C6
N° RG 22/02180
N° Portalis DBVM-V-B7G-LMWY
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL ACO
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 16 JANVIER 2024
Appel d’une décision (N° RG 20/00205)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne
en date du 03 mai 2022
suivant déclaration d’appel du 02 juin 2022
APPELANTE et intimée incidente :
L’URSSAF [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE substitué par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON
INTIMEES et appelantes incidentes :
SAS [4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
SAS [4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représentées par Me Romain JAY de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Mme Elsa WEIL, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 novembre 2023,
Mme Elsa WEIL, Conseiller chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
Exposé du litige
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société SAS [4], spécialisée dans le commerce de gros d’équipements automobiles et plus particulièrement dans la distribution de pièces automobiles sur le marché du rechange de pièces techniques, a fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF sur la période du 1er janvier 2015 au 30 novembre 2017, pour l’ensemble de ses établissements.
A l’issue du contrôle, par lettre d’observation en date du 17 octobre 2018, l’URSSAF retenait neuf chefs de redressement pour un montant total de cotisations redressées à hauteur de 78’638 € et trois observations pour l’avenir.
Par courrier en date du 5 novembre 2018, la société SAS [4] contestait les chefs de redressement 5 à 9 et l’observation n°10.
Par courrier en date des 14 et 28 novembre 2018, l’URSSAF écartait les observations de la société et délivrait une mise en demeure le 11 décembre 2018 pour la somme de 85’515 €, soit 78’642 € au titre des cotisations redressées, outre 6873 € au titre des majorations de retard.
La société SAS [4] saisissait la commission de recours amiable le 7 février 2019, pour contester les chefs de redressement 5 et 8 ainsi que l’observation n°10, laquelle rejetait son recours le 26 juin 2020.
Saisi d’un recours contre cette décision, le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne a, par jugement du 3 mai 2022 :
– Rejeté le redressement opéré au titre de l’assujettissement des sommes et avantages versés dans le cadre de challenges à des clients et grossistes sous forme de cadeaux divers, places de cinéma, places de concert, organisation de soirées, dîners et spectacles.
– Confirmé le surplus du redressement relatif au week-end offert pour les 40 ans de l’entreprise.
– Déclaré irrecevable la contestation des observations pour l’avenir.
Le 2 juin 2022, l’URSSAF a interjeté un appel partiel de cette décision et uniquement en ce qui concerne le rejet du redressement opéré au titre de l’assujettissement des sommes et avantages versés dans le cadre de challenges à des clients et grossistes sous forme de cadeaux divers, places de cinéma, places de concert, organisation de soirées, diners et spectacles.
La société [4] a formé un appel incident sur les frais afférents au séminaire d’entreprise et les avantages en nature nourriture.
Les débats ont eu lieu à l’audience du 14 novembre 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 16 janvier 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
L’URSSAF, selon ses conclusions d’appel responsives et récapitulatives n°2, déposées le 24 août 2023, et reprises à l’audience demande à la cour de :
– réformer partiellement le jugement en date du 3 mai 2022,
– confirmer le chef de redressement n°8 relatif à l’assujettissement des avantages versés à des tiers,
– confirmer le jugement pour le surplus et notamment en ce qu’il a’:
– déclaré irrecevable la société [4] à contester la décision administrative relative à l’observation pour l’avenir,
– débouté la société [4] de sa demande relative à l’annulation du redressement relatif aux avantages en nature voyage,
– en conséquence, condamner la société [4] à payer à l’URSSAF la somme de 85’515 € au titre des cotisations et majorations de retard restant dus, sans préjudice des majorations de retards complémentaires,
– condamner la société [4] à payer à l’URSSAF la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’URSSAF soutient que, en ce qui concerne le chef de redressement n°8, la société [4] a mis en place un système de challenges afin de stimuler les ventes auprès de ses grossistes et différents clients. Elle a ainsi créé un club à travers lequel elle propose, en contrepartie de la réalisation d’objectifs commerciaux chiffrés, différents bons cadeaux, places de cinéma, soirées’afin de récompenser les meilleurs acheteurs-clients. Or, elle estime que par application de l’article L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale, toute somme allouée à un salarié par un tiers qui n’est pas son employeur, en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de ce tiers, est une rémunération assujettie aux cotisations sociales. Elle souligne qu’il importe peu que la société [4] ne détermine pas précisément les salariés bénéficiaires des cadeaux au sein des entreprises clientes, et que ceux-ci ne présentent pas le caractère exceptionnel permettant de les qualifier de frais d’entreprise.
C’est à ce titre, qu’elle explique avoir opéré un redressement sur les années 2016 et 2017, étant précisé que seule la contribution libératoire de 20 % est appelée sur les montants octroyés pour les différents challenges, qui dépassent individuellement 15 % du SMIC dans l’ensemble des cas.
Sur le redressement n°5, l’URSSAF explique qu’à l’occasion des 40 ans de l’entreprise, un week-end à [Localité 2] a été offert aux salariés et à leur conjoint en 2017, la société leur remettant également différents cadeaux.
