13 juillet 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00756
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
Minute 23/762
N° RG 23/00756 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PSL6
O R D O N N A N C E
L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 13 JUILLET à 10h30
Nous , M.DARIES, magistrat délégué par ordonnance du premier président en date du 28 JUIN 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Vu l’ordonnance rendue le 11 Juillet 2023 à 17 H 13 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la mise en liberté de :
[I] X SE DISANT [X]
né le 27/10/1986 à [Localité 2] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu l’appel formé le 11/07/2023 à 19 h 53 par télécopie, par Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulouse et la demande qui l’accompagne tendant à déclarer son recours suspensif;
Vu l’ordonnance rendue le 12 JUILLET 2023 à 11h35 déclarant suspensif le recours du Ministère Public;
A l’audience publique du 12 JUILLET 2023 à 15H00, assisté de P.GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier,, avons entendu:
M. REGNIER-PELLAT, Substitut général
[I] X SE DISANT [X]
assisté de Me Sylvain LASPALLES, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier
avec le concours de [H] [R], interprète en arabe assermenté;
En présence de Mme [N] représentant la PREFECTURE DE L’HERAULT;
avons rendu l’ordonnance suivante :
M. [I] [X], se disant de nationalité lybienne, a fait l’objet d’une interpellation le 09 juillet 2023 sur la commune de [Localité 3] dans le cadre d’un flagrant délit et a été placé en garde à vue pour des faits de recel de vol aggravé.
Etant en France en situation irrégulière, il a fait l’objet:
– d’un arrêté du Préfet de l’Hérault en date du 29 mars 2023, portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant un an, notifié le même jour à 11 H,
– d’un arrêté de placement en rétention administrative du Préfet de l’Hérault du 09 juillet 2023, notifié le même jour à 17H07.
Il a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 1] (31) en exécution de cette décision.
Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, le préfet de l’Héraut a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien en rétention de M. [X] pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 10 juillet 2023 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 13H 40.
M. [X] a pour sa part saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 10 juillet 2023 à 13 H 40 pour contester la régularité de la procédure et de l’arrêté en placement en rétention.
Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, déclaré la procédure irrégulière pour défaut de preuve d’habilitation du fonctionnaire de police à la consultation des fichiers contenant des données à caractère personnel, a rejeté la requête en prolongation de la rétention administrative et dit n’y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention de M. [K] [X] par ordonnance du 11 juillet 2023 à 17 H.
Le Ministère public a formé appel suspensif de la décision le 11 juillet 2023 à 19H53.
Par ordonnance du 12 juillet 2023 à 11H35, la cour d’appel a
DECLARE recevable l’appel formé par le procureur de la République et sa demande tendant à voir déclarer son recours suspensif ;
DONNE effet suspensif à l’appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse contre l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse le 11 juillet 2023,
RENVOYE l’examen de l’appel au fond à l’audience de la cour d’appel du 12 juillet 2023 à 15h15, en salle Duranti,
DIT que la notification de la présente ordonnance vaut convocation à comparaître au jour et heure indiqués,
A l’audience, au soutien de son appel, le Ministère public développe oralement ses réquisitions:
Au visa de l’article 15-5 du code procédure pénale, il rappelle que si la loi ne prescrit plus de mentionner expressément en procédure l’habilitation de l’agent ayant procédé à la consultation des fichiers, il est toujours exigé que les agents consultant les fichiers soient expressément habilités à le faire mais l’absence de cette mention n’emporte pas en elle-même, nullité de la procédure.
Le texte précise que la réalité de l’habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée.
Le ministère public sollicite la réformation de la décision au motif qu’il ne ressort pas de la procédure que le juge des libertés et de la détention a pris l’initiative de contrôler lui-même la réalité de l’existence de l’habilitation, ni que la personne intéressée a formé une demande de contrôle de la réalité de cette habilitation.
Le ministère public sollicite en outre le rejet des autres moyens soulevés par M.[X], considérant la procédure conforme et l’infirmation de l’ordonnance déférée.
Le conseil de M. [X] réplique que plusieurs personnes ont consulté plusieurs fichiers sans aucune mention d’une quelconque habilitation, que l’intéressé contestant l’absence d’habilitation qui cause nécessairement grief a soulevé en première instance cette exception de procédure, et que devant la cour d’appel, il n’est pas justifié de l’habilitation.
