La société LIBÉRATION a publié, sous un cliché représentant le propriétaire d’un bar, le commentaire suivant « AU BAR DE LA MARINE — A Longjumeau (Essonne) le 24 avril, Nicolas Sarkozy s’adresse aux électeurs du Front national et souligne que Marine Le Pen est « compatible avec la République »». Le propriétaire a poursuivi le journal pour atteinte à son droit à l’image.
Révélation de convictions politiques et vie privée
Si la publication en cause intervient dans le contexte d’un meeting tenu ce jour par Nicolas SARKOZY, l’image en cause est associée à un commentaire présentant l’intéressé, non dans le cadre de son engagement politique local, mais comme un électeur du Front national, ce qui est en soi constitutif d’une atteinte à sa vie privée puisqu’il n’a jamais fait part publiquement d’un tel fait, et qu’en revanche le vote à bulletin secret dans un isoloir lors des élections a pour vocation d’assurer à chacun le respect de sa liberté d’opinion et sa confidentialité, peu important que le demandeur soit par ailleurs conseiller municipal au sein de l’équipe dirigée par Nathalie KOSCIUSCO-MORIZET, membre du parti UMP.
En effet, l’intéressé n’ayant pas de responsabilité dans un parti politique, il n’est pas une « personnalité publique » au sens où l’entend la Cour européenne des droits de l’homme. Au surplus, l’appartenance politique qui lui est prêtée apparaît erronée, et il est constant que le nom du bar cité, qui est présenté comme un lieu de rassemblement des électeurs du Front national, et qui lui appartient, est inexact.
Même si le consentement de l’intéressé pour la prise et la publication du cliché en cause apparaît à tout le moins tacite, compte tenu de sa posture face au Président de la République, candidat à sa propre succession, qui s’est présenté, autour d’un café, en compagnie notamment de la maire et porte-parole de sa campagne, et de très nombreux photographes, il résulte de l’ensemble des éléments évoqués ci-dessus que les atteintes alléguées sont bien caractérisées, puisque l’atteinte à la vie privée et le détournement du consentement donné par le demandeur pour la prise de photographies à l’occasion de cette visite rendent la publication poursuivie illicite
Protection du droit à l’image
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.