Le CSA n’a pas l’obligation de mettre en demeure un diffuseur qui fait état d’accusations de viol contre une personne identifiée.
Accusations de viol
BFM TV a diffusé deux séquences au cours desquelles, d’une part, une journaliste a fait état du dépôt d’une plainte pour viol contre l’avocat Gilbert Collard et, d’autre part, a été diffusée un entretien avec la plaignante, qui est demeurée anonyme, accompagné des indications écrites » Laetitia, plaignante contre Gilbert Collard » et » Gilbert Collard accusé de viol, il dément « .
Saisine du CSA
L’avocat a demandé au CSA, en raison de cette diffusion, de suspendre l’autorisation d’émettre de la société BFM TV pendant trois mois, de mettre en demeure cette société de respecter à l’avenir ses engagements, de saisir le procureur de la République de faits de recel, violation du secret professionnel et violation du secret de l’enquête et de publier sa décision au Journal officiel de la République française. Les demandes de l’avocat ont été rejetées par le Conseil d’État.
Le refus du CSA
d’adresser une mise en demeure, de prendre une sanction ou de saisir le
procureur de la République n’entre ni dans les catégories de décisions que les
dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le
public et l’administration imposent de motiver, ni dans celles pour lesquelles
la loi du 30 septembre 1986 ou tout autre texte ou principe prévoit une telle
obligation.
Obligations conventionnelles de BFM TV
Aux termes de l’article 2-3-8 de la convention conclue entre le CSA et BFM TV le 19 juillet 2005, l’exigence d’honnêteté s’applique à l’ensemble du programme. L’éditeur vérifie le bien-fondé et les sources de l’information. Dans la mesure du possible, son origine doit être indiquée. L’information incertaine est présentée au conditionnel. L’éditeur fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information.
Compte tenu des dispositions de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse aux termes desquelles, le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public, les stipulations de la convention de la chaîne ne faisaient pas obligation, au service BFM TV d’indiquer l’origine de l’information relative à la plainte pour viol dirigée contre Gilbert Collard.
Au demeurant, la circonstance que les journalistes aient refusé de lui communiquer l’identité de la plaignante ne l’a pas empêché de se défendre des accusations formées à son encontre, ainsi qu’en attestent les éléments de défense restitués lors de l’émission. Enfin, Gilbert Collard a été invité par la société BFM TV à présenter ses observations préalablement à la diffusion de chacune des séquences litigieuses.
Traitement des affaires judiciaires
La convention de BFM TV stipule également que l’éditeur s’engage à ce qu’aucune émission qu’il diffuse ne porte atteinte à la dignité de la personne humaine telle qu’elle est définie par la loi et la jurisprudence. L’éditeur respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence. L’éditeur veille en particulier à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes. Dans le respect du droit à l’information, la diffusion d’émissions, d’images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner à lieu à une information judiciaire nécessite qu’une attention particulière soit apportée, d’une part, au respect de la présomption d’innocence, c’est-à-dire qu’une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable, d’autre part, au secret de la vie privée.
Lorsqu’une procédure judiciaire en cours est évoquée à l’antenne, l’éditeur doit veiller à ce que i) l’affaire soit traitée avec mesure, rigueur et honnêteté, ii) le traitement de l’affaire ne constitue pas une entrave caractérisée à cette procédure, iii) le pluralisme soit assuré par la présentation des différentes thèses en présence, en veillant notamment à ce que les parties en cause ou leurs représentants soient mis en mesure de faire connaître leur point de vue.
Les juges suprêmes ont considéré que les séquences en litige ont fait preuve de retenue et de neutralité dans l’évocation du dépôt de la plainte pour viol visant l’avocat, évoquant les faits susceptibles de qualification pénale avec prudence et faisant état des points de vue de l’accusé et de la plaignante de manière équilibrée, la journaliste soulignant la nécessité d’aborder cette information avec précaution, au stade de l’ouverture d’une enquête préliminaire et pour des faits remontant à plus de dix ans. Téléchargez la décision