RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2022
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/13910 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNKY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 août 2020 – Juge des contentieux de la protection d’AUBERVILLIERS – RG n° 11-17-000835
APPELANTES
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d’administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
substitué à l’audience par Me Nathalie FEERTCHAK de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
La société SOLFINEA (anciennement dénommée BANQUE SOLFEA), société anonyme à conseil d’administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 562 059 832 00138
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
substitué à l’audience par Me Nathalie FEERTCHAK de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉS
Monsieur [W] [U]
né le 20 avril 1973 à [Localité 9] (36)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511
Madame [O] [T]
née le 18 août 1977 à [Localité 10] (78)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511
La SELARLU [N] MJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ÉNERGIES DE FRANCE (SAS)
[Adresse 5]
[Localité 8]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 2 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [W] [U] et Mme [O] [T] ont souscrit par acte sous seing privé le 18 juillet 2012 un contrat de vente et d’installation de panneaux photovoltaïques avec la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l’enseigne Groupe solaire de France (la société GSF).
Ils ont conclu le même jour avec la société Banque Solfea un contrat de crédit affecté pour un montant de 24 000 euros au taux contractuel de 5,60 % sur une durée de 180 mois, remboursable à compter du 5 septembre 2013 en 169 mensualités de 243,40 euros.
Il est précisé qu’un second bon de commande a été signé le même jour avec un crédit affecté pour le même montant souscrit auprès de la société Sygma Banque et que ce dossier, enregistré sous le numéro 20/5888, a fait l’objet d’un arrêt rendu par la cour de céans le 9 juin 2022.
Par courrier du 27 juillet 2012, la banque Solfea les a informés de l’acceptation de l’offre de prêt et du tableau d’amortissement.
Les panneaux ont été installés le 19 août 2012, les fonds ont été débloqués le 21 août 2012 et la facture a été éditée le 21 août 2012. L’installation a été raccordée le 18 février 2013 et est fonctionnelle et productrice d’électricité.
M. et Mme [U] ont, de façon anticipée, remboursé intégralement ce prêt en novembre 2013.
Par jugement en date du 12 novembre 2014 le tribunal de commerce de Bobigny a placé la société GSF en liquidation judiciaire et Maître [V] [N] a été désigné liquidateur, l’ouverture de la procédure collective datant du 18 juin 2014. La Selarlu [N] MJ a été nommée liquidateur par ordonnance du 1er septembre 2016.
Saisi le 17 juillet 2017 par M. [U] et Mme [T] d’une demande tendant principalement à l’annulation des contrats de vente et de prêt, le tribunal de proximité d’Aubervilliers, par un jugement réputé contradictoire rendu le 25 août 2020 auquel il convient de se reporter, a notamment :
– déclaré recevable l’intervention de la banque Solfea à la procédure,
– rejeté l’intégralité des demandes de M. [U] et Mme [T] à l’encontre de la banque Solfea,
– prononcé l’annulation du contrat du 18 juillet 2012 conclu entre M. [U] et Mme [T] et la société GSF,
– prononcé l’annulation du contrat de crédit affecté du 18 juillet 2012 conclu entre M. [U] et Mme [T] et la banque Solfea,
– condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [U] et Mme [T] les sommes de 26 084,14 euros à titre de restitution des sommes réglées dans le cadre du remboursement du prêt et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à M. [U] et Mme [T] de restituer l’installation photovoltaïque à la société [N] MJ en sa qualité de mandataire liquidateur de la société GSF,
– rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Après avoir contrôlé la recevabilité des demandes et rejeté les fins de non-recevoir, le premier juge a retenu que le bon de commande méconnaissait les dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation, qu’il était nul et qu’aucune confirmation n’était survenue. Il a constaté la nullité subséquente du contrat de crédit affecté avant de relever que la banque avait commis une faute en ne contrôlant pas la régularité du contrat principal et qu’elle serait privée de son droit à restitution du capital.
