Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022
(n° 2022/ , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10104 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXXF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/05058
APPELANT
Monsieur [D] [P] (dit [E]) [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Vincent BROCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0196
INTIMEE
Madame [U] [C]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Assistée de Me Damien BUSQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0067
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Nelly CAYOT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,
– signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er juin 2012, Mme [U] [C] [S] a été embauchée par M. [E] [G] par contrat à durée indéterminée écrit à temps plein en qualité d’employée de maison au salaire de 3 200 euros pour 40 heures de travail hebdomadaire, le contrat de travail étant régi par la convention collective des salariés du particulier employeur.
Par courrier du 8 décembre 2015, M. [E] [G] a convoqué la salariée à un entretien préalable téléphonique et par lettre recommandée du 17 décembre 2015, Mme [U] [C] [S] a été licenciée dans les termes suivants :
‘A la suite de notre entretien du 9 décembre 2015 et de vos observations du 14 décembre 2015 qui n’ont pas modifié mon appréciation de la situation, je vous informe de ma décision de procéder à votre licenciement pour les motifs suivants :
– arrêts de mes séjours dans l’appartement situé [Adresse 2],
– absence d’utilisation de cet appartement,
– mise en vente de l’appartement en vertu d’un mandat signé le 13 octobre 2015.
En effet, au regard du caractère ménager de vos fonctions d’employée de maison subordonnées à la présence d’occupants dans 1’apparternent (ménage, lavage, repassage, entretien du linge, courses cuisine, service à table) et à la mise en vente de cet appartement sans acquisition d’un nouveau logement à [Localité 5] ou en région parisienne votre emploi ne se justifie plus’.
Le 6 mai 2016, estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [U] [C] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes liées à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 1er décembre 2017 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des partie le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné M. [G] à payer à Mme [C] [S] les sommes suivantes :
* 1 409,90 euros au titre des congés payés non pris au titre de l’exercice 2014 à 2016,
* 184,62 euros au titre des heures supplémentaires,
* 18,46 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 146,80 euros au titre des indemnités de repas,
avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et jusqu’au jour du paiement,
* 19 200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 6 400 euros à titre de dommages et intérêts pour surveillance illicite,
avec intérêts de droit à compter du jour du prononce du jugement et jusqu’au jour du paiement,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné à M. [G] de délivrer les documents sociaux conformes au jugement à intervenir ;
– débouté Mme [U] [C] [S] du surplus de ses demandes ;
– débouté M. [G] de sa demande reconventionnelle;
– condamné M. [G] aux dépens.
Par jugement du 23 avril 2018, le conseil de prud’hommes a rectifié l’adresse de M. [G] demeurant aux Etats Unis.
Le 7 octobre 2019, M. [E] [G] a relevé appel du jugement du 1er décembre 2017.
Moyens
Motivation
MOTIVATION
Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail
Sur la surveillance illicite
Mme [U] [C] [S] soutient que l’installation de caméras de surveillance dans l’appartement où elle a exercé ses fonctions d’employée de maison lui a causé un préjudice dont M. [G] lui doit réparation aux motifs que cette surveillance :
– a porté atteinte à sa vie privée ;
– a été faite sans information préalable ;
– et de façon continue.
Elle fait valoir que son employeur a ainsi méconnu ensemble les articles 8 de la convention européenne des droits de l’homme, 9 du code civil, 226-1 du code pénal, L. 1222-4 du code du travail, 6 et 22 de la loi informatique et liberté de 1978. Mme [U] [C] [S] demande de condamner M. [E] [G] au paiement d’une somme de 13 000 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi
M. [G] fait valoir que le système de vidéo surveillance – destiné à protéger son bien à défaut de présence continue des occupants – avait été installé avant l’entrée en fonction de Mme [U] [C] [S] qui a été avisée de son existence et que la salariée a toujours désactivé le système à son arrivée empêchant ainsi tout enregistrement.
En application de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Aux termes de l’article L. 1222- 4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Dès lors qu’en l’espèce la réalité du dispositif de caméra de surveillance est établie dans plusieurs des pièces de l’appartement, il appartient à M. [G] de prouver qu’il en avait informé sa salariée. Aucun élément n’est produit par l’appelant à l’appui de ses déclarations et il convient en conséquence de retenir que du seul fait de ce défaut d’information, Mme [U] [C] [S] a illégalement subi la présence d’un système d’enregistrement de nature clandestine au moins jusqu’au mois d’octobre 2013.
En effet, la salariée produit un échange de courriels du 24 octobre 2013 avec M. [G] établissant qu’à cette date Mme [U] [C] [S] avait connaissance de la présence de caméras de surveillance et établissant en outre qu’elle avait alors insisté auprès de son employeur afin qu’il se soumette aux dispositions légales ce à quoi ce dernier avait répondu en lui proposant de démissionner et, dans un second envoi, en lui demandant de ne pas toucher au système mis en place pour sa sécurité et celle de sa famille. Il n’est donc pas davantage établi que M. [G] avait donné les moyens à Mme [U] [C] [S] de suspendre les caméras de surveillance dès lors qu’elle a eu connaissance de leur existence.
