7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°129/2023
N° RG 20/01175 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QPX7
SARL HERE & THERE
C/
Mme [P] [S]
Copie exécutoire délivrée
le : 06/04/2023
à : Maîtres
[A]
[J]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 Janvier 2023 devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [T], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SARL HERE & THERE immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 491 862 322, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparante, en la personne de sa gérante Madame [B], assistée de Me François-Xavier MICHEL de la SELARL CVS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [P] [S]
née le 12 Mai 1974 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES, substitué par Me BRIAUD avocat au barreau de RENNES
Exposé du litige
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [P] [S] a été embauchée par la SARL HERE & THERE en qualité d’assistante export suivant contrat à effet du 23 septembre 2010 ; elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement assorti d’une mise à pied conservatoire le 9 mars 2018 et a été licenciée le 20 mars 2018 pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Madame [S] a saisi le Conseil de prud’hommes de Rennes le 12 décembre 2018 afin de voir, selon le dernier état de sa demande :
Dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamner la société HERE & THERE à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, les sommes suivantes :
– Indemnité de licenciement : 4.229,04 Euros,
– Indemnité de préavis : 4.510,98 Euros,
– Congés payés afférents : 451,10 Euros,
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.043,92 Euros,
– Rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire : 711,46 Euros,
– Congés payés afférents : 71,15 Euros,
– Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5.000 Euros
– Article 700 du code de procédure civile : 2.000 Euros ;
Débouter la société HERE & THERE de ses demandes ;
Condamner la société HERE & THERE aux entiers dépens.
La défenderesse s’opposait aux prétentions de la demanderesse et sollicitait du Conseil des prud’hommes qu’il :
Dise que l’action de Madame [S] au titre de la prétendue exécution déloyale est partiellement prescrite et mal fondée ;
Dise que son licenciement repose sur une faute grave et à défaut sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Madame [S] de toutes ses demandes ;
Condamne Madame [S] à lui verser une indemnité de 4 000,00 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par jugement rendu le 22 janvier 2020, le Conseil des prud’hommes de Rennes statuait ainsi qu’il suit :
« DIT que le licenciement pour faute grave de Mme [S] est dénué de cause réelle sérieuse.
CONDAMNE la SARL HERE & THERE à payer à Mme [S] les sommes de :
‘ 4229,04 € à titre d’indemnité de licenciement,
‘ 4510,98 € à titre d’indemnité de préavis, et 451,10 € à titre de congés payés sur préavis,
‘ 711,46 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 71,15€ à titre de congés payés sur rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
‘ 14000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
FIXE les intérêts au taux légal à compter du 14 Décembre 2018 pour les sommes à caractère salarial et à compter de la mise à disposition du présent jugement pour les dommages intérêts.
ORDONNE l’exécution provisoire du jugement et FIXE la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [S] à la somme de 2255,49 €.
DIT que les dispositions relatives au remboursement des allocations chômage ne sont pas applicables.
CONDAMNE la SARL HERE & THERE à payer à Mme [S] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la SARL HERE & THERE aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution. »
Suivant déclaration de son avocat en date du 18 février 2020 au greffe de la Cour d’appel, la SARL HERE & THERE faisait appel de la décision.
Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d’appel, l’appelante demande à la Cour de :
‘ Infirmer le jugement rendu le 22 janvier 2020 par le Conseil de prud’hommes de Rennes en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Madame [S] de ses demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
‘ En conséquence, débouter Madame [S] de l’ensemble de ses demandes ;
‘ Condamner Madame [S] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante expose qu’elle a pour activité le négoce et la commercialisation de matières premières ainsi que la vente d’aliments destinés aux animaux d’élevage et employait 2 salariées, Mesdames [M] (depuis 2015) et [S] (depuis 2010), cette dernière ayant à charge d’assurer les opérations administratives et logistiques internationales ; elle soutient qu’elle a observé un changement de comportement de Madame [S] après le recrutement de Madame [M] et a découvert au début de l’année 2018 que les deux salariées échangeaient via la messagerie Skype, installée par la société sur leur poste informatique pour les stricts besoins professionnels, en dénigrant la société, sa dirigeante Madame [B] et son conjoint qui exploitait sa propre entreprise dans les mêmes locaux ; elle a pareillement observé que Madame [S] consultait de nombreuses pages Internet à caractère personnel pendant son temps de travail au mépris des dispositions de son contrat et elle a fait appel à un huissier aux fins de constater ces faits, le constat de ce dernier étant édifiant ; elle estime que c’est à tort que les premiers juges ont dit le constat d’huissier irrecevable au motif que le poste informatique a été ouvert par Monsieur [B] qui n’a aucune fonction dans l’entreprise, alors que la gérante peut mandater qui elle souhaite pour qu’il accède aux données contrôlées ; sur le fond, l’employeur observe qu’il ressort du constat un usage abusif à des fins personnelles d’une messagerie professionnelle, outre que les messages échangés étaient dégradants pour l’employeur, ainsi qu’un usage abusif d’internet à des fins personnelles pendant le temps de travail ayant nui à la qualité de celui-ci ; elle estime dès lors rapporter suffisamment la preuve de la faute grave et sollicite l’infirmation de la décision déférée.
* * *
Par conclusions de son avocat présentées en cause d’appel, Madame [S] demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
Dire son licenciement pour faute grave dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamner la société HERE & THERE à lui verser les sommes suivantes :
– 4.229,04 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 4.510,98 euros au titre de l’indemnité de préavis et 451,10 euros au titre des congés payés afférents,
– 711,46 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 71,15 euros de congés payés afférents ;
– 14.000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance.
Au surplus,
Débouter la société HERE & THERE de toutes ses demandes ;
Condamner la société HERE & THERE à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux dépens.
A l’appui de ses prétentions, l’intimée fait valoir d’une part que le recueil des données de son ordinateur professionnel a été réalisé hors sa présence et celle de l’employeur, seul le mari de la gérante ayant permis l’accès aux données informatiques et supervisé l’intervention de l’huissier instrumentaire, les constatations réalisées par l’huissier dans ces conditions ne pouvant constituer un mode de preuve licite, tel que justement retenu par les premiers juges ; elle expose d’autre part qu’au-delà de l’irrecevabilité de ce mode de preuve, la clause du contrat de travail lui faisant interdiction générale de toute utilisation privative de son poste informatique est illicite et soutient que la faute grave n’est d’aucune façon caractérisée ; elle fait valoir à ce propos les relations difficiles que les deux salariées entretenaient avec Monsieur [B], qui exploitait sa propre entreprise dans les mêmes locaux, relations qui expliquent les messages échangés à son propos avec sa collègue sur la messagerie Skype, les autres échanges n’étant que des conversations banales au cours desquelles elles ont pu manifester leur agacement sur les décisions prises par Madame [B], l’essentiel des échanges étant d’ailleurs à caractère professionnel ; elle soutient enfin que ses connexions sur les sites de replay aux fins de visionner une série étaient limitées à la pause méridienne dans la mesure où avec sa collègue, elles déjeunaient dans son bureau ; elle considère que la décision de les licencier pour faute grave a été prise par Madame [B] manifestement blessée dans son amour-propre et sollicite la confirmation du jugement entrepris.
La clôture de l’instruction été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 31 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions notifiées par voie électronique au greffe de la Cour le 29 novembre 2022 pour la SARL HERE & THERE et le 9 septembre 2020 pour Madame [P] [S].
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Confirme le jugement du Conseil des prud’hommes de Rennes sauf en ce qu’il a dit le licenciement de Madame [P] [S] dénué de cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Madame [P] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Madame [P] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL HERE & THERE à payer à Madame [P] [S], la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL HERE & THERE de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL HERE & THERE aux dépens d’appel ;
Le Greffier Le Président