Par une déclaration en date du 2 octobre 2020, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNPPPF) et la société banque Solfea ont relevé appel de cette décision.
Moyens
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de déclaration des créances au passif de la société GSF
Alors que les dispositions de l’article L. 622-21 du code de commerce n’interdisent que les actions qui tendent à la condamnation d’un débiteur sous le coup d’une procédure collective au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent, force est de constater que la demande de M. [U] et Mme [T] à l’encontre de la société en liquidation judiciaire n’entre pas dans le champ de ces dispositions dès lors qu’elle tend uniquement à l’annulation ou la résolution du contrat de vente.
Sans qu’il y ait lieu de suivre l’appelante dans ses plus amples développements relatifs aux conséquences nécessaires d’une éventuelle annulation ou résolution de ce contrat, en l’absence de toute demande en paiement formée dans le cadre de la présente instance à l’encontre de la société GSF, le jugement est confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de M. [U] et Mme [T].
Sur la fin de non-recevoir tirée du remboursement du prêt
La société BNPPPF fait valoir, au visa des articles 1234 et 1271 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, que le remboursement par anticipation du crédit litigieux par M. [U] et Mme [T] a emporté extinction de la dette initiale de celui-ci au titre de ce contrat de crédit.
Pour autant, elle n’invoque aucune disposition légale selon laquelle un tel paiement ferait obstacle à l’action en annulation du contrat conclu par les intimés avec la société GSF.
M. [U] et Mme [T] sont donc recevables en leur action de ce chef, à laquelle le remboursement du crédit est indifférent, étant observé que l’annulation du contrat de crédit affecté et désormais remboursé ne constituerait qu’une conséquence de plein droit de l’annulation ou de la résolution du contrat principal.
Par ailleurs, le remboursement du crédit affecté ne fait pas obstacle à une action en responsabilité à l’encontre de la banque sur le fondement des obligations spécifiques lui incombant et qui tend à l’octroi de dommages-intérêts et non pas à la restitution d’un indu.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le rejet de la fin de non-recevoir tirée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement de l’article 1134 du code civil
La société BNPPPF se fonde également dans ses écritures sur l’article 1134 alinéa 1 du code civil pour invoquer le caractère irrecevable et à tout le moins infondé de la demande de nullité des contrats, faisant état du caractère exceptionnel de la remise en cause d’un contrat par une partie qui ne doit pas agir de mauvaise foi.
Ce faisant, l’appelante n’explique pas en quoi le non-respect des dispositions de l’article 1134 du code civil en leur version applicable en la cause viendraient fonder une irrecevabilité des demandes formulées.
Si l’appelante sollicite que des prétentions de M. [U] et Mme [T] soient déclarées ‘irrecevables’ force est de constater qu’elle ne soulève en réalité aucune fin de non-recevoir ou exception de procédure à l’appui, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette prétention au-delà de l’examen de la contestation élevée par la banque sur le fond.
Il s’ensuit qu’aucune irrecevabilité n’est encourue de ce chef.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action de M. [U] et Mme [T].
Sur l’irrecevabilité des demandes formée à l’encontre de la société BNPPPF à défaut de cession de créances
Les appelantes font valoir, aux visas non contestés des articles 32 et 122 du code de procédure civile, que M. [U] et Mme [T] ont mal dirigé leur action formée à l’encontre de la société BNPPPF alors qu’elle devait l’être à l’encontre de la société Banque Solfea. Ainsi, en l’absence de toute qualité à agir liée à l’absence de cession de créance entre la société Banque Solfea et elle-même, les demandes dirigées à l’encontre de la société BNPPPF sont irrecevables.
En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité ou le défaut d’intérêt.
Selon l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Pour rejeter cette fin de non-recevoir et déclarer l’action recevable, le premier juge a considéré que la société Banque Solfea n’avait pas cédé quelques créances occasionnelles mais son fonds de commerce et que la société BNPPPF ne contestait pas être venue aux droits de la société Banque Solfea.
