Il n’existe pas de droit de s’opposer à l’installation d’un compteur Linky. Des consommateurs qui refusaient de se voir imposer l’installation de ce nouveau compteur en raison notamment du RGDP et de l’exposition qu’ils jugeaient dangereuse aux rayonnements résultant des signaux CPL, ont poursuivi sans succès Enedis.
Le fait qu’aucun texte pénal ne sanctionne le refus d’un consommateur de se voir imposer l’installation du compteur Linky ne démontre pas en soi l’existence ‘d’un droit au refus’, ni même la primauté d’un tel refus face aux prérogatives de la société ENEDIS dans le cadre de sa mission de service public.
La pose imposée au consommateur du compteur Linky ne peut ainsi caractériser avec l’évidence requise en référé un trouble manifestement illicite dès lors qu’elle résulte de l’exercice par la société ENEDIS de ses prérogatives de gestionnaire du réseau public d’électricité et s’inscrit dans un cadre législatif et réglementaire contraignant pour elle.
Fonctionnalités et spécifications du compteur Linky
Les fonctionnalités et spécifications du compteur Linky ont été définies par l’arrêté ministériel du 4 janvier 2012 pris par le ministre chargé de l’énergie en application de l’article 4 du décret n°2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux public d’électricité, notamment la mesure et l’enregistrement de la courbe en puissance active, en soutirage (selon trois pas de temps : horaire, demi-horaire et dix minutes), la faculté d’effectuer certains réglages à distance, son ‘interopérabilité’ et son interface locale de communication électronique.
Son déploiement a fait suite à une expérimentation lancée en 2010 qui s’est achevée en mars 2011 et dont les résultats ont été validés par la Commission de Régulation de l’Energie (la CRE), qui est une autorité administrative indépendante, en sa délibération du 7 juillet 2011.
Le fait que les textes européens et nationaux qui ont décidé du déploiement d »un compteur électrique intelligent’ n’imposent pas l’emploi du CPL ou certaines caractéristiques que présenterait le compteur Linky, ne suffit pas en soi à retenir que la société ENEDIS aurait violé la réglementation en choisissant ce dispositif dès lors qu’il offre les services définis par ces textes et respecte par ailleurs l’ensemble des normes en vigueur sur le territoire.
Absence de droit de refus
Aux termes de l’article L. 322-8 7° du code de l’énergie, la société ENEDIS est notamment chargée en sa qualité de gestionnaire du réseau public d’électricité ‘d’exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau, en particulier la fourniture, la pose, le contrôle métrologique, l’entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage et d’assurer la gestion des données et toutes missions afférentes à l’ensemble de ces activités’.
Le développement de compteurs électriques ‘intelligents’ a été rendu obligatoire par la directive n°2009/72 du 13 juillet 2009 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, cette obligation étant transposée en droit interne par l’article L. 341-4 du code de l’énergie qui charge les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité de notamment :
— mettre en oeuvre ‘des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée.’
— mettre à la disposition des consommateurs dans le cadre du déploiement de ces dispositifs ‘leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales’.
L’article R. 341-4 du code de l’énergie précise également que pour l’application des dispositions de l’article L. 341-4 et en vue d’une meilleure utilisation des réseaux publics d’électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en oeuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d’accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients.
Les dispositifs de comptage doivent comporter un traitement des données enregistrées permettant leur mise à disposition au moins quotidienne.
L’arrêté ministériel du 4 janvier 2012, se référant notamment aux délibérations de la CRE de juillet et novembre 2011 et à l’avis du conseil supérieur de l’énergie du 18 octobre 2011 a en outre défini les fonctionnalités rappelées plus haut que devait présenter ce dispositif de comptage.
Obligation d’installation d’Enedis
Ainsi la société ENEDIS, en tant que gestionnaire du réseau public d’électricité, a l’obligation d’installer des équipements de comptage conformes à ces prescriptions et d’en assurer le déploiement selon le calendrier défini par l’article R. 341-8 du même code.
A ce titre, l’article L. 341-4-1 du code de l’Energie prévoit la possibilité pour l’autorité administrative de sanctionner sous forme pécuniaire les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité qui ne respecteraient pas l’obligation prévue à l’article L. 341-4.
Aucun de ces textes ne prévoit en outre d’associer le consommateur au choix du dispositif de comptage devant remplacer son ancien compteur, le seul droit qui est reconnu au consommateur étant celui de choisir son fournisseur d’énergie.
Évolutions futures de Linky
En son état actuel, le compteur Linky n’offre pas par le biais de la mesure de la courbe de charge globale la fonctionnalité intrusive dénoncée par les consommateurs (détection et analyse de la consommation de chaque appareil utilisé par le consommateur).
A supposer même que l’objectif de la société ENEDIS soit dans un horizon non précisé à ce jour de faire évoluer les fonctionnalités du compteur Linky pour, comme évoqué par la CRE dans sa délibération du 2 juillet 2014, ‘permettre le pilotage des équipements des consommateurs et contribuer à la limitation de leur consommation pendant les périodes où la consommation est la plus élevée’ et encore aider les consommateurs ‘ à maîtriser leurs dépenses par la transmission d’informations plus précises et enrichies sur leur consommation réelle’, il n’est nullement établi qu’à ce jour, ces fonctions soient présentes et encore moins actives. Aucun trouble tiré d’un défaut d’information du consommateur ne peut résulter de l’éventualité d’une telle fonction, au demeurant, non vérifiable en l’état actuel.
Respect du RGDP
L’article 5.1 (a) du Règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 dit Règlement général sur la protection des données entré en vigueur le 25 mai 2018, dispose que les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée.
Les dispositions législatives et réglementaires du code de l’énergie et plus précisément les articles L. 111-73 et D. 341-19, définissent précisément les données collectées grâce au compteur Linky qui ne concernent que ‘les données de consommation’, à savoir, les index journaliers et mensuels, la consommation quotidienne, mensuelle et annuelle, la puissance maximale soutirée quotidiennement, la courbe de charge d’électricité, elle-même définie à l’article D.341-21 du même code comme étant ‘une série de valeurs moyennes de puissance électrique soutirée par le consommateur, mesurée à une fréquence de temps donnée’.
Aussi, il n’est nullement démontré que la société ENEDIS soit en mesure d’identifier selon les critères définis par l’article 4.1 du RGPD les autres occupants du logement en dehors de l’abonné au contrat de fourniture d’électricité, à partir de ces données et des éléments contractuels à sa disposition.
Dès lors, il n’est pas établi avec évidence qu’en dehors du consentement de l’abonné au contrat de fourniture d’énergie, celui des éventuels occupants du logement serait également exigible pour la transmission des données de consommation. De même, la preuve d’aucune violation du principe de transparence n’était rapportée.