La règle est connue : en cas de décès d’un associé de société et en application l’article 1870-1 du code civil, en cas de refus d’agrément opposé par les Associés (eux survivants), les héritiers ou les légataires exclus ont droit à une indemnité correspondant à la valeur des parts sociales de leur auteur. Toutefois, certaines options restent à exploiter par l’héritier.
La valeur des parts sociales
Cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation.
Le paiement par l’un des associés survivants en lieu et place de la Société pourrait ainsi permettre à l’héritier de privilégier l’un des associés survivants au détriment des autres associés.
Transmission de parts sociales : Quel acte rédiger ?
Dans le premier cas (rachat de la valeur des parts par un associé survivant), l’acte à réaliser serait une cession de créance, avec certaines dispositions spécifiques qui en ferait un acte hybride entre une cession de parts sociales (ce qu’il n’est pas) et le remboursement d’une créance.
Les héritiers agissent en qualité de créancier et les cessionnaires en vue d’acquérir des parts sociales.
Dans le second cas, plus simple, il s’agit d’une réduction de capital avec annulation des parts sociales du défunt et un remboursement par la société de la créance des héritiers.
Une certitude : l’héritier non agrée n’est pas associé
La Cour de cassation a jugé que l’héritier, s’il n’est pas associé, n’a pas qualité pour percevoir les dividendes, même avant la délivrance du legs des parts sociales.
Dans cette affaire, l’héritier, qui n’avait pas été agréé comme associé de la SCI, ne pouvait pas prétendre aux dividendes distribués entre le décès de l’associé et la délivrance du legs : ni le légataire particulier, ni l’héritier n’avait droit aux dividendes distribués entre le décès et la délivrance du legs, dès lors qu’il n’a pas la qualité d’associé (Cass. 1e civ. 2 septembre 2020 n° 19-14.604 FS-PB).
Lorsque les statuts prévoient que la société ne sera pas dissoute en cas de décès d’un associé mais continuera entre les seuls associés survivants (ce qui est l’hypothèse commune), les héritiers de l’associé décédé ont droit à une indemnisation.
Les parts du défunt se trouvent transmises de plein droit aux associés survivants ; ainsi, les héritiers n’acquièrent à aucun moment la qualité d’associé et ils n’ont droit qu’à la valeur des parts de leur auteur, calculée dans les mêmes conditions qu’en cas de refus d’agrément.
Distinguer le titre de la finance
En matière d’indemnisation de l’héritier de la valeur de ses parts, il convient de dissocier le « titre » et la « finance ». Le formalisme des ventes de parts sociales ne s’applique pas à cette opération (cf Cass. com., 29 sept. 2009, n° 08-16.368), laquelle n’entraîne pas, non plus, la perception des droits de mutation à titre onéreux (Cass. com., 22 oct. 2013, n° 12-23.737).
Ne constitue pas une cession de parts sociales soumise au droit d’enregistrement prévu par l’article 726, I, 2°, du code général des impôts, la cession à une société civile immobilière de l’intégralité de la créance représentant la valeur des parts ayant appartenu à l’un de ses associés décédé, en exécution d’une clause statutaire prévoyant, qu’en cas de décès d’un associé, la société continue entre les associés survivants, les droits attachés aux parts de celui décédé étant transférés aux associés survivants ou à la société, si les associés décident du rachat des parts en vue de leur annulation en contrepartie du versement au profit des ayants droit de l’associé décédé du prix de rachat, par les associés survivants, des parts de l’associé décédé (Cass. com., 22 oct. 2013, n° 12-23.737).
Fiscalité applicable à l’héritier
Selon le Bulletin officiel des Finances Publiques BOI-ENR-AVS-20-20, n° 165 « Lorsque le rachat de ses titres par une société est consécutif au décès d’un associé, il y a lieu de prendre en compte les situations dans lesquelles les statuts de la société interdisent aux héritiers ou légataires du défunt de prendre la qualité d’associé ou soumettent l’acquisition de cette qualité à un agrément, refusé par la suite.
Dans ce cas, les héritiers ou légataires ne peuvent pas devenir propriétaires des parts sociales.
La Cour de cassation a ainsi jugé que les légataires d’un associé décédé qui n’avaient pas la qualité d’associés en application des statuts de la société, n’étaient titulaires que d’un droit de créance représentant la valeur des parts du défunt. Seul ce droit de créance peut être cédé en l’absence de toute qualification de cession de parts sociales.
Logiquement, les juges suprêmes ont conclu qu’il n’y avait pas cession de parts sociales, mais remboursement d’un droit de créance représentatif de la valeur des parts aux héritiers ou légataires, qui n’entre pas dans les dispositions de l’article 726 du CGI (Cass com. arrêt du 22 octobre 2013, n° de pourvoi 12-23737) ».