Les intimés soutiennent dans le même sens que les appelantes font preuve d’un comportement dilatoire et qu’ils ont assigné la société BNPPPF « venant aux droits de la société Banque Solfea ». Ils ajoutent qu’au regard de la convention cadre conclue entre la société Banque Solfea et la société BNPPPF le 19 décembre 2016, la société Banque Solfea a également cédé son fonds de commerce et que la branche d’activité relative aux activités de crédit de la Banque Solfea a été reprise dans son intégralité dès le 1er mars 2017.
Il n’est pas contestable que le crédit litigieux a été remboursé en novembre 2013, soit antérieurement à la cession de créance intervenue le 28 février 2017.
Dès lors, le remboursement anticipé a éteint l’obligation de remboursement au titre du crédit affecté et par voie de conséquence la créance de la société Banque Solfea en remboursement du crédit. Il est donc manifeste que la créance éteinte en novembre 2013 n’a pu être cédée le 28 février 2017 et que les cessions de créances intervenues à cette date n’ont pu inclure la créance initiale de M. [U] et Mme [T] qui n’existait plus.
Ainsi, M. [U] et Mme [T] devaient exercer leur action, non pas contre la société BNPPPF mais contre la société Banque Solfea, ce dont ils se sont rendus compte tardivement, en assignant cette dernière en intervention forcée par acte d’huissier signifié le 20 mai 2020.
L’action initiée par les intimés à l’encontre de la société BNPPPF, dépourvue de qualité à se défendre, est donc mal dirigée et doit donc être déclarée irrecevable.
Le jugement est infirmé de ce chef et en ce qu’il a statué sur des demandes formées à l’encontre de cette société ou par elle, à savoir en ce qu’il a :
– condamné la société BNPPPF venant aux droits de la société Banque Solfea à payer à M. [U] et Mme [T] les sommes des 26 084,14 euros à titre de restitution des sommes réglées au titre du remboursement anticipé du prêt et de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les demandes visant à dire que la société BNPPPF ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation à leur égard,
– rejeté les demandes de la société BNPPPF en remboursement du capital prêté, en limitation de la réparation du préjudice, en indemnisation pour légèreté blâmable et en compensation des créances,
– rejeté la demande de condamnation de la société BNPPPF aux frais de désinstallation et de remise en état de la toiture et en réparation de leurs préjudices économique, de jouissance et moral,
– débouté la société BNPPPF de sa demande de frais irrépétibles, et l’a condamnée aux dépens.
Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la société Banque Solfea
En application de l’article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, dans tous les cas où l’action en nullité d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En application de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Les intimés font valoir que leur action n’est pas prescrite, que l’assignation délivrée à l’encontre de la société BNPPPF le 17 juillet 2017 a interrompu la prescription à l’encontre de la société Banque Solfea et que celle-ci n’a été assignée en intervention forcée qu’après communication de l’acte de cession en mai 2020.
Il est admis que la prescription court à compter de la date de signature du contrat, date à laquelle l’acquéreur disposait des éléments nécessaires d’information pour en apprécier son éventuelle irrégularité sur le fondement des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation.
En l’espèce, la société Banque Solfea a été assignée par exploit du 20 mai 2020, soit plus de cinq ans après la conclusion du contrat de crédit affecté, signé le 18 juillet 2012. L’action de la société BNPPPF, déclarée irrecevable, n’a pu interrompre la prescription.
Ainsi l’action en nullité formelle du bon de commande est prescrite à l’encontre de la société Banque Solfea puisque les irrégularités alléguées par M. [U] et Mme [T] étaient détectables dès la signature du bon de commande.
Il appartient au demandeur à l’action en nullité d’établir qu’il peut se prévaloir d’un éventuel report du point de départ de son action en justifiant qu’il n’a eu connaissance des éléments à même de caractériser son erreur que postérieurement à la souscription du contrat.
