Droit du Logiciel : décision du 11 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02796

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C 9

N° RG 21/02796

N° Portalis DBVM-V-B7F-K5Z2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELAS AGIS

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 11 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00249)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de bourgoin jallieu

en date du 25 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 24 juin 2021

APPELANT :

Monsieur [G] [Y]

né le 11 Janvier 1980 à [Localité 5] (38)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Alexine GRIFFAULT de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE

INTIMEE :

S.A.S. PREZIOSO LINJEBYGG agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Souad BOUCHENE de la SCP FROMONT BRIENS, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 mars 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 11 mai 2023.

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE’:

M. [G] [Y], né le 11 janvier 1980, a été embauché par la société par actions simplifiée (SAS) Prezioso suivant contrat de travail à durée déterminée du 4 juin au 31 août 2007, en qualité de mécanicien, coefficient 210 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment.

Par avenant en date du 1er septembre 2007, M. [G] [Y] et la SAS Prezioso ont poursuivi leur relation suivant contrat de travail à durée indéterminée.

Par la suite M. [G] [Y] a été affecté au poste de magasinier, en février 2008.

Par courrier en date du 25 avril 2014 et suite à la demande de M. [G] [Y], la SAS Prezioso a informé le salarié qu’elle ne pouvait faire droit à sa demande de reclassification.

Par requête en date du 26 janvier 2018, M. [G] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu aux fins de faire valoir notamment une classification supérieure au coefficient 210 qui lui était appliqué.

En date du 30 mai 2018, M. [G] [Y] a commis, selon son employeur, une erreur lors du contrôle d’une livraison de bidons de Foster 95-44, ayant entraîné la retenue du conteneur litigieux par les autorités douanières.

Par courrier remis en main propre en date du 18 juin 2018, la SAS Prezioso a convoqué M. [G] [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 juin 2018, assorti d’une mise à pied à titre conservatoire. M. [G] [Y] a refusé de contresigner la convocation et la SAS Prezioso a alors fait partir une nouvelle convocation par courrier recommandé en date du 19 juin 2018 pour un entretien fixé au 29 juin 2018.

Par lettre en date du 5 juillet 2018, la SAS Prezioso a notifié à M. [G] [Y] son licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison des faits du 30 mai 2018 et l’a dispensé de l’exécution de son préavis.

M. [G] [Y] a été destinataire de son solde de tout compte en date du 17 septembre 2018.

Par une nouvelle requête en date du 3 juillet 2019, M. [G] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu afin de contester son licenciement, d’obtenir une reclassification et le paiement de diverses sommes au titre des préjudices subis lors de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 25 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu a’:

– ordonné la jonction de l’affaire 19/00249 et 19/00250 sous le numéro RG 19/00249

– débouté M. [G] [Y] sur sa demande de revalorisation du coefficient à 230 au 1 janvier 2009 et 250 au 1 janvier 2010.

– dit que M. [G] [Y] ne remplissait pas les conditions de l’article 12-5 de la convention collective relative à l’attribution d’une rémunération au moins égale à 100 % du salaire conventionnelle.

– débouté M. [G] [Y] sur ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination dans l’évolution de sa carrière, pour défaut entretien professionnelle biennal et pour violation des règles d’hygiène et de sécurité.

– dit et jugé que licenciement de M. [G] [Y] ordonné par la SAS Prezioso est un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

– condamné la SAS Prezioso à verser à M. [G] [Y] une indemnité de licenciement de 14.000 euros.

– débouté M. [G] [Y] de ses autres demandes au titre de son licenciement.

– condamné la SAS Prezioso à verser à M. [G] [Y] une indemnité de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la SAS Prezioso aux entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 01 juin 2021 par M. [Y] et le 31 mai 2021 par la société Prezioso Linjebygg.

Par déclaration en date du 24 juin 2021, M. [G] [Y] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Moyens

Motivation

– Subsidiairement, ordonner la revalorisation du coefficient de M. [G] [Y] à 230 à compter du 1er janvier 2009.

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’un rappel de salaire du 1er janvier 2015 au mois de septembre 2018 d’un montant de 7 861.35 € outre les congés payés afférents, soit 786.13 €.

– Dire et juger que M. [G] [Y] remplissait les conditions de l’article 12-5 de la convention collective relative à l’attribution d’une rémunération au moins égale à 110 % du salaire conventionnel

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’un rappel de salaires de :

– 10 574.07 €, outre 1 057.40 € de congés payés, dans l’hypothèse d’une réévaluation du coefficient à 250

– 9 787.92 €, outre 978.79 € de congés payés, dans l’hypothèse d’une réévaluation du coefficient à 230

– 9 001.79 €, outre 900.17 € de congés payés, dans l’hypothèse d’une absence de revalorisation du coefficient

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’une somme de 20 000.00 € au titre de dommages et intérêts pour discrimination dans l’évolution de sa carrière professionnelle.

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’une somme de 10 000.00 € au titre de dommages et intérêts pour non-respect d’un entretien professionnel biennal.

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’une somme de 10 000.00 € au titre de dommages et intérêts pour violation des règles d’hygiène et de sécurité.

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’un rappel sur l’indemnité de licenciement de :

– 623.01 € au titre du coefficient 250

Subsidiairement, 118.20 € au titre du coefficient 230

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’un rappel sur l’indemnité de préavis de :

– 601.84 € bruts au titre du coefficient 250, outre 60.18 € de congés payés

Subsidiairement, 245.60 € au titre du coefficient 230, outre 24.56 € de congés payés

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’une somme de 42.26 € bruts à titre de rappels sur l’indemnité compensatrice de congés payés.

– Ordonner la rectification des bulletins de salaires et de l’attestation Pôle emploi

– Condamner la SAS Prezioso au paiement d’une somme de 2 000.00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner la SAS Prezioso aux entiers dépens qui comprendront les frais de la société AS Services mandatée par M. [G] [Y] pour procéder au calcul de rappels de salaires.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2022, la SAS Prezioso Linjebygg sollicite de la cour de’:

Vu les articles précités ;

Vu la jurisprudence précitée ;

Vu les éléments versés aux débats et contradictoirement débattus,

– Déclarer recevable la SAS Prezioso Linjebygg en son appel incident ;

– Infirmer le jugement déféré en date du 25 mai 2021 en ce qu’il a requalifié le licenciement de M. [G] [Y] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’a condamné à 14.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau :

– Dire et juger que le licenciement de M. [G] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse’;

– Débouter M. [G] [Y] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;

– Confirmer le jugement déféré en date du 25 mai 2021 en ce qu’il a :

– Débouté M. [G] [Y] sur sa demande de revalorisation du coefficient à 230 au 1er janvier 2009 et 250 au 1er janvier 2010 ;

– Dit que M. [G] [Y] ne remplissait pas les conditions de l’article 125 de la convention collective relative à l’attribution d’une rémunération au moins égale à 100% du salaire conventionnel;

– Débouté M. [G] [Y] sur ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination dans l’évolution de sa carrière, pour défaut d’entretien professionnel biennal et pour violation des règles d’hygiène et de sécurité ;

– Débouté M. [G] [Y] de ses autres demandes au titre de son licenciement

– Condamner M. [G] [Y] à verser à la SAS Prezioso Linjebygg la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Le condamner aux entiers dépens de l’instance.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 janvier 2023.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 22 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de rappel de salaire au titre du repositionnement’:

Vu l’article L. 1471-1 du code du travail, et l’article L. 3245-1 du même code’:

Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Selon le second, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail.

En l’espèce, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes par requête reçue le 24 janvier 2018 aux fins d’obtenir des rappels de salaire au titre d’une reclassification conventionnelle.

Il est, dès lors, recevable en une demande de rappel de salaire à compter de janvier 2015, de sorte que la fin de non-recevoir au titre des demandes de rappel de salaire est rejetée.

En revanche, il est irrecevable, par infirmation du jugement entrepris qui n’a pas statué sur cette fin de non-recevoir, en ses demandes tendant à voir ordonner la revalorisation de son coefficient à 250 à compter du 01 janvier 2010 et subsidiairement à 230 à compter du 1er janvier 2009 en ce que ses prétentions s’analysent en réalité en des demandes de nature salariale soumises au délai de prescription triennale, sous la réserve de la recevabilité de ses prétentions salariales à compter de janvier 2015.

Sur la demande de repositionnement et les prétentions de rappel de salaire afférentes’:

Sous la réserve de l’hypothèse où l’employeur confère contractuellement une qualification professionnelle supérieure aux fonctions exercées, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées à titre principal par le salarié.

En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert.

En outre, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée.

En l’espèce, si M. [Y] est certes recevable en ses demandes de rappel de salaire au titre du repositionnement sur le coefficient 250 ou subsidiairement 230, il est en revanche mal-fondé en ses prétentions de rappel de salaire à ce titre à compter de janvier 2015 en ce qu’il indique lui-même, dans ses conclusions, qu’il est de nouveau magasinier depuis juillet 2013, se prévalant d’une rétrogradation sans pour autant en tirer les conséquences nécessaires puisqu’il n’allègue pas d’une exécution fautive de son contrat de travail à raison d’une modification unilatérale de celui-ci de son employeur mais développe uniquement des moyens de fait sur la réalité des fonctions exercées à titre principal sur la période antérieure à juillet 2013.

Il convient, en conséquence, par confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [Y] de ses prétentions de rappel de salaire à compter du 01 janvier 2015.

Sur les prétentions au titre de la discrimination dans l’évolution de la carrière professionnelle’:

L’article L 1132-1 du code du travail dans ses différentes versions successives applicables au litige énonce que’:

Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de divers critères prohibés.

L’article L 1144-1 du même code prévoit que’:

Lorsque survient un litige relatif à l’application des dispositions des articles L. 1142-1 et L. 1142-2, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Au cas d’espèce, M. [Y] n’apporte aucun élément de fait permettant de présumer qu’il a été victime d’une discrimination prohibée puisqu’il n’allègue pas même le ou les critères prohibés qu’aurait pris en compte l’employeur dans son évolution de carrière.

Il s’ensuit qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] de ses prétentions au titre d’une discrimination prohibée.

Sur les prétentions indemnitaires au titre de la méconnaissance du principe à travail égal, salaire égal’:

Selon le principe d’égalité de traitement, des salariés placés dans une situation identique ou similaire doivent en principe pouvoir bénéficier des mêmes droits individuels et collectif qu’il s’agisse des conditions de rémunération, d’emploi, de travail ou de formation.

Seules sont présumées justifiées, pour autant qu’elles résultent d’un accord collectif et à condition qu’elles ne relèvent pas d’un domaine où est mis en oeuvre le droit de l’Union Européenne, les différences de traitement entre catégories professionnelles, collaborateurs appartenant à des établissements distincts, ou s’agissant d’une entreprise de prestation de services, entre salariés affectés à des sites ou des établissements différents ou enfin, entre ceux exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes.

S’agissant des premières, c’est au salarié d’apporter non seulement des éléments de preuve de la réalité de l’inégalité, laquelle résulte le plus souvent des termes même de l’accord collectif, mais il lui faut aussi démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.

En revanche, s’agissant du régime de la preuve des autres inégalités de traitement, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

En l’espèce, M. [Y] se compare à deux autres salariés, MM. [D] et [K], mais ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que ces derniers étaient dans la même situation que lui, se prévalant uniquement de leurs dates d’embauche, de leurs diplômes et de l’emploi de mécanicien figurant sur les bulletins de paie, sans pour autant développer des moyens de défense utiles à la pièce n°22 de l’employeur mettant en évidence que ces deux salariés avaient des fonctions bien différentes des siennes en qualité de magasinier puisqu’ils étaient affectés sur des chantiers extérieurs à l’entreprise, dans le cadre de diverses missions.

Il s’ensuit que M. [Y] d’un côté, et MM. [D] et [K] de l’autre, n’étaient pas dans une situation identique ou similaire permettant au premier de se prévaloir du principe ‘ à travail égal, salaire égal’, de sorte qu’il convient de le débouter de ses prétentions indemnitaires de ce chef.

Sur les prétentions au titre de l’absence d’entretien professionnel’:

L’article 12.6 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 prévoit que :

12.61. Les définitions des niveaux et positions données à l’article 12.2 ci-dessus doivent permettre la promotion des ouvriers du bâtiment, et notamment de développer leurs possibilités d’acquérir de bonnes connaissances professionnelles et d’accéder à une haute technicité.

12.62. Dans le même but, la situation des ouvriers des différents niveaux fait l’objet, au cours de leur carrière, d’un examen régulier de la part de l’employeur.

Sans préjudice des dispositions de l’article 12.4 ci-dessus, les possibilités d’évolution de carrière des salariés font l’objet d’un examen particulier de la part de l’employeur, au plus tard 2 ans après leur entrée dans l’entreprise et, par la suite, selon une périodicité biennale dont le résultat sera communiqué individuellement au salarié concerné.

A cette occasion, l’employeur examinera les possibilités d’accès en cours de carrière des salariés de niveau IV à un poste relevant de la classification des ETAM du bâtiment.

Cet examen tiendra notamment compte de l’étendue des capacités techniques et/ ou des aptitudes à organiser et à encadrer une équipe de travail telles que définies par les fonctions concernés de la classification des ETAM

12.63. Dans un but de promotion, un ouvrier, quels que soient son niveau et sa position, peut, à titre occasionnel, effectuer certaines tâches du niveau ou de la position supérieurs, sa promotion devant intervenir dès qu’il effectue les tâches correspondantes d’une façon habituelle.

Tout ouvrier occupé régulièrement à des travaux relevant de plusieurs niveaux et positions professionnels est classé dans le niveau ou la position le plus élevé.

Il appartient à l’employeur de justifier qu’il respecte la convention collective applicable.

En l’espèce, le dernier entretien professionnel de M. [Y] date de 2013.

L’employeur ne justifie pas avoir organisé les entretiens biennaux au cours des années suivantes.

Or, M. [Y] établit, par les attestations de M. [R] et [V], qui l’ont assisté lors d’entrevues en 2013 et 2015, qu’il s’était plaint auprès de son employeur de ne pas bénéficier de revalorisation de son coefficient de sorte qu’un point devait être fait à ce titre entre le salarié et son supérieur hiérarchique, peu important que les revendications de repositionnement de M. [Y] aient ou non été justifiées.

Il s’ensuit que le salarié établit la preuve du préjudice subi à raison du manquement de l’employeur à son obligation conventionnelle d’organiser par la suite un entretien tous les deux ans avec le salarié sur son évolution professionnelle.

Par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société Prezioso Linjebygg à payer à M. [Y] la somme de 2500 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect par l’employeur de son obligation d’organiser un entretien professionnel tous les deux ans, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur l’obligation de prévention et de sécurité’:

Premièrement, il résulte de l’article L 1471-1 dans sa version issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et celles successives que toute action portant sur l’exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Le point de départ du délai de prescription de l’action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance de la manifestation du dommage subi sans que ce point de départ ne puisse être antérieur à la date à laquelle le dommage a cessé (par analogie avec cass.Soc. Soc, 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-26585).

Deuxièmement, l’employeur a une obligation s’agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s’exonérer que s’il établit qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

Troisièmement, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi.

Quatrièmement, l’article R4321-1 du code du travail précise que’:

L’employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.

L’article R 4321-4 du même code prévoit que’:

L’employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l’exige, les vêtements de travail appropriés. Il veille à leur utilisation effective.

En l’espèce, premièrement, contrairement à ce que soutient l’employeur, M. [Y] ne reconnait aucunement, dans ses écritures, que les manquements qu’il reproche à son employeur à son obligation de sécurité auraient cessé selon lui en 2015 puisqu’il ressort des écritures du salarié que ce dernier admet tout au plus que des procédures ont été mises en place en 2016, réduisant le risque sans pour autant le supprimer.

Au demeurant, les recommandations émises par le CHSCT suite à la visite de ses membres sur le site de Saint Maurice l’Exil résultent d’un procès-verbal du 24 juin 2016, de sorte que M. [Y] n’a pu acquérir la pleine et entière connaissance des risques auxquels il dit avoir été exposés qu’à compter de cette date, qui se situe dans un délai de moins de deux années à compter de sa saisine du conseil de prud’hommes.

Il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des prétentions de M. [Y] au titre du manquement allégué de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité.

Deuxièmement, M. [Y] allègue qu’il a été exposé au plomb et à l’amiante mais n’explicite aucunement le préjudice d’anxiété qu’il aurait subi alors même qu’un moyen de défense est expressément développé à ce titre par la société Prezioso Linjebygg, de sorte qu’il ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation au titre du manquement allégué.

Troisièmement, l’employeur établit de manière suffisante avoir mis à disposition de M. [Y] des équipements de protection individuelle et avoir veillé à leur utilisation effective au vu du compte-rendu de visite du CHSCT du 24 juin 2016 qui a relevé’:

«’La visite permet de mettre en avant les dispositions prises par l’encadrement et le responsable qualité afin de réduire les risques au minimum’:

-Port des équipements de sécurité’: chaussures, gants, protections visuelles, auditives, respiratoires’

La visite montre un respect général de ces pratiques. (‘)’».

Il s’ensuit qu’il n’est retenu aucun manquement à ce titre.

En conséquence, confirmant le jugement entrepris, il convient de débouter M. [Y] de ses prétentions au titre du manquement allégué de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité.

Sur le licenciement’:

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’article L 1235-1 du code du travail dispose notamment que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les termes du litige.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse du 05 juillet 2018, M. [Y] s’est vu reprocher par son employeur d’avoir manqué d’effectuer un contrôle conforme d’une expédition de bidons Foster 95-44′; ce qui a eu pour effet une rétention, par les autorités douanières algériennes, d’un conteneur, le 30 mai 2018, sur l’export 7871 au motif que 17 bidons Foster étaient manquants.

