A l’appui de ses prétentions, la société expose que les faits reprochés à sa salariée, hôtesse de caisse, ont été enregistrés par les caméras de vidéosurveillance présentes dans le magasin. Elle soutient respecter les règles légales et réglementaires relatives à l’installation d’un système de vidéosurveillance dans un lieu fréquenté par le public et qu’il a été dressé procès-verbal de ces images identifiant clairement la salariée comme étant l’auteur de plusieurs vols.
L’employeur a fourni tous les éléments permettant d’apprécier la régularité du système de vidéo-surveillance mis en place dans le magasin : autorisation préfectorale, information du comité d’entreprise, charte d’utilisation des moyens informatiques, déclaration à la CNIL’. Il est certain que les malversations opérées par la salariée n’ont pas été découvertes par l’utilisation d’un système de contrôle clandestin et déloyal.
De l’ensemble de ces éléments, il ressort que le licenciement de la salariée pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 19 NOVEMBRE 2021
ARRET N° 21/188
R.G : N° RG 20/00123 – N° Portalis DBWA-V-B7E-CE54
Du 19/11/2021
X
C/
S.A.S. CLUNYBAM
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT- DE-FRANCE, du 14 Mai 2020, enregistrée sous le n° F 17/00134
APPELANTE :
Madame Y Z X
[…]
[…]
97200 FORT-DE-FRANCE
Représentée par Me Christian MASSOUF, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEE :
S.A.S. CLUNYBAM
[…]
Plateau Roy
[…]
Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 septembre 2021, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
— Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
— Madame Anne FOUSSE, Conseillère
— Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame A-B C,
DEBATS : A l’audience publique du 10 septembre 2021,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 19 novembre 2021
par mise à disposition au greffe de la
cour.
ARRET : Contradictoire
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EXPOSE DU LITIGE :
Mme Y Z X a été embauchée en contrat à durée indéterminée par la société CORA MARTINIQUE, le 2 novembre 1994. Par avenant du 11 janvier 2007, elle a été promue au poste d’assistante manager de rayon service caisse.
En septembre 2011, la SAS CLUNY BAM à l’enseigne Carrefour a repris le magasin exploité par la société CORA MARTINIQUE.
Par avenant du 8 février 2016, Mme X a été nommée manager de caisse avec le statut de cadre pour un salaire annuel de 32 555 euros brut.
La SAS CLUNY BAM a mis en ‘uvre une procédure de licenciement de sa salariée, lui reprochant des détournements d’espèces.
Le 7 juin 2016, elle a convoqué Mme X a un entretien préalable fixé au 17 juin 2016.
Une mise à pied à titre conservatoire a été prononcée.
Par courrier recommandé du 24 juin 2016, la SAS CLUNY BAM a notifié à sa salariée son licenciement pour faute grave en ces termes :
« Nous vous reprochons le détournement à votre profit de sommes d’argent appartenant à l’entreprise, en utilisant votre badge de manager de caisse afin d’annuler des tickets de caisse, alors que vous étiez en caisse. Ces manipulations ont été effectuées à plus de cinq reprises entre le 14 mai et le 23 mai dernier. Au total, ces annulations de tickets suivies de la subtilisation des sommes en espèces, représentant un montant total de 368 € sur la période.
Plus précisément, le 15 mai 2016 à 12h12, lors du passage en caisse des clients, vous annulez le ticket cinq d’un montant de 52,79 €, alors que le client part bien avec ses achats. Vous conservez ce ticket devant vous et après avoir vérifié le montant, vous le jetez dans la poubelle. Vous récupérez ensuite les espèces correspondant à ce ticket que vous dissimulez dans votre main gauche. Vous faites ensuite des achats personnels que vous payez avec les espèces dissimulées jusque-là dans votre main gauche.
Le 17 mai 2016 à 12h07, vous annulez le ticket 109 d’un montant de 61,17 € et conservez le
ticket d’annulation devant vous. Quelques minutes plus tard, vous récupérez et dissimulez dans votre main les espèces correspondant à ce ticket émise préalablement de côté; espèces que vous mettez ensuite dans la poche gauche de votre veste.