Elle souligne que ce séjour doit être considéré comme un voyage d’agrément offerts aux salariés et à leur conjoint, aucune mission professionnelle dans l’intérêt de la société n’ayant été confiée à ceux-ci. Elle précise que le programment de travail produit par la société devant la commission de recours amiable, n’a pas été présenté à l’inspecteur pendant la période contradictoire et qu’il n’est corroboré par aucun élément permettant de vérifier l’organisation matérielle des réunions. De plus, elle relève que seuls 24 salariés sur 78 étaient présents, accompagnés de leur conjoint, ce qui à ses yeux suffit à exclure la dimension obligatoire et professionnelle du séjour.
A titre subsidiaire, elle estime que la société [4] ne justifie pas du montant qu’elle souhaite voir retenir et que celui-ci ne correspond pas à sa comptabilité.
De même, elle indique qu’il importe peu que l’ensemble des participants ne soient pas les salariés de la société [4] dans la mesure où c’est elle qui a pris en charge le coût du voyage.
Sur les observations pour l’avenir n°10, elle relève que, par application de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, la société [4] était forclose devant la commission de recours amiable pour contester cette observation, ce qui rend son recours devant la juridiction judiciaire irrecevable.
A titre subsidiaire, elle indique que lors des réunions commerciales organisées entre différents salariés de la société, cette dernière prenait en charge les repas au titre des frais professionnels, y compris pour les salariés travaillant habituellement sur le site de la réunion et qui ne se trouvaient donc pas en situation de déplacement professionnel. Dès lors, elle estime que pour les salariés qui n’étaient pas en situation de déplacement professionnel, l’employeur ne pouvait prendre en charge leur repas sans décompter un avantage en nature nourriture.
La société [4], par ses conclusions d’intimée notifiées par RPVA le 4 avril 2023, déposées le 2 novembre 2023 et reprises à l’audience demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé le redressement opéré au titre de l’assujettissement des sommes et avantages versés-dans le cadre de challenges à des clients et grossistes sous forme de cadeaux divers, places de cinéma, places de concert, organisation de soirées, dîners et spectacles.
– pour le surplus, infirmer le jugement entrepris.
Ce faisant,
– annuler le redressement relatif au week-end offert pour les 40 ans de l’entreprise, ainsi que la contestation des observations pour l’avenir.
– débouter l’URSSAF [Localité 5] de l’intégralité de ses demandes.
– condamner l’URSSAF [Localité 5] au paiement d’une somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [4] expose, en ce qui concerne le chef de redressement n°5, qu’il s’agissait d’un séminaire organisé à [Localité 2] afin de récompenser les salariés mais également de leur présenter les objectifs à venir. Elle souligne qu’il s’agissait de renforcer l’esprit d’équipe entre les salariés et de consolider la culture d’entreprise à travers des animations interactives ludiques mais également par des réunions plus formelles. De plus, elle précise que la participation des salariés à ce séminaire était obligatoire et que ceux-ci devaient respecter le programme établi. A ce titre, elle estime donc que les frais liés à cet événement exceptionnel sont constitutifs de frais d’entreprise et ne sont donc pas soumis à cotisations.
A titre subsidiaire, elle indique que le calcul du redressement est erroné dans la mesure où l’assiette de régularisation prise en compte ne concerne pas exclusivement les salariés de l’entreprise, les autres participants étant des salariés du groupe et donc non concernés par la procédure de redressement.
En ce qui concerne le redressement n°8, la société [4] explique que dans l’objectif d’augmenter son chiffre d’affaires, elle organise des challenges auprès de ses clients et récompenses ces derniers par différents avantages en bons cadeaux, spectacles’lorsqu’ils atteignent les objectifs fixés. Elle souligne que ces avantages sont adressés à l’entreprise cliente qui décide par la suite de l’attribution à ses salariés de ces derniers. Elle précise que le bénéficiaire de l’avantage est bien l’entreprise cliente et non ses salariés. A ce titre, elle exclut toute application de l’article L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale dans la mesure où ces avantages ne sont pas versés à ses propres salariés.
Sur l’observation pour l’avenir n°10, la société [4] expose qu’elle organise au siège de l’entreprise, des réunions commerciales sur plusieurs jours avec l’ensemble des salariés affectés à un poste de commercial au sein de l’entreprise, ce qui justifie qu’elle prenne en charge les repas de ces derniers, y compris pour ceux qui sont habituellement affectés au siège. Elle estime que l’ensemble des salariés reste pendant toute la durée de ces réunions sous sa subordination juridique, ce qui permet de prendre en charge ces repas au titre de la législation sur les frais d’entreprise. Elle considère qu’à défaut il y aurait une rupture d’égalité entre les travailleurs.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n°20/000205 rendu le 3 mai 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne sauf en ce qu’il a débouté l’URSSAF de sa demande formée au titre des rémunérations servies par des tiers et qu’il a déclaré la société [4] irrecevable à contester les observations pour l’avenir relatives aux avantages en nature nourriture,
Statuant à nouveau,
Confirme le chef de redressement n°8 relatif à l’assujettissement des avantages versés à des tiers,
Condamne la société [4] à verser la somme de 85’515 € au titre des cotisations et majorations de retard restant dus, sans préjudice des majorations de retards complémentaires,
Déclare recevable la société [4] à contester les observations pour l’avenir n° 10 relatives aux avantages en nature nourriture,
Déboute la société [4] de sa contestation des observations pour l’avenir n° 10 relatives aux avantages en nature nourriture,
Condamne la société [4] à verser la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [4] aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président