Il convient en conséquence de condamner M. [E] [G] à payer à Mme [U] [C] [S] des dommages intérêts tenant compte de la durée de la surveillance illicite soit la somme de 6 400 euros. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les congés payés
Mme [U] [C] [S] affirme qu’il lui reste dû 22 jours de congés sur la période du mois de mai 2014 au mois d’avril 2015 et 13 jours de congés sur la période 2015/2016.
M. [G] s’y oppose au motif que sur la période du 1er juin 2012 au 29 février 2016, Mme [U] [C] [S] avait droit à 92 jours ouvrés et qu’elle a selon lui bénéficié de 98 jours ouvrés sur cette période.
Aux termes des dispositions applicables de l’article 16 de la convention collective, la durée du congé payé annuel est de 2 jours et demi ouvrables par mois (ou période de 4 semaines ou périodes équivalentes à 24 jours) de présence au travail, quel que soit l’horaire habituel de travail. (…) En tout état de cause, la durée totale du congé annuel ne peut dépasser 30 jours ouvrables (5 semaines). Sauf accord entre les parties, la date de départ en congé est fixée par l’employeur, avec un délai suffisamment long (2 mois au minimum) précisé dans le contrat de travail, pour permettre au salarié l’organisation de ses vacances.
Il apparaît que le calcul présenté par la salariée n’est pas corroboré par les bulletins de salaire et qu’il ne tient pas compte des périodes de congés payés mentionnés sur le bulletin de salaire du mois d’avril 2014 dont 22 jours pris sur l’en cours, du mois de mars 2015 dont 16 jours pris sur l’en-cours, du mois d’août 2015 et enfin du mois de décembre 2015 correspondant selon la salariée à des droits ouverts en 2014/2015. Il n’y a donc pas de congés restant dûs sur l’exercice 2014/2015. Mme [U] [C] [S] est déboutée de sa demande de ce chef à hauteur de 3 265,02 euros.
Au titre de l’exercice allant de mai 2015 à février 2016, après déduction des 12 jours de congés mentionnés au mois de février 2016, il reste dû à la salariée la somme de 1 929,33 euros au paiement de laquelle M. [G] sera condamné. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur un rappel de salaire au titre du dimanche 25 octobre 2015
M. [G] conteste devoir la somme de 184,62 euros au titre de l’intervention de Mme [U] [C] [S] dans l’appartement le dimanche 25 octobre 2015 aux motifs qu’il lui a été demandé d’arriver à son travail à 13 heures le 14 octobre 2015 et qu’elle a été dispensée d’exécuter son préavis. Mme [U] [C] [S] demande l’application des dispositions conventionnelles.
Aux termes des dispositions applicables de l’article 15 de la convention collective, le travail le jour de repos hebdomadaire, ne peut être qu’exceptionnel. Si un travail est exécuté, à la demande de l’employeur, le jour de repos hebdomadaire, il sera rémunéré au tarif normal majoré de 25 % ou récupéré par un repos équivalent, majoré dans les mêmes proportions.
La salariée a interrogé son employeur au sujet de cette intervention un dimanche en dehors de son temps de travail et M. [G] lui a répondu en lui indiquant qu’elle serait contactée par son avocat sans que la preuve de la suite donnée à sa demande soit rapportée.
Il convient dès lors de faire droit à la demande de l’intimée et de confirmer la condamnation de M. [G] à lui payer en application des dispositions conventionnelles un rappel de salaire à hauteur de 184,62 euros et 18,46 euros d’indemnité de congés payés afférents. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la prime pour la garde de l’animal de compagnie
Mme [U] [C] [S] soutient qu’il lui avait été promis une prime de 500 euros pour la garde du chien en octobre 2015 et qu’il lui reste due une somme de 300 euros.
M. [G] ne conclut pas sur ce point.
Il appartient à Mme [U] [C] [S] de rapporter la preuve du montant de la prime exceptionnelle sur laquelle les parties se sont entendues. Les échanges produits établissent un règlement libératoire de 200 euros. Mme [U] [C] [S] est déboutée de sa demande à ce titre.
Sur l’indemnité de repas
Mme [U] [C] [S] fait valoir que son indemnité de repas lui a été supprimée à la fin de l’année 2015 et que n’étant pas nourrie sur place, elle est en droit d’obtenir la somme de 1 146,80 euros.
M. [G] s’y oppose et soutient que la salariée était nourrie sur place et qu’elle ne peut pas compter ses jours de congés dans la base de calcul.
Sur la base des jours travaillés et à défaut de justifier de la prise en charge des repas par l’employeur, il convient de fixer le complément d’indemnité de repas à la somme de 1 001 euros et le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
M. [G] soutient que le motif du licenciement de Mme [U] [C] [S] tient au fait que l’appartement ne devait plus être occupé et qu’il allait être mis en vente. Il ajoute que la salariée ne justifie pas de son préjudice.
Mme [U] [C] [S] fait valoir les éléments suivants :
– l’entretien préalable s’étant tenu par téléphone la procédure n’a pas été régulière ;
– l’inoccupation de l’appartement n’est pas un motif sérieux dans la mesure où la compagne de M. [G] a continué à occuper l’appartement et qu’il s’agissait pour le couple d’une résidence secondaire ;
– M. [G] s’était engagé sur une indemnité à hauteur de 5 mois de salaire.
Aux termes de l’article 12 de la convention collective applicable, le contrat de travail peut être rompu par l’employeur pour tout motif constituant une cause réelle et sérieuse et le particulier employeur n’étant pas une entreprise et le lieu de travail étant son domicile privé, les règles de procédure spécifiques au licenciement économique et celles relatives à l’assistance du salarié par un conseiller lors de l’entretien préalable ne sont pas applicables.
En conséquence, l’employeur, quel que soit le motif du licenciement, à l’exception du décès de l’employeur, est tenu d’observer la procédure suivante :
– convocation à un entretien préalable par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge,
Cette convocation indique l’objet de l’entretien (éventuel licenciement) ;
– entretien avec le salarié : l’employeur indique le ou les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ;
– notification de licenciement : s’il décide de licencier le salarié, l’employeur doit notifier à l’intéressé le licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La lettre de licenciement doit préciser clairement le ou les motifs de licenciement.
La lettre ne pourra être expédiée moins de 1 jour franc après la date prévue pour l’entretien préalable.
Dès lors que Mme [U] [C] [S] n’a pas été convoquée à l’entretien préalable selon les formes convenues, il s’en déduit que la procédure conventionnelle n’a pas été respectée. Les formes de l’entretien ne sont pas en revanche précisées au présent article. Au regard de l’irrégularité de la procédure, il est fait droit à la demande d’indemnité à hauteur de 1 500 euros. Le jugement est infirmé de ce chef.
Il appartient à M. [G], qui allègue et se prévaut de ce fait, de rapporter la preuve de ce que l’appartement s’est trouvé inoccupé. M. [G] ne rapportant aucun élément à l’appui de cette affirmation, il n’est pas établi de cause réelle au licenciement de Mme [U] [C] [S]. Au regard de la situation de la salariée comme étant née en 1959, de sa situation professionnelle et de la durée de sa présence, il convient de fixer l’indemnité à la somme de 12 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.
Il appartient à Mme [U] [C] [S] de rapporter la preuve de ce que les parties avaient convenu d’une indemnité de rupture conventionnelle. Le mail de M. [G] du 14 décembre 2012 de trois ans antérieur au licenciement ne comporte pas un engagement ferme et ne peut donc fonder la condamnation au paiement d’une indemnité conventionnelle. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la remise de fin de documents rectifiés sous astreinte
Il convient d’ordonner à M. [G] de remettre à Mme [U] [C] [S] une attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la présente décision sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Il n’y a pas lieu d’ordonner la remise d’un solde de tout compte.
Sur les intérêts et leur capitalisation
En application des dispositions de articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale portent intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 13 mai 2016, et les créances de nature indemnitaire portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce. Les intérêts au taux légal courant sur une année entière produisent intérêt au taux légal.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les condamnations de première instance au titre des dépens et des frais irrépétibles sont confirmées. M. [G] qui succombe pour l’essentiel est condamné aux dépens et au paiement d’une indemnité d’un montant de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel. M. [G] est débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. [E] [G] à payer à Mme [U] [C] [S] des dommages intérêts pour surveillance illicite, un salaire au titre des heures supplémentaires et au titre de l’indemnité de congés payés afférents, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a débouté Mme [U] [C] [S] de sa demande au titre de la prime de garde du chien et au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE M. [E] [G] à payer à Mme [U] [C] [S] les sommes suivantes :
– 1 929,33 euros au titre de l’indemnité de congés payés ;
– 1 001 euros au titre du complément de prime de repas ;
– 1 500 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;
– 12 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2016 pour les créances de nature salariale, et à compter de la décision qui les prononce pour les créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal courant sur une année entière produisant intérêt au taux légal,
ORDONNE à M. [E] [G] de remettre à Mme [U] [C] [S] une attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la présente décision,
DIT n’y avoir lieu à ordonner la remise d’un solde de tout compte et à astreinte,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE M. [E] [G] aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE