1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 21/00830 – N° Portalis DBZS-W-B7F-VICU
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 23 JANVIER 2024
N° RG 21/00830 – N° Portalis DBZS-W-B7F-VICU
DEMANDERESSE :
Société [5]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Emilie AVET, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me HUERTAS
DEFENDERESSE :
URSSAF PROVENCE ALPES COTE D’AZUR
RECOUVREMENT C3S
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Guy FOUTRY, avocat au barreau de DOUAI
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Maryse MPUTU-COBBAUT, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article L 218-1 du Code de l’Organisation Judiciaire,
Greffier
Déborah CARRE-PISTOLLET,
DEBATS :
A l’audience publique du 05 Décembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 23 Janvier 2024.
Exposé du litige
EXPOSÉ DU LITIGE
La société par actions simplifiée (SAS) [5] (la société) est assujettie à la contribution sociale de solidarité des entreprises (la C3S), dont le recouvrement est confié à l’URSSAF Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
En 2020, la société a procédé à la déclaration annuelle de son chiffre d’affaires 2019 au titre de cette contribution et au paiement de ladite contribution le 27 mai 2020, soit postérieurement à la date limite fixée au 15 mai 2020.
Par courrier recommandé du 12 octobre 2020, l’URSSAF Provence-Alpes-Côte-d’Azur a mis en demeure la société de lui payer la somme de 44 790 euros, soit 22 395 euros pour retard de déclaration et 22 395 euros pour retard de paiement, dues au titre de la C3S.
Par courrier du 15 octobre 2020, la société a saisi la commission de recours amiable (CRA) aux fins d’obtenir la remise de ces majorations.
Par décision rendue en séance du 2 décembre 2020, notifiée par courrier du 22 février 2021, la commission de recours amiable accordé à la société une remise partielle des majorations, lesquelles ont été réduites à la somme totale de 17 916 euros.
Par courrier en date du 22 mars 2021, la société a sollicité le bénéfice d’une transaction, sur le fondement des articles L. 243-6-5 et R. 243-5-1 du code de la sécurité sociale.
Par courrier du 31 mars 2021, l’URSSAF a rejeté cette demande, indiquant que la procédure de transaction est inapplicable à la C3S.
Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée le 20 avril 2021, la société a saisi le tribunal judiciaire de Lille, spécialement désigné en application de l’article L.211 16 du code de l’organisation judiciaire, afin de contester la décision de la commission de recours amiable.
Les parties ont échangé leurs écritures dans le cadre de la mise en état du dossier.
La clôture de la mise en état est intervenue le 30 juin 2022.
L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 5 décembre 2023.
À l’audience, la société s’est référée oralement à ses écritures aux termes desquelles elle demande de :
annuler les majorations d’un montant de 17 916 euros,
confirmer la décision explicite de la commission de recours amiable de l’URSSAF dans son principe de réduction des majorations et appliquer une remise totale du montant des majorations ;
à titre subsidiaire, confirmer la décision de la commission de recours amiable dans son principe de réduction des majorations et réduire le montant des majorations en appliquant le taux de retard correspondant au loyer de l’argent appliqué par l’URSSAF, à savoir 0,2% par mois soit un montant de 448 euros,
annuler la mise en demeure du 12 octobre 2020,
condamner l’URSSAF à lui payer la somme de 17 916 euros à titre de dommages et intérêts,
condamner l’URSSAF à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
laisser à l’URSSAF la charge de ses dépens,
débouter l’URSSAF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société reconnaît avoir procédé tardivement à la déclaration et au paiement de la C3S, mais affirme être de bonne foi. Elle déplore dans ces conditions le fait d’avoir été destinataire, sans prise en compte du contexte exceptionnel lié au Covid-19 et sans analyse de ses conditions anormales d’activité pendant la période de confinement sanitaire, d’une mise en demeure de payer le montant maximum des majorations prévues aux articles L. 137-36 et L. 137-37 du code de la sécurité sociale.
Plus précisément, elle indique en premier lieu qu’initialement, le montant de majorations appliqué excédait le maximum légal au regard du retard de déclaration et de paiement de la C3S, erreur rectifiée par la commission de recours amiable. Elle explique que cette erreur initiale quant au taux des majorations l’a privée de la chance d’obtenir une remise de majorations devant la commission de recours amiable.
Deuxièmement, elle fait valoir qu’au regard de la faible gravité des faits – à savoir un retard de douze jours dans le paiement de la C3S – et du contexte particulier dans lequel ceux-ci sont intervenus, la sanction retenue par l’URSSAF est disproportionnée. Elle précise qu’en effet, pendant la période de confinement liée au Covid-19, elle a subi une réduction de l’effectif de son service comptabilité-finance de 50% entre le 13 avril et le 15 mai et n’a donc pas pu faire face à ses obligations déclaratives en raison des absences de salariés. Elle ajoute que le moyen tiré de la rupture d’égalité est inapplicable à la matière sociale et que les textes applicables à la contribution permettent justement une modulation du taux des majorations.
Troisièmement, elle soutient que la crise du Covid-19 constituait en 2020 une situation de force majeure qui l’a empêchée d’exécuter son obligation de déclaration de son chiffre d’affaires pour des raisons indépendantes de sa volonté.
Quatrièmement, elle demande le bénéfice du droit à l’erreur, dans une période incertaine et un contexte de report de certaines déclarations fiscales propres à générer une confusion quant aux échéances et délais à respecter.
Cinquièmement, elle explique que l’URSSAF a refusé de transiger alors que le dispositif est applicable en matière de C3S, laquelle revêt la nature de cotisation sociale du fait de son affectation exclusive au financement de divers régimes de sécurité sociale. Elle soutient que ce refus lui cause un préjudice de perte de chance de pouvoir transiger, dont elle demande réparation.
L’URSSAF Provence-Alpes-Côte-d’Azur s’est référée oralement à ses écritures aux termes desquelles elle demande de :
débouter la société de ses demandes,
condamner la société à lui payer la somme de 17 916 euros se composant de 8 958 euros au titre de la majoration pour retard de déclaration et de 8 958 euros au titre de la majoration pour retard de paiement,
condamner la société à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l’URSSAF soutient que les moyens soulevés par la société ne justifient pas une remise des majorations supérieure à celle consentie par la commission de recours amiable.
Plus précisément, en premier lieu, elle soutient qu’en application des articles L. 137-36 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale, la commission de recours amiable était fondée à appliquer un taux de majorations de déclaration et de paiement de 4%.
Ensuite, elle considère qu’accepter la modulation demandée engendrerait une rupture d’égalité avec les sociétés qui ont respecté les échéances dans un contexte difficile pour l’ensemble des entreprises. Elle précise que la société a eu un délai de deux mois à compter du début du confinement pour trouver une organisation lui permettant d’exécuter ses obligations de déclaration et de paiement dématérialisées en temps utile, précisant qu’au 15 mai 2020, 90% des entreprises redevables de la C3S avaient accompli leurs obligations, étant précisé que les années précédentes, le taux de retard s’élevait à 5-6%.
Sur le fondement de l’article 1218 du code civil, elle considère que les circonstances sanitaires n’étaient donc pas insurmontables pour la société, compte-tenu de son expérience et de son dimensionnement. Elle précise que les services de l’URSSAF sont restés disponibles pour renseigner les sociétés pendant cette période mais que pour autant, la société n’a pas fait part à l’organisme d’une impossibilité de s’acquitter de ses obligations dans les délais. De plus, elle souligne la célérité et la simplicité de la procédure déclarative consistant, à compter de l’ouverture du site » Net Entreprise » le 10 mars 2020, à valider ou rectifier une déclaration de chiffre d’affaires préremplie.
En outre, elle explique que la société a été destinataire de plusieurs courriers lui rappelant ses obligations déclaratives pour l’échéance du 15 mai 2020, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’un contexte de confusion sur les délais applicables cette année-là. Elle précise que les communications gouvernementales quant aux reports d’échéances sociales et fiscales n’étaient pas applicables à la C3S.
L’URSSAF estime encore que faire droit à la demande de la société reviendrait à appliquer un taux de majoration nul et ainsi à n’appliquer aucune sanction au retard de déclaration et de paiement, alors que l’application de la majoration revêt un caractère impératif.
Sur l’inapplicabilité de la circulaire de la DSS du 1er août 2011, elle indique que celle-ci a été remplacée depuis le 1er janvier 2020 par un processus de remise gracieuse des majorations applicable à la C3S et défini par les articles R. 243-19 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale issus du décret n°2019-1050 du 11 octobre 2019. Elle en déduit que la majoration de 10% appliquée par l’URSSAF était conforme aux textes en vigueur en 2020.
Sur le droit à l’erreur, elle indique que l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration n’est pas applicable aux faits de l’espèce, seules les erreurs susceptibles d’être régularisées entrant dans le champ d’application du texte.
Sur la procédure de transaction, elle soutient que quoique recouvrée par un organisme de sécurité sociale, selon la décision du Conseil constitutionnel n°91-302 domicile conjugal du 30 décembre 1991, la C3S a la nature d’une imposition et non d’une contribution de sécurité sociale. Elle estime que la C3S est exclue du champ d’application des articles L. 243-6-5 et R. 243-5-1 du code de la sécurité sociale, dans la mesure où les personnes assujetties à cette contribution ont la nature de redevables au sens fiscal et non d’employeurs cotisants au sens fiscal.
Elle en déduit qu’en refusant légitimement la demande de transaction de la société, l’URSSAF n’a en rien obéré les autres possibilités de recours qui s’offraient à celle-ci.
A l’issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que la commission de recours amiable a minoré à la somme de 17 916 euros les majorations de retard de déclaration et de retard de paiement de la contribution sociale de solidarité des entreprises 2020 réclamées à la SAS [5] dans la mise en demeure du 12 octobre 2020 ;
DÉBOUTE la SAS [5] de sa demande d’annulation des majorations de retard de déclaration et de retard de paiement de la contribution sociale de solidarité des entreprises 2020 ;
DÉBOUTE la SAS [5] de sa demande subsidiaire de minoration desdites majorations de retard de déclaration et de retard de paiement ;
DÉBOUTE la SAS [5] de sa demande d’annulation de la mise en demeure du 12 octobre 2020 ;
CONDAMNE en conséquence la SAS [5] à payer à l’URSSAF Provence-Alpes-Côte-d’Azur la somme de 17 916 euros, soit 8 958 euros au titre de la majoration de retard de déclaration et 8 958 euros au titre de la majoration de retard de paiement ;
DÉBOUTE la SAS [5] de sa demande de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE la SAS [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS [5] à payer à l’URSSAF Provence-Alpes-Côte-d’Azur une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS [5] aux dépens ;
REJETTE toutes autres ou plus amples demandes ;
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal.
La GreffièreLa Présidente
Déborah CARRE-PISTOLLET Maryse MPUTU-COBBAUT
Expédié aux parties le
1 CE urssaf
1 CCC Société, Me Avet, Me Foutry