En l’espèce, la cour constate que M. [U] et Mme [T] invoquent à l’appui du dol des éléments connus lors de la signature du bon de commande qui justifient de retenir cette date comme point de départ du délai de prescription ou des éléments non contractualisés et donc inopérants pour permettre de reporter le point de départ du délai de prescription à la date de réception de la première facture d’électricité.
Les moyens de fait invoqués à l’appui du dol pouvaient être découverts à la date de signature du bon de commande. Le coût du crédit et ses modalités étaient également connus des acheteurs au jour de la signature du contrat.
M. [U] et Mme [T] ne justifient de l’envoi d’aucun courrier de réclamation au vendeur postérieurement au contrat et à la signature de l’attestation de livraison, et en particulier à réception de la première facture de revente du 17 février 2014 alors qu’ils ont procédé à la revente d’électricité dès le mois de février 2013 comme cela figure sur la facture, et qu’ils étaient à même de constater sa production électrique au vu du compteur installé dès cette date. À cet égard, il doit être relevé que la pièce neuf, non évoquée dans les conclusions, n’est ni datée, ni signée et ne comporte aucune preuve d’envoi.
L’édition de la facture annuelle n’a donc pas révélé aux intimés un fait qu’ils ne pouvaient connaître auparavant, à savoir le niveau de production de l’équipement et elle n’était pas de nature à leur révéler les faits frauduleux imputés au vendeur relatifs notamment aux partenariats dont se serait prévalu la venderesse ou à la présentation fallacieuse de l’opération.
M. [U] et Mme [T] ne justifient nullement d’événements postérieurs légitimant un report du point de départ du délai de prescription.
En conséquence, l’action en nullité doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite à l’encontre de la société Solfinea anciennement dénommée Banque Solfea.
S’agissant de l’action en responsabilité formée à l’encontre de la société Solfinea, l’article 2224 du code civil fixe le point de départ du délai de prescription quinquennal à la date à laquelle la personne intéressée a connaissance des faits qui lui permettent d’agir.
En l’espèce, les moyens invoqués à l’appui de l’action en responsabilité du prêteur pouvaient être découverts soit à la date de signature du contrat de crédit affecté le 18 juillet 2012 comme cela est le cas des éventuelles non-conformités du contrat principal aux dispositions du code de la consommation, soit à la date du déblocage des fonds le 23 août 2012 comme cela est le cas de l’éventuelle faute dans le déblocage des fonds.
En l’espèce, plus de cinq années se sont écoulées entre le contrat conclu le 18 juillet 2012 ou le déblocage des fonds survenu le 23 août 2012 et l’assignation délivrée par acte du 20 mai 2020 en sorte que l’action en responsabilité engagée par les intimés est irrecevable par application des textes précités.
Partant, les demandes formulées à l’encontre de la société Solfinea anciennement dénommée Banque Solfea sont déclarées irrecevables.
Sur la demande de nullité du bon de commande
Sur le moyen tiré des mentions obligatoires
Il est constant que le contrat de vente et de prestation de services litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 ancien et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au 18 juillet 2012, dès lors qu’il a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile.
La veille de la prescription quinquennale, M. [U] et Mme [T] ont entendu soulever la nullité du contrat de vente signé le 18 juillet 2012.
M. [U] et Mme [T] invoquent l’absence de renseignements relatifs à la marque des panneaux et de l’onduleur, aux prix unitaires, à l’identité du commercial, aux conditions de paiement et aux modalités de livraison. Ils ajoutent que les prestations sont insuffisamment stipulées.
L’article L. 121-23 dispose : « Les opérations visées à l’article L. 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».
En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, le bon de commande, signé le 18 juillet 2012 à l’occasion d’un démarchage à domicile et produit en copie, décrit l’objet de la vente comme suit :
Centrale Photovoltaïque d’une puissance de 4’500 Wc panneaux de marque Bosch
Montant commande TTC 24’000 €
Fourniture, livraison et pose, garantie pièces, main d »uvre et déplacements
Panneau photovoltaïque garantie de rendement à hauteur de 90’% pendant 25 ans
Garantie de contrat EDF + panneaux photovoltaïque + onduleur + câblage sur 20 ans
Garantie décennale sur toiture
Garantie de production sur 25 ans
Remettre à l’installation un chèque écosolaire de 974 euros.
