ARRET N° 24/16
R.G : N° RG 22/00059 – N° Portalis DBWA-V-B7G-CJYM
Du 29/02/2024
S.A.R.L. LOGIDOM
S.A.R.L. LOGIDOM MARTINIQUE
S.A.S. LOGIDOM GUADELOUPE
C/
[G]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 29 FEVRIER 2024
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 22 Février 2022, enregistrée sous le n° F 19/00318
APPELANTES :
S.A.R.L. LOGIDOM
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Pascale BERTE, avocat au barreau de MARTINIQUE
S.A.R.L. LOGIDOM MARTINIQUE
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Pascale BERTE, avocat au barreau de MARTINIQUE
S.A.S. LOGIDOM GUADELOUPE
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascale BERTE, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIME :
Monsieur [W] [G]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Claude CELENICE de la SELARL LABOR & CONCILIUM, avocat au barreau de MARTINIQUE
Représenté par Me Jérôme NIBERON de la SELARL SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRIES) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
Madame Anne FOUSSE, Présidente,
Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre,
Mme Séverine BLEUSE, Conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Rose-Colette GERMANY
DEBATS : A l’audience publique du 15 Décembre 2023,
A l’issue des débats, le président a avisé les parties que la décision sera prononcée le 16 février 2024 par sa mise à disposition au greffe de la Cour conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, délibéré prorogé au 29 février 2024.
ARRET : contradictoire et en dernier ressort
Exposé du litige
************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [W] [G] a été embauché courant 1988 et repris en 2003 par la société Madinina Logistique en qualité de responsable liaison administratif et informatique assurant la logistique en Martinique des produits Nestlé France. Il bénéficiait de 28 ans d’ancienneté.
La Madinina Logistique et la société Karukera Logistique qui assurait la logistique en Guadeloupe de ces produits, sont les filiales de la société Lokama (Holding).
La société Nestlé a dénoncé son contrat avec cette société et a le 1er septembre 2016, confié l’activité logistique aux Antilles à la Sarl Logidom (l’activité étant exploitée dans chaque île par les sociétés Logidom Martinique et Logidom Guadeloupe) par un contrat de prestations de services remporté à la suite d’un appel d’offres.
Le 27 octobre 2016 les sociétés Madinina logistique et karukera Logistique ayant perdu le marché de la logistique des produits Nestlé, ont fait assigner à bref délai la SAS Logidom Guadeloupe, devant le Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre afin d’obtenir sa condamnation à reprendre tout le personnel de la société Madinina Logistique et de la société Karukera Logistique.
Par jugement du 16 décembre 2016, le Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a condamné la SAS Logidom (Guadeloupe) à reprendre tout le personnel des deux sociétés Madinina Logistique et karukera Logistique par application des articles L 1224-1 du code du travail avec transfert des contrats au 1er janvier 2017.
Entre temps le 10 novembre 2016, M. [W] [G] et 5 de ses collègues ont saisi le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre afin d’obtenir le transfert de leur contrat de travail au visa de l’article L 1224-1 du code du travail, au sein de la société la SAS Logidom Guadeloupe .
Aux termes de ses conclusions prises pour l’audience du 29 novembre 2016, devant le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre, la SAS Logidom Guadeloupe a alors indiqué alors aux salariés requérants que la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe n’étaient que les filiales de la Sarl Logidom, dont le siège social est établi à [Localité 2]; que c’était la Sarl Logidom qui avait été retenue par la société Nestlé; que la SARL Logidom Martinique allait assurer la logistique des produits Nestlé sur le territoire de la Martinique et que la SAS Logidom Guadeloupe allait assurer cette logistique des produits sur le territoire de la Guadeloupe.
La SAS Logidom Guadeloupe a soulevé l’incompétence du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre aux motifs que les demandeurs étaient domiciliés en Martinique et que la SARL Logidom Martinique assurerait la logistique des produits Nestlé sur le territoire de la Martinique tout comme la SAS Logidom Guadeloupe assurerait la logistique de ces produits sur le territoire de la Guadeloupe.
L’affaire était renvoyée au 24 janvier 2017.
Par exploits du 18 janvier 2017, M. [W] [G] et les autres salariés appelaient dans la cause devant le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre, la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique sises en Martinique, afin de leur déclarer le jugement opposable et qu’elles respectent chacune en ce qui les concerne les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail.
Par jugement du 7 février 2017, le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre se déclarait incompétent pour les salariés de Madinina Logistique au profit du Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France.
Par jugement du 7 avril 2017, le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre rectifiait ce jugement pour y faire figurer la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique en première page en qualité de codéfenderesses.
La Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe interjetaient appel du jugement du 7 avril 2017 et la SAS Logidom Guadeloupe formait contredit contre ce jugement.
Par arrêt du 12 mars 2018, la Cour d’appel de Basse-Terre déclarait irrecevable le contredit formé contre l’arrêt rectificatif du 7 avril 2017. La Cour relevait qu’elle n’était pas saisie d’un recours à l’encontre du jugement du 7 février 2017 et du fond du litige; que ce jugement rectifié en date du 7 février 2017 était passé en force de chose jugée.
Le 28 décembre 2016, M. [W] [G] était informé par lettre RAR de son intégration au sein de la SAS Logidom Guadeloupe à compter du 1er janvier 2017 en application de la décision du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre du 16 décembre 2016.
Par courrier recommandé avec AR, du 5 janvier 2017, il était mis en demeure d’intégrer son poste au sein de la SAS Logidom Guadeloupe . Il refusait d’intégrer par courrier du 12 janvier 2017. La SAS Logidom Guadeloupe l’informait des conséquences de son refus d’intégrer son poste par courrier du 13 janvier 2017.
Il était convoqué à un entretien préalable par courrier du 17 janvier 2017.
Il était licencié pour faute grave pour refus de se présenter à son poste de travail malgré les mises en demeure et refus de transfert de son contrat de travail.
Par jugement contradictoire du 22 février 2022, le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France saisi à la suite du jugement d’incompétence du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre a :
– jugé que la rupture du contrat de travail de M. [W] [G] était dénuée de cause réelle et sérieuse,
– condamné solidairement La Sarl Logidom, la société Madinina Logistique et la SAS Logidom Guadeloupe prises en la personne de leur représentant légal à verser à M. [W] [G] les sommes suivantes :
– 44099,53 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5188,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 518,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 22914,46 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 1000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 18000 euros à compter du 8 ème jour suivant notification du présent jugement,
– débouté M. [W] [G] de ses autres demandes,
– condamné la Sarl Logidom aux dépens,
– débouté la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe de leurs demandes reconventionnelles,
– ordonné la remise d’une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 16 ème jour suivant notification du présent jugement et ce pendant 60 jours.
Le conseil a, en effet, considéré que la prestation globale objet du marché gagné par l’entreprise attributaire (La Sarl Logidom) au terme d’un appel d’offres constitue une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité était poursuivie, ce qui imposait à l’entreprise attributaire de maintenir les contrats de travail afférents, dont celui du demandeur; que la Sarl Logidom est l’entreprise commanditaire responsable de l’exécution de toutes les prestations de marché; que dès lors le nouveau titulaire du marché ne saurait alléguer un quelconque argument qui aurait pour conséquence d’annihiler son obligation de reprendre les contrats de travail qui lui ont été transférés de plein droit par application de l’article L 1224-1 du code du travail; que le jugement du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a autorité de la chose jugée considérant qu’une entité autonome a été transférée de la Sarl Madinina Logistique et Karukera Logistique à la SAS Logidom, ce qui en d’autres termes signifie que l’ensemble des contrats de travail sont transférés à la SAS Logidom; que la Sarl Logidom devait veiller à la stabilité du lien salarial car il n’existe aucun motif objectif justifiant la mobilité imposée au demandeur. Il en a conclu que la rupture du contrat de travail du demandeur était dénuée de cause réelle et sérieuse.
Par déclaration électronique du 6 avril 2022, la SARL Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe ont interjeté appel de ce jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mars 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions n° 2 d’appelantes et d’intimées incidentes notifiées par voie électronique le 4 janvier 2023, la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe demandent à la Cour de :
– confirmer la décision querellée en ce qu’elle a rejeté la demande de reconnaissance de la nullité du licenciement de M. [W] [G],
– infirmer la décision en ce qu’elle a condamné solidairement la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe à verser à M. [W] [G] les sommes de :
– 44099,53 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5188,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 518,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 22914,46 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– infirmer la décision querellée en ce qu’elle a :
* ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 18000 euros à compter du 8ème jour suivant notification du jugement intervenu,
* ordonné à la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe de remettre à La Sarl Logidom une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 16ème jour suivant notification du jugement pendant 60 jours,
– infirmer la décision querellée en ce quelle a omis de statuer sur la demande de mise hors de cause de la SARL Logidom Martinique et de la SARL Logidom et sur l’irrecevabilité des demandes formulées à l’encontre de la Sarl Logidom et de la SARL Logidom Martinique,
– infirmer la décision querellée en ce qu’elle a considéré que les dispositions de l’article L1224-1, du code du travail entraînant un transfert de droit des contrats de travail, étaient applicables aux trois sociétés appelantes,
– infirmer la décision querellée en ce quelle a condamné les trois sociétés la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe à verser à M. [W] [G] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile; et les dépens,
– statuant à nouveau,
– mettre hors de cause la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique,
– déclarer les demandes formulées à l’encontre de la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique irrecevables,
– juger que les critères d’application de l’article L 1224-1 du code du travail inapplicables à la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe,
– juger que le licenciement pour faute grave de M. [W] [G] est fondé,
– le débouter de toutes ses demandes,
– le condamner au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, les appelantes exposent que :
– le 29 septembre 2016, les salariés des sociétés Madinina Logistique et Karukera Logistique ont été informés de leur possibilité de postuler respectivement au sein de Logidom Martinique et de Logidom Guadeloupe,
M. [W] [G] n’a pas répondu à la proposition de transmission de candidature faite par la SARL Logidom Martinique aux salariés de la société Madinina logistique en septembre 2016,
– le 27 octobre 2016, les sociétés Madinina Logistique et Karukera Logistique ont saisi le Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre à l’encontre de la seule société SAS Logidom Guadeloupe pour obtenir l’application de l’article L 1224-1 du code du travail et le transfert de tous les salariés en Guadeloupe ;
– le 10 novembre 2016, M. [W] [G] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre pour demander le transfert de droit de son contrat de travail au sein de la seule société SAS Logidom Guadeloupe,
– dans le cadre de cette procédure, la SAS Logidom Guadeloupe a fait valoir par le biais de ses conclusions notifiées le 29 novembre 2016, l’incompétence de ce Conseil de Prud’hommes, le sursis à statuer dans l’attente de la décision du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre, et la non application de l’article L1224-1 du code du travail. Les extraits K bis des trois sociétés la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe ont été communiqués,sans réaction de la part des salariés,
Pour autant M. [W] [G] ne s’est pas désisté de son action devant le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre à l’encontre de la SAS Logidom Guadeloupe pour obtenir le transfert de son contrat de travail.
– par décision du 16 décembre 2016, le Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a ordonné sous astreinte le transfert des contrats de travail dont celui de M. [W] [G] au sein de la SAS Logidom Guadeloupe, cette dernière notifia au salarié la décision le 23 décembre 2016 par lettre RAR et lui proposa d’intégrer la SAS Logidom Guadeloupe dès le 5 janvier 2017, dans le cadre du début des relations avec Nestlé,
– la SAS Logidom Guadeloupe a bien clarifié la situation en expliquant au salarié que le jugement du Tribunal mixte de commerce s’appliquait à la seule société la SAS Logidom Guadeloupe et non à La Sarl Logidom sise en Martinique, qu’il avait bien assigné la SAS Logidom Guadeloupe devant le Conseil de Prud’hommes pour demander sa réintégration; que s’il a fait intervenir par voie d’assignation, la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique devant le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre, il ne s’est jamais désisté de sa procédure à l’encontre de la SAS Logidom Guadeloupe.
En fait les appelantes font valoir que les salariés ont tenté de transposer le jugement du Tribunal mixte de commerce rendu à l’encontre de la seule la SAS Logidom Guadeloupe à La Sarl Logidom, dont le siège social est en Martinique, et qui est une holding dépourvue de salariés, et à la SARL Logidom Martinique dont le siège social est aussi en Martinique ;
– les anciens salariés de la société Madinina Logistique ne se sont pas opposés à la décision du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre par le biais d’une tierce opposition, pas plus qu’ils n’ont saisi le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France à l’encontre de la Sarl Logidom et de la SARL Logidom Martinique.
Sur la validité du licenciement du salarié, les moyens des appelantes sont les suivants :
– le salarié a été transféré de Madinina Logistique à la SAS Logidom Guadeloupe en application d’une décision de justice du Tribunal mixte de commerce 16 décembre 2016 exécutoire sous astreinte et n’a pas formé tierce opposition contre ce jugement; cette décision résultait d’ailleurs de sa propre demande de faire appliquer le transfert au sein de la SAS Logidom Guadeloupe,
– il a été mis en demeure à trois reprises d’intégrer son poste en Guadeloupe en application de la décision du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre précitée,
– le salarié qui s’oppose au transfert de droit de son contrat de travail peut valablement faire l’objet d’un licenciement,
– il a été licencié pour faute grave car il a fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi,
– cette obligation de transfert par la SAS Logidom Guadeloupe a été confirmée lors de la saisine par les anciens prestataires, du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre d’une liquidation d’astreinte à l’encontre de la SARL Logidom Martinique pour non exécution du transfert des salariés,
– la SAS Logidom Guadeloupe avait quant à elle des besoins en matière de personnel en Guadeloupe, pour le lancement de son activité logistique, et était prête à accueillir ce nouveau collaborateur, et c’est pourquoi elle s’est pliée au jugement du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre en mettant en ‘uvre le transfert,
– le refus du salarié d’accepter le transfert de son contrat de travail au sein de la SAS Logidom Guadeloupe alors qu’il le demandait lui même est symptomatique de sa mauvaise foi et de sa déloyauté,
– la SARL Logidom Martinique avait proposé aux salariés intéressés de faire acte de candidature, M. [W] [G] ne l’a pas fait,
– le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France s’est trompé en considérant que la SAS Logidom Guadeloupe avait fait preuve de déloyauté et en niant qu’elle était contrainte d’exécuter la décision du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre du 16 décembre 2016,
Sur la mise hors de cause de la Sarl Logidom et de la SARL Logidom Martinique et l’irrecevabilité des demandes faites à leur encontre, elles font valoir que :
– le salarié a toujours demandé le transfert de son contrat de travail au sein de la SAS Logidom Guadeloupe et a assigné la seule SAS Logidom Guadeloupe devant le Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre le 10 novembre 2016,
– il tente de mauvaise foi de faire croire que les appelantes ont créé une confusion entre la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe pour obtenir aujourd’hui leur condamnation solidaire, alors que l’unique courrier (7 juillet 2016) sur lequel il s’appuie pour démontrer l’existence d’une telle confusion, n’a jamais été transmis aux salariés puisqu’il s’agit d’un courrier entre Lokama ancien prestataire et la Sarl Logidom,
– la Sarl Logidom sise en Martinique avait fait savoir aux salariés qu’elle était prête à les embaucher depuis une réunion avec les salariés en septembre 2016, de sorte qu’ils connaissaient l’existence de cette société et les conditions de la poursuite de l’activité logistique en Martinique,
– le salarié ne peut demander le transfert de son contrat de travail à trois sociétés différentes, il n’a aucun lien contractuel avec la Sarl Logidom qui est une holding qui n’emploie aucun salarié, ni avec la SARL Logidom Martinique.
Ces sociétés doivent être mises hors de cause et les demandes formulées contre elles sont irrecevables au sens de l’article 122 du code de procédure civile et des articles L 1224-1 et L 1224-2 du code du travail, puisqu’elles ne sont pas son nouvel employeur -Au moment ou le salarié met en cause la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique devant le Conseil de Prud’hommes de Guadeloupe (le 18 janvier 2017), son contrat de travail a déjà été transféré en application de la décision du Tribunal mixte de commerce du 16 décembre 2016.
A titre subsidiaire, sur l’absence d’entité économique autonome transférée,
Le Conseil de Prud’hommes a pris une décision lapidaire sans aucune motivation sur les critères de l’article L 1224-1 du code du travail.
Elles considèrent que :
– le cadre légal et jurisprudentiel de l’article L 1224-1 du code du travail inclue une jurisprudence constante et abondante sur l’absence de transfert au titre de l’article L 1224-1 en cas de perte de marché.
