L’ordonnance sur requête est une alternative intéressante à la saisie-contrefaçon. Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’ordonnance sur requête en matière de contrefaçon ou concurrence déloyale
Dans cette affaire, la société FPPM International estime que la société Flash Diffusion copie les lignes des sacs de la marque Paul Marius. Ainsi, elle se prévaut d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme sur les sacs Suzon, Mademoiselle George et L’indispensable.
Le juge, saisi sur requête, doit rechercher si la mesure sollicitée exige une dérogation au principe de la contradiction. L’éviction de ce principe directeur du procès nécessite que la requérante justifie de manière concrète les motifs pour lesquels, dans le cas d’espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise.
La concurrence déloyale peut justifier de ne pas passer par une saisie-contrefaçon. En effet, l’action en concurrence déloyale pourrait se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif (Cour de cassation, 1re Civ., 7 Octobre 2020 – n° 19-11.258).
En l’espèce concernant, une hypothèse de contrefaçon de modèle de sac, la requête détaille les modèles en cause de la société FPPM International et les modèles Flora&co correspondant, avec leurs références précises (H6712 pour le sac Mademoiselle Georges, H2549 en regard du sac Suzon de la requérante) ; l’ordonnance peut viser la requête pour en adopter les motifs sans avoir besoin de les reprendre. Les photographies dans la requête participent également à circonscrire la mesure, s’agissant d’un constat.
La mesure était proportionnée en ce qu’elle visait les sacs argués d’imitation, décrits et comparés dans le corps de la requête, références comprises, s’agissant de l’inventaire des stocks et des factures. Seules les pièces comptables afférentes auxdits sacs étaient requises et non, par exemple, l’accès à l’ensemble des clients au-delà des sacs en question.
Enfin, l’atteinte au secret des affaires ne constitue pas un obstacle à l’application de l’article 145 du code de procédure civile et, donc, à la saisie de documents pouvant s’avérer utiles pour préserver le droit à la preuve de la société FFPM international.
Contrefaçon probable
A ce stade, avant tout procès, la comparaison visuelle dans les conclusions de l’intimé, comme dans sa requête, entre les sacs commercialisés par l’intimée et des modèles de la marque Flora&co et commercialisés par la société Flash diffusion est suffisante en ce qu’elle révèle des ressemblances certaines s’agissant de la forme du sac, des matériaux et coloris et l’organisation intérieure des modèles ; les modèles litigieux ayant été remis à la cour par ailleurs corroborent ces ressemblances. Il en résulte que l’existence d’un procès » en germe « , crédible est suffisamment établie, quand bien même, dans un débat de fond, cette comparaison ferait aussi apparaître quelques dissemblances.
La preuve à la charge du demandeur
La société FFPM international n’a pas à rapporter la preuve d’un préjudice déterminé notamment dans son quantum puisque la mesure vise précisément à améliorer sa situation probatoire.
En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, en outre, la chambre commerciale de la Cour de cassation retient qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale (Cass., Com., 12 Février 2020 – n° 17-31.614 citant Cass., Com., 22 octobre 1985, pourvoi n° 83-15.096, Bull. 1985, IV, n° 245 ; Cass., Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-14.442, Bull. IV, n° 105 ; Cass., 1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.582 ; Cass., Com., 28 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.272 ; Cass., Com., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.669).
La présomption qui en découle ne dispense cependant pas le demandeur de démontrer l’étendue de son préjudice. La réparation du dommage peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectées par ces actes.
Par ailleurs, au-delà du volume des ventes, les agissements parasitaires sont de nature à créer un risque de banalisation de la marque et une dilution de ces éléments identifiants. Dès lors, les seuls actes publics de commercialisation, ne suffiraient pas à établir toute l’étendue du préjudice subi.
Il en résulte que les mesures d’instruction à cette fin, visant à établir la réalité et l’ampleur de la commercialisation aux fins de démontrer l’étendue du préjudice, sont légitimes et pertinentes pour permettre d’apporter une telle preuve.
Rappel sur les mesures d’instruction
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’article 493 du même code dispose que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Les mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peuvent donc être ordonnées sur requête qu’à la condition, pour le requérant de justifier, d’une part, d’un motif légitime, d’autre part, de la nécessité de déroger au principe de la contradiction.
Le motif légitime
Il incombe au requérant à la mesure de justifier d’un » procès en germe » entre les parties, possible et non manifestement voué à l’échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée.
Le recours à une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne requiert pas de commencement de preuve, la mesure ayant précisément pour objet de rechercher et établir les preuves en vue d’un procès futur.
Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Flash diffusion, la société FPPM international n’a pas à rapporter, à ce stade de la procédure, la preuve des actes de concurrence déloyale suspectés et du préjudice en résultant, puisque la mesure a précisément pour objet d’améliorer sa situation probatoire.
Le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce (Cass. com., 9 mars 2010, n° 09-11.330 : JurisData n°2010-001565 ; Propr. intell. avr. 2010, p. 774, note J. Passa).
Néanmoins, l’action en concurrence déloyale est ouverte à celui qui ne dispose pas d’un droit de propriété privatif et a pour objet de voir sanctionner l’imitation d’un produit de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur.