Décision du 9 août 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/00416

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COUR D’APPEL DE RENNES

N° 2023/194

N° RG 23/00416 – N° Portalis DBVL-V-B7H-UASY

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Nous, Hélène BARTHE-NARI, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance en date du 26 juin 2023 du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Isabelle OMNES, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 08 Août 2023 à 11:29 par :

M. [R] [P]

né le 21 Juillet 2000 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

ayant pour avocat Me Emmanuelle BEGUIN, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 07 Août 2023 à 17:10 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté l’exception de nullité soulevée et ordonné la prolongation du maintien de M. [R] [P] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 7 août 2023 à 08:45 ;

En l’absence de représentant du préfet de l’Eure et Loir, dûment convoqué qui a fait parvenir un mémoire le 9 août 2023,

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 8 août 2023)

En présence de M. [D] [C], interprète ayant prêté serment,

En présence de M. [R] [P], assisté de Me Emmanuelle BEGUIN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 09 Août 2023 à 10H00, l’appelant assisté de M. [C], interprète en langue arabe, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et le 09 Août 2023 à 16:00, avons statué comme suit :

Par arrêt en date du 23 juin 2021, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Sens en date du 25 février 2021 prononçant notamment contre M. [R] [P] une peine d’interdiction du territoire français pour une durée de dix ans,

Par arrêté du 23 juin 2023 notifié le 28 juin 2023, le préfet d’Eure-et-Loir a fixé le pays de destination en vue de l’éloignement de M. [P].

Par arrêté du 4 août 2023 notifié le 5 août 2023, le préfet d’Eure-et-Loir a placé l’intéressé, à sa sortie de détention, en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par requête en date du 6 août 2023, le préfet d’ Eure-et-Loir a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour, M. [R] [P] a saisi le juge des libertés et de la détention d’une contestation de la régularité de l’arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 7 août 2023, le juge des libertés et de la détention, après avoir rappelé qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier la régularité de la notification des arrêtés préfectoraux, a examiné la réalité et la régularité de la notification des droits liés au placement en rétention administrative et rejeté l’exception de nullité soulevée.

Sur le fond, il a ordonné la prolongation du maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours considérant que M. [P], sans garanties de représentation et dépourvu de passeport, ne remplissait pas les conditions d’une assignation à résidence dans l’attente de la mise en oeuvre de la mesure d’éloignement.

Par déclaration du 8 août 2023, M. [R] [P] a relevé appel de cette ordonnance.

A l’audience de la cour, l’appelant sollicite l’annulation de l’ordonnance rendue le 7 août 2023 et sa remise en liberté en raison de l’irrégularité de la notification du placement et des droits en rétention et de l’absence de perspective d’éloignement.

Le préfet d’Eure-et-Loir a conclu à la confirmation de l’ordonnance attaquée selon mémoire du 9 août 2023.

Selon avis du 8 août 2023 à 22h 22, le procureur général a conclu à l’infirmation de l’ordonnance rendue le 7 août 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes au motif qu’en l’absence de l’assistance d’un interprète lors de la notification de son placement en rétention, il existait un doute sérieux sur la compréhension par M. [P] de ses droits.

Exposé du litige

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la recevabilite de l’appel :

L’appel interjeté par M. [R] [P] à l’encontre d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes notifiée le 7 août 2023 à 18 h 00 a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est donc recevable.

Sur l’exception de nullité tirée de l’absenc d’interprète pour la notification du placement et des droits en rétention :

Il sera rappelé en application de l’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que la mainlevée du placement en rétention ne peut être ordonnée à raison de la violation des formes prescrites par la loi ou de l’inobservation des formalités substantielles, que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

Il est constant que le placement en rétention administrative et les droits découlant de ce placement ont été notifiés le 5 août 2023 à M. [P] par les services de la Préfecture d’Eure-et-Loir, hors l’assistance de tout interprète.

Aux termes de l’article L.141-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger qui ne parle pas le français et qui fait l’objet d’une mesure de placement en rétention, doit indiquer en début de procédure une langue qu’il comprend et s’il sait lire.

Or, M. [P] a indiqué comprendre le français lors de la notification de l’arrêté de placement en rétention administrative mais ne pas savoir le lire ni l’écrire. Par ailleurs, il sera constaté que son audition par les services de gendarmerie de [Localité 1] le 12 juin 2023 s’est effectuée sans l’assistance d’un interprète et que M. [P] a été en mesure de répondre en français aux questions qui lui étaient posées en français.

Si effectivement lors de l’audience devant la cour d’appel en juin 2021, M. [P] était assisté d’un interprète, il sera souligné que l’intéressé est incarcéré depuis janvier 2021 et qu’il a donc nécessairement acquis en plus de deux ans d’incarcération une compréhension de la langue française.

Ne sachant toutefois ni lire ni écrire le français, il lui a été fait lecture par un agent notificateur de l’arrêté de placement en rétention, des voies et délais de recours, de ses droits en rétention et du règlement intérieur du Centre de rétention de [Localité 3] le 5 août 2023 de 8h45 à 8h50.

Il apparaît en conséquence, que la notification du placement en rétention et de ses droits a été effectuée dans une langue, le français, que M. [P] a déclaré comprendre.

S’il est regrettable que la notification de ses droits lors de son arrivée au Centre de rétention administratif n’a pas été faite par relecture par un agent notificateur, c’est toutefois à juste titre que le premier juge, soulignant que cette notification avait déjà été faite lors du placement en rétention et ne constituait qu’un rappel des droits précédemment notifiés, a considéré que cette nullité n’avait pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de M. [P]. L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité.

Sur le moyen tiré de l’absence de perspectives d’éloignement :

Outre le fait que ce moyen n’a pas été soulevé devant le premier juge, il apparaît qu’il existe de réelles perspectives d’éloignement de M. [P]. Les autorités consulaires algériennes ont en effet confirmé sa nationalité algérienne et le préfet d’Eure-et-Loir a effectué une demande de routing d’éloignement dès le 3 août 2023. Une relance des autorités consulaires a également été faite par les services de la préfecture dès le placement en rétention de M. [P] le 5 août 2023.

Sur le fond :

M. [P] fait l’objet d’une interdiction du territoire français pour une durée de dix ans. Il n’a aucune garantie de représentation et ne dispose pas d’un passeport.

C’est donc à juste titre que constatant l’impossibilité d’une assignation à résidence, le premier juge a ordonné la prolongation du maintien de [R] [P] en rétention dans des locaux non pénitentiaires Sa décision sera confirmée.

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