Liberté d’expression dans les documentaires
Un documentaire audiovisuel est avant tout une modalité de manifester sa liberté d’expression pour le réalisateur. A ce titre, les juges lui confèrent une protection particulière. Lorsque des éléments de la vie privée d’un tiers sont évoqués dans un documentaire, les juges opèrent un contrôle de proportionnalité.
Dans l’affaire soumise, l’héritier d’un groupe de luxe a poursuivi une chaîne de télévision et le producteur d’un documentaire audiovisuel pour atteinte à sa vie privée. Le film documentaire en cause intitulé « Hercule contre Hermès » avait pour objet de relater la vie d’une famille de paysans marocains alors que leur riche voisin, Monsieur G., récemment installé dans la région, était présenté comme tentant, par tout moyen, d’acquérir leur terrain.
L‘héritier du groupe de luxe invoquait l’atteinte portée à son nom «cité de façon récurrente dans le film et ce dès son titre», à sa vie privée, à savoir des éléments de sa domiciliation et de patrimoine, ainsi qu’à l’image de ses biens composante de son droit de propriété. Les juges n’ont fait droit qu’à l’atteinte de la vie privée de Monsieur G. en raison de la divulgation de la localisation exacte de sa propriété. Les autres éléments du reportage ont été jugés licites. En particulier, le film en cause même s’il était incontestablement militant et ne faisait pas preuve d’une grande mesure, ressort de la liberté d’expression du réalisateur.
Image des biens et vie privée
L’atteinte à l’image du bien de M.G n’a pas été retenue. Il est de principe que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci mais peut s’opposer à son utilisation lorsqu’elle lui cause un trouble anormal. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Respect de la vie privée
En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection, que l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacre également un droit subjectif sur la sphère protégée de la vie privée que les Etats ont l’obligation positive de faire respecter. Ces droits peuvent cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, dépourvue de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne.
Droit au nom et vie privée
La citation du nom de M. G. dans le reportage audiovisuel et dans son titre, n’a pas été jugée illicite. Le nom, élément de l’état civil, n’entre pas en principe dans la sphère protégée de la vie privée au sens de l’article 9 du Code civil. M. G ne pouvait utilement se plaindre de l’utilisation de son nom dans le film, même si comme il le fait valoir il est cité de nombreuses fois et en constitue, notamment par le biais de son titre, un élément important et même si le choix a été fait de mettre en avant la constituante la plus connue de ce nom.
Identification d’un lieu et vie privée
L’indication du lieu de la résidence de M.G. (lieu où le demandeur a acquis des terrains et dispose d’une résidence au Maroc) a été jugée fautive. Tant les indications topographiques, que les images des terrains et maisons appartenant à M. G. qui révèlent la localisation exacte de sa résidence, portaient atteinte à sa vie privée. Les indications données sur la localisation de la résidence de M .G. ne pouvaient être considérées comme anodines dès lors que cette révélation est susceptible d’attiser l’animosité, voire la malveillance, à son encontre.
Mots clés : Vie privee
Thème : Vie privee
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 5 mars 2013 | Pays : France