La société A. a obtenu la publication forcée dans la rubrique nécrologie du journal imprimé l’Alsace, d’annonces de décès adressées par les familles et comportant l’adresse du site internet de la société A.. La mention du site internet destiné à recueillir des condoléances faisait partie intégrale du texte d’annonce rédigé par la famille. Le refus d’insertion opposé par le journal l’Alsace aux motifs que les annonces avaient une nature publicitaire, a été jugé comme confortant un abus de position dominante.
Notion de marché pertinent
La position dominante d’une entreprise ne peut s’apprécier que par rapport à un certain marché dit marché pertinent ou marché en cause que le Conseil de la Concurrence définit comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leur caractéristique, de leur prix ou de l’usage auquel ils sont destinés. Sont substituables et comme se trouvant sur ce même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les consommateurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande.
Absence de substituabilité
Dans cette affaire les juges ont conclu que les deux prestations de publication d’annonces proposées n’étaient pas substituables. En effet, à partir du site de la société A. il était seulement possible, de retrouver de façon immédiate la mention d’un décès, celui-ci étant tenu de façon chronologique, puis de déposer en ligne des messages de condoléances ou des témoignages à l’occasion des seuls décès concernés par l’achat du «pack» auprès de l’entreprise de pompes funèbres. La société A.se comportait comme un moteur de recherches sur internet sans limite géographique, à la différence du quotidien l’Alsace qui lui, n’a vocation qu’à relater la survenue d’un décès et la cérémonie organisée pour les funérailles à des lecteurs locaux susceptibles d’y participer. Le site mis à disposition par la société A. s’adressait à des internautes sans limites géographiques et leur propose de manifester leurs condoléances à distance.
Le quotidien imprimé n’a pas vocation, à recenser tous les décès survenus, fût-ce sur son secteur de diffusion, mais à publier un nombre restreint d’annonces c’est à dire les seules dont il est saisi par les familles ou leur représentant. Les informations figurant sur le site créé par la société A., constitutives d’un répertoire des décès, ne pouvaient donc pas être comparées avec les annonces de décès publiées par le journal l’Alsace qui identifient les personnes physiques, auteurs de la publication, qui précisent la date et le lieu du décès, le déroulement des obsèques et le lieu de repos du corps (le quotidien garde sa spécificité qui est de publier une annonce émanant de la famille du défunt destinée à toucher des lecteurs locaux).
De surcroît, les prestations respectives sont proposées à des prix totalement distincts et ne répondent pas à la même finalité, l’annonce presse étant éphémère puisque marquée par sa quotidienneté, avec des annonces nouvelles au jour le jour et destinée à annoncer localement le décès et les obsèques, l’annonce internet étant pérenne, destinée à permettre l’expression de condoléances dans la durée et à les conserver.
Marchés connexes
Toutefois, les marchés concernés constituaient des marchés connexes. Les publications nécrologiques par voie de presse papier qui ont des années durant occupé seules le terrain des annonces nécrologiques, bénéficient d’une position dominante sur ce marché auquel les médias électroniques sont susceptibles de porter concurrence. La décision de refuser à un concurrent de publier une annonce faisant la promotion de son site internet (concurrent à celui du support de diffusion) est un abus visant à préserver une position dominante en évinçant un concurrent du marché des annonces nécrologiques.
Abus de position dominante du journal
Si le support bénéficie d’une liberté rédactionnelle pour la rédaction et l’organisation de ses rubriques et peut décider à cette occasion de bannir de la rubrique nécrologique toute annonce à caractère publicitaire comme celle résultant de la mention d’un site marchand qui se trouverait ainsi médiatisé par voie de presse, le journal l’Alsace a pourtant laissé se développer dans leur carnet nécrologique des annonces comportant la ligne de référence au site internet de la société A. Le fait de décider brutalement de modifier sa position en refusant d’insérer la ligne de l’annonce faisant référence au site internet de la société A. destiné à recevoir des condoléances (alors que cette ligne n’avait pas lieu d’être dissociée du reste de l’annonce) est fautif et fait obstacle à la manifestation de la volonté des familles.
Mots clés : Petites annonces
Thème : Petites annonces
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour d’appel de Paris | Date : 15 novembre 2012 | Pays : France