Droit du Logiciel : décision du 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11982

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 11 MAI 2023

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11982 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6D4

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de CRETEIL – RG n° 20/00012

APPELANTS

Monsieur [O] [B]

[Adresse 6]

94800 VILLEJUIF

représenté par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

et

Madame [D] [J] épouse [B]

[Adresse 6]

94800 VILLEJUIF

représentée par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

INTIMÉES

S.A. SADEV 94

[Adresse 11]

[Localité 17]

représentée par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07 substitué à l’audience par Me François DAUCHY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE – COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 16]

représentée par Madame [C] [T], en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Monsieur [O] [B] et Mme [D] [J] épouse [B] (les époux [B]) étaient propriétaires d’un bien immobilier situé [Adresse 6]), sur la parcelle cadastrée section I n°[Cadastre 4], d’une superficie de 201 m².

Le bien est situé dans le périmètre du projet de la zone d’aménagement concerté (ZAC) « [Adresse 19] » qui a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, selon l’arrêté préfectoral n°2018/804 du 8 mars 2018, au profit de la Société d’aménagement et de développement des villes du département du Val-de-Marne (SADEV 94).

Par ordonnance d’expropriation du 8 octobre 2018, la propriété de l’ensemble immobilier susvisé a été transférée à la SADEV 94.

Après transport sur les lieux 2021, par jugement du 10 mai 2021, le juge de l’expropriation du Val-de-Marne a :

Fixé la date de référence au 16 décembre 2015 ;

Retenu une surface utile de 151,16 m², déterminée par l’expert ;

Retenu la méthode par comparaison ;

Rejeté la demande d’injonction à la SADEV 94 et au commissaire du gouvernement de produire l’évaluation domaniale ;

Fixé l’indemnité due par la SADEV 94 aux expropriés à la somme de 774.369 euros se décomposant comme suit :

695.336 euros au titre de l’indemnité principale, avec une valeur de 4600 euros/m²,

70.533 euros au titre de l’indemnité de remploi,

8.500 euros au titre de l’indemnité pour déménagement ;

Débouté les époux [B] de leur demande d’indemnité pour perte de revenus locatifs ;

Débouté les époux [B] de leur demande d’indemnité pour frais de changement d’adresse ;

Débouté les époux [B] de leur demande d’indemnité pour perte d’arbres fruitiers ;

Condamné la SADEV 94 à payer aux époux [B] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SADEV 94 aux dépens.

Par RPVA du 29 juin 2021 les époux [B] ont interjeté appel au titre du rejet de leur demande d’injonction de production de l’estimation domaniale, sur le fait que le commissaire du gouvernement doit verser ses références, sur l’affirmation aux termes de laquelle le jugement du 30 juin 2020 serait définitif, aucune mention d’un recours ne figurant sur le logiciel de gestion des affaires civiles du tribunal, sans qu’il soit indiqué à quelle date le jugement a été signifié, sur la fixation de l’indemnité totale de dépossession à la somme de 774.369 euros et notamment sur l’indemnité principale de 695.336 euros, les frais de remploi, sur le rejet des demandes accessoires portant sur l’indemnité pour perte de locatifs, l’indemnité pour frais de changement d’adresse et l’indemnité pour perte d’arbres fruitiers et enfin sur les frais irrépétibles alloués pour la procédure de première instance.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

Moyens

Motivation

SUR CE, LA COUR

Par un arrêt avant-dire droit du 24 novembre 2022, la cour a :

– déclaré recevables les conclusions des époux [B] du 22 septembre 2021, du commissaire du gouvernement du 7 décembre 2021 et de la SADEV 94 du 20 décembre 2021

Soulevé d’office l’irrecevabilité des conclusions hors délai des époux [B] du 12 janvier concernant la référence correspondant à un jugement définitif fixant les indemnités du 7 décembre 2020 SADEV/ [P]) et de la pièce nouvelle correspondante N° 14 : (jugement définitif fixant indemnités du 7 décembre 2020 SADEV/[P]) ;

Invité les parties à conclure sur ce moyen de droit ;

Sursis à statuer sur les prétentions et moyens des parties et sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Renvoyé l’examen de l’affaire au jeudi 15 décembre 2022 à 9 heures ;

Réservé les dépens.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 16 mars 2023.

