Les demandes de désinstallation d’antennes relais fondées sur les troubles anormaux du voisinage doivent elles être présentées devant le juge judiciaire ou devant le juge administratif ? C’était la question dont était saisie la Cour de cassation. Selon les juges suprêmes, le juge judiciaire n’est compétent pour faire cesser des troubles anormaux de voisinage causés à des tiers que si les mesures ordonnées ne font pas obstacles à une décision administrative. Le démontage d’antennes relais relève de la compétence du juge administratif.
Compétence du juge administratif
Le démantèlement d’un pylône d’antenne relai relève de la compétence des juridictions de l’ordre administratif au regard des dispositions de l’article L. 2331-1 du code général des personnes publiques puisqu’une telle mesure est de nature à priver d’effets les autorisations d’occupation du domaine public hertzien et du domaine public accordées à l’opérateur.
Les fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire national relèvent du domaine public de l’État ainsi qu’énoncé à l’article L. 2111-17 du CGPPP et, selon l’article L. 2124-26 du même code, l’utilisation de ces fréquences constitue un mode d’occupation privative du domaine public. L’article L. 2331-1 du même code dispose que sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quel que soit leur forme ou leur dénomination, accordés ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires.
Séparation des pouvoirs judiciaires / administratifs
Le principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire est ancien. Il a été posé par la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, les articles L. 42-1 et L. 43 du code des postes et communications électroniques et les articles L. 2124-26 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat. Afin d’assurer sur l’ensemble du territoire national et conformément au droit de l’Union européenne, d’une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques (qui sont identiques sur tout le territoire), d’autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux, notamment par une couverture complète du territoire, le législateur a confié aux seules autorités publiques qu’il a désignées le soin de déterminer et contrôler les conditions d’utilisation des fréquences ou bandes de fréquences et les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent et contre les brouillages préjudiciables.
Par suite, l’action portée devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le fondement, aux fins d’obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l’exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière.
Nonobstant le fait que les titulaires d’autorisations soient des personnes morales de droit privé et ne soient pas chargés d’une mission de service public, le principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce que le juge judiciaire, auquel il est demandé de contrôler les conditions d’utilisation des fréquences radioélectriques au regard des nécessités d’éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé publique soit compétent pour connaître d’une telle action.
Compétence du juge judiciaire
En revanche, le juge judiciaire reste compétent (sous réserve d’une éventuelle question préjudicielle), pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers, d’une part, aux fins d’indemnisation des dommages causés par l’implantation ou le fonctionnement d’une station radioélectrique qui n’a pas le caractère d’un ouvrage public, d’autre part, aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables.
A noter que la 1ère et 3ème chambre de la Cour de cassation ont sur ce point la même position. L’action tendant à obtenir l’enlèvement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée par l’autorité administrative ne relève pas de la compétence du juge judiciaire.
Mots clés : Antennes relais
Thème : Antennes relais
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour de cassation, ch. civ. | Date : 16 janvier 2013 | Pays : France