Diffamation : décision de justice du 6 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/01499

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AFFAIRE PRUD’HOMALE :

COLLÉGIALE

N° RG 22/01499 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OEQL

Société APRIL ENTREPRISE

C/

[Z]

Etablissement Public POLE EMPLOI

Saisine sur renvoi de la cour de cassation

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 24 Novembre 2016

RG : F 15/02334

Arrêt de la Cour d’Appel de LYON section B

du 29 mars 2019

16/09299

Arrêt de la Cour de Cassation

du 24 Novembre 2021

Arrêt n°1314 F-D

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2023

DEMANDERESSE À LA SAISINE :

Société APRIL ENTREPRISE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Marie-Laurence BOULANGER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Pierre POMERANTZ, avocat au barreau de LYON

DÉFENDEURS À LA SAISINE :

[X] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Lucie ANCELET, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001501 du 03/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

Etablissement Public POLE EMPLOI

LE CINETIC – [Adresse 1]

[Localité 5]

non représenté

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Catherine MAILHES, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseillère

Françoise CARRIER, Magistrate honoraire

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Décembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [X] [Z] a été embauché par la société April Santé à compter du 21 janvier 2008 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de responsable espace santé. Sa rémunération était fixée sur la base d’une partie fixe et d’une partie variable en fonction d’objectifs fixés chaque année d’un commun accord entre les parties dans le cadre d’un avenant.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des entreprises de courtage d’assurances et/ou de réassurance.

Le 2 février 2009, M. [Z] a été muté en région lyonnaise en qualité de responsable clientèle au sein d’une autre filiale du Groupe April, la société Cogealp, devenue ensuite la société Alp Prévoyance. Le dispositif contractuel de rémunération a été maintenu.

Le 12 janvier 2011, M. [Z] a présenté sa démission en se plaignant du montant de sa rémunération. La société Alp Prévoyance n’ayant pas cherché à le retenir, il s’est rétracté de cette démission le 1er février 2011, rétractation qui a été acceptée par l’employeur.

À compter du 1er janvier 2012, M. [Z] a été affecté à un poste en région parisienne, toujours en qualité de responsable clientèle. Sa rémunération fixe est passée alors de 35’000 euros à 50’000 euros bruts par an, avec une rémunération variable de 18’000 euros dont 50 % étaient garantis.

Le 21 décembre 2014, il s’est vu notifier un avertissement disciplinaire pour deux mails considérés par l’employeur comme inappropriés.

Le 27 avril 2015, la société Alp Prévoyance a proposé à M. [Z] un avenant à son contrat de travail visant notamment à instituer une fixation unilatérale des objectifs annuels liés à sa rémunération variable et prévoyant une clause de non-concurrence, avenant que l’intéressé a refusé de signer.

Par lettre recommandée du 5 juin 2015 adressée à l’employeur, M. [Z] a contesté l’avertissement notifié le 21 décembre 2014 et s’est plaint du défaut de déblocage de la totalité de sa rémunération variable pour l’année 2014.

Le 12 juin 2015, M. [Z] a été convoqué par la société Alp Prévoyance à un entretien fixé au 22 juin, préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Le 17 juin 2015, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon à l’effet d’obtenir la condamnation de l’employeur au paiement d’un complément de rémunération variable.

En suite de l’entretien du 22 juin 2015, M. [Z] a finalement été licencié pour insuffisance professionnelle le 3 juillet 2015.

Dans le dernier état de la procédure pendante, il demandait notamment au conseil de prud’hommes d’annuler son licenciement pour harcèlement moral, d’annuler l’avertissement du 21 décembre 2014 et de condamner la société Alp Prévoyance à lui verser des dommages-intérêts pour sanction injustifiée, pour licenciement nul, à défaut sans cause réelle et sérieuse, et pour harcèlement moral.

Par jugement du 24 novembre 2016, le conseil de prud’hommes a notamment :

– débouté M. [Z] de ses demandes au titre d’un harcèlement moral et de nullité du licenciement,

– annulé l’avertissement du 21 décembre 2014,

– dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Alp Prévoyance à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

 » 45’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 » 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,

 » condamné la société Alp Prévoyance aux dépens de l’instance.

M. [Z] a interjeté appel le 21 décembre 2016.

Par arrêt en date du 29 mars 2019, la cour a :

– confirmé le jugement en ce qu’il avait :

 » débouté M. [Z] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de nullité de son licenciement,

 » déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l’encontre de M. [Z],

 » condamné la société Alp Prévoyance, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société April Entreprise, à verser à M. [Z] la somme de 7 020 euros à titre de rappel de sa rémunération variable pour l’exercice 2014, outre 702 euros de congés payés y afférents,

 » débouté M. [Z] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du caractère brutal et vexatoire du licenciement, au titre du harcèlement moral, au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, et au titre de la résistance abusive de l’employeur,

 » condamné la société Alp Prévoyance, aux droits de laquelle se trouve la société April Entreprise, aux dépens de première instance ainsi qu’à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmé le jugement pour le surplus et notamment rejeté la demande d’annulation de l’avertissement disciplinaire notifié à M. [Z] par courrier daté du 21 décembre 2014 et la demande subséquente de dommages-intérêts pour sanction abusive,

statuant à nouveau,

– condamné la société April Entreprise, venant aux droits de la société Alp Prévoyance, à verser à M. [Z] la somme de 50’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré sur la somme de 45’000 euros et à compter de l’arrêt pour le surplus,

– ordonné le remboursement par la société April Entreprise, venant aux droits de la société Alp Prévoyance, aux organismes des indemnités de chômage versées à M. [X] [Z] dans la limite de trois mois d’indemnités,

– dit que les sommes allouées – soit directement, soit par confirmation du jugement déféré – supporteraient, s’il y avait lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale,

– condamné la société April Entreprise aux dépens d’appel,

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Sur pourvoi de M. [Z] et pourvoi incident de la société April Entreprise, et par arrêt du 24 novembre 2021, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 29 mars 2019 mais seulement en ce qu’il a :

 » rejeté la demande d’annulation de l’avertissement notifié le 21 décembre 2014 et celle subséquente de dommages et intérêts pour sanction abusive,

 » dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société April Entreprise à payer à M. [Z] la somme de 50 000 Euros à titre de dommages et intérêts à ce titre et ordonné à la société April Entreprise le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Z] dans la limite de trois mois.

La société April Enterprise a saisi la cour d’appel de Lyon désignée comme cour de renvoi.

Aux termes de conclusions notifiées le 27 avril 2023, elle demande à la cour de :

– déclarer irrecevables toutes les demandes de M. [Z] relatives à un harcèlement moral et une exécution déloyale du contrat de travail et (sic) en débouter l’intimé,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

 » dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

 » l’a condamnée à payer à M. [Z] la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle,

 » ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [X] [Z] dans la limite de trois mois d’indemnités,

 » dit que l’avertissement du 21 décembre 2014 devait être annulé et l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

– statuant à nouveau,

 » dire l’avertissement notifié à M. [Z] le 21 décembre 2014 fondé et débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef,

 » dire le licenciement pour insuffisance professionnelle notifié le 3 juillet 2015 bien fondé et débouter M. [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions à ce titre,

 » condamner M. [Z] à lui verser la somme de 3500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 10 août 2023, M. [Z] demande à la cour de :

– dire que l’arrêt de la Cour de cassation a pour conséquence la remise en cause de l’affaire et des parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt de la cour d’appel rendu le 29 mars 2019 sur les demandes d’annulation de l’avertissement disciplinaire du 21 décembre 2014 et celle subséquente de dommages-intérêts pour sanction abusive, de harcèlement moral et de nullité du licenciement pour violation de sa liberté fondamentale d’expression, de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’exécution déloyale du contrat de travail,

– prononcer l’annulation de l’avertissement notifié le 21 décembre 2014,

– dire que le contenu de la lettre de licenciement du 3 juillet 2015 se place sur le terrain disciplinaire,

– dire son licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, plus subsidiairement irrégulier,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

 » annulé l’avertissement notifié le 21 décembre 2014,

 » dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

 » ordonné le remboursement par la société April Entreprise, venant aux droits de la société Alp Prévoyance, aux organismes concernés, des indemnités de chômage dans la limite de trois mois d’indemnités,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

 » dit qu’il n’avait pas été victime de harcèlement moral et que le licenciement n’était pas nul,

 » condamné la société April Entreprise à lui verser les sommes de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié du 21 décembre 2014,

Statuant à nouveau,

– condamner la société April Entreprise à lui verser les sommes suivantes :

 » 7 006,53 euros nets à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée (1 mois de salaire),

 » 168 156,72 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et à défaut sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire), subsidiairement 7 006,53 euros pour irrégularité de procédure de licenciement (1 mois de salaire),

 » 42 039,18 euros nets (6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour violation de liberté fondamentale, harcèlement moral et discrimination et, à défaut, pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de l’égalité de traitement entre salariés (notamment pour défaut d’ascension managériale dans l’entreprise, retrait de responsabilités, brimades et vexations subies, modifications unilatérales du contrat de travail en vue de le contraindre à cesser ses fonctions),

– débouter la société April Entreprise de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions contraires,

– condamner la société April Entreprise à payer à Me [U] [S] la somme supplémentaire de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

– dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes soit le 17 juin 2015 pour les condamnations de nature salariale et à compter du prononcé pour les condamnations indemnitaires,

– ordonner la capitalisation des intérêts année après année,

– condamner la société April Entreprise aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me Lucie Ancelet.

Motivation

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant dans les limites de la cassation,

DÉCLARE irrecevables les demandes de M. [Z] relatives à un harcèlement moral et à une exécution déloyale du contrat de travail ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

 » dit que le licenciement de M. [X] [Z] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

 » condamné la société Alp Prévoyance à payer à M. [X] [Z] la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle,

 » ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [X] [Z] dans la limite de trois mois d’indemnités,

 » dit que l’avertissement du 21 décembre 2014 devait être annulé

 » condamné la société Alp Prévoyance à verser à M. [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [Z] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 21 décembre 2014 et de sa demande de dommages et intérêts subséquente ;

LE DÉBOUTE de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société April Entreprise venant aux droits de la société Alp Prévoyance à payer à M. [X] [Z] la somme de 7 006,53 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, ce outre intérêts au taux légal à compter du jugement soit le 24 novembre 2016 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts sous réserve qu’ils soient dus pour une année entière ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [X] [Z] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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