En conséquence, les mémoires des consorts [B] du 7 décembre 2022 et du 28 décembre 2022 en réponse sur le moyen de droit soulevé par la cour sont recevables.

Le mémoire en défense N°2 de la SADEV 94 du 12 décembre 2022 qui a conclu sur ce moyen de droit et qui ne comporte pas de demande nouvelle est recevable.

Le mémoire en défense N°2 de la SADEV 94 du 13 décembre 2022 est recevable pour les mêmes motifs, ainsi que la pièce nouvelle puisqu’elle concerne le jugement [P] (pièce N°14).

Les conclusions du commissaire du gouvernement du 27 janvier 2023 qui portent sur le moyen de droit de l’article R311-26 du code de l’expropriation et qui ne présentent pas de demande nouvelle sont recevables.

Dans leurs conclusions hors délai du 12 Janvier 2022, les consorts [B] indiquent qu’ils n’ont pas été en mesure de verser aux débats un élément de comparaison qu’ils recherchaient depuis des mois et que c’est seulement le 23 décembre 2021 que le greffe des expropriations du tribunal judiciaire de Créteil a adressé à leur conseil le jugement du 7 décembre 2020, rendu par la juridiction de l’expropriation du Val de Marne, qu’ils versent aux débats en pièce N°14.

Dans leurs conclusions hors délai du 12 janvier 2022, ils indiquent qu’ils n’ont pas formé de demandes nouvelles et ont uniquement produit cette pièce nouvelle N°14 ; ils concluent que leur mémoire complémentaire est recevable puisqu’il contient uniquement des éléments complémentaires au mémoire de l’autre partie ou aux conclusions du commissaire du gouvernement.

Cependant,

– la pièce nouvelle N°14 (jugement fixant indemnité du 7 décembre 2020 SADEV/[P]) correspond à un nouveau terme de référence, donc à un nouvel élément de preuve ;

– cette pièce ne peut être considérée comme une réplique au mémoire de la SADEV 94 et aux conclusions du commissaire du gouvernement, qui n’ont pas formé d’appel incident ;

– les consorts [B] indiquent qu’il est invraisemblable que ni la SADEV 94, ni le commissaire du gouvernement n’aient fait allusion à cette décision ; ce grief est sans fondement, puisque ce jugement n’est pas définitif (pièce N°4 SADEV94) ;

– cette nouvelle pièce correspond à un jugement du 7 décembre 2020, soit antérieure au mémoire des consorts [B] du 22 septembre 2021;

– les consorts [B] indiquent qu’ils n’ont pas été en mesure de verser cet élément de comparaison qu’ils recherchaient depuis plusieurs mois et que c’est seulement le 23 décembre 2021 que le greffe des expropriations du tribunal judiciaire de Créteil a adressé à leur conseil ce jugement ; cependant, ils n’ont pas mentionné dans leur mémoire initial qu’ils recherchaient cet élément, et qu’ils seraient amenés à le verser ultérieurement ; en outre, aux termes de l’article R311-19 du code de l’expropriation applicable en appel en application de l’article R311-29 dudit code, si l’une des parties ou le commissaire du gouvernement s’est trouvé dans l’impossibilité de produire, à l’appui de son mémoire et des conclusions, certaines pièces ou documents, le juge peut, s’il l’estime nécessaire à la solution du litige, l’autoriser sur sa demande à produire à l’audience ces pièces et documents ; or, ils n’ont pas formulé de demande sur ce fondement ; A supposer même que les époux [B] n’aient pu obtenir cette pièce par le greffe du tribunal judiciaire de Créteil que le 23 décembre 2021, cette pièce N°14 n’est pas utile à la solution du litige, puisque le jugement n’est pas définitif faisant l’objet d’un appel (pièce N°5 de la SADEV 94).

En conséquence, en l’absence d’évolution du litige, cette pièce sera déclarée irrecevable, ainsi que les conclusions hors délai des consorts [B] s’agissant de cette référence ; pour le surplus, en l’absence de demande nouvelle, ces conclusions seront déclarées recevables.

– Sur le fond

Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s’impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.

L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l’article L 321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Aux termes de l’article L 321-3 du code de l’expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l’indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l’article L 322-1 du code de l’expropriation le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l’expropriant fait fixer l’indemnité avant le prononcé de l’ordonnance d’expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l’article L 322-2, du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L’appel des époux [B] porte sur toutes les dispositions du jugement, excepté l’indemnité accessoire de déménagement et les dépens.

S’agissant de la date de référence, les parties ne contestent pas la fixation de la date de référence au 16 décembre 2015 en application des articles L213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme.

À cette date, l’ensemble immobilier était situé en zone UA : zone d’habitation dense caractérisée par une mixité fonctionnelle.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s’agit d’un pavillon à usage d’habitation situé [Adresse 6] (94’800), sur la parcelle cadastrée section I numéro [Cadastre 4], érigée en R+2 avec une courette, une terrasse et un jardin, comprenant un studio indépendant situé au rez-de-chaussée.

Celui-ci donne sur une rue passante, plutôt excentrée du centre-ville, proche d’une sortie d’autoroute A6 (moins de 800 m), à 1,3 km de la ligne 7 du métro (station Villejuif Paul Vaillant Couturier), et est desservi par différentes lignes de bus (162,131,380). Il est proche de l’hôpital, de l’institut [20] et du parc départemental des [Localité 21].

Il ressort du procès-verbal de transport sur les lieux que s’agissant de la description extérieure, l’ensemble des revêtements est propre, de même que le muret, portail et les éléments en métal qui donnent sur l'[Adresse 5] ; que s’agissant de la description intérieure, les espaces sont propres et en bon état.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

Les époux [B] mentionnent qu’ils ont demandé que soit porté à leur connaissance le procès-verbal de transport avant la plaidoirie pour que le principe du contradictoire soit respecté et ce n’est qu’à l’issue de l’occasion de la délivrance du jugement qu’ils ont pu prendre connaissance des termes du procès-verbal de transport.

Ils ont pu en tout état de cause en prendre connaissance en appel.

Ils indiquent que la situation aurait pu être précisée comme suit :

-proche du centre-ville

-sortie A6 et N7 – 800 m

-la proximité du parc départemental « [Localité 21] » et du parc du 8 mai 1945

-desservie par les bus 162,131,380

-à proximité immédiate de l’institut [20]

-à proximité très immédiate d’une école et d’un lycée

-le pavillon est bien situé par rapport au commerce.

Ils ajoutent que le descriptif aurait pu être complété par les éléments suivants :

-doublage pour isolation

-grille en fer forgé

-volet en fer à toutes les fenêtres

-double vitrage sur toutes les fenêtres

-l’intégralité du pavillon est parqueté sauf escaliers en béton recouvert de moquette et d’une partie carrelée, cuisine et salle à manger

-une voiture peut être garée dans la cour.

Ils indiquent en outre que :

– le studio indépendant, comme le pavillon bénéficient du chauffage au gaz, qu’au

premier étage, une chambre avec une porte fenêtre avec balcon donne sur l'[Adresse 18]

[Adresse 18] ;

-la salle de séjour donne par une porte fenêtre sur une terrasse, entourant un cerisier.

-le ravalement a été refait ( pièce numéro 2) et la SADEV 94 a convenu que le tout était correctement entretenu.

La SADEV 94 indique que l’ensemble immobilier est correctement entretenu, qu’il est localisé sur l'[Adresse 5], correspondant à un secteur majoritairement déqualifié, et relativement excentré par rapport au centre-ville de la commune et des stations de métro, et d’un secteur très bruyant puisque sujet à une forte circulation.

Elle ajoute que les biens immobiliers sur le secteur sont médiocrement entretenus,

que toute la zone urbaine connaît des dysfonctionnements urbains importants, en particulier un fort taux d’habitat dégradé, justifiant l’intervention des pouvoirs publics.

