13 juillet 2022
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/02317
N° RG 22/02317 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JD7W
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 13 JUILLET 2022
Nous, Sandrine BRANCHE, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Gaël HAZEVIS, Greffier placé ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’arrêté du PREFECTURE DU LOIRET en date du 22 octobre 2021 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [Y] [K] né le 18 Avril 1990 à SOKHUMI (GEORGIE) ;
Vu l’arrêté du PREFECTURE DU LOIRET en date du 05 juillet 2022 de placement en rétention administrative de Monsieur [Y] [K] ayant pris effet le 05 juillet 2022 à 14 heures 35 ;
Vu la requête de Monsieur [Y] [K] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du PREFECTURE DU LOIRET tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Monsieur [Y] [K] ;
Vu l’ordonnance rendue le 08 Juillet 2022 à 16 heures 24 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de Monsieur [Y] [K] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 07 juillet 2022 à 14 heures 35 jusqu’au 04 août 2022 à la même heure ;
Vu l’appel interjeté par Monsieur [Y] [K], parvenu par fax au greffe de la cour d’appel de Rouen le 11 juillet 2022 à 16 heures 19 ;
Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :
– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],
– à l’intéressé,
– au PREFECTURE DU LOIRET,
– à Me Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,
– à Madame [D] [C], interprète en géorgien ;
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;
Vu la demande de comparution présentée par Monsieur [Y] [K] ;
Vu l’avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en la présence de Madame [D] [C], interprète en géorgien, expert assermenté, en l’absence du ministère public ;
Vu la comparution de Monsieur [Y] [K] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;
Me Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;
Me Anaïs BAZiZ, avocat au barreau de PARIS, représentant du PREFET DU LOIRET étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
L’appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Le 04 juillet 2022, Monsieur [Y] [K] était interpellé par les services de police alors qu’il était suspecté d’avoir commis un vol. Placé en garde à vue, la procédure faisait l’objet d’un classement sans suite.
Le 05 juillet 2022, le préfet du Loiret a émis à l’encontre de Monsieur [Y] [K] un arrêté portant obligation de quitter le territoire national ainsi qu’un arrêté portant placement en centre de rétention administrative.
Le 08 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a rejeté la requête de Monsieur [Y] [K] et autorisé la prolongation de la rétention de Monsieur [Y] [K] jusqu’au 04 août 2022 à 14h35.
Par courriel en date du 11 juillet 2022 à 16h19, Monsieur [Y] [K] a interjé appel de la décision attaquée.
Reprenant oralement les termes de son appel, le conseil de Monsieur [Y] [K] sollicite l’infirmation de la décision attaquée en développant certains des moyens joints à la déclaration d’appel. Il soutient en premier lieu la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce que Monsieur [Y] [K] est le père d’un enfant âgé de 20 mois, pour lequel il contribue à son entretien et son éducation. Il dénonce également une violation de l’article 33 de la Convention de Genève en ce qu’il n’a pu se rendre au rendez-vous à la Préfecture le 06 juillet 2022 du fait de son placement en rétention. Il allègue un état de santé incompatible avec le maintien en rétention. Il dénonce l’avis tardif du procureur de la République alors même que les services de la préfecture ont été informés en amont. Il critique l’absence de présence physique de l’interprète lors des auditions, ayant rencontré des difficultés à comprendre la notification de ses droits. Enfin, il soutient l’absence de prise en compte de sa situation administrative, alors qu’il possède un passeport en cours de validité et qu’une assignation à résidence n’a pas été envisagée.
A l’audience, monsieur [Y] [K] insiste sur sa situation médicale, précisant souffrir de dépression et de douleurs. Il indique ne pas avoir les moyens de bénéficier d’un tel traitement en Géorgie. Il ajoute avoir vu sa fille il y a 1,5 mois ; que cette dernière vit à [Localité 3] et qu’il l’a rencontre au domicile de son ancienne compagne. Il ajoute avoir rencontré des problèmes de transport pour expliquer son non respect de l’obligation de pointage dans le cadre de la précédente assignation à résidence.
Le conseil de la préfecture du Loiret sollicite la confirmation de la décision attaquée. Il indique que les éléments relatifs à la situation familiale de l’intéressé relèvent de la compétence du tribunal administratif, étant souligné que les éléments soutenus par monsieur [Y] [K] ne sont corroborés par aucune pièce. Il rappelle que la précédente demande d’asile de l’intéressé a fait l’objet d’un rejet en 2018, estimant également que ce moyen relève du tribunal administratif. Il ajoute que l’état de santé de l’intéressé est compatible avec la mesure de rétention. Concernant l’assistance à interprète, il dénonce le fait que monsieur [Y] [K] a pu refuser de signer le procès-verbal mais a tout de même bénéficié de ses droits (assistance à avocat et médecin). Enfin, il s’en rapporte s’agissant du procès-verbal d’information à destination des services de la préfecture, antérieur à l’avis au procureur de la République.
Par réquisitions écrites en date du 12 juillet 2022, le ministère public sollicite la confirmation de la décision attaquée.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Monsieur [Y] [K] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 08 Juillet 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur le fond
– sur la régularité de la décision de placement en rétention :
Aux termes des dispositions de l’article 63 du code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire doit aviser par tout moyen et dès le début de la mesure le procureur de la République du placement d’un gardé à vue.
Il résulte des procès-verbaux établis par le commissariat de police de [Localité 1] que Monsieur [Y] [K] a été interpellé le 04 juillet 2022 à 17h15 à la porte d’entrée d’un supermarché. Le procès-verbal de notification de début de garde à vue différé a été établi à 17h50, l’avis à magistrat à 18h05 et la notification de l’ensemble des droits à 18h15.
Or, il apparaît qu’à 17h45, les services de la préfecture du Loiret ont été contactés par les services du commissariat, et plus précisément le pôle éloignement, s’agissant du placement en garde à vue de monsieur [Y] [K] du fait de son inscription sur le fichier des personnes recherchées.
Il s’ensuit que l’autorité judiciaire en charge du contrôle de la mesure de garde à vue a été prévenue postérieurement aux services de la préfecture, alors même que le cadre de la privation de liberté de l’intéressé était clairement identifié comme relevant du régime de la garde à vue.
Aucune circonstance insurmontable n’est établie en procédure tendant à démontrer les raisons d’un tel retard dans l’avis au procureur de la République, a fortiori dans un second temps par rapport aux services de la préfecture.
Ce retard dans l’avis au procureur de la République fait nécessairement grief à monsieur [Y] [K] et l’irrégularité relevée conduit à déclarer la procédure irrégulière, conduisant à la remise en liberté de l’intéressé, sans qu’il n’y ait lieu à l’examen des autres moyens soulevés.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l’appel interjeté par Monsieur [Y] [K] à l’encontre
de l’ordonnance rendue le 08 Juillet 2022 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 07 juillet 2022 ;
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Ordonne la remise en liberté immédiate de Monsieur [Y] [K] ;
Fait à Rouen, le 13 Juillet 2022 à 11 heures 40.
LE GREFFIER,LE CONSEILLER,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.