Lorsqu’un éditeur de presse négocie un accord collectif régissant les droits d’auteur de ses journalistes sur internet, ces derniers peuvent ils refuser l’application de cet avenant ?
En l’espèce, un journaliste rédacteur recruté par la société La Dépêche du Midi qui édite le journal du même nom, a refusé l’application de l’avenant “droits d’auteur” de l’accord collectif conclu le 21 avril 2006 qui définissait les modalités de reprise et de cession des droits d’auteur entre l’employeur et ses journalistes.
Ayant constaté que la quasi totalité des articles signés par lui ou portant ses initiales, originellement publiés dans le journal sous format papier, étaient reproduits sur le site internet du journal, le journaliste a assigné la société La Dépêche du Midi devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur.
Articles publiés avant la loi du 12 juin 2009
Concernant les articles de presse reproduits sur internet sous le régime antérieur à la loi du 12 juin 2009, il résultait des dispositions combinées des articles L 111-1 alinéa 3, L 121-8 du code de la propriété intellectuelle et L 761-9 ancien du code du travail, que l’existence d’un contrat de travail n’emportait aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle de l’auteur. A défaut de convention expresse conclue dans les conditions de la loi, le journaliste-auteur n’était pas présumé avoir transmis à son employeur, du seul fait de la première publication, le droit de reproduction de son oeuvre sur Internet.
En effet, l’ancien article L 761-9 du code du travail disposait que le droit de faire paraître dans plus d’un journal ou périodique les articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont les journalistes professionnels sont auteurs était obligatoirement subordonné à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction était autorisée. La notion de convention expresse était donc essentielle. Une lettre d’embauche stipulant simplement le principe de la cession des droits du journaliste (1) n’était pas assimilable à la notion légale de « convention expresse ».
Articles publiés après la loi du 12 juin 2009
Les dispositions de l’article 20 de la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 concernant les droits d’auteur des journalistes ont été traduites dans les articles 132-35 à 132-45 du code de la propriété intellectuelle et particulièrement dans son article 132-36. Ce dernier prévoit notamment que, sous réserve du droit pour l’auteur de réunir ses articles en recueil et de les publier sans faire concurrence au titre de presse, le contrat liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des l’article L 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue de manière permanente ou occasionnelle à l’élaboration d’un titre de presse et l’employeur, emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées.
Cette possibilité légale, limitée dans le temps concerne, selon l’article 132-35, l’ensemble des déclinaisons du titre quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation, et notamment le site internet du journal.
Accords collectifs
Les principaux éditeurs de presse ont adopté des accords collectifs permettant d’encadrer la cession des droits d’auteur de leurs journalistes professionnels.
Concernant La Dépêche du Midi, un accord collectif du 21 avril 2006 a été conclu pour cinq ans (renouvelable par tacite reconduction). Il définit les modalités de reprise et de cession des droits d’auteurs dans le cadre de la réutilisation par La Dépêche du Midi des oeuvres rédactionnelles des journalistes sur support papier ou électronique et prévoit en son article 4, une rémunération annuelle brute de 500 € en contrepartie de l’exploitation des articles des journalistes sur Internet.
La légalité de cet accord collectif a été confirmée par les juges, y compris sur le montant de l’indemnisation des journalistes pour leurs articles reproduits sur internet. Les juges ont précisé que les éléments négociés entre la direction de la société La Dépêche du Midi et les syndicats de journalistes à l’occasion de la conclusion de l’accord de 2006, constituent, en vertu des dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, une base sérieuse pour le calcul du montant du préjudice subi par les journalistes.
Enfin, rappel utile des juges : la validité d’un accord collectif n’est pas conditionnée par une adhésion individuelle du journaliste salarié.
(1)« Conformément à l’article L 761-9 du code du travail, et à l’article 7 de la convention collective des journalistes, il est convenu que le paiement de la somme de … fixée à titre de salaire, rémunère l’ensemble de vos activités dans la société. En conséquence, vous cédez expressément à notre société le droit d’exploiter les oeuvres de toute nature dont vous serez l’auteur dans l’exercice de vos fonctions et spécialement tous droits de représentation et de reproduction, d’édition ou de réédition en langue française ou étrangère, d’adaptation cinématographique et cela en France ou à l’étranger, pour une durée de 50 années à compter de la première publication, par les soins de notre société ou par ceux d’un tiers auquel elle aurait transféré les droits ainsi cédés ».
Mots clés : Droit des journalistes
Thème : Droit des journalistes
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour d’appel de Paris | Date : 16 novembre 2012 | Pays : France