Elle en conclut que la localisation est à l’évidence un facteur de moins-value.

Le commissaire de gouvernement souligne que le bien des époux [B] est

un pavillon de grande surface , bien équipé et entretenu ; que l’environnement n’est pas réellement valorisant, le bien étant relativement éloigné du métro Villejuif –

Paul Vaillant Couturier à 1,3 km, qu’il borde l'[Adresse 5],

passante, et la proximité avec l’institut [20] ne constitue ni un élément de dépréciation, ni d’appréciation, sauf à retenir cette proximité dans l’éventualité d’une vente, pouvant intéresser le personnel hospitalier.

S’agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s’agit de celle

du jugement de première instance conformément à l’article L322-2 du code de

l’expropriation, soit le 10 mai 2021.

– Sur l’indemnité principale

1° Sur les surfaces

Le premier juge a retenu une surface utile de 151,16 m², à partir d’un certificat de mesurage établi par un géomètre expert.

Les époux [B] demandent de retenir une surface de 156,37 m².

Ils indiquent que l’arrêté du 9 mai 1995, pris pour l’application de l’article R 353-16 du code de la construction et de l’habitation dispose que pour la définition de la surface utile visée à l’article R331-10 et au 2e alinéa de l’article R 353-16 du code de la construction et l’habitation, les surfaces annexes sont les surfaces réservées à l’usage exclusif de l’occupant du logement et dont la hauteur sous plafond est au moins égal à 1,80 m ; elles comprennent : les caves, sous-sols, remises, les ateliers, séchoir extérieur au logement, les celliers, les resserres, les combles, les greniers aménageables, balcons, les loggias et les vérandas.

Ils demandent donc que 8,61 m² soient ajoutés à la surface habitable totale.

L’expert a intégré les balcons, cellier, mais pas la cuisine, ni la salle de jeux, ni le grenier.

La SADEV 94 et le commissaire du gouvernement demandent la confirmation.

Il résulte de l’article R 353-16 du code de la construction et de l’habitation et de l’article 1er de l’arrêté du 9 mai 1995 modifié pris pour son application, qu’il ne peut être tenu compte des locaux dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m, ce qui est le cas de la cuisine, salle de jeux et du grenier.

La demande des consorts [B] d’intégrer la cour de 20,94 m² avec une pondération de 0,1 soit 2,90 et pour le balcon de 4,06 m² pondéré à 0,1 ne peut être accueillie, puisque ces surfaces qui ne sont ni couvertes, ni pour la cour bâtie ne peuvent être assimilées à des surfaces définies comme étant à usage d’habitation.

Seules les surfaces annexes de la cour, du balcon et du cellier doivent être réintégrées, ce qui correspond au certificat de mesurage établi par un géomètre expert, duquel il résulte que la superficie habitable est de 147,76 m² (pièce numéro 2).

En conséquence, en l’absence de demande d’un nouveau mesurage par un géomètre expert par les époux [B], il convient de retenir la surface habitable mesurée par le géomètre expert et de confirmer le jugement qui a exactement retenu 151,16 m² en surface utile (147,76 m² de surface habitable +4,07/2 correspondant au balcon +2,76/2 correspondant au cellier), puisqu’en outre dans le cadre de la méthode par comparaison, non critiquée, les termes de comparaison sont en surface utile.

2° Sur la situation locative

Aux termes de l’article L 322-1 du code de l’expropriation le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété.

Les parties ne contestent pas que le pavillon est occupé par les propriétaires et que le studio est libre d’occupation et que l’évaluation doit donc être réalisée en valeur libre d’occupation.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

3° Sur la méthode

Le juge de l’expropriation dispose du pouvoir souverain d’adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

Les parties ne contestent pas la méthode retenue par le premier juge de l’évaluation globale par comparaison.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4° sur la demande de production de l’estimation domaniale

Le premier juge a rejeté la demande des époux [B] de production de l’estimation domaniale.

En appel, la SADEV 94 indique qu’afin de d’éviter toute polémique, elle verse aux débats l’estimation domaniale (pièce numéro 1) qui correspond à son offre initiale.

