise ne concerne pas la comptabilisation de l’avance preneur mais son amortissement et sa réduction annuelle, les bilans successifs l’ayant fait apparaître pour sa valeur nominale initiale alors qu’elle était réduite chaque année d’environ 102.900 euros et cette même somme n’ayant pas été comptabilisée dans le compte de résultats. Elles soutiennent que l’analyse de l’avance preneur et de son remboursement relevait à tout le moins de l’obligation de moyens de l’expert-comptable, notamment dans le cadre de la vérification des comptes en fin d’exercice, qu’en ne détectant pas les anomalies comptables se rapportant au compte

 » avances crédits  » en considération du poids prépondérant de celui-ci dans l’actif du bilan, la société Oficom et la société In extenso centre-est n’ont pas respecté leurs obligations professionnelles comprises dans leur mission de présentation des comptes annuels, que leur faute a conduit à présenter de faux bilans aux dirigeants et actionnaires.

Sur ce,

Les erreurs alléguées portent sur le traitement comptable de l’avance preneur consentie par la Société aux crédits-bailleurs et des loyers dont elle s’est acquittée. Aux termes du contrat de crédit-bail, (i) le loyer est calculé sur la quote-part effectivement financée par le bailleur, soit 6.343.000 euros HT en ce compris une avance preneur de 1.543.000 euros HT, (ii) une avance d’un montant de 1.543.000 euros HT est mise à disposition par la Société au profit des crédits-bailleurs sous forme de prêt, (iii) ce prêt est remboursé par compensation totale ou partielle avec le loyer dans les mêmes conditions de durée et de périodicité.

Contrairement à ce qu’indique la société In extenso, l’erreur reprochée n’a pas été d’inscrire l’avance preneur à l’actif du bilan au lieu du passif, les appelants reprochant non cette comptabilisation à l’actif mais le maintien de cette avance preneur à la même valeur nominale au cours des exercices comptables successifs sans qu’il ait été tenu compte des remboursements par les crédits-bailleurs. Quant aux charges de loyers, l’erreur a consisté à les comptabiliser à leur montant net, soit le montant brut déduit du remboursement de l’avance par les crédits-bailleurs, et non à leur montant brut alors que c’est ce dernier montant qui aurait dû être retenu et que dans le même temps n’ont été comptabilisés en produits financiers ni les intérêts perçus ni les remboursements obtenus. L’avance preneur a ainsi été comptabilisée dans le bilan en actif immobilisé à son montant initial de 1.543.000 euros jusqu’à l’exercice clos au 30 septembre 2015 et dans les comptes de résultat seul le montant net du loyer dû aux crédits-bailleurs a été pris en compte et ni les intérêts perçus ni les remboursements de l’avance preneur n’ont été enregistrés en produits. Ces erreurs ont été commises de la mise en place du crédit-bail, pendant l’exercice clos le

30 septembre 2007, et jusqu’à l’exercice clos au 30 septembre 2015, la régularisation étant intervenue dans les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2016.

Reste à déterminer si les sociétés Oficom et Alpha experts Auxerre, qui avait repris la mission de la société Oficom à l’occasion d’un rachat de clientèle en 2011, ont commis une faute.

Il est constant que chacun des deux experts-comptables successifs de la Société avait pour seule mission une mission de présentation des comptes annuels, la mission de la société Alpha experts Auxerre ayant été en outre formalisée par une lettre de mission datée du

12 janvier 2012.

Aux termes de cette lettre de mission, il est précisé que la société Alpha experts Auxerre avait ainsi une mission de présentation des comptes annuels et la révision des opérations comptables dont la tenue et la saisie incombaient à la Société. Elle s’est notamment engagée à définir les écritures comptables de fin d’exercice sur la base des informations que la Société lui fournirait en mettant en ‘uvre des techniques de contrôle des comptes, à enregistrer ces écritures comptables de fin d’exercice dans les comptes de l’entreprise et à s’assurer qu’elles sont convenablement comptabilisées par la Société, à contrôler que les comptes annuels établis sont cohérents et vraisemblables par rapport à la connaissance qu’elle aura eue de l’entreprise et aux informations que la Société aura communiquées. La lettre de mission précise que la mission ne vise pas à prévenir ou à détecter les fraudes, les erreurs, les détournements ou les actes illégaux et souligne que la prévention et la détection des fraudes, erreurs ou détournements demeurent du ressort et de la responsabilité de la direction mais que si l’expert-comptable était conduit à en avoir connaissance il l’en informerait.

Dans le cadre d’une mission de présentation des comptes annuels, l’expert-comptable s’assure de la cohérence et de la vraisemblance des comptes pris dans leur ensemble et de la seule régularité formelle de la comptabilité au regard des éléments collectés lors de ses travaux. Il met en ‘uvre une revue analytique et c’est lorsque cette revue analytique met en évidence des informations qui ne sont pas en corrélation avec d’autres informations, des variations significatives ou des tendances inattendues, qu’il détermine les diligences complémentaires à mettre en place pour expliquer ces variations et ces incohérences. La mission de présentation des comptes annuels confiée à un expert-comptable n’a pas pour autant comme objectif de se prononcer sur la régularité, la sincérité et l’image fidèle des comptes, ni de déceler des erreurs ou des irrégularités.

La Société et l’EURL [J] [I] conseils se bornent à constater l’existence des erreurs comptables commises par la Société dès 2007 pour en conclure que la société Oficom puis la société Alpha experts Auxerre ont commis une faute sans définir ladite faute ni soutenir, et a fortiori établir, que ces experts-comptables ont soupçonné l’existence d’un traitement comptable erroné et que, malgré ce soupçon, ils se sont abstenus d’examiner les comptes.

La société Alpha experts Auxerre a pour sa part commencé sa mission alors que le contrat de crédit-bail avait été conclu quatre ans auparavant, que la Société s’était, depuis l’origine, bornée à comptabiliser les loyers nets en compte de charges et l’avance preneur à l’actif de son bilan sans, au fil des exercices comptables, réduire la valeur de cet actif à due concurrence des remboursements de l’avance preneur par les crédits-bailleurs, et que le précédent expert-comptable n’avait pas détecté d’erreurs dans ce traitement comptable.

Les circonstances dans lesquelles la société Alpha experts Auxerre a elle-même décelé l’erreur touchant la comptabilisation de l’avance preneur au bilan de la Société quatre ans après avoir repris la mission de présentation des comptes annuels ne sont pas établies en ce que les parties n’ont pas éclairé la cour sur les informations alors en possession de l’expert-comptable qui lui ont permis de constater l’erreur commise par la Société depuis 2007. Aucune partie n’indique au demeurant les informations qui étaient en possession de la société Oficom puis de la société Alpha experts Auxerre à chaque exercice, depuis le début de leur mission et il n’appartenait pas aux sociétés Oficom et Alpha experts Auxerre de vérifier l’exactitude des écritures comptables passées, que ce soit celles de la Société ou, pour la société Alpha experts Auxerre, celles du précédent expert-comptable s’agissant des opérations de fin d’exercice.

Dès lors qu’il n’entrait pas dans la mission des sociétés Oficom et Alpha experts Auxerre de détecter des erreurs ou irrégularités, le fait que cette dernière ait par la suite découvert les erreurs n’est pas de nature à établir une faute de leur part dans l’exécution de leur mission avant cette découverte. Comme il a été précédemment dit, la Société et l’EURL [J] [I] n’allèguent ni n’établissent que les sociétés Oficom et Alpha experts Auxerre avaient eu connaissance ou relevé, pendant l’exercice de leur mission, des erreurs ou anomalies affectant le traitement comptable de l’avance preneur et des loyers avant leur découverte par la société Alpha experts Auxerre de sorte que leur abstention à approfondir l’examen de la comptabilité établie par la Société ne revêt pas de caractère fautif.

