L’action en réparation du préjudice causé par un abus de minorité est distincte et autonome de l’action en nullité de l’assemblée générale et est soumise à la prescription quinquennale de droit commun.
Abus de minorité : la prescription écartée
C’est donc à tort qu’un associé soutient que son associé avec qui il est en litige, qui s’est abstenu d’agir en nullité de la décision de l’assemblée générale dans le délai de prescription de trois ans, n’est plus recevable à faire sanctionner un abus de droit commis lors de cette assemblée générale.
L’action en abus de minorité
L’action en abus de minorité peut être exercée dans ce délai alors même qu’aucune action en nullité de l’assemblée générale n’aurait été engagée et qu’une telle action serait prescrite.
Abus de minorité : Application pratique
M. [B], qui a introduit son action le 14 janvier 2015, est recevable à solliciter l’indemnisation d’un préjudice résultant d’un abus de minorité commis lors d’une assemblée générale du 22 juin 2012.
M. [B] sollicite en premier lieu la condamnation de M. [F] [Y] à lui régler la somme de 53357 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par lui directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte par le groupe Technic France, lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012, ainsi que la somme de 68367,00 euros correspondant au montant de son compte courant d’associé non recouvré.
Il précise avoir subi ces pertes financières du fait de l’absence de cession amiable de Kemesys à Technic France. Il résulte des développements complémentaires contenus dans ses écritures qu’il reproche à M. [F] [Y] de ne pas avoir accepté l’offre de la société Technic France de racheter 100% du capital de la société Kemesys pour le prix de 200000 euros et d’avoir émis un vote défavorable à cette cession lors de l’assemblée générale extraordinaire du 22 juin 2012 convoquée par Maître [T], administrateur provisoire, en exécution d’une ordonnance du 23 avril 2012 alors que selon lui, cette cession devait permettre d’assurer la pérennité de la société Kemesys et la solvabilité de la société LR2M.
L’appelant prétend qu’en utilisant sa minorité de blocage pour faire obstacle à la cession, M. [Y] a commis un abus de minorité, en favorisant ses intérêts personnels au détriment de l’ensemble des autres associés.
Il sera relevé que M. [B] ne s’étend pas sur la démonstration du lien de causalité entre l’abus de minorité qu’il reproche à M. [Y] et les pertes financières qu’il allègue à hauteur de 53357 euros et 68367,00 euros.
La conséquence préjudiciable du vote défavorable de M. [Y] ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de réaliser la cession des titres de la société Kemesys au prix global de 200000 euros, dont 53,35% revenant à LR2M, pour laquelle la société Technic France n’avait émis qu’une simple lettre d’intention ne constituant pas une offre d’achat, soumise à diverses conditions, de sorte que même en cas de vote favorable des associés de la société LR2M Venture, la réalisation effective de la cession au prix de la lettre d’intention n’était pas garantie.
La cession devait en outre être suivie, selon la proposition soumise au vote de l’assemblée générale, de la dissolution de la société LR2M Venture et de sa liquidation amiable, au terme de laquelle M. [B] n’aurait pu prétendre au remboursement de son compte courant d’associé, en concurrence avec d’autres créanciers, et à sa quote part d’un éventuel boni de liquidation, que dans la limite de l’actif disponible, aucun élément d’information n’étant produit sur ce point.
En tout état de cause, M. [B] ne démontre pas que le vote défavorable de M. [Y] lors de l’assemblée générale du 22 juin 2012 serait constitutif d’un abus de minorité.
Ainsi que le rappelle M. [Y], l’assemblée générale des associés était appelée à se prononcer sur l’autorisation de cession à la société Technic France de la totalité des titres de la société Kemesys détenus par la société LR2M Venture aux conditions mentionnées dans la lettre d’intention du 12 mars 2012, et quel que soit le résultat de ce premier vote, sur la dissolution de la société LR2M Venture et la nomination d’un liquidateur amiable.
Les conditions mentionnées dans la lettre d’intention du 12 mars 2012 comportaient notamment:
– la renonciation formelle et définitive de M. [F] [Y] et de la SCI Cantagaï à toutes les actions et recours lancés à l’encontre de la SA Kemesys,
– la transmission à titre gratuit de l’ensemble des brevets et marques que détient la holding LR2M à sa fille la SA Kemesys,
– le renouvellement anticipé du bail commercial avec résiliation du bail de sous-location,
– l’accord des parties sur les modalités de la collaboration avec M. [B], tant au regard de sa rémunération que de ses fonctions,
– l’établissement d’une garantie d’actif et de passif et d’une clause de non-concurrence.
Abus de minorité : la question du vote défavorable aux AG
Au regard de ces différentes conditions, M. [Y] a pu légitimement, sans commettre un abus, émettre un vote défavorable à une décision imposant des sacrifices à la SCI Cantagaï et à la société LR2M elle-même et entraînant la disparition de la société après transmission à titre gratuit de ses marques et brevets, et dont M. [B] devait tirer un intérêt personnel par une proposition de collaboration.
M. [B] ne démontre pas que M. [Y] aurait émis un vote défavorable dans l’unique dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de l’intérêt général.