M. [Y] développe, comme version des faits, dans ses écritures, qu’il s’est rendu compte qu’il manquait, sur la livraison datée du 05 avril 2018 et sur celle du 13 avril 2018 venant du fournisseur Temati, les 17 bidons litigieux et qu’il en a averti son responsable M. [O], qui lui a toutefois dit de réceptionner la totalité de la marchandise sur le logiciel dédié, se prévalant d’une pratique courante.

L’employeur produit aux débats la fiche de fonctions de M. [Y] ainsi que la procédure de chaîne logistique mettant en évidence qu’il lui appartenait d’effectuer le contrôle à réception des marchandises et de faire remonter l’information à l’administratif logistique en cas d’écarts notamment sur les quantités’; le salarié admettant que cela faisait partie de ses missions et l’avoir fait pour les produits litigieux.

De son côté, M. [Y] verse aux débats l’attestation de M. [F] qui a ainsi témoigné’:

«’Lorsque j’étais chargé de logistique au sein de la société Prézioso, il n’était pas rare qu’il faille anticiper pour répondre aux besoins des chantiers exports. Cette anticipation conduisait parfois à des erreurs puisque nous anticipions les documentations export avant même d’avoir reçu les marchandises à expédier. Et s’il y avait un retard de livraison de notre fournisseur, on se retrouvait avec des documents qui ne correspondaient pas physiquement à l’exportation en question. Il fallait donc tout modifier mais cela générait parfois des loupés. (‘) Les magasiniers, eux, ne pouvaient que charger les marchandises selon les consignes du chargé de logistique, et nous remettaient le colisage associé. Ils n’étaient en aucun cas en charge de la document d’exportation. (‘)’».

L’employeur se limite à discuter de la force probante de cette attestation mais s’abstient de produire la moindre exploitation du logiciel informatique concernant la réception et l’expédition des produits litigieux mais encore le moindre élément relatif à la rétention des marchandises par les douanes algériennes et pas davantage une attestation du responsable logistique, M. [U].

Le doute doit profiter au salarié, de sorte qu’il est jugé que le grief reproché à M. [Y] n’est pas suffisamment établi et qu’il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par courrier du 05 juillet 2018.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

Au visa de l’article L 1235-3 du code du travail, au jour de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Y] avait 11 ans d’ancienneté et un salaire de l’ordre de 1940 euros bruts mais ce dernier s’abstient de produire des éléments sur sa situation ultérieure au regard de l’emploi.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 14000 euros bruts à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, si bien que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

M. [Y] est en revanche débouté, par confirmation du jugement entrepris, de ses prétentions au titre des reliquats d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et d’indemnité de congés payés non pris dans la mesure où il n’a pas été fait droit à sa demande de repositionnement.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure de 1000 euros allouée par les premiers juges à M. [Y] et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1000 euros en cause d’appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et ajoutant, il convient de condamner la société Prezioso Lynjebygg, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS’;

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a’:

– débouté M. [G] [Y] sur sa demande de revalorisation du coefficient à 230 au 1 janvier 2009 et 250 au 1 janvier 2010.

– dit que M. [G] [Y] ne remplissait pas les conditions de l’article 12-5 de la convention collective relative à l’attribution d’une rémunération au moins égale à 100 % du salaire conventionnelle.

– débouté M. [G] [Y] sur ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination dans l’évolution de sa carrière et pour violation des règles d’hygiène et de sécurité.

– dit et jugé que licenciement de M. [G] [Y] ordonné par la SAS Prezioso est un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

– condamné la SAS Prezioso à verser à M. [G] [Y] une indemnité de licenciement de 14.000 euros.

– débouté M. [G] [Y] de ses autres demandes au titre de son licenciement.

– condamné la SAS Prezioso à verser à M. [G] [Y] une indemnité de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la SAS Prezioso aux entiers dépens.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE M. [Y] irrecevable en ses demandes tendant à voir ordonner la revalorisation de son coefficient à 250 à compter du 1er janvier 2010 et subsidiairement à 230 à compter du 1er janvier 2009

REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par la société Prezioso Linjebygg tirées de la prescription de ses demandes de rappel de salaire au titre du repositionnement et du manquement allégué de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité

CONDAMNE la société Prezioso Linjebygg à payer à M. [Y] la somme de deux mille cinq cents euros (2500 euros) nets à titre de dommages et intérêts au titre du défaut d’organisation d’un entretien professionnel biennal

DÉBOUTE M. [Y] de ses prétentions au titre du principe ‘à travail égal, salaire égal’

CONDAMNE la société Prezioso Linjebygg à payer à M. [Y] une indemnité complémentaire de procédure de 1000 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Prezioso Linjebygg aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

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