Lors de l’entretien préalable du 17 juin dernier, vous avez reconnu :
‘ l’existence des procédures de caisse qui impose notamment que les tickets annulés soient conservés dans une boîte située dans la salle de comptage.
‘ Qu’en tant que manager de caisse, il vous arrive de prendre de l’argent dans la caisse pour faire l’apport de monnaie.
Vous ne fournissez par contre aucune explication sur le fait d’annuler un ticket de caisse tout en laissant partir le client avec sa marchandise et en mettant de côté les espèces correspondant au paiement, ni sur le fait de jeter un ticket d’annulation dans la poubelle, ni sur le fait de payer des achats personnels avec ses espèces que vous aviez conservées dans votre main.
Ces faits, qui cause un préjudice à l’entreprise, sont d’autant plus graves qu’ils émanent d’une cadre de l’entreprise, chef de caisse, dont nous sommes en droit d’attendre un comportement particulièrement exemplaire et responsable, compte tenu des fonctions exercées.
Par conséquent nous vous notifions ce jour votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de rupture, qui prend effet à la date d’envoi du présent courrier.
Les jours de mise à pied ne seront donc pas rémunérés».
La société a adressé à la salariée ses documents de fin de contrat.
Par requête du 31 mars 2017, Mme Y X a saisi le conseil des prud’hommes de Fort de France pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de son employeur à lui verser les indemnités et dommages et intérêts en conséquence.
Par jugement contradictoire du 14 mai 2020, le conseil des prud’hommes a :
• dit la demande de Mme X recevable,
• dit le licenciement fondé,
• condamné Mme X à payer à la SAS CLUNY BAM la somme de 300,00 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
• condamné Mme X aux entiers dépens.
Par déclaration déposé au greffe le 6 juillet 2020 et enregistrée le 7 juillet 2020, Mme X a relevé appel du jugement.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 5 octobre 2020, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
• condamner l’employeur à lui verser :
la somme de 1 460,76 euros, au titre de la période de mise à pied,
♦
celle de 29 215,30 euros, au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
♦
une même somme au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,
♦
la somme de 8 764,59 euros, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
♦
celle de 23 372,24 euros, au titre de l’indemnité de licenciement conventionnelle,
♦
celle de 3 000,00 euros sur le fondement de l’aerticle 700 du code de procédure civile,
♦
• condamner la SAS CLUNY BAM aux dépens.
Au soutien de ses demandes, Mme X expose que si la jurisprudence considère que le licenciement pour faute grave suite à des vols est justifié dès lors que les faits ne constituent pas un acte isolé, son employeur se contente de préciser deux faits de détournements d’espèces. Elle souligne que le conseil des prud’hommes a retenu trois faits. Elle indique donc qu’elle ne connaît pas avec exactitude les griefs qui lui sont reprochés. Elle ajoute que la SAS CLUNY BAM ne fait pas état des éléments de preuve sur lesquels s’appuie sa décision dans la lettre de licenciement et qu’en particulier elle n’a pas eu accès aux vidéos. Elle insiste sur le fait que seul un constat d’huissier de justice qui n’a valeur que de simple attestation est produit et que les enregistrements vidéo ne sont pas valides. Elle affirme encore que l’employeur ne peut mettre en ‘uvre un dispositif de contrôle qui n’a pas fait l’objet, avant son introduction, d’une information et d’une consultation du comité d’entreprise et d’une information individuelle des salariés. Elle remet également en cause le comportement qu’on lui reproche et conteste la qualification de vol. Elle rappelle enfin la jurisprudence en matière de faute grave suite à des vols.
Par conclusions remises au greffe le 29 décembre 2020, la SAS CLUNY BAM demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner Mme X à lui verser la somme de 2 500,00 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, elle expose que les faits reprochés à Mme X ont été enregistrés par les caméras de vidéosurveillance présentes dans le magasin. Elle soutient respecter les règles légales et réglementaires relatives à l’installation d’un système de vidéosurveillance dans un lieu fréquenté par le public et qu’il a été dressé procès-verbal de ces images identifiant clairement Mme X comme étant l’auteur de plusieurs vols.
