1ère espèce : dans le litige l’opposant à plusieurs titres de presse ayant publié des SMS de Dominique Strauss Kahn portant sur des soirées libertines, les juges n’ont pas considéré que les articles de presse en cause portaient atteinte à la vie privée de Dominique Strauss Kahn, le droit à l’information primant.
Article 9 du Code civil
En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne (y compris les personnes publiques) a le droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection. Ces droit lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion sans son autorisation d’éléments appartenant à cette sphère protégée et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.
Ce droit au respect de la vie privée (qui inclut le secret des correspondances), peut cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, l’appréciation de cette légitimité étant fonction d’un ensemble de circonstances tenant à la personne qui se plaint de l’atteinte aux droits protégés par l’article 9 du Code civil, notamment sa qualité et son comportement antérieur, l’objet de la publication en cause, son contenu, sa forme, sa participation à un débat d’intérêt général ainsi que l’absence de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne. Ces critères sont jugés conformes aux stipulations des articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Affaire Strauss Kahn
Dans cette affaire, les juges ont fait primer la liberté d’informer sur le respect de la vie privée. Dominique Strauss Kahn, à l’époque membre important du Parti Socialiste, ancien député, plusieurs fois ministre, faisait l’objet au mois de mai 2011, alors qu’il occupait les fonctions de directeur du Fonds Monétaire International et était donné comme le probable Président de la République française, d’une procédure pénale aux Etats-Unis sur la plainte de la femme de chambre d’un hôtel qui l’accusait de tentative de viol. Son interpellation et son incarcération ont créé en France, et dans le monde compte tenu de ses fonctions internationales, une très vive émotion. Il a fait l’objet également en France d’une plainte pour des faits similaires, mais anciens, d’une jeune journaliste. A l’époque de la publication de presse en cause, Dominique Strauss Kahn était cité dans une enquête ouverte à Lille sur des faits de proxénétisme aggravé, les enquêteurs ayant découvert les relations qu’il entretenait des personnes mises en cause dans cette enquête. La encore, cette information avait créé une vive émotion et a été très largement commentée et analysée tout comme sa mise en examen en mars 2012 du chef de proxénétisme.
Dans le contexte politique et judiciaire dans lequel se situaient les articles en cause, lesquels analysent les deux faces de la vie de Dominique Strauss Kahn lorsqu’il dirigeait le FMI et se préparait à se présenter au suffrage des électeurs pour devenir Président de la République, le titre de presse était en droit de s’interroger sur les raisons qui pouvaient expliquer le “degré d’insouciance” et “l’absolue désinvolture» dont Dominique Strauss Kahn aurait fait preuve. La publication de ces messages, en lien direct avec l’information judiciaire ouverte pour proxénétisme, présentait donc un incontestable intérêt au regard des multiples débats que les affaires judiciaires du demandeur ont suscité quant à la place des hommes politiques dans la société française, leur lien avec la réalité, leur vision de l’autre et plus spécialement des femmes, leur statut ou bien encore les relations qu’ils ont avec la presse.
Secret des correspondances
Les SMS et messages publiés avaient été extraits de la mémoire du téléphone de Dominique Strauss Kahn par les services d’enquête chargés d’une procédure ouverte sur des faits de proxénétisme aggravé. Les juges ont considéré que le secret de la correspondance a été légitimement écarté, dans le but de rechercher les auteurs d’une grave infraction pénale mettant en cause la dignité de la personne – le proxénétisme – et ce, sous le contrôle d’un membre de l’autorité judiciaire qui, selon l’article 66 de la Constitution, est gardienne de la liberté individuelle.
Il n’était pas non plus établi que le journaliste avait obtenu le texte de ces messages au moyen de l’infraction de violation du secret de l’instruction, cette information ayant pu être communiquée par une personne qui n’était pas astreinte à ce secret.
Enfin, aucune malveillance ou atteinte à la dignité de la personne humaine n’affectait les articles de presse en cause.
Mots clés : Vie privee
Thème : Vie privee
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 27 mars 2013 | Pays : France