Le fait de publier un article de presse niant la qualité de coauteur d’un film peut-il être qualifié de diffamation ?
Conditions de la diffamation
L’article 29, alinéa ler, de la loi sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire, sans difficulté, l’objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35, 55 et 56 de la loi. Ce délit, qui est caractérisé même si l’imputation est formulée sous une forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuations, se distingue ainsi de l’expression de considérations purement subjectives et de l’injure, que l’alinéa deux du même article 29 définit comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».
Quid des propos désobligeants ?
Ni l’inexactitude des propos ni leur caractère désobligeant ne suffisent, à eux seuls, à caractériser le délit de diffamation, lequel requiert, au-delà d’un jugement dont chacun peut mesurer la part de subjectivité, une articulation précise des faits, susceptible de preuve et qui mettent en cause l’honneur et la considération de la personne visée, ces dernières notions devant être appréciées, indépendamment du mobile de son auteur et de la sensibilité de la personne concernée, au seul regard de considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale, que le fait soit prohibé par la loi ou considéré comme d’évidence contraire à la morale commune.
Affaire « c’est arrivé près de chez vous »
En l’espèce, l’un des coauteurs du film « c’est arrivé près de chez vous » considérait que des articles de presse du Monde, qui lui déniaient sa qualité de coauteur et de coréalisateur du film, portaient atteinte à son honneur et à sa considération « en ce qu’elle supposerait qu’il se serait indûment attribué, depuis plus de vingt ans, une qualité qu’il n’aurait pas, celle de coauteur et de coréalisateur du film « C’est arrivé près de chez vous » ».
Il a été jugé que l’article incriminé qui relatait comment et dans quelles conditions André BONZEL, Benoît POELVOORDE et Rémy BELVAUX, décrits comme « les trois jeunes belges aux cheveux hirsutes », ont écrit et réalisé ce film et citant Benoît POELVOORDE « C’est le seul film que je connaisse où tout le monde a bossé gratuitement et continue de toucher un pourcentage »; » Trop généreux, trop discret et sans doute trop naïf, Belvaux n’a pas voulu tirer la couverture à lui et a volontiers crédité ses camarades au générique. ». Ces propos ne pouvaient être interprétés comme diffamants et font état du point d’un point de vue subjectif de ce qui aurait pu motiver la signature de la convention de coauteur indiquant la part respective de la contribution de chacun des auteurs de ce film. Le fait que Rémy BELVAUX serait en réalité « 1 ‘unique auteur du scénario et de la mise en scène », affirmation, contredite quelques lignes plus loin, ne constitue qu’une appréciation subjective qui ne prend appui sur aucun fait, et qui, en toute hypothèse, n’impute aucun fait précis contraire à l’honneur et à la considération du demandeur. En conséquence et quelque désagréables que soient ces appréciations, formellement démenties par Benoît POELVOORDE dans l’attestation versée aux débats, les propos incriminés ne peuvent être considérés comme diffamatoires au sens de l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881.