– lorsque l’activité de Nestlé a été transféré de SDV ancien prestataire à Madinina Logistique, le transfert des salariés s’est fait par application volontaire de l’article L 1224-1 souhaitée par les parties et il n’y a pas eu de transfert de droit,
– contrairement aux sociétés Madinina Logistique et karukera Logistique anciens employeurs des salariés, la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique ont de multiples clients distincts, et ne travaillent pas uniquement pour Nestlé; elles utilisent leurs propres locaux, leur propre matériel et leurs propres moyens,
– la reprise du marché par la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique a donné lieu à une réorganisation complète de l’activité, logistique avec la création d’un hub logistique en Guadeloupe rayonnant dans toutes les Antilles y compris en Guyane,
– les stocks des produits Nestlé appartenant à Nestlé, par définition le transfert des stocks ne peut être assimilé à un transfert d’éléments corporels ;
– les salariés transférés volontairement reconnaissent travailler pour de multiples clients au sein de la SARL Logidom Martinique et pas uniquement pour Nestlé,
– il n’existe aucun écrit entre l’ancien prestataire et les sociétés Logidom de reprendre les salariés au titre de l’article L 1224-1. Seule une embauche d’une partie des salariés (4 ou 5 en Martinique, sur 8 au total employés par Madinina logistique) sur volontariat et sans reprise d’ancienneté a été mise en ‘uvre. En pratique seuls 2 salariés ont été acceptés.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, M. [W] [G] demande à la cour de :
En la forme
Statuer ce que de droit sur la forme de l’appel,
Au fond
– confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné solidairement la Sarl Logidom, la SARL Logidom Martinique et la SARL Logidom Martinique,
– ordonné l’exécution provisoire,
– les a condamnées solidairement à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens,
– a ordonné la remise d’une attestation pôle emploi sous astreinte,
– les a déboutées de leurs demandes ;
A titre d’appel incident :
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement,
Et vu l’article L 1224-1 du code du travail,
Statuant de nouveau
– juger que :
La SAS Logidom Guadeloupe – RCS 534 370 127,
La Sarl Logidom – RCS Fort de France 529 197 154 et
La SARL Logidom Martinique – RCS de FORT DE FRANCE 752 007 898.
Ont méconnu les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail,
En conséquence,
– juger nulle et de nul effet la rupture du contrat de travail
et
– condamner solidairement,
La SAS Logidom Guadeloupe – RCS 534 370 127,
La Sarl Logidom – RCS Fort de France 529 197 154 et
La SARL Logidom Martinique – RCS de FORT DE FRANCE 752 007 898.
à lui verser :
– dommages et intérêts pour nullité du licenciement : 24 mois de salaire = 62258,23 euros,
– indemnité compensatrice de préavis : 3 mois = 7782,18 euros,
– congés payés sur préavis : 10% =778,18 euros,
– indemnité de licenciement : 29 années d’ancienneté = 22914,45 euros,
– dommages et intérêts pour remise d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail erronés : 5188,18 euros,
Si par impossible, la cour ne prononçait pas la nullité du licenciement.
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné solidairement la SAS Logidom Guadeloupe, la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique.
statuant à nouveau,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et a minoré ses demandes,
– juger brutale et vexatoire la rupture du contrat de travail,
– juger bien fondé le montant des demandes indemnitaires,
– condamner solidairement :
la SARL Logidom Martinique,
la Sarl Logidom,
la SARL Logidom Martinique,
à lui payer car embauché avec un salaire de référence de 2594,09 euros :
– dommages et intérêts pour rupture abusive : 20 mois de salaire = 51881,80 euros,
– dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire = 6 mois de salaires = 15564,54 euros,
– indemnité compensatrice de préavis : 3 mois = 7782,18 euros,
– congés payés sur préavis : 10% = 778,18 euros,
– indemnité de licenciement : 29 années d’ancienneté = 22914,45 euros,
Dans tous les cas :
Qu’il soit jugé nul ou abusif la Cour statuera sur les demandes suivantes :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– fixé le montant de l’astreinte à 50 € ;
– débouté le salarié de sa demande au titre des intérêts de retard et de la fixation du point de départ des intérêts ;
– débouté le salarié de sa demande de transmission de cette décision à pôle emploi,
statuant à nouveau,
Vu l’article 1344 du code civil
– juger que les condamnations porteront intérêts de retard à compter du 29 Novembre 2016 date de la première assignation délivrée à une société LOGIDOM.
Vu l’article L 1134-4 et R 1235-1,
– ordonner la transmission de la décision à intervenir à la diligence du greffe à pôle emploi ;
– ordonner sous astreinte de 250 euros par jour de retard la remise d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés en ce qui concerne l’ancienneté du salarié dans l’emploi,
– condamner solidairement les Sociétés la Sarl Logidom, la SAS Logidom Guadeloupe et la SARL Logidom Martinique à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il fait valoir que :
– la SAS Logidom Guadeloupe sur la base d’un courrier rar non daté, a informé l’ancien titulaire du marché la société Lokama, qu’elle avait remporté l’appel d’offres lancé par Nestlé,
– c’est dans ces conditions que la logistique des produits Nestlé confiée depuis plusieurs années à Lokama et à ses deux filiales karukera Logistique et Madinina Logistique, était désormais confiée à la SAS Logidom Guadeloupe ;
– en réalité, la SAS Logidom Guadeloupe n’est qu’une filiale opérationnelle de la Sarl Logidom holding sise en Martinique ;
– la SAS Logidom Guadeloupe a la charge de la logistique des produits Nestlé en Guadeloupe et la SARL Logidom Martinique a la charge des produits Nestlé en Martinique ;
– ainsi pour faire naître une confusion dans les conditions de reprise à venir du personnel, les sociétés Logidom, organisées en filiales, cachaient délibérément le nom de la vraie structure en charge de la logistique des produits Nestlé ;
– en effet, la SAS Logidom Guadeloupe informait l’entreprise sortante de ce qu’elle était titulaire du marché ;
– les entreprises sortantes, Karukera Logistique et Madinina Logistique saisissaient quant à elles le Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre en délivrant assignation à la SAS Logidom Guadeloupe afin d’obtenir la condamnation de cette société à reprendre leur personnel au visa de l’article L 1224-1;
– par jugement du Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre du 16 décembre 2016, le tribunal a considéré que les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail devaient s’appliquer,
– c’est ainsi que les salariés informés que la SAS Logidom Guadeloupe inscrite au RCS de Pointe à Pitre avait remporté le marché déposaient leur requête auprès du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre pour faire appliquer les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail.