A noter que si les associés refusent l’agrément de l’héritier et le rachat de ses parts par les associés survivants ou la société, l’administration fiscale pourrait procéder à une « taxation d’office » au titre des « droits de mutation » de l’héritier, puisque que le défaut d’agrément l’empêcherait d’être associé mais pas de récupérer ce qui lui ai dû (correspondant au montant de la valeur des parts sociales).
L’associé acquéreur des parts de l’héritier
Le rachat de la valeur par l’associé survivant peut être astucieux dès lors que l’obligation d’agrément ne s’applique pas à l’héritier (ou au légataire) qui est déjà associé.
En effet, la clause d’agrément ne s’applique pas aux parts dévolues à un héritier qui a déjà la qualité d’associé au moment du décès de leur auteur (Cass. com. 28 oct. 1974, n° 73-12.368).
Ainsi, clause d’agrément ou pas, l’héritier déjà associé devient titulaire – ou cotitulaire – des parts du défunt au prorata de ses droits dans la succession.
Les effets multiples de l’absence d’agrément de l’héritier
En présence d’une clause d’agrément, les héritiers (non associés) peuvent demander le règlement de la valeur des parts sociales de leur auteur sans qu’ils soient tenus de présenter un projet de cession des parts sociales en cause » (Cass. 3ème civ. 29 septembre 2009, n° 08-16368).
Les statuts d’un groupement agricole d’exploitation en commun, qui prévoient qu’en l’absence d’agrément des ayants droit d’un associé décédé, les droits sociaux doivent être rachetés soit par le ou les associés survivants, soit par un ou plusieurs tiers désignés par eux, soit par le groupement lui-même, et renvoient à la procédure à suivre en cas de cession, ne peuvent avoir pour effet d’obliger les ayants droit à présenter un projet de cession portant sur des parts, qui, en l’absence d’agrément, ne leur ont pas été transmises. Viole dès lors les articles 1134 et 1870-1 du code civil la cour d’appel, qui, pour rejeter la demande des héritiers d’un associé tendant à ce que le groupement soit condamné à leur payer la valeur des parts dépendant de la succession, retient que les associés survivants ne sont tenus de faire racheter les parts par le groupement que dans le cas où le projet de cession des parts de l’associé décédé est rejeté et qu’aucun projet de cession ne leur a été proposé :
Les héritiers non agréés (qui n’étaient pas déjà associés) ne deviennent donc pas associés (quand bien même ils le souhaiteraient), mais ils ont droit à une indemnisation correspondant à la valeur des parts sociales du défunt, à proportion de leur droit dans la succession.
Cette valeur doit être payée par les nouveaux titulaires des parts sociales (au prorata de leur droit dans la succession) ou par la société elle-même (auquel cas les parts sociales concernées sont annulées).
Ils n’ont droit qu’à la valeur des parts du défunt. Ils disposent d’un droit de créance et cette indemnisation ne saurait être assimilée à une cession de parts sociales (parts que lesdits héritiers ne possèdent d’ailleurs pas).
Un héritier légataire de parts sociales n’a pas la qualité d’associé tant qu’il n’a pas été agréé par les associés survivants (Cass. civ. 1ère, 2 sept. 2020, n°19-14.604).
Il résulte de l’article 1870-1 du code civil que l’héritier, s’il n’est associé, n’a pas qualité pour percevoir les dividendes afférents aux parts sociales d’une société civile dépendant de la succession, fût-ce avant la délivrance du legs de ces parts à un légataire
L’héritier ne peut prétendre percevoir les dividendes et les bénéfices de la SCI du seul fait de sa qualité d’héritier légataire des parts reçu par legs. Il doit attendre de devenir associé (ce qui peut ne jamais arriver).
Les héritiers ne peuvent échapper aux conséquences de leur qualité d’héritiers non associés et solliciter l’octroi de dommages intérêts, motifs pris de ce que la société aurait commis une faute délictuelle en ne les informant pas, voire en leur dissimulant l’obligation d’avoir à solliciter un agrément dans les trois mois du décès.
Dans une affaire portée devant la Cour de cassation, les héritiers ne rapportaient pas la preuve de l’existence de quelque manoeuvre ou réticence dolosive ou même d’une quelconque faute de la part de la société dont ils auraient été victimes, étant relevé qu’il ne plaidaient pas utilement que la société était tenue d’un devoir d’information et de conseil à leur égard relativement au bref délai de trois mois pour solliciter la qualité d’associé.
Lorsque les héritiers n’ont pas sollicité leur agrément, par application de l’article 1870 du code civil et les statuts de la société, la société perdure avec les seuls associés survivants et les héritiers non associés n’ont droit qu’à la valeur des parts de leur auteur par application de l’article 1870-1 du code civil.
La valeur des droits sociaux
L’article 1870-1 du code civil précise que cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation, et que la valeur de ces droits sociaux est déterminée au jour du décès dans les conditions prévues en cas de cession à l’article 1843-4 du même code.
En application de ce dernier article, la valeur des droits sociaux d’un associé est déterminée, en cas de contestation sur la détermination de la valeur des parts sociales, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
Valeur des droits sociaux établie par un expert désigné
Conformément à l’article 1843-4 du Code civil, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné.
L’expert est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.
La valeur des parts sociales est toujours déterminée au jour du décès de l’Associé.
Comme pour les donations, seules les plus-values professionnelles sont imposées lors d’une transmission de parts par décès et des droits de mutation à titre gratuit sont éventuellement dus après abattement.
Statut des héritiers de SCI non-agréés
Les héritiers et légataires non agréés n’ont ni la qualité d’associé ni de droit sur les parts sociales ou actifs de la société.
Ces héritiers ont un droit de créance qui correspond à la valeur des parts sociales. Cour d’appel de Paris, 13 mars 2013, n° 12/06788.
“Considérant que les appelants soutiennent exactement que l’héritier devenu propriétaire des parts sociales de la SCI de l’associé décédé, n’en devient pas pour autant de plein droit associé ; que pour acquérir cette qualité d’associé, il doit présenter une demande en vue d’obtenir l’agrément “.
Par ailleurs, les droits attachés aux parts sociales du de cujus (défunt) dans l’attente de la décision d’agrément, notamment les droits de vote, sont suspendus. L’héritier ne peut logiquement pas participer à l’Assemblée générale relative à l’agrément ni à toute autre décision collective de l’Assemblée générale.
A noter qu’une Cour d’appel avait déjà estimé qu’un héritier qui a omis de solliciter son agrément à la date de l’Assemblée générale, ne doit pas être convoqué ni voter (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 13 mars 2013, n° 12/06788).
Dans cette affaire, la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que la cour d’appel avait constaté que les héritiers de l’associé décédé n’avaient pas été agréés et n’avaient donc pas le statut associé de la SCI. Dès lors, ils ne pouvaient prendre part à l’Assemblée générale où à la nomination du nouveau gérant.
Le statut d’héritier d’un associé d’une société civile immobilière ne suffit pas pour se devenir associé.
Par conséquent, l’héritier ne peut pas participer à l’assemblée générale, et de fait, à l’élection du gérant.
En effet, au sens de l’article 1844 du Code civil, seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives de la société. La participation à l’Assemblée générale et le vote des héritiers rendraient irrégulière l’Assemblée générale.
Les héritiers ne peuvent être convoqués aux Assemblées générales ni voter (Cour de cassation, 27 mars 2019, n° 17-23.886) :
“Mais attendu, en premier lieu, que selon l’article L. 223-13, alinéa 2, du code de commerce, les statuts d’une société à responsabilité limitée peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir associé qu’après avoir été agréé ; qu’il résulte de ces dispositions que les héritiers non agréés n’ont pas à être convoqués aux assemblées et ne peuvent participer au vote ; qu’ayant constaté que Mme B n’avait pas sollicité l’agrément prévu par les statuts de la Selarl en cas de transmission de parts sociales à un conjoint dans le cadre de la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle n’avait pas et n’avait jamais eu la qualité d’associé “).
Les droits attachés aux parts sociales de l’associé défunt dans l’attente de la décision d’agrément, notamment les droits de vote, sont suspendus.
L’héritier de SCI non encore agréé ne peut non plus percevoir de dividendes. En effet, le statut d’associé est nécessaire pour percevoir les dividendes (Cour de cassation, 2 septembre 2020, n° 19-14.604 : “ Il en résulte que, s’il n’est associé, l’héritier n’a pas qualité pour percevoir les dividendes, fût-ce avant la délivrance du legs de ces parts à un légataire”).
Les héritiers non agréés n’ont aucun droit sur les dividendes distribués postérieurement au décès de leur prédécesseur et le droit aux dividendes appartient à celui qui est associé le jour de la décision de distribuer les dividendes (Cass. com. 14-12-2004 ; Cass. 1e civ. 2-9-2020) :
“Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’article R. 323-41 du Code rural, qui permet seulement aux héritiers non encore agréés de participer aux délibérations de l’assemblée générale du groupement et ne déroge pas, en ce qui concerne le droit sur les bénéfices, aux dispositions de droit commun de l’article 1870-1 du Code civil, ne confère aux héritiers non agréés aucun droit sur les bénéfices réalisés par le groupement postérieurement au décès de leur auteur, la cour d’appel a violé le premier de ces textes par fausse application et le second par refus d’application”.
Le refus d’agrément d’un héritier
Le refus d’agrément doit être décidé et communiqué dans le plus grand respect des statuts.
A ce titre, la décision de refus non communiquée par la société à l’héritier dans les délais statutaires est « inopérante », ce dernier étant de ce fait considéré comme agréé (Cass. 3e civ. 16-1-2020 n° 18-26.010 F-D) : « la cour d’appel, qui a relevé que la SCI n’avait pas notifié son refus dans le délai fixé par les statuts, a, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ».