Décision du 16 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Lyon RG n° 20/05843

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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 20/05843 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VE7B

Jugement du 16 Janvier 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Alexis CHABERT de la SELARL DELSOL AVOCATS – 794
Maître François CHARPIN de la SELARL QG AVOCATS – 748

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 Janvier 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 16 Mai 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 10 Octobre 2023 devant :

Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Marlène DOUIBI, Juge,
François LE CLEC’H, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Patricia BRUNON, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.S.U. CARRE BLANC DISTRIBUTION,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître François CHARPIN de la SELARL QG AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.N.C. LIDL,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Alexis CHABERT de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat postulant du barreau de LYON et par Maître Benjamin MAY du Cabinet ARAMIS SOCIETE D’AVOCATS, avocat plaidant du barreau de PARIS

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE

Exposé des faits et de la procédure

La société CARRE BLANC exerce une activité de création, de fabrication et de distribution de divers produits tels que du linge de maison, qu’elle commercialise sous l’enseigne CARRE BLANC.

Elle se prévaut de droits d’auteur sur cinq créations de sa collection hiver 2017/2018, à savoir des motifs apposés sur des parures de lit et désignées sous les dénominations WINONA, ELECTRO, ORIANE, PRESTON et OPALE.

Elle se prévaut également des dépôts de modèles suivant :
– le modèle n° 2018-0041 déposé le 4 janvier 2018 à l’INPI, portant sur des taies aux motifs WINONA et PRESTON,
– le modèle n° 2018-0171 déposé le 12 janvier 2018 à l’INPI, portant sur une housse de coussin au motif OPALE.

La société CARRE BLANC DISTRIBUTION a découvert que la société LIDL avait offert à la vente, à l’occasion d’une opération “Le Blanc” s’étant déroulée du 26 au 30 décembre 2018, des parures de lit commercialisées sous la marque MERADISO. Estimant que les motifs apposés sur ces produits reproduisaient les créations susmentionnées, elle a fait établir le 8 janvier 2019 un procès-verbal de constat au sein du magasin LIDL situé à [Localité 3] (Loire).

Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2019, la société CARRE BLANC a mis en demeure la société LIDL de lui transmettre divers documents à dessein de chiffrer le montant du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait d’actes qu’elle qualifiait de contrefaisants. La société LIDL sollicitait un délai pour échanger avec son fournisseur, la société LOMOTEX, puis remettait en vente les produits à l’occasion d’une nouvelle opération “blanc” constatée par procès-verbal du 24 juillet 2019.

Par lettre du 20 septembre 2019, la société LOMOTEX faisait valoir directement auprès de la société CARRE BLANC que l’originalité de ses motifs était contestable et que la reproduction n’était pas établie, mais également que les produits litigieux n’étaient plus disponibles au sein des magasins LIDL.

C’est dans ce contexte que, par exploit d’huissier en date du 1er septembre 2020, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de Lyon la société SNC LIDL en contrefaçon de modèles et de droits d’auteur.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2022.

Prétentions et moyens des parties

Vu l’article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions n°2 notifiées le 15 novembre 2021 par la société CARRE BLANC, aux termes desquelles elle demande au tribunal de :
– dire recevable son action en contrefaçon de droits d’auteurs concernant les oeuvres ORIANE, WINONA, ELECTRO, PRESTON, OPALE,
– dire que la société LIDL s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon des oeuvres ORIANE, WINONA, ELECTRO, PRESTON, OPALE lui appartenant,
– dire que la société LIDL s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de ses modèles enregistrés auprès de l’INPI sous les numéros 2018-0041 le 4 janvier 2018 et 2018-0171 le 12 janvier 2018,
– condamner la société LIDL sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à communiquer dans le cas de la présente instance et dans les huit jours de la signification de la décision à intervenir, l’ensemble des éléments comptables certifiés attestés par son commissaire aux comptes, justifiant de l’ensemble des ventes sur les années 2017 2018 et 2019 des parures de lits contrefaisantes vendues sous la marque MERADISO et notamment :
– Tous documents comptables, à savoir toutes les factures, bons de livraisons, les états des ventes détaillés faites en France et à l’international et stocks restants ;
– Un relevé visé de tous les documents commerciaux, à savoir tous les catalogues, notices et prospectus et de l’ensemble des établissements depuis décembre 2018 ainsi que la production des factures et autres pièces permettant de justifier du nombre de ces catalogues, notices et prospectus ;
– condamner la société LIDL à lui payer la somme de 150.000 euros du chef fait des actes de contrefaçons commis sur les oeuvres ORIANE, WINONA, ELECTRO, PRESTON, OPALE et sur les modèles visés plus avant à parfaire au vu des pièces comptables à produire par la société LIDL aux fins de déterminer la masse contrefaisante,
– faire interdiction à la société LIDL de procéder à l’importation, la reproduction, la fabrication, la commercialisation, l’offre à la vente et la vente de tous articles reproduisant les motifs et modèles visés dans la présente assignation, et ce quelle que soit la référence sur laquelle ils seraient commercialisés sous astreinte de 1000 € par infraction constatée, passé le délai de huit jours suivant la signification du jugement à intervenir,
– ordonner à la société LIDL de détruire à ses frais le stock contrefaisant qu’il subsisterait, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé le délai de dix jours de la signification du jugement à intervenir,
– ordonner que ces destructions seront effectuées sous contrôle d’un huissier de justice, la société CARRE BLANC devant être présente ou appelée, que le procès-verbal devra être remis par la société LIDL à la société CARRE BLANC dans le même délai à compter de l’acte de destruction,
– ordonner à la société LIDL d’avoir à publier le dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux périodiques au choix la société CARRE BLANC et aux frais avancés de la société LIDL sans que le coût global de ces insertions ne puisse excéder la somme de 20 000 € hors-taxes,
– condamner la société LIDL à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société LIDL aux entiers dépens qui comprendront les deux procès-verbaux d’huissier des 8 janvier 2019 et 24 juillet 2019 ;

Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 11 mai 2022 par la société LIDL, aux termes desquelles elle demande au tribunal de :
vu l’article 122 du code de procédure civile,
vu l’article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle,
à titre principal :
– juger la société Carré Blanc irrecevable en ses demandes de contrefaçon de droit d’auteur des motifs « Electro », « Oriane », « Opale » et « Preston » et de contrefaçon des dessins et modèles français n° 20180041-017, n° 20180041-020 et n° 20180171-18, formées à son encontre,
– juger que les motifs « Winona », « Electro », « Oriane », « Opale » et « Preston » ne sont pas éligibles à la protection par le droit d’auteur, faute d’être originaux,
– juger qu’aucune des cinq parures de lit commercialisées par Lidl sous la marque « Meradiso » ne constitue une contrefaçon des droits d’auteur de Carré Blanc portant sur les motifs « Winona», « Electro », « Oriane », « Opale » et « Preston »,
– juger qu’aucune des parures de lit commercialisées par Lidl sous la marque « Meradiso » ne constitue une contrefaçon des dessins et modèles français n° 20180041-017, n° 20180041-020 et n° 20180171-18 détenus par Carré Blanc,
– déclarer la société Carré Blanc irrecevable en ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, faute de faits distincts de la contrefaçon,
à titre subsidiaire :
– juger que la société Lidl ne s’est pas rendue coupable d’acte de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société Carré Blanc,
en tout état de cause :
– débouter la société Carré Blanc de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– juger que le jugement à intervenir n’est pas assorti de l’exécution provisoire,
– condamner la société Carré Blanc à lui verser la somme de 25.000 (vingt-cinq mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Carré Blanc aux entiers dépens ;

L’affaire ayant été fixée à plaider à l’audience du 10 octobre 2023, et mise en délibéré au 16 janvier 2024 ;

Motivation

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare recevables les demandes en contrefaçon des modèles n° 2018-0041 17/1, n° 2018-0041 20/1 et n°2018-0171 1/18 formées par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION,

Déboute la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de ses demandes en contrefaçon des modèles n° 2018-0041 17/1, n° 2018-0041 20/1 et n°2018-0171 1/18,

Déclare recevables les demandes en contrefaçon de droits d’auteur sur les dessins ELECTRO, OPALE, PRESTON et ORIANE formées par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION,

Dit que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION n’est pas titulaire des droits d’auteur sur le dessin PRESTON,

Déboute la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de sa demande en contrefaçon du motif PRESTON,

Dit que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION est titulaire des droits d’auteur sur les oeuvres originales intitulées WINONA, ELECTRO, ORIANE et OPALE,

Déboute la société CARRE BLANC de sa demande en contrefaçon du motif OPALE,

Dit que la société LIDL a commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur dont dispose la société CARRE BLANC DISTRIBUTION sur les oeuvres WINONA, ELECTRO et ORIANE,

Ordonne à la société LIDL de communiquer les éléments comptables (factures, bons de livraison, états des ventes détaillés, stocks restants) certifiés par son commissaire aux comptes, justifiant de l’ensemble des ventes de parures de lit contrefaisant les motifs WINONA, ELECTRO et ORIANE réalisées sous la marque MERADINO sur les années 2018 et 2019, ainsi qu’un relevé visé par commissaire aux comptes de tous les documents commerciaux mentionnant ces produits (catalogues, notices et prospectus) concernant l’ensemble de ses établissements français depuis décembre 2018 et sur l’année 2019, et les factures permettant de justifier du nombre de ces catalogues, notices et prospectus, et ce sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision,

Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice et, à défaut d’accord, à sa détermination judiciaire après nouvelle assignation,

Condamne la société LIDL à verser à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 60 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice résultant de la contrefaçon,

Fait interdiction à la société LIDL d’importer, de fabriquer ou de faire fabriquer, d’offrir à la vente et de commercialiser les produits contrefaisants, reproduisant les oeuvres WINONA, ELECTRO et ORIANE, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision,

Ordonne la publication du dispositif de la décision dans trois journaux au choix de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, aux frais de la société LIDL, dans la limite de 5 000 € HT par insertion,

Déboute la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de sa demande de destruction de stock sous astreinte,

Déboute la société LIDL de sa demande tendant à voir écarter l’exécution provisoire, sauf pour ce qui concerne les mesures de publication de la décision,

Condamne la société LIDL aux dépens de l’instance,

Condamne la société LIDL à verser à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

En foi de quoi le Président et le greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT
Patricia BRUNONCécile WOESSNER

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