François-Marie BANIER, se prévalant des articles 29, 42,44 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, a demandé sans succès au TGI de Paris, la condamnation du magazine RUE89 pour diffamation publique.
Prescription de l’action en diffamation
Les juges ont considéré que l’action en diffamation de François-Marie BANIER n’était pas prescrite en raison de la republication de l’article en cause sur Internet. Le délai de prescription de trois mois court à nouveau pour chaque nouvelle publication. En la cause, la publication de l’article dans le mensuel RUE89 constitue un support différent du site internet, ayant son lectorat propre et doit s’analyser comme étant une nouvelle publication, qui fait courir un nouveau délai, quand bien même le texte n’aurait subi aucune modification par rapport à celui antérieurement mis en ligne.
Définition de la diffamation
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne », le fait imputé étant entendu comme devant être suffisamment précis, détachable du débat d’opinion et distinct du jugement de valeur pour pouvoir, le cas échéant, faire aisément l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, et que ce délit est caractérisé même si l’imputation est formulée sous forme déguisée ou dubitative ou encore par voie d’insinuation.
Absence de diffamation
Le texte en cause ne pouvait se voir reconnaître le caractère diffamatoire que lui prêtait François-Marie BANIER. En effet, les termes : « Quand Banier séduisait Aragon », « le poète vieillissant », il a «fait partie des jeunes gens qui volètent autour du poète », se bornent à décrire la cour assidue que font à un homme à la fois célèbre et riche des «jeunes amis désargentés », pour des mobiles au moins pour partie mais pas exclusivement intéressés. L’article précisant aussi, par ailleurs, que François-Marie BANIER « écoute les lectures du grand homme » avant d’ajouter « qui les arrose généreusement ». Une telle appréciation, si elle est caustique sur les rapports entre les protagonistes, n’excède pas le droit de relater, même en termes vifs, les derniers développements de la vie d’un homme célèbre et fortuné, confronté alors qu’il vieillit, aux périls de la flatterie. Ces propos relèvent de la relation d’un fait de société dans lequel flatteur et flatté sont décrits avec humour, voire dérision, chacun recevant de l’autre ce qui lui fait défaut. Si l’échange en cause peut paraître peu glorieux, pour l’un comme pour l’autre d’ailleurs (Banier et Aragon), il n’impliquait pas de manquement à la probité, et plus généralement, à l’honneur ni à la délicatesse de la part du flatteur.
Par ailleurs, le texte décrit de la manière la plus claire que Louis ARAGON « a le cadeau facile à ses amis, ses jeunes amis, désargentés il est vrai, sans même feindre d’être dupe », renforçant l’appréciation de la conscience du donateur par la phrase suivante: « C’est ainsi qu’il offre un jour à l’un d’entre eux, le peintre Gianni Burattoni, une édition de ses sonnets de Pétrarque illustrés par Picasso, en lui glissant avec lucidité : celui -là, vends-le bien ». Une telle formulation, qui indique que loin d’être atteint par « une maladie psychiatrique » comme le craint le parent et héritier présomptif, Louis ARAGON opère diverses largesses en pleine connaissance de cause, exclut l’imputation aux bénéficiaires d’un abus de faiblesse.
Enfin, si l’article évoque le fait que le même héritier voit Louis ARAGON « se faire petit à petit dépouiller de ses livres rares, de ses propres manuscrits, de lithographies », le texte impute ce fait à « des petits malins » qui « remplacent tout bêtement par des photocopies » avec la parenthèse en guise d’explication (la vue d’Aragon baisse). Cette affirmation ne saurait, en conséquence, être constitutive d’une diffamation à rencontre de François-Marie BANIER qui n’est pas désigné comme l’auteur d’un tel comportement.
En définitive, François-Marie BANIER a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mots clés : Diffamation
Thème : Diffamation
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 12 mars 2012 | Pays : France