Le manquement allégué par la Société et l’EURL [J] [I] conseils tenant au seul fait de ne pas avoir décelé plus tôt l’erreur affectant le traitement comptable de l’avance preneur ne peut dès lors être reproché aux sociétés Oficom et Alpha experts Auxerre.

Au surplus, la cour adopte les motifs du jugement en ce qu’il a écarté les préjudices invoqués par la Société et l’EURL [J] [I] conseils.

Il s’ensuit que la cour, substituant ses motifs à ceux retenus par le tribunal en ce qu’il a considéré que les experts-comptables avaient commis une faute et adoptant les motifs retenus par le tribunal pour écarter les préjudices invoqués par la Société et l’EURL [J] [I] conseils, confirmera le jugement en ce qu’il a débouté la Société et l’EURL [J] [I] conseils de leurs demandes indemnitaires.

5. Sur les demandes indemnitaires de la Société et la demande indemnitaire de l’EURL [J] [I] conseils formées à l’encontre de M. [P]

Le tribunal a retenu que M. [P] avait commis une faute professionnelle dans la certification des comptes annuels clos les 30 septembre 2013, 2014 et 2015 en considérant qu’il n’alléguait ni ne justifiait de la réalisation de contrôles et vérifications, ne serait-ce que par sondages, que de telles opérations auraient pu lui permettre de déceler les erreurs comptables faussant les résultats et qu’il ne se prévalait pas d’un défaut de coopération de la Société dans la communication des informations et pièces comptables utiles concernant tout particulièrement le crédit-bail immobilier.

M. [P] soutient qu’il a pris connaissance des pièces comptables concernant le crédit-bail mais qu’il en a fait une interprétation erronée, insuffisante à engager sa responsabilité. Ses assureurs affirment qu’il appartient au demandeur de rapporter la preuve d’une faute du commissaire aux comptes dont la responsabilité n’est pas engagée de plein droit du seul fait d’anomalies dans les comptes, que les appelants ne reprochent à

M. [P] aucun manquement spécifique au regard des normes professionnelles ni ne précisent les diligences qui auraient fait défaut, que le tribunal a inversé la charge de la preuve en constatant que M. [P] ne rapportait pas la preuve de ses diligences alors qu’aucun manquement ne lui était spécifiquement reproché au regard des normes professionnelles.

La Société et l’EURL [J] [I] conseils soutiennent que les différentes anomalies comptables relevées et leur persistance dans le bilan à compter de l’exercice clos au

30 septembre 2007 et jusqu’à l’exercice clos au 30 septembre 2015 ne pouvaient reposer que sur une faute professionnelle commise également par M. [P] en sa qualité de commissaire aux comptes qui, au regard de la mission qui lui était confiée, aurait dû par ses diligences détecter les anomalies qui ont faussé les comptes présentés. Elles ajoutent que l’absence de vérification, malgré les pièces comptables qu’il détenait, notamment les factures de loyers émises par les crédits-bailleurs faisant apparaître les avances preneurs à déduire, constitue une faute professionnelle.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 823-9 du code de commerce, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l’entité à la fin de cet exercice.

Aux termes de l’article L. 823-10 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l’espèce, les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l’exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l’entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil d’administration, du directoire ou de tout organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur la situation financière et les comptes annuels. Ils attestent spécialement l’exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social.

Le commissaire aux comptes est tenu d’une obligation de moyens. Il n’a pas à vérifier toutes les opérations qui relèvent du champ de sa mission ni à rechercher systématiquement toutes les inexactitudes et irrégularités qu’elles pourraient comporter. Par suite, la seule existence d’une irrégularité non dénoncée ou d’une opinion erronée n’est pas suffisante pour engager sa responsabilité.

La Société et l’EURL [J] [I] conseils doivent ainsi rapporter la preuve d’un manquement de M. [P] à ses obligations de vérification et de contrôle qui lui auraient permis de découvrir l’erreur tenant au traitement comptable de l’avance preneur. Or elles se bornent à tirer du seul constat des différentes anomalies comptables relevées et de leur persistance l’existence d’une faute tenant à l’absence de vérification de pièces comptables sans démontrer cette absence de vérification ni même spécifier un manquement au regard des normes professionnelles ni énoncé les diligences qui auraient fait défaut, alors que M. [P] est devenu commissaire aux comptes de la Société à compter des comptes clos le 30 septembre 2009, soit après que l’avance preneur a été enregistrée par la Société dans sa comptabilité en 2007 et 2008 et que les comptes annuels de ces exercices ont été établis par un expert-comptable et certifiés par un précédent commissaire aux comptes, et que, comme l’énoncent les assureurs, ces circonstances ne justifiaient pas de diligences particulières sur le bilan d’ouverture 2008 ni de remise en cause du traitement comptable adopté au fil des exercices postérieurs, non couverts par la prescription. Le constat des irrégularités comptables dont a résulté postérieurement à la certification des comptes clos les 30 septembre 2013, 2014 et 2015 le caractère erroné de l’opinion de

M. [P] n’est pas de nature à engager sa responsabilité.

Au surplus, la cour adopte les motifs du jugement en ce qu’il a écarté les préjudices invoqués par la Société et l’EURL [J] [I] conseils.

Il s’ensuit que la cour, substituant ses motifs à ceux retenus par le tribunal en ce qu’il a considéré que M. [P] avait commis une faute et adoptant les motifs retenus par le tribunal pour écarter les préjudices invoqués par la Société et l’EURL [J] [I] conseils, confirmera le jugement en ce qu’il a débouté la Société de ses demandes indemnitaires et l’EURL Jean Michel [I] conseils de sa demande indemnitaire formées à l’encontre de M. [P].

Par suite, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de son appel en garantie à l’encontre des sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles, demande sans objet.

8. Sur la demande indemnitaire de la société Audit partenaire conseil

La société Audit partenaire conseil demande l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et la condamnation des appelantes à lui payer la somme de 10.000 euros à ce titre.

Mais la méprise de la Société, de l’EURL [J] [I] conseil, de Mme [G] [I] et de la société [Adresse 16] sur l’étendue de leurs droits et les conditions de mise en ‘uvre de la responsabilité de la société Audit partenaire conseil ne fait pas à elle seule dégénérer en abus leur droit d’agir en justice de sorte que la demande de dommages-intérêts formée à ce titre par cette société doit être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

9. Sur les demandes accessoires

Parties perdantes, les appelantes seront condamnées aux dépens, le jugement étant confirmé sur ce point s’agissant des dépens de première instance, et ne peuvent prétendre à une indemnité procédurale. Le jugement sera confirmé en ce qu’il les a condamnées à payer à la société Audit partenaire conseil, M. [P], la société Oficom et la société Alpha experts Auxerre chacun la somme de 2.500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la cour ajoutant leur condamnation, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, au paiement de la somme de 2.500 euros à la société Oficom et à ses assureurs, ensemble, de la somme de 2.500 euros à la société In extenso centre-est, de la somme de 2.500 euros à la société Audit partenaire conseil, de la somme de 2.500 euros à M. [P] et de la somme de 2.000 euros aux assureurs de M. [P].

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant contradictoirement,

Déclare recevable l’intervention volontaire des sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles, agissant comme assureurs de la société Oficom ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil,

Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil, Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] à payer aux sociétés Oficom, MMA iard et MMA iard assurances mutuelles, ensemble, la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil,

Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] à payer à la société In extenso centre-est la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil, Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] à payer à la société Audit partenaire conseil la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil, Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] à payer à M. [Z] [P] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil, Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] à payer aux sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles, ensemble, la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société A la côte Saint-Jacques, l’EURL [J] [I] conseil, Mme [G] [I] et la société [Adresse 16] aux dépens d’appel.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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