– c’est à l’occasion de cette procédure, que la SAS Logidom Guadeloupe révélait que c’était la Sarl Logidom (holding) ayant son siège en Martinique qui avait remporté le marché de prestation de la société Nestlé. Elle soulevait l’incompétence du Conseil de Prud’hommes de Pointe à Pitre au profit du Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France, ce au motif que les salariés demandeurs sont domiciliés en Martinique et que c’est la SARL Logidom Martinique sise en Martinique qui assurerait la logistique des produits Nestlé en Martinique et la SAS Logidom Guadeloupe qui assurerait la logistique de ces produits en Guadeloupe ;
– Fort de cette information, le salarié mettait en cause la Sarl Logidom et la SARL Logidom Martinique devant le Conseil de Prud’hommes.
– Sur la nullité du licenciement, le salarié expose que :
Le Tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a dans son jugement du 16 décembre 2016, considéré qu’une entité économique autonome a été transférée de la Sarl Madinina Logistique et karukera Logistique à la SAS Logidom et qu’en vertu de l’article L 1224-1 du code du travail, cette dernière doit reprendre l’ensemble des salariés de la Sarl Madinina Logistique et karukera Logistique à compter du 1er janvier 2017. Cette décision est définitive.
La SARL Logidom Martinique se devait de reprendre le personnel attaché au sein de la filiale martiniquaise; que l’article L 1224-1 du code du travail est d’ordre public et que la violation de ces dispositions doit être sanctionnée par la nullité du licenciement et qu’à titre subsidiaire la rupture doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il souligne que l’employeur lui a imposé une véritable mutation géographique sans pouvoir se prévaloir d’une clause de mobilité alors même qu’il travaille depuis plus de 20 ans à la Martinique. Il s’agit donc d’une modification de son contrat de travail qui aurait nécessité son accord.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevables les demandes formulées par M. [W] [G] à l’encontre de la SARL Logidom et de la SARL Logidom Martinique,
Infirme le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France en date du 22 février 2022, sauf en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de M. [W] [G] était dénuée de cause réelle et sérieuse, ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 18000 euros à compter du 8 ème jour suivant notification du présent jugement, débouté M. [W] [G] de ses autres demandes (demande de remboursement des allocations Pôle emploi, demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire), condamné la SARL Logidom aux dépens et au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la SAS Lodidom Guadeloupe, la SARL Logidom Martinique et la SARL Logidom de leurs demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement la SARL Logidom et la SAS Lodidom Guadeloupe à payer à M. [W] [G] les sommes suivantes :
* 44099,53 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5188,18 euros euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 518,81 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 22049,76 euros à titre d’indemnité de licenciement,
Condamne solidairement la SARL Logidom et la SAS Lodidom Guadeloupe à remettre à M. [W] [G] les documents de fin de contrat rectifiés pour tenir compte du présent arrêt (certificat de travail et attestation pôle emploi), sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, ce pendant 60 jours,
Y ajoutant,
Dit que les intérêts moratoires de la créance de M. [W] [G] sont dus à compter de la convocation de la SAS Lodidom Guadeloupe, la SARL Logidom Martinique et la SARL Logidom devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne solidairement la SARL Logidom et la SAS Logidom Guadeloupe aux dépens de l’appel,
Condamne solidairement la SARL Logidom et la SAS Logidom Guadeloupe à payer à M. [W] [G] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt Mme Anne FOUSSE, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffière
La Greffière La Présidente