Elle souligne encore que Mme X, responsable de caisse, disposait d’un badge lui permettant d’annuler les opérations de caisse en cas d’erreur ou si un client renonçait à un achat. Elle mentionne que les vols commis par sa salariée sont patents. Elle indique qu’il ne s’agit pas d’un fait isolé. Elle affirme que ces actes sont contraires à l’obligation de loyauté du salarié envers son employeur. Elle défend la valeur probatoire du constat d’huissier de justice dressant procès-verbal des images de la vidéosurveillance. Elle souligne la particulière mauvaise foi de l’appelante.
Elle critique les jurisprudences sur lesquelles Mme X se fonde comme étant des cas d’espèces différents de la situation présente. Elle énonce qu’elle a parfaitement exposé à sa salariée les griefs reprochés mais qu’elle n’était pas tenue de communiquer à Mme X les éléments sur lesquels elle s’appuie. Elle affirme que la lettre de licenciement énonce bien des griefs précis et matériellement vérifiables rendant le licenciement pour faute grave parfaitement justifié.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2021, fixant la clôture au 19 février 2021.
MOTIFS DE L’ARRET :
Selon les dispositions de l’article 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon les termes de l’article L 1235-1 alinea 3 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur au regard des éléments fournis par les parties et après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime nécessaire.
Aux termes de la lettre de licenciement notifiée à Mme X le 24 juin 2016 (voir sa reprise complète dans l’exposé du litige), laquelle fixe les limites du litige, le motif du licenciement invoqué par l’employeur est le détournement de sommes d’argent appartenant à l’entreprise par l’utilisation du badge de manager de caisse.
Dans cette lettre, la SAS CLUNYBAM reproche à sa salariée des détournements effectués à plus de cinq reprises entre le 14 mai et le 23 mai 2016 et donne deux exemples précis.
Dans le cadre des débats, l’employeur produit un constat d’huissier de justice du 29 janvier 2018 d’exploitation des videos du système de video-surveillance mis en place dans le magasin. L’huissier de justice a ainsi pu décrire les manipulations effectuées par Mme X, officiant en qualité d’hôtesse de caisse, à quatre reprises, les 15 mai, 17 mai et 23 mai 2016, à cette dernière date à 12h13 et à 17h16.
Des éléments fournis par l’employeur, la cour a pu se convaincre de la véracité des détournements d’espèces effectués par Mme X, en dépit des allégations contraire de cette dernière. Le motif du licenciement est dès lors précis et vérifiable, présentant un caractère d’objectivité et d’exactitude.
Ce motif est ensuite de nature à caractériser une cause sérieuse de licenciement. Mme X a renouvelé ses agissements frauduleux à plusieurs reprises au cours d’une période de temps réduite alors qu’elle occupait un poste d’encadrement et détenait, du fait de ses fonctions de manager de caisse, un badge qui lui a permis de commettre les vols, par l’annulation de tickets de caisse en dépit du paiement du client qu’elle a conservé par devers elle. La légitime perte de confiance de son employeur, qui repose sur des faits objectifs, rend dès lors impossible, sans dommage pour l’entreprise, la continuation du travail et rend nécessaire le licenciement.
De plus, et en réponse au moyen allégué par Mme X sur l’invalidité des enregistrements vidéo et son absence d’information, la SAS CLUNYBAM fournit tous les éléments permettant d’apprécier la régularité du système de vidéo-surveillance mis en place dans le magasin : autorisation préfectorale, information du comité d’entreprise, charte d’utilisation des moyens informatiques, déclaration à la CNIL’. Il est certain que les malversations opérées par la salariée n’ont pas été découvertes par l’utilisation d’un système de contrôle clandestin et déloyal.
De l’ensemble de ces éléments, il ressort que le licenciement de Mme X pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance est donc confirmé en toutes ses dispositions.
Mme X est condamnée aux dépens et à verser à la SAS CLUNYBAM la somme de 1 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme Y Z X aux entiers dépens,
Condamne Mme Y Z X à verser à la SAS CLUNYBAM la somme de 1 500 ,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, et Mme A-B C, Greffier
LE GREFFIER, LE PRESIDENT