Ainsi il conclut à la confirmation de la décision de mise en liberté.
Sur les autres moyens, il invoque:
* les exceptions de nullité de la procédure antérieure au placement en rétention:
– un contrôle d’identité irrégulier au motif qu’il a été effectué par un APJ avec 2 gardiens de la paix avec des instructions générales et permanentes et L’OPJ a été avisé sur la fin,
– l’interprète a été appelé à 0H36, le formulaire a été remis avant appel de l’interprète,
– l’avis au procureur de la république est tardif,
– s’agissant de la garde à vue supplétive, il n’ y a pas notification des droits et l’avis en a été donné au tribunal judiciaire de Montpellier et non au Procureur,
Il y a détournement de la garde à vue qui est irrégulière car pas d’avis au Procureur de la république et continuité de la garde à vue pour l’entendre sur la situation administrative.
* S’agissant de la contestation de l’arrêté de placement en rétention, il invoque une insuffisance de motivation ne permettant pas au juge d’apprécier si l’administration a pris en compte l’ensemble des éléments pertinents de la situation de l’intéressé, de telle sorte que cette irrégularité de forme entraîne l’annulation de la procédure de placement en rétention administrative.
M. [X] a comparu et a été entendu en ses observations en présence de l’interprète,
Le préfet de l’HERAULT, régulièrement représenté à l’audience, a été entendu et a sollicité la prolongation de la rétention administrative de M. [X].
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur la procédure antérieure à la rétention administrative:
– Sur l’habilitation du fonctionnaire de police à la consultation des fichiers contenant des données à caractère personnel:
L’article 15-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 24 janvier 2023, dispose que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.
La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée.
L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.
En l’espèce, il n’est pas contesté, tel que le précise le juge des libertés et de la détention, que:
.le procès-verbal du 09 juillet 2023 ayant pour objet ‘interrogations fichiers’ mentionne comme rédacteur M. [O] [B], gardien de la paix, agent de police judiciaire, lequel indique avoir procédé aux interrogations des fichiers TAJ ( traitement des antécédents judiciaires), FNE ( fichier national des étrangers) et FPR ( fichier des personnes recherchées) concernant M. [X],
. Par second procès-verbal ayant pour objet ‘ annexe de rapports consultations décadactylaires’, le même rédacteur précise annexer ces dits rapports, portant la mention: ‘consultation réalisée par: 676842- [M] [Y]’, mais sans faire état ni de sa qualité ni d’une habilitation à cet effet.
Comme rappelé, s’il n’est plus prescrit de le faire figurer expressément en procédure, une habilitation est nécessaire que le juge puisse contrôler de lui-même ou à la demande de l’intéressé.
M. [X] a devant le premier juge contesté contradictoirement l’existence de la réalité de l’habilitation des personnes ayant consulté les divers fichiers sus-visés, ce qui s’apparente en une demande de contrôle pouvant être faite verbalement, la procédure étant orale.
La contestation élevée en première instance ne peut être écartée en cause d’appel où elle est réitérée.
Pour procéder à un contrôle, le juge doit disposer de moyens suffisants d’appréciation.
L’affirmation selon laquelle le simple fait de pouvoir consulter démontre l’existence d’une habilitation n’est pas suffisante pour établir que les agents consultants étaient spécialement et individuellement habilités à le faire, selon l’exigence légale.
La seule qualité d’APJ de M. [B], par ailleurs sans numéro de consultant porté sur le document de consultation des fichiers et le nom de M. [M], dont la qualité est inconnue, sont insuffisants pour permettre, à défaut de tout autre document produit par l’administration malgré la contestation élevée à cet effet, au juge de procéder à un contrôle effectif de la réalité d’une habilitation conforme, garantie de la protection des libertés individuelles.
Il y a eu une atteinte non justifiée aux droits de l’intéressé.
La procédure étant entachée d’une nullité d’ordre public, il n’y a pas lieu de statuer sur les autres moyens soulevés et la décision du premier juge ayant mis fin à la rétention sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Dit que la procédure est irrégulière,
Confirmons l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 11 juillet 2023,
Rappelons à M. [I] [X] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l’HERAULT, service des étrangers, à M. [I] [X] ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
P.GORDON M.DARIES.