En conséquence, cette demande en cause d’appel est devenue sans objet.

5° Sur les références des parties

Le premier juge après examen des références des parties a retenu une moyenne de 4372, 29 euros/m² en valeur libre, et après examen des facteurs de plus-value et de moins-value, l’a revue à la hausse et retenu une valeur de 4600 euros/m².

Les époux [B] demandent de retenir une valeur de 6500 euros/m², tandis que la SADEV 94 et le commissaire du gouvernement concluent à la confirmation.

Il convient en conséquence d’examiner les références des parties :

a) Les références des époux [B]

Ils indiquent qu’il existe un paramètre supplémentaire qui doit être réintroduit par rapport au marché immobilier, la date de mai 2021, à savoir que depuis l’apparition de la COVID 19 la recherche de l’habitat individuel s’est développée et que le prix moyen/m² à Villejuif serait de 5400 euros, avec un prix an de 7140 euros/m² (pièce numéro 6).

L’évolution du prix du marché ne constitue pas une référence ; si le Conseil Constitutionnel par décision numéro 2021/915/916 QPC du 11 juin 2021 a indiqué que le juge de l’expropriation peut notamment prendre en compte l’évolution du marché immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié, celle- ci doit se faire à la date de sa décision.

Ils invoquent la référence concernant le [Adresse 10] (pièce N°4).

Le commissaire du gouvernement indique que cette vente porte sur un petit pavillon qui comporte un rez de chaussée, une entrée, un séjour avec cuisine américaine et une chambre, avec à l’étage dans les combles aménagées une chambre et une salle de bains et il joint une photographie en annexe;il ajoute que ce bien a été vendu 494000 euros, soit : 76m² – 494000/6500 euros/m² ; que la surface de 76 m² est pertinente par rapport au descriptif et à la vue extérieure ; ces éléments ne sont pas contestés par les consorts [P].

Ce bien est d’une consistance différente, puisque d’une surface non comparable, à savoir inférieure de 75 m² par rapport au bien des consorts [B].

Ce terme sera donc écarté.

b) Les références de la SADEV 94

Elle propose deux références :

-Jugement du 30 juin 2020 du tribunal judiciaire de Créteil, RG 19/00048 (SADEV 94/MOLLICONE, définitif, certificat d’un appel en cours de délivrance) : deux maisons d’habitation mitoyennes sises [Adresse 14] , surface utile de 184,80 m², situées à moins de 100 m du bien exproprié : 4483 euros/m².

Les références de jugement avec le numéro de RG sont mentionnées ; cette référence récente est comparable en consistance et en localisation ; elle n’est pas critiquée par les consorts [P]; elle sera donc retenue.

-Mutation du 15 juin 2020 (pièce numéro 4) : un ensemble immobilier à usage d’habitation situé [Adresse 12] édifié sur la parcelle cadastrée section AF numéro [Cadastre 3], contenance de 272 m², édifié sur 3 niveaux, 708’700 104 euros, surface utile de 157,50 m², soit une valeur unitaire de 4500 euros/m².

La SADEV 94 produit des photographies et précise que ce bien était parfaitement entretenu et bénéficie d’une large terrasse carrelée en son entrée, une véranda accessible par une porte fenêtre, cuisine, une suite parentale disposant d’une salle de douche, de combles parfaitement aménagées, bénéficiant d’un parfait éclairage diurne grâce à de larges fenêtres de toit type VELUX, à double vitrage basculant, d’un niveau semi enterré composé d’une salle d’eau, d’une buanderie et d’une vaste chambre ainsi que d’une partie atelier, de volets électriques, comme en centrale et d’un environnement calme et agréable.

Les époux [B] indiquent que l’acte n’a pas été versé aux débats mais seulement une attestation de propriété, et une attestation de surfaces habitables de surface utile et que l’acte a été établi le 21 juillet 2020 avec une jouissance gratuite jusqu’au 30 septembre 2020.

L’attestation versée aux débats de Maître [S] notaire établit qu’il s’agit d’un bien situé [Adresse 12] vendu au prix de 780’640 euros avec une indemnité principale de 708’764 euros et que l’attestation de surfaces habitables, mentionne une surface utile de 157,50 m².

Cette référence récente est comparable en consistance et localisation et sera donc retenue.

c) Les références du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement reprend l’échantillon de 9 termes de comparaison retenus par le premier juge portant sur des biens homogènes, de surface comparable, entre 128 m² et 184,80 m², dans un périmètre remarquablement resserré autour du [Adresse 6], toutes récentes, à l’exception de la vente du 12, impasse Octave Mirbeau du 29 juin 2017, avec une moyenne de 4372,29 euros.

Il indique qu’après examen de plusieurs facteurs, dont le bon état général du pavillon et la présence de surfaces annexes qui complètent le bien, que la valeur a été portée à 4600 euros/m².

Les époux [B] indiquent que le commissaire de gouvernement est une partie comme une autre, que l’arrêt [X] rendu par la CEDH a rappelé le principe de l’égalité des armes et qu’il appartient au commissaire du gouvernement, au même titre que les autres intervenants, de verser aux débats les actes de vente.

Cependant, comme l’indique exactement le premier juge, le commissaire de gouvernement n’est tenu d’indiquer, comme toutes les parties, que les références de cessions, les références cadastrales, l’adresse exacte avec le numéro de rue, la date exacte de mutation et l’activité exercée ; en effet à partir de ces éléments, les parties peuvent accéder aux actes de ventes correspondants.

Les termes du commissaire du gouvernement en appel comprenant les références de publication sont les suivantes :

N° du terme

Date de vente

Adresse

surface/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

CG1

15 octobre 2019

[Adresse 7] (600 m)

182

747’000

4104

CG2

12 décembre 2018

[Adresse 8] (600 m)

175

680’000

3886

CG3

29 juin 2017

[Adresse 2] la parenthèse 500 m)

134

560’000

4179

CG4

13 mars 2020

[Adresse 9] (550 m)

130

595’000

4577

CG5

29 mai 2020

13 B 19 mars 1962 à Villejuif la parenthèse à 750 m)

155

720’000

4645

CG6

TGI Créteil du 30 décembre 2019

RG 19/000 86

[Adresse 13] (70 m )

128

4500

CG7

TGI Créteil du 13 mars 2020

RG 19/000 55

[Adresse 15] et [Adresse 18] (70 m)

143,36

4476,60

Ces références comparables en consistance et en localisation seront retenues.

La moyenne des références retenues est de:

4483+4500+ 4104+ 3886+ 4179+ 4577+ 4645+ 4500+ 4476,60= 39’356/9= 4372,29 euros/m².

Si les facteurs de plus-value, à savoir la proximité de grands axes routiers, le bon état général du pavillon, la présence de surfaces annexes qui complètent le bien immobilier sont plus importants que les facteurs de moins-value, à savoir le bruit de l'[Adresse 18], très passante, et la situation dans un quartier excentré du centre-ville, ce qui justifie de retenir une valeur unitaire supérieure, elle ne peut cependant atteindre le montant de 6500 euros/m² revendiquée par les consorts [B].

En tenant compte de ces éléments et de l’évolution du prix du marché, le premier juge a exactement retenu une valeur supérieure à la moyenne des références, à savoir une valeur de 4600 euros/m².

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité principale à la somme de : 151,16 m² X 4600 euros/m²= 695’336 euros en valeur libre.

– Sur les indemnités accessoires

1° Sur l’indemnité de remploi

En l’absence de contestation des appelants sur les taux habituels retenus, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité de remploi à la somme de 70’533 euros arrondis.

2° sur l’indemnité pour perte de revenus locatifs

Le premier juge indique que le préjudice revendiqué par les consorts [B] est purement hypothétique dont le lien avec l’expropriation n’est pas établi et il les a donc déboutés de leurs demandes indemnitaires à ce titre.

En appel, ils sollicitent une indemnité accessoire pour perte de revenus en indiquant qu’il n’est pas discutable que leur studio indépendant n’a pas été loué, et qu’il était compliqué de trouver un locataire uniquement à titre précaire len raison de l’expropriation ; ils sollicitent en conséquence sur la base de location de 900 euros par mois, une indemnité de : 42 mois X 900 euros= 37’800 euros.

Aux termes de l’article L321-1 du code de l’expropriation les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Il est de principe que tant que l’indemnité n’a pas été payée à l’exproprié, celui-ci conserve la jouissance de son bien et le droit d’en percevoir les fruits jusqu’au paiement de la consignation de l’indemnité de dépossession lui revenant ; en l’espèce, l’ordonnance d’ expropriation n’est intervenue qu’en octobre 2018 et le jugement en fixation des indemnités le 10 mai 2001 ; il appartenait donc aux expropriés de mettre leur bien en location pour en percevoir un revenu.

En outre, ils ne démontrent pas avoir tenté vainement de louer leur bien, ni même le montant du loyer avancé, de sorte que le préjudice allégué est purement hypothétique et n’est pas établi.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [B] de leur demande d’indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs.

3° sur l’indemnité de déménagement

L’appel des consorts [B] ne porte pas sur cette indemnité accessoire.

4° sur l’indemnité pour frais de changement d’adresse

Les consorts [B] demandent une indemnité accessoire d’un montant de 1000 euros correspondants aux frais liés au transfert de domicile, pièce d’identité et passeport, carte grise, abonnements un contrat.

Le préjudice n’est pas établi et il convient en conséquence de confirmer le jugement de débouté.

5° sur l’indemnité pour perte d’arbres fruitiers

Les époux [B] produisent un devis et sollicitent la somme de 6000 euros (pièce numéro 9).

Ce devis correspond à la plantation d’arbres fruitiers, rosiers et arbustes.

Les photographies prises lors du transport sur les lieux de la terrasse à l’arrière du pavillon établissent la présence d’un arbre de type cerisier , de trois jeunes arbres et de quatre plantes.

Le devis produit du 2 novembre 2020 correspond à :

-4 plantations d’arbre fruitier : 500 euros prix unitaire

-2 plantations d’arbuste : 500 euros prix unitaire

-4 plantations de rosier : 150 euros prix unitaire.

Ce devis n’est pas contesté par les autres parties.

Il sera donc retenu : 500 euros X 4= 2000 euros ( cerisier + quatre arbustes) +150 X 4= 600 (quatre plantations rosiers)= 2600 euros.

Le jugement sera donc infirmé et il sera alloué aux consorts [B] une indemnité accessoire en réparation de leur préjudice au titre des arbres et plantations la somme de 2600 euros.

L’indemnité totale de dépossession est donc de :

695 336euros (indemnité principale) +70533euros(indemnité de remploi)+8500 euros (indemnité de déménagement) + 2600 ( indemnité pour perte d’arbres fruitiers)=776969 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SADEV 94 à payer aux consorts [B] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

– Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l’expropriant conformément à l’article L 312-1 du code de l’expropriation.

Les époux [B] perdant pour l’essentiel le procès seront condamnés aux dépens d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l’arrêt de la cour en date du 24 novembre 2022,

Déclare recevables les conclusions des parties , sauf à déclarer irrecevable la pièce N°14 du mémoire des époux [B] hors délai du 12 janvier 2022 et les conclusions en ce qui concerne cette référence (jugement fixant indemnités du 7 décembre 2020 SADEV /[P]);

Statuant dans les limites de l’appel des époux [B] ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Constate que la demande des consorts [B] de production de l’estimation par le service des Domaines de leur bien est devenue sans objet ;

Fixe l’indemnité due par la SADEV 94 à M. [O] [B] et Mme [D] [J] épouse [B] au titre de la dépossession des locaux sis [Adresse 6]), sur la parcelle cadastrée section I N°[Cadastre 4], à la somme de 776969 euros en valeur libre se décomposant comme suit :

-695336euros (indemnité principale)

-70533euros (indemnité de remploi)

-8500 euros (indemnité de déménagement)

-2600 euros (indemnité pour perte d’arbres fruitiers) ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute les époux [B] et la SADEV 94 de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les époux [B] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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