Raccordement de l’onduleur au compteur de production à la charge de GSF
Obtention du contrat de rachat de l’électricité produite à la charge de GSF
Démarches auprès du Consuel d’État (obtention de l’attestation de conformité) à la charge de GSF
Le dossier est caduc en cas de non-obtention du financement.
Contrairement à ce qui est invoqué, le bon de commande mentionne bien le prix global à payer, conformément au 6° de l’article précité. Si les modalités du financement ne sont pas précisées, il convient de relever que le contrat de prêt souscrit le même jour par les acheteurs auprès de la société Banque Solfea porte mention de l’organisme prêteur, du taux débiteur fixe, du taux annuel effectif global ainsi que du coût total du crédit de sorte que l’ensemble des éléments d’informations nécessaires au crédit et exigé par l’alinéa précité a été porté à la connaissance des emprunteurs.
Enfin, il convient de souligner que l’article L. 121-24 du code de la consommation n’est pas sanctionné à peine de nullité.
Néanmoins, comme le relève à juste titre le premier juge, il apparaît effectivement que le bon de commande remis à l’en-tête de la société GSF, mentionne un descriptif particulièrement sommaire des matériels vendus. Si l’absence de plans techniques n’est pas une cause de nullité du contrat, la description de la centrale photovoltaïque promise est incomplète dès lors qu’aucune indication n’est donnée sur les éléments de l’équipement ni sur le nombre de panneaux. En outre, ces dispositions n’indiquent pas si les accessoires nécessaires à l’installation (disjoncteur, parafoudre, câblage, travaux éventuellement requis pour permettre le raccordement au réseau public…) sont inclus. Elles ne satisfont pas le 4° de l’article précité dans la mesure où elles ne permettaient pas à M. [U] et Mme [T] de comparer utilement les produits proposés avec d’autres produits présents sur le marché et ne leur permettaient pas de vérifier la complète installation des éléments avant de signer l’attestation de fin de travaux.
Au surplus, le bon de commande ne comporte aucune indication du nom du démarcheur ni sur le délai de livraison et les modalités d’exécution des travaux, alors que le contrat portait non seulement sur une vente mais aussi sur une prestation de services. Les conditions générales produites ne précisent pas les modalités de livraison. Partant, le bon de commande n’est pas conforme au 1° et 5° de l’article L. 121-23 précité.
Le contrat encourt donc l’annulation.
Il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu’elle avait connaissance des causes de nullité.
Selon l’article 1338 du code civil dans sa version applicable au litige, l’acte de confirmation ou ratification d’une obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité n’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l’action en nullité et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
À défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l’époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.
Dans le rôle qu’elle reconnaît au juge national dans l’application d’une réglementation d’ordre public de protection, la Cour de justice de l’union européenne impose un examen in concreto qui implique notamment que le juge apprécie la cohérence entre les griefs émis par une partie et la réalité de ses prétentions et motivations.
En l’espèce, le bon de commande remis à M. [U] et Mme [T] reproduit très clairement le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dont la simple lecture suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande.
Le seul fait que les acquéreurs n’aient pas souhaité, le cas échéant, prendre connaissance des dispositions que la loi impose pour leur protection, ne saurait justifier que la reproduction des articles précités soit sans portée quant à la capacité des acquéreurs à apprécier les irrégularités formelles du bon de commande.
Le contrat de vente est assorti d’un formulaire de rétractation détachable dont M. [U] et Mme [T] n’ont pas souhaité user.
Il est en revanche avéré que le 19 août 2012 M. [U] a signé sans réserve une attestation de fin de travaux mentionnant que les travaux étaient achevés et conformes au devis à l’exception du raccordement et des éventuelles autorisations administratives, qu’il a demandé à la banque de payer la somme de 24 000 euros représentant le montant du crédit à l’ordre du vendeur et qu’il a demandé la réduction du délai de rétractation.
À cet égard, il convient de souligner que si la copie du document produit par la banque est illisible, la reproduction mentionnée dans les écritures de la banque n’a pas été contestée, ni la réalité de l’installation et de la demande de déblocage des fonds. Rien ne justifie que cette pièce, qui n’avait pas été contestée en première instance, soit écartée des débats à hauteur d’appel, comme le souhaiteraient les intimés dans leurs écritures.
Il n’est par ailleurs pas contesté que les fonds ont été débloqués, que l’installation a été raccordée et mise en service et qu’elle est productrice d’électricité depuis le 18 février 2013. Plus encore, M. [U] et Mme [T] ont également procédé à l’exécution effective du contrat de crédit en procédant au remboursement anticipé complet de leur crédit en novembre 2013.
Ils produisent un courrier ni daté ni recommandé demandant un geste commercial au vendeur pour compenser les inconvénients et les retards subis mais n’ont émis aucun grief sur le fonctionnement de l’équipement.
Ces actes positifs non équivoques caractérisent une volonté de percevoir les avantages attendus des contrats, confirmée même après introduction de l’instance, qui exclut que M. [U] et Mme [T] puissent se prévaloir d’une nullité tirée de l’irrégularité formelle du bon de commande et plus particulièrement d’une irrégularité tenant à l’absence de mention de la date de livraison de l’équipement ou du nom du démarcheur.
L’action judiciaire, engagée la veille du délai quinquennal de prescription par M. [U] et Mme [T], résulte d’une déception sur le montant de la vente d’électricité rapporté au coût du crédit et non des défauts d’information inhérents au texte du bon de commande.
Partant, il est retenu que M. [U] et Mme [T] ont renoncé en toute connaissance à se prévaloir des irrégularités formelles affectant le bon de commande et qu’ils ne peuvent se prévaloir, cinq ans après la signature du bon de commande, de la nullité formelle du bon de commande.
Sur le moyen tiré du vice du consentement
Les intimés soulèvent également un vice de son consentement et soutiennent avoir été victimes d’un dol parce qu’ils n’étaient pas suffisamment renseignés sur les caractéristiques essentielles des biens vendus ni sur les modalités d’installation de la centrale solaire. Ils affirment avoir été victimes d’une présentation fallacieuse sur la rentabilité de l’installation et du caractère définitif de son engagement, alors qu’ils pensaient présenter uniquement une candidature à un programme.
L’article 1116 devenu 1137 du code civil prévoit que : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ».
Le document contractuel est intitulé sans ambiguïté « Bon de commande » ; il mentionne « panneaux photovoltaïques garantie de production sur 25 ans ».
Cette mention contractualise le rendement des panneaux photovoltaïques, lequel n’est pas critiqué, mais aucunement le rendement financier de l’installation photovoltaïque.
La brochure catalogue des produits de la société GSF contient à la page 6 présentant les panneaux photovoltaïques le paragraphe suivant « Un système d’autofinancement a été pensé, avec notre partenaire, la Banque Solfea, pour vous aider à financer et à amortir votre projet, sans que cela ne s’en ressente dans votre budget au quotidien. Cet autofinancement se fait d’une part, par le biais d’aides octroyées par l’État, lesquelles se manifestent par un crédit d’impôt, et d’autre part, par le biais des revenus générés par la vente, à EDF, de l’électricité que vous produirez ».
Cependant cette brochure n’est pas un document contractuel et aucun autofinancement de l’installation photovoltaïque n’a donc été contractualisé.
Si M. [U] et Mme [T] imputent à la société GSF une tromperie dans la présentation commerciale de leur offre de contrat et des man’uvres frauduleuses qui auraient vicié leur consentement, force est de constater qu’au-delà de la reproduction des textes, ils ne caractérisent pas de manière circonstanciée les fraudes qu’ils dénoncent relatives notamment à une présentation fallacieuse de la rentabilité de l’opération.
C’est donc en vain que M. [U] et Mme [T] soutiennent subir des pertes alors qu’il leur avait été annoncé que l’installation serait autofinancée en 15 ans et le vendeur a « conforté l’illusion d’une opération économique nécessairement lucrative », que le vendeur a fait état de partenariats mensongers avec EDF, GDF SUEZ destinés à les induire en erreur et a fait espérer un rendement exceptionnel avec des formules trompeuses comme « garantie de rendement » et « autofinancement ».
En effet le contrat est clair et ne contient pas de formules trompeuses contrairement à ce que soutiennent M. [U] et Mme [T] et en outre, ces derniers ne produisent aucun élément de preuve pour prouver que la mention de partenariat est mensongère ou que l’existence d’un partenariat avec la société EDF était un élément déterminant de leur consentement, ni un engagement contractuel de rentabilité. Or, le seul caractère incomplet du bon de commande tel que retenu ci-dessus ne saurait suffire à caractériser une fraude.
Comme le relève justement l’appelante, les intimés produisent une pièce n° 15 censée être une simulation remise par le vendeur, alors que la feuille manuscrite, qui ne relate aucun « autofinancement » ne permet aucune identification ni attribution au dossier litigieux. Ils ne produisent au demeurant aucune expertise ou étude de rentabilité de leur installation.
Les intimés ne prouvent pas un comportement malicieux de la part du représentant de la société GSF, qui aurait égaré leur connaissance de la portée de leur engagement, et partant, leur consentement. Ils ne démontrent donc pas le dol qu’ils imputent à la société GSF.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. [U] et Mme [T] sont mal fondés en leur demande d’annulation du contrat de vente.
Il n’y a donc lieu à annulation du contrat principal et il n’y a pas lieu de faire application de l’article L. 311-32 du code de la consommation.
En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat de vente et l’annulation du contrat de crédit affecté et la cour déboute M. [U] et Mme [T] de leurs demandes d’annulation du contrat de vente et du crédit affecté.
Au demeurant, il doit être relevé que les intimés qui produisent de nombreux courriers sans lien avec le litige, ne contestent pas que leur installation est raccordée, fonctionnelle et productrice d’électricité. Ils ne justifient d’aucun préjudice résultant des griefs allégués.
Les motifs qui précèdent rendent sans objet les prétentions et moyens subsidiaires des parties.
Sur les demandes accessoires
M. [U] et Mme [T] qui succombent seront tenus in solidum au paiement des dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de condamner M. [U] et Mme [T] in solidum à payer à la société BNPPPF la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes est rejeté.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dit n’y avoir lieu à écarter du débat la pièce n° 15 produite par les intimés ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention de la société Banque Solfea à la présente instance, en ce qu’il a déclaré le jugement commun à toutes les parties, en ce qu’il a rejeté les fins de non-recevoir tirées du remboursement anticipé du crédit et du défaut de déclaration de créance au passif de la procédure collective du vendeur et ce qu’il a déclaré l’action de M. [U] et Mme [T] recevable à l’encontre de la société Nouvelle Régie des jonctions des énergies de France représentée par son liquidateur ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevables les demandes formées par M. [W] [U] et Mme [O] [T] à l’encontre de la société BNP Paribas personal finance, en l’absence de cession de créance ;
Déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes formées par M. [W] [U] et Mme [O] [T] à l’encontre de la société Solfinea anciennement dénommée Banque Solfea ;
Déboute M. [W] [U] et Mme [O] [T] de leurs demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté’;
Rappelle que M. [W] [U] et Mme [O] [T] sont redevables de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;
Rejette le surplus des demandes ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [W] [U] et Mme [O] [T] aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la Selas Cloix & Mendès-Gil, avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [W] [U] et Mme [O] [T] à payer à la société BNP paribas personal finance et à la société Solfinea anciennement